Je referme mon dossier en soupirant de soulagement et, voyant mon bureau enfin débarrassé de tout document, je dois me retenir de justesse de danser de joie. Enfin des vacances !
Si j'étais contre quand Owen me l'a ordonné, je dois reconnaître que dix jours sans m'occuper de paperasse et des problèmes de tous les clans de Californie vont me faire un bien fou !
Je ramasse mon sac, enfile ma veste en cuir et me dirige vers la porte avec un début de sourire aux lèvres. Dans le couloir, je croise Kelsey qui déboule comme une tornade depuis la salle de repos.
— Oh la, tout doux ! m'exclamais-je en levant les mains devant moi.
Elle s'arrête en se frottant la tempe.
— Désolé, j'essaye de boucler mes dossiers pour rentrer rapidement chez moi, j'ai l'impression que les murs de l'immeuble vont finir par m'engloutir !
Je secoue la tête.
— Kelsey, tu es autant accro à ce job que moi, avoue !
La succube se contente d'un haussement d'épaules pour toute réponse. Elle a beau être vêtue d'un jean simple et d'un t-shirt blanc tout ce qu'il y a de plus banal, elle dégage une aura sensuelle, même sans le vouloir.
Je me dirige vers la porte quand sa voix m'arrête.
— N'oublie pas notre sortie demain, sinon Clara va bouder pendant un mois entier !
— Je n'oublie pas, soupirais-je. Même si je préférerais passer mon samedi au lit !
— À qui le dis-tu ! ricane-t-elle avant de disparaître dans la salle de réunion.
Je sors du bâtiment après avoir récupéré mon casque et me dirige vers ma moto. J'enfourche mon bolide et je démarre en trombe.
Après une dizaine de minutes, j'arrive dans le quartier de Russian Hill et me gare devant mon immeuble. Montant les marches en vitesse, je sors mes clés et, arrivée sur le palier du quatrième étage, j'ouvre ma porte avant de la refermer derrière moi. Je pose mon casque à côté de l'entrée et balance mon sac sur le canapé avant de me rendre dans la cuisine. Récupérant une bière dans le réfrigérateur, je décapsule cette dernière quand mon portable se met à sonner dans ma poche.
Je souris en voyant le nom qui s'affiche.
— Coucou maman.
Du bruit se fait entendre derrière elle.
— Salut ma chérie ! Je n'ai pas eu de nouvelles depuis plusieurs jours, avec ton père, on commençait à s'inquiéter !
Je lève les yeux au ciel. Même à vingt-quatre ans et en étant membre de la DECS, mes parents ont l'air de croire que j'ai toujours seize ans, petite adolescente perdue et solitaire.
— Désolé, j'ai été surchargée au boulot ces derniers temps.
— Tu travailles trop si tu veux mon avis, déclare-t-elle, pleine de reproches.
Lâchant un soupir, je m'assois sur le canapé.
— Et bien, soit heureuse, parce que mon supérieur m'a donné congé, dix jours à ne rien faire d'autre que dormir, oh joie !
Je souris en l'entendant marmonner des propos inintelligibles.
— Quelle bêtise a encore fait papa ? demandais-je, amusé.
— Il a décidé d'acheter une balancelle pour la mettre sous le perron. Sauf que tu connais ton père, lui et la construction de quoi que ce soit sont loin d'être amis !
Je ris, connaissant parfaitement le combat de mon père contre tout ce qu'il faut monter, je ne me souviens que trop bien de l'armoire qu'il avait voulu installer dans ma chambre à ma dernière visite. Je crois qu'elle doit encore être en morceau.
— Il va bien finir par y arriver un jour, m'exclamais-je, le sourire aux lèvres. Ou alors il se résignera.
— Il aura usé mes nerfs bien avant ça ! Ma chérie, je te rappelle plus tard, je crois qu'il commence à parler au mur !
J'éclate de rire en lui disant au revoir, toujours d'aussi bonne humeur après lui avoir parlé. Secouant la tête en imaginant le sermon qu'elle doit lui balancer, je reprends ma bière et vais m'installer devant ma télé. Avec un soupir de contentement, je récupère la télécommande et lance ma série fétiche. Lucifer, à nous deux !
*•~~~•*
Le lendemain, alors que je bois mon café en regardant les nouvelles, mon téléphone sonne. Je réponds sans regarder, sourcils froncés en entendant aux informations qu'il y a une vague suspecte de disparition à New York.
— Allo ?
— C'est comme ça que tu réponds au grand amour de ta vie ? Je vais avoir le cœur brisé
Je lève les yeux au ciel.
— Salut Barry.
— Mon petit sucre d'orge, je vais finir par croire que tu n'as pas envie de me parler avec ce ton.
Souriante, je me laisse aller contre le dossier de ma chaise.
— Barry, si j'étais une de tes conquêtes, je croirais que tu as oublié mon prénom à force d'utiliser des mots doux qui, soyons clairs, sont tellement guimauve qu'aucune femme de nos jours ne les utiliserait, sauf pour se moquer. Deuxièmement, la plupart du temps, quand tu m'appelles, c'est qu'il y a un problème. Pitié, je ne suis en congés que depuis hier, épargne-moi !
Son rire grave résonne.
— Ne t'inquiète pas, y'a rien de grave. Clara cherchait le dossier Garrick/Davis, et comme tu es la dernière à leur avoir rendu visite, je me suis dit que tu devais savoir où il est.
Je soupire. Jefferson Garrick et Johnny Davis, deux chefs de meutes voisines, celle des pumas et des loups, ont décidé d'être mon boulet personnel. Ils se battent sans arrêt pour des raisons diverses et variées, mais la vraie raison de leur querelle est qu'aucun des deux ne veut accepter la présence de l'autre sur le même territoire. Même si c'est surtout Davis qui se plaint. Le dernier problème en date : Garrick aurait envoyé des membres de son clan surveiller Davis, sauf que, après recherches, ce n'était que des gamins qui ont été se soûler dans un bar et ont finis, pour mon plus grand malheur, effondrés devant une boutique gérée par la fille d'un des lieutenants des loups. Bien sûr, le grand chef n'a pas pu s'empêcher de crier au sabotage, comme si des gosses éméchés qui ne marchent plus droit aller faire quelque chose !
— Le dossier se trouve dans le troisième tiroir de mon bureau, à gauche, le premier sur la pile, dis-je en soupirant. Il y a encore un problème avec eux ?
— Non non, rassure-toi, dit-il. C'est juste qu'elle voulait vérifier certains trucs pour être sûre d'être prête à leur prochain appel, tu les connais, ils ne resteront pas longtemps sans nous contacter.
— D'accord. Si jamais ça dégénère, tu sais où me trouver.
Il rit.
— Val, tu ne sais vraiment pas ce qu'est le concept de « congés » !
Je lève les yeux au ciel, bien qu'il ne me voie pas.
— Barry, je connais ces deux groupes mieux que personne, donc en cas de problème, je suis certainement la mieux placée pour les gérer. Bien que Clara soit très forte pour ça ! Elle ne se laisse pas intimider et je dois dire que ça déclenche mon admiration !
— À qui le dis-tu ! Qui aurait cru qu'une humaine s'intégrerait aussi bien parmi nous ?
Je souris. Clara est peut-être humaine, mais elle n'a pas peur de tenir tête au plus féroce des prédateurs. C'est d'ailleurs pour ça que nous faisons attention aux dossiers qu'elle gère, parce que certains clans n'hésitent pas à utiliser la violence contre nous, et bien qu'elle soit douée en combat, elle ne peut pas rivaliser avec quelqu'un ayant trois fois sa taille et sa force.
— Il faut croire qu'elle a un don !
Alors qu'il ricane, des voix se font entendre derrière lui.
— Valentina chérie, j'y vais, on a besoin de mes talents ici. Repose-toi, profite, lâche-toi un peu, ça te fera du bien !
Avant que je puisse répondre et lui dire que je me porte très bien ainsi, il a déjà raccroché, sachant visiblement que je ne me serais pas gênée pour répondre et le provoquer bien comme il faut. Ce sera pour plus tard.
N'ayant rien de prévu pour l'après-midi, je m'installe dans mon canapé, enlève la chaîne d'information qui me rappelle que le boulot ne s'arrête jamais, et lance une série. Autant me reposer pour être en forme ce soir.
*•~~~•*
À vingt-deux heures trente, Clara et Kelsey débarquent chez moi, toutes prêtes pour notre soirée. Je suis surprise en voyant Jenny avec elles.
— Josh t'a laissé sortir de chez vous ? m'exclamais-je, l'air ahuri.
Elle rit.
— C'était soirée entre mecs, ce soir, m'explique-t-elle. Lui, Barry, Larson et Kenneth font un poker, et, les connaissant, ils vont finir complètement soûls sous la table !
Je pouffe. On connaît leurs « soirées poker » qui finissent plus en beuverie qu'autre chose.
— Au moins, ça te permet de sortir t'amuser avec nous, déclare Clara, un sourire malicieux aux lèvres.
— Pourquoi penses-tu que j'ai choisi spécifiquement cette date, à ton avis ?
Nous rions.
— J'enfile mes chaussures et c'est bon !
J'attrape mes bottines noires à talons aiguilles argent et les chausse. Avec ma robe couleur métallique au tissu aussi fin qu'une seconde peau, je suis loin de celle que je montre en journée ! Je prends ma petite pochette et nous sortons de l'appartement. Ce soir, à part Jenny qui a décidé de jouer les conductrices à la place de Kelsey parce qu'elle ne veut pas boire et retourner auprès de Josh (et vérifier qu'ils n'ont pas mis le feu à la maison), tout le monde dort chez moi. C'est l'avantage d'avoir un canapé-lit, on invite qui on veut quand on veut ! Même si la plupart du temps, nous finissons par dormir toute dans le même lit, quand nous tombons de sommeil en pleine discussion post-soirée et qu'aucune n'a le courage de rejoindre le salon.
Peu de temps après, Jenny se gare dans Chinatown, non loin de notre destination. On rejoint rapidement la file d'attente devant le club. L'Inferno est l'une des boîtes de nuit les plus connues de San Francisco, surtout parce que c'est l'une des seules qui réunit toutes les espèces présentes, et que la sécurité y est telle qu'il y a rarement de débordement. Il nous faut un petit moment pour enfin réussir à passer la porte. Connaissant les videurs - on est souvent amené à récupérer quelqu'un dans le club - on aurait pu passer devant tout le monde, mais ça fait du bien, parfois, de se détacher de notre job et faire comme tout le monde. Et puis, je ne suis pas vraiment d'humeur à subir les regards noirs de ceux devant qui nous serions passés. On est là pour s'amuser !
À l'intérieur, Kelsey et Jenny partent dénicher une table pendant que je suis Clara jusqu'au bar. Elle s'accoude au comptoir et fait signe au barman. Il vient vers nous quelques minutes plus tard.
— Qu'est-ce que je vous sers ?
— Quatre vodka-lemon ! hurle mon amie pour se faire entendre par-dessus la musique assourdissante.
Le mec hoche la tête et part préparer nos boissons. Il revient avec notre commande et Clara et moi payons la première tournée avant de chercher les filles. Elles ont réussi à trouver une petite table dans un coin, on pose nos verres et on s'installe.
— Ah, enfin de la détente ! Depuis combien de temps ne sommes nous pas sorties toutes ensemble, hein ? Demande Clara.
— Un moment, avouais-je. Mais faut dire que dernièrement, les connards se sont donné le mot pour nous pourrir la vie !
— Pas ce soir, déclare Jenny. Alors en piste, les filles !
Je ris alors que Kelsey secoue la tête, et on suit Clara au milieu des danseurs. La musique nous entraîne et il faut peu de temps pour que l'on se déchaîne en riant.
Après quelques musiques, notre bonne ambiance attire les mecs qui commencent à nous entourer et à prendre certaines de nous pour danser. Jenny les repousse en montrant son alliance, et Kelsey leur lance de tels regards noirs qu'ils me font presque pitié. Je souris doucement. Vêtue d'un pantalon en cuir noir et d'un haut gris en satin décolleté, la succube dégage une aura puissante, ce qu'elle ne cherche pourtant pas à faire. Elle déteste même ce genre de réaction, c'est d'ailleurs pour cela qu'elle n'a jamais entamé de relation sérieuse. J'espère qu'un jour, elle trouvera quelqu'un à qui elle peut accorder sa confiance et avec qui elle pourra baisser sa garde.
Alors que j'étais focalisée sur Kelsey, je remarque des mouvements brusques du coin de l'œil. Clara, qui s'était un peu éloignée en dansant avec un type, se retrouve face à un indésirable qui lui tient le poignet. Je me raidis aussitôt, ce que mes deux amies remarquent, et suivent la direction de mon regard. En quelques secondes, nous avons toutes les trois entouré Clara. Si mon regard pouvait tuer, un connard se viderait de son sang sur le sol du club, à cet instant.
— Matt, lâche-la, ou je t'étrangle avec la chaîne que tu portes, lançais-je, plus sérieuse que jamais.
— Mêle-toi de ce qui te regarde, Val, crache-t-il en resserrant sa prise.
Je sais que Clara n'a pas voulu se dégager pour ne pas faire de vague, mais là, je vois rouge. Kelsey aussi, parce qu'elle agrippe le bras du salopard et enfonce ses ongles jusqu'au sang entre les deux veines de son poignet, lui faisant lâcher mon amie avec une grimace de douleur. Je le repousse des deux mains, le faisant s'éloigner un peu plus, pendant que Jenny attire Clara.
— Espèce de salope !
Je hausse un sourcil en croisant les bras, pas le moins du monde intimidé par son air furieux.
— Écoute-moi bien, Ducon, tu vas dégager fissa de notre périmètre, le club est assez grand pour que je ne croise plus jamais ta sale gueule d'enculé. Si je te revois t'approcher de Clara, je vais tellement endommager ton outillage que tu ne pourras plus jamais tant servir.
Donnant un exemple, je me sers de la ceinture à la boucle en métal qu'il porte pour remonter son jean suffisamment fort pour que ça lui fasse mal, lui faisant ainsi comprendre à quel point je suis sérieuse.
Le grognement de souffrance qu'il laisse échapper est une douce mélodie à mes oreilles. Je souris largement.
— Tu me le paieras, lance-t-il avant de s'éloigner en voyant apparaître Jerry, l'un des vigiles.
— Trouillard, murmurais-je, bien qu'il soit déjà loin.
Jerry s'approche de nous.
— Tout va bien, les filles ?
Je lui décoche mon plus beau sourire.
— Pas de soucis, Jey, tu sais qu'on règle toujours calmement nos histoires.
— Tu ne me laisseras donc jamais jouer les chevaliers, Val ? s'exclame-t-il avec un clin d'œil.
Je ris.
— Un jour, peut-être, dis-je, avant qu'il s'éloigne et que je m'approche de Clara.
Son regard lancerait presque des éclairs, et elle fixe l'endroit où Matt a disparu, comme si elle pouvait le faire revenir pour lui brûler les couilles au chalumeau. Hum, pas mauvaise, cette idée.
— Ça va ?
Elle hoche la tête.
— Cet enculé n'a pas l'air de comprendre qu'il ne reviendra jamais dans ma vie. Peut-être que je devrais lui enfoncer ça dans le crâne à coup de batte. Si ça ne marche pas, au moins, ça me défoulerait !
Je souris d'une oreille à l'autre et regarde Kelsey et Jenny, qui font à peu près la même tête que moi.
— Il n'y a pas de doute, elle va bien !
Nous rions en retournant à notre table.
Le reste de la soirée se déroule sans incident, et c'est exténué que nous rentrons à quatre heures du matin. Jenny nous dépose et, à peine sortie de la douche, je m'écroule sur le lit où se trouvent déjà mes deux acolytes. Je plonge rapidement dans un sommeil réparateur...
J'attend avec impatience le chapitre 2