Paris, Ve arrondissement, Bibliothèque Sainte-Geneviève — 14 h 38
— Une dernière question, Madame Blanche, vous avez mentionné les randonnées fréquentes de Pio Luca, indispensables selon vous à son processus créatif, mais y a-t-il une activité qu’il partage avec quelqu’un d’autre que vous ?
Héloïse garda le silence un temps. La question était déloyale, elle ne touchait ni à l’écriture ni aux inspirations des différentes œuvres de Pio, seulement à son caractère. Pire, elle le rangeait d’emblée dans la case des écrivains asociaux. Elle regarda autour, s’assurant que des oreilles indiscrètes ne les écoutaient pas, et prit le temps de la réflexion. Par un silence, elle donnerait un peu plus de grain à moudre à tous ses détracteurs. Sa réponse devait prendre le journaliste à son propre jeu.
— Eh bien, il partage sa passion de l’écriture avec des milliers de lecteurs, c’est déjà énorme. Mais si votre question concerne sa vie en dehors de l’écriture, il est devenu père, vous savez, c’est à la fois un bouleversement dans son quotidien et une incroyable source de vie.
— Oh, conclut Bleugars, je l’ignorais. Félicitations. Je… Je crois qu’on a terminé, merci de m’avoir accordé ce temps.
Héloïse gratifia le journaliste d’un sourire convenu et retourna dans la mêlée se réfugier auprès de Vasseur. Elle avait sauvé les apparences, évité les questions sur les origines italiennes de Pio mais savait que la légitimité de son livre à ce prix ne tenait qu’à un fil. Avant qu’elle ait pu s’échapper, quelqu’un la retint par le bras.
— Ôte-moi d’un doute, Héloïse…
— Matthias, soupira-t-elle.
— Je n’ai pas le souvenir de t’avoir vue enceinte cet été. Ni même aux derniers salons du livre. Décidément, Luca n’est pas le seul à avoir un talent pour les illusions.
Dans sa main, son téléphone s’alluma. Matthias ne lui laissa pas le temps de décrocher, arracha le mobile de ses mains et observa le fond d’écran.
— Tu est très forte, l’illusion est parfaite, dis donc, mais avoues que c’est des conneries tout ça.
— Rends-moi mon téléphone.
— D’abord, tu expliques. Ensuite, je te le rends. Et sois honnête, s’il te plait.
— Ma vie privée ne te regarde pas !
Héloïse ne voulait pas céder pas au chantage mais elle n’irait pas jusqu’à l’esclandre ; Matthias avait le champ libre pour continuer son manège. Au moment où il posait à nouveau la question, un grésillement aigu résonna dans la salle. Surpris, le fils Rosenberg porta sa main de libre à son oreille. Héloïse en profita pour reprendre son téléphone et disparaître.
Sur l’estrade, un homme s’était invité derrière le micro. Il se présenta dans un monologue pompeux : Paul Legrand, lauréat de la précédente édition des Feuilles d’Automne, président de l’actuelle. Héloïse retrouva Vasseur et consulta l’écran à nouveau allumé. Elle avait reçu quatre appels. Les trois premiers étaient de Leila, le dernier de Sofia Castel. Elle porta une main à sa bouche, soudainement inquiète.
— Héloïse, lui souffla l’éditeur, ils vont annoncer le gagnant, tu… Tout va bien ?
Non, ça n’allait pas. L’éducatrice venait de lui laisser un message. Sa main tremblait, elle avait un mauvais pressentiment.
— J’en… J’en ai pour une seconde, bredouilla-t-elle.
Lorsqu’elle écouta le message, ce qu’elle entendit lui glaça le sang.
« Madame Blanche, c’est Sofia Castel de l’ASE. Je vous contacte pour vous signaler que votre baby-sitter a retrouvé Noam seul dans votre maison. Elle a dit ne pas réussir à vous joindre. Il s’agit d’un incident grave, j’ai prévenu ma hiérarchie. Rappelez-moi dès que vous aurez ce message. »
Quelque chose me surprend dans ce passage : Héloïse a 4 appels en absence sur son téléphone. Pourquoi ne les a-t-elle pas entendus ? Ou alors son téléphone était en mode silencieux ? Mais pourtant elle devait avoir hâte de recevoir des nouvelles de la baby-sitter ?
Je trouve surprenant aussi que la baby-sitter ait appelé l'ASE, même si elle n'arrivait pas à joindre Héloïse. D'autant que la durée pendant laquelle elle n'a pas réussi à la joindre ne doit pas être si longue (le temps d'une interview avec le journaliste).
J'ai hâte de lire la suite de ce texte !