Il n’est pas si loin le temps où j’étais un ado comme les autres. Ca fait quoi ? Un an, deux ans tout au plus, comment savoir ? Les calendriers se font rares de nos jours. J’avais une vie des plus banale: école, sport, amis, filles. Une vie ESAF comme on s’amusait à le dire avec Mathis, mon meilleur ami.
Je voyais bien passer les nouvelles d’un tsunami par-ci d’un incendie par-là mais j’avoue que ça me passait au dessus. Évidemment, au lycée on nous sensibilisait à la préservation de l’environnement parce qu’à l’époque tous ces phénomènes ne pouvaient être dus qu’à notre inconscience. Maintenant nous savons que ça n’était pas ça…Enfin, pas que. En même temps, comment aurions-nous pu imaginer ?
Je me rappelle voir des images de tremblements de terre ou de tempêtes tropicales à répétition dans certaines régions du globe et d’entendre les témoignages de victimes ne trouvant plus leurs enfants. Vu les circonstances c’était triste, mais pas étrange.
Puis, peu à peu, il y a eu une augmentation des alertes enlèvements de jeunes enfants, à tel point que cela devenait presque banal. Les réseaux sociaux regorgeaient de demandes d’aide de familles désespérées et la population commençait à avoir peur. Dans mon lycée, on nous avait même fait une réunion pour nous inciter à bien surveiller nos frères et sœurs. À l’époque, ça nous avait fait rire.
Le frère de Mathis, jeune étudiant en fac, aimait bien nous raconter des histoires d’extra-terrestres venus sur terre pour nous disséquer, même si nous avions passé l’âge de croire à cela. C’est lui aussi qui nous fit découvrir la page de Sergio. Celui-ci affirmait que la cause des dérèglements climatiques et les disparitions d’enfants étaient liés. Qu’il s’agissait de brèches dans l’espace, d’univers parallèles même. Maintenant, je sais, cela ne parait pas surprenant mais à l’époque on le prenait pour un illuminé se défoulant sur internet.
Plus les semaines passaient plus les plateaux de télévision se remplissaient d’invités politiques nous expliquant qu’il n’y avait rien à craindre, surtout lorsqu’on a commencé à parler de disparitions à l’échelle mondiale.
Sur la toile on pouvait trouver des témoignages parlant de trous de lumière, de déchirements de l’espace. Sergio les relayait tous, sans exception. Certains enfants dessinaient même d’étranges visages et prétendaient que des monstres avaient essayé de les amener avec eux par des portes lumineuses. Là encore, personne ne prit cela au sérieux.
Un jour, une vidéo apparut sur sa page. Je me rappelle encore, tout le monde en parlait à l’école. On y voyait un jeune, dix, douze ans tout au plus, caché derrière un bureau dans une chambre. Il filmait la scène avec son téléphone pendant qu’un puits de lumière jaillissait au milieu de la pièce. De celui-ci on voyait apparaître deux hommes dont l’un avait une sorte de parapluie noir brillant qu’il pointait devant lui. Ils semblaient ridés, voire fripés et avaient quelque chose de luisant sur le visage, allant de la bouche au nez. Le jeune garçon tremblait alors la vidéo était floue mais on semblait voir l’un des hommes prendre un enfant sous le bras et repartir par le trou de lumière. La vidéo s’arrêtait là. Elle avait fait grand bruit car les chaînes d’info la passait en boucle. Un coup de com’ pour une série ou la publicité d’un nouveau téléphone, voilà leur explication. Le soir même, lorsque mes parents avaient su que j’avais vu cette vidéo, ils m’avaient confisqué mon portable en me disant que si c’était pour voir des conneries pareilles je n’en avais pas besoin.
Je m’en rappelle bien car c’est aussi la dernière fois que je les ai vus. J’étais très remonté après eux et je les ai même insultés avant de sortir pour mon entraînement de basket.
Ceci m’amène au premier conseil que j’ai pour toi : courir vite.
Je m’explique :
Mathis et moi étions dans le même club. L’entraînement m’avait fait du bien. Je m’étais bien défoulé, mais je n’avais pas envie de rentrer tout de suite. Alors, au lieu de prendre un tram, lui et moi avions décidé de marcher et pourquoi pas passer devant un bar que fréquentaient des filles qu’on aimait bien. Il était 23h05 le 21 mai. Je m’en rappelle très bien et c’est marrant car les quelques humains restants que j’ai pu croiser se rappellent tous de l’endroit où ils se trouvaient à cette date. Bref, alors que nous étions dans le quartier piéton, plusieurs détonations résonnèrent et le sol trembla. Les gens dans les cafés sortirent dans la rue, leur téléphone en mains, mais plus aucun d’eux ne fonctionnaient. Ensuite, tout s’est accéléré. Un faisceau de lumière apparut au coin de la rue. Un jeudi soir dans une ville estudiantine, autant dire qu’il y avait du monde pour voir cela. Certains furent pris de panique et partirent en courant d’autres, comme moi, restèrent figés sur place. Et si c’était un prank et que le monde entier me voyait fuir comme un lâche sur les réseaux ? Je sais, je me rends compte de ma bêtise avec le recul.
Une sorte d’humain fripé sortit de cette lumière. Habillé de blanc, il tenait en main une sorte de parapluie déployé, couleur noire métallisée, comme sur la vidéo que j’avais vue. Nous savons maintenant que c’est le bélier permettant d’ouvrir l’espace.
— On dégage, lança Mathis en m’entraînant par le bras à l’arrière de l’attroupement.
Mes pieds étaient comme scotchés au sol et je ne pouvais décoller mes yeux de la scène devant moi : trois autres hommes apparurent du trou de lumière. Ils avaient l’air fripés eux aussi et portaient tous le même uniforme noir. Ils tenaient en main une crosse, surmontée d’un disque blanc qui émettait une large lumière bleue clair, presque douce. Si à ce moment là j’avais dû comparer cet objet à quelque chose que j’avais déjà vu, j’aurais dit une ponceuse disque. Une ponceuse qu’ils pointaient vers nous.
Mathis avait toujours eu plus de réflexes que moi. Lui, n’était pas subjugué et il m’entraîna de force à travers la foule de gens dont certains étaient déjà bien éméchés. Nous venions de laisser derrière nous un attroupement d’environ quarante personnes lorsque j’entendis une nouvelle explosion puis un sifflement. Nous nous mîmes à courir aussi vite que possible sur les pavés de la rue. Des hurlements :
— On continue de courir, cria Mathis.
Un flot de personnes dont les visages étaient déformés par la peur sur notre droite :
— On continue de courir putain.
Je ne regardais que son dos, je ne voulais pas voir ce qu’il se passait autour. La panique avait gagné toute la zone piétonne. Sans réfléchir, je suivais le dos de Mathis. Mes oreilles bourdonnaient. Ma vision était trouble. Mon ami nous avait conduits jusqu’à la place centrale d’où partaient les tramways mais c’était trop tard : d’autres hommes/Aliens/choses, je ne savais pas bien comment les définir alors, étaient là et de nombreux corps gisaient déjà au sol. Leurs ponceuses bleues étaient d’une efficacité redoutable: un tir, une lumière, un mort ou plus. Je les ai vus faire, nous étions cachés derrière une voiture. À une distance de plusieurs mètres le disque bleu émettait une lumière dont le diamètre pouvait s’élargir de manière à toucher plusieurs personnes en même temps.
La lueur par laquelle ils étaient arrivés commença soudain à s’affaiblir. Et oui, les fameuses cinq minutes du début mais ça, je ne le savais pas encore. Ils repartirent par celle-ci qui disparut rapidement. La seule trace de leur passage : leurs victimes.
Nous en avions alors profité pour quitter notre cachette, l’objectif c’était les hauteurs de la ville. Le quartier de la butte. En longeant la route nous y menant, nous avions croisé de nombreux camions de police mais aussi de pompiers allant dans la direction opposée. D’autres explosions, d’autres cris mais plus éloignés de nous cette fois.
La butte atteinte, nous avions une vue imprenable sur toute la ville dont de nombreuses fumées se dégageaient. Des sirènes résonnaient aussi.
— Allons au planétarium, il y a une partie enfouie, on se repose quelque temps et on repart, décida Mathis.
Je le suivais sans émettre un son. Soudain, trois personnes nous percutèrent à un coin de rue et en nous relevant, nous étions en face de quatre ridés. Mais oui, c’est cela ! C’est à partir de là que je les ai appelé ainsi. L’un avait un bélier et les autres leur ponceuse bleue, enfin bleue, pas tant que cela. Ils nous visaient et semblaient très étonnés de ne pas pouvoir nous atteindre. La lumière du disque était verte cette fois-ci
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Suffisamment jeunes ! hurla l’un avant que les autres ne se jettent sur nous
J'aime le fait que le doute est aussi omniprésent que la confiance d'un ado.
L'entrée en matière donne vraiment envie. Que ce soit les ridés, cette notion d'âge, le fait qu'il y ait des fissures dans l'espace temps, enfin, tout ça donne un monde global qui donne envie !
Merci d'avoir pris le temps de lire et commenter en tout cas!
L'abduction c'est un sujet top, ça me fait délirer aussi, bien que là, le ton il est pas à la déconnade, par contre il est juste, ça démarre bien, on ressent ce qu'il leur arrive, ainsi que la situation à l'échelle globale.
J'ai écris un manuscrit sur l'abduction, je l'ai pas terminé, mais il a passé les 50K mots, rien de comparable, sur le ton de la comédie, dans une société dystopique pour certains et utopique pour d'autre. Il faudra que je le cloture, j'ai la fin en plus.
Pour l'instant on va suivre Maêl
50% c'est déjà bien avancé et je crois que la période actuelle est une bonne source d'inspiration pour la dystopie, c'est le moment de s'y remettre!
En attendant, merci de suivre Maël, j'espère que la suite te plaira aussi