Chapitre 1

Un grand ciel bleu. Ce fut la première chose que je vis quand je me réveillais. Ce qui me provoqua un tel choc que je me dressai sur mon séant, paniquée. La dernière fois que j'avais fermé les yeux, je fixai le plafond blanc, une forte odeur d'antiseptiques dans les narines et un froid intense me prenant lentement avec le bip des machines. Et là, je voyais le ciel azur dépourvu de nuages avec l'odeur de l'herbe et des fleurs, le chant des oiseaux et j'avais même un peu chaud. 

Où étais je ? Machinalement, je portais la main à mon crâne et je me figeai en sentant des cheveux sous mes doigts et longs qui plus est. Le cœur battant, je pris une mèche et la ramena devant moi. Des cheveux bruns m'arrivant environ au milieu du dos. Je devais être en train de rêver, ce n'était pas possible autrement. Je devais dormir et rêver à ce que j'étais avant la maladie. Cependant, il y avait quelque chose de bizarre. 

Je palpais mon corps. Il ressemblait beaucoup à celui que j'avais avant mais il y avait des différences. Une cicatrice au bras gauche que je n'avais pas, un corps plus tonique, des mains plus larges et des doigts plus grands et épais et des piercings aux oreilles alors que je n'en portais pas. C'était tellement étrange. Irréel même. En passant la main sur ma cuisse droite, je sentis une masse sur le côté externe. En baissant les yeux, je vis que je portais un pantalon bleu marine et assez large. La poche droite était déformée, signe qu'elle était remplie. Je glissais la main à l'intérieur et en sortais une bourse brune assez flasque. Curieuse, je l'ouvrit. Il y avait quelques pièces oranges d'une monnaie que je ne connaissais pas et une petite carte rectangulaire, lisse et un peu brillante. Je la pris entre mes mains.

La première chose que je vis, ce fut une photo représentant une jeune femme me ressemblant beaucoup mais ce n'était pas moi. Le nez était plus fin, les pommettes plus hautes et moins creusées et le front moins grand. Un bandeau jaune retenait sa chevelure couleur châtaigne en arrière à l'exception de quelques mèches courtes qui lui retombaient sur le front et d'autres un peu plus longues qui encadraient son visage fin et jeune tandis que ses yeux verts fixaient l'objectif. Elle avait l'air d'avoir dans le début de la vingtaine voir peut-être un peu moins mais elle semblait être une adulte. D'autres informations étaient également présentes. Manifestement, c'était une carte d'identité.

Rivière Cyane, vingt-deux ans, 1m67, corpulence moyenne, née le 30 février 804. Une seconde... le combien de quelle année ? Je relu trois fois la date de naissance pensant avoir mal lu et ne croyant pas à une date pareille. Mais c'était bien le 30 février 804 marqué sur cette carte. Je secouais la tête, désabusée. Février n'a jamais eu trente jours et 804 c'était l'Antiquité ! Confuse, je fixais la photo de cette fille me ressemblant tellement essayant de trouver une hypothèse logique à cette situation mais à part un rêve où mon imagination à créer une sorte d'univers fantastique, je n'en trouvais pas d'autres. Me raccrochant à cette idée, je me relevais, bien décidée à explorer mon nouvel environnement.

L'endroit où je me suis réveillée ressemblait à une sorte de clairière au vu des arbres qui entouraient le lieu. La température était plutôt douce et il y avait énormément de fleurs multicolores qui tapissaient l'herbe. On dirait que c'était le printemps. Encore une incohérence vu que l'on était au mois d'octobre. 

En pivotant sur moi-même, je vis des rochers et une petite mare sur ma droite et un grand arbre aux feuilles roses sur ma gauche. Intriguée, je m'approchais de l'arbre. Je n'avais jamais vu un arbre pareil. Son tronc était d'un blanc immaculé et ses feuilles étaient rose pastel avec des veinures plus foncées. Le tronc avait quelques entailles d'où une sève bleuâtre en sortait. Il était vraiment étrange mais beau en même temps. Une odeur sucrée et douce qui était loin d'être désagréable. Un mouvement capta mon attention. 

Je vis alors un grand papillon posé sur le tronc. Il était aussi grand que mes mains côte à côte. Son corps était blanc cassé, ses ailes noires avec un motif rouge sombre ressemblant à s'y méprendre à un crâne. Soudain, il sembla remarquer ma présence et s'envola. Mais plutôt que de fuir, il se rapprocha, voleta autour de moi et se posa sur mon bras. C'était plutôt mignon mais je sentis une douleur sourde comme une piqûre à l'endroit où il s'était posé. Je poussais un petit cri avant de chasser le papillon d'un revers de la main, l'expédiant au sol. En regardant mon bras, je vis une petite perforation d'où quelques gouttes de sang sortaient. Un papillon qui suçait le sang ? Mais dans quel monde j'avais atterri ? 

Ce qui m'avait paru être une forêt était en vérité plus un bois vu qu'une demi-heure plus tard, j'étais à l'orée de celui-ci. Un petit chemin de terre était manifestement le seul moyen de se rendre dans ce bois. Je remontais donc ce chemin entouré d'herbes et de fleurs sauvages. Si je me fiais à mon environnement immédiat, je devais être à la campagne ou dans un coin montagnard. 

Je ne sais combien de temps je marchais mais je fini par arriver à une ville, une brise légère m'apporta une odeur iodée. La mer ? J'étais donc sur le littoral et non dans les terres comme je le croyais. Cela faisait longtemps que je n'étais pas allée au bord de mer. Comme je n'avais aucune destination précise, je décidais de me rendre sur la plage. Après tout, je pouvais bien me poser devant l'océan quelques instants le temps de réfléchir à tout ce qui se passait. 

***

La ville portuaire était plutôt jolie avec ses murs de pierre avec des reflets irisés. Il y avait des commerces normaux comme une épicerie ou une poissonnerie mais je fus confuse en lisant Grimoirie ou encore Échoppe de Potions. Encore Astrologie, ça ne m'étonnait pas mais une boutique vendant des potions ou des grimoires, cela m'étonnait davantage. C'était comme si j'étais dans un monde magique. Décidément, mon cerveau avait conçu un bien drôle d'univers. Mais pourquoi pas ? En regardant autour de moi, je remarquai que les tenues portées par les gens étaient très semblables à ce que l'on pouvait trouver dans la réalité. Des jeans, des robes légères avec divers motifs et coloris ou encore des baskets. 

J'imaginais davantage une ambiance médiévale pour un monde de fantasy mais c'était plus une ambiance portuaire lambda. À part quelques étranges magasins, je me serais crue dans une ville au bord de mer de chez moi. 

Après quelques tribulations dans diverses rues, je fini par arriver au port. Des dockers déchargeaient des bateaux. Navires dont l'allure générale ressemblaient davantage aux voiliers au dix-septième siècle qu'aux bateaux de mon époque avec leurs mâts imposants et leurs voiles. Sauf qu'ils n'étaient pas faits de bois mais d'acier. C'était majoritairement des trois mâts imposants dont les cales étaient remplies de conteneurs colorés portés par des hommes jusque dans des sortes de gros wagons de fer. 

Des hommes ? Non, pas exactement. En regardant certains de plus près, je vis qu'ils avaient des attributs animals comme des cornes, des sabots, des griffes ou une queue. Je clignais plusieurs fois des yeux, choquée. D'accord, c'était vraiment incroyable. Je restais immobile, dévisageant les dockers durant un moment avant de finalement me ressaisir. J'étais dans un univers entièrement conçu par mon cerveau, donc c'était normal de voir des choses étranges. Par contre, quand j'allais me réveiller, le retour à la réalité allait être brutal. 

Je partis du port et je me remis à déambuler dans les rues. Au bout d'un certain temps, je debouchais sur un chemin menant à une plage. Je descendis un escalier de pierre pour m'y rendre. Il y avait une couche de sable profonde car je m'y enfonçait jusqu'aux chevilles. Je m'installais sur un rocher face à l'étendue bleue-verte dont les vagues chargées d'écume venaient s'écraser sur le rivage.

Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais bien. Je n'étais plus malade et mon corps était en bonne santé et vigoureux. Bien loin de l'apparence pâle et décharnée que j'avais dans le monde réel.

Mais pour l'heure, je devais trouver où j'étais. Remuant le sable avec le bout de ma chaussure, je ressemblais les informations que j'avais pour le moment. J'étais vraisemblablement dans un monde fantastique avec d'autres êtres que des humains dans une ville portuaire. Et c'était tout. En tout cas, l'alphabet était le même et la langue potentiellement semblable également au vu de la carte d'identité de cette Cyane. D'ailleurs, c'était qui cette jeune femme ? De ce que j'avais pu constater, elle avait l'air d'être une voyageuse mais étrangement, elle n'avait aucun sac ou objet personnel à part sa bourse. Ou alors c'était une fille du coin qui était partit se promener. Difficile à dire. 

Mais de toute façon, je devais trouver d'autres informations avant de prendre une décision. Et je ne pouvais pas aller trouver quelqu'un pour obtenir certaines explications sans passer pour une illuminée. Je devais trouver un autre moyen de me renseigner. Voyons... quel était le meilleur moyen d'obtenir des informations ? Internet. Mais est-ce que ça existait ici ? Je n'avais pas vu un seul appareil électronique ni même électrique donc je doutais de cette possibilité. Il me fallait un autre plan. Quelle autre possibilité j'avais ? Les livres étaient aussi une bonne option. Si je trouvais une bibliothèque ou une librairie, peut-être que j'obtiendrais quelques infos qui pourraient m'aider. 

Forte de cette idée , je me levai et remontait les escaliers pour me retrouver en ville. Je me mit en quête d'une bibliothèque que je fini par trouver après quelques minutes de marche. Je fus saluée par une femme entre deux âges aux cheveux grisonnant et avec une paire de lunettes. Je lui adressait un salut poli et je me mit à la recherche de livres qui pourraient m'intéresser. 

Cela me prit un peu de temps mais je fini par dénicher un petit livre d'une dizaines de pages dans ce qui semblait être un rayon pour enfants. Le mot Thalassea était marqué dessus. Je l'ouvrit et je commençai à lire. 

Thalassea était manifestement le nom du monde dans lequel j'étais. C'était un monde composé à plus de quatre vingt pour cent d'océans et le reste était soit des îles ou des archipels. Une double pages représentaient les différents moyens de paiements. Il y avait des pièces mais aussi des coquillages et des perles. Sinon, il n'y avait pas beaucoup d'informations. Il était mention de la navigation et de navires majoritairement. 

Je sortis alors la bourse et je comparais les pièces qu'elle contenait avec celles de la double pages. Celles que j'avais étaient oranges et elles avaient peu de valeurs. Il y avait également une perle rosée dans le fond mais assez petite. Je n'irai pas bien loin avec aussi peu de moyens financiers. 

Reposant le livre à sa place, je me mis en quête d'un atlas que j'ouvris mais je ne parvenais pas à me situer. Il y avait énormément de mers et d'océans avec divers noms. De déduction logique, le bateau était certainement le moyen de transport de prédilection. 

Soupirant, je refermais l'épais volume. Il allais falloir que j'expérimente par moi-même et que je parte à l'aventure pour en savoir plus. Ce qui n'était pas pour me déplaire même si je ne savais pas comment m'y prendre. La seule chose que je savais c'était que je devais m'embarquer sur un navire.