Chapitre 1 : La braise sous la cendre
Dans les montagnes où le vent mordait les rochers comme des lames invisibles, un village restait dissimulé, oublié du monde. Ses toits de pierre grise se fondaient dans la brume, et ses chemins escarpés semblaient mener nulle part. Là, sous la loi inflexible des anciens, le peuple vivait en silence, prisonnier d’une routine rythmée par la peur et la tradition. Le grondement du vent rappelait à chacun la colère des hauteurs, une menace invisible mais toujours présente. Nul n’osait franchir les frontières invisibles tracées par leurs gardiens. Un vieux gong rouillé, suspendu au centre du village, marquait les heures où il était permis de se rassembler. À sa base, des symboles draconiques gravés dans la pierre portaient la mémoire d’un passé interdit. Les anciens interdisaient tout contact avec le monde extérieur. Leur parole était loi, lourde et incontestée si on osait les contredire, les anciens nous mener droit à l'exécution.
Dans ce village ou régnait l'ordre des anciens, il y avait une sous-catégorie d'enfants, que personne ne tolérait ; les Anomalies. A l'âge de 2 ans touts les enfants étaient soumis à des test pour définir si oui ou non, il étaient porteurs de l'Anomalie, s'ils étaient déclarés anormaux, ils étaient envoyés vers la maison des anciens pour y être enfermé. Du moins jusqu’à leurs 16èmes anniversaires ou, après une cérémonie en l'honneur du village, ils étaient libre de vivre dans le village.
Mais Thalixia n'était pas comme les autres. Chaque jour, elle ressentait un tiraillement entre le désir d'appartenir à ce village qui l'avait vue grandir et une soif irrépressible d'ailleurs. Pourquoi sentait-elle cette chaleur sourde dans ses veines lorsque le vent soufflait fort ou quand la lune était pleine ? Pourquoi ses rêves étaient-ils emplis de flammes et de cieux infinis ? Cette différence lui pesait et la fascinait à la fois. Une partie d'elle espérait se fondre dans la normalité, tandis qu'une autre brûlait d'impatience de comprendre sa véritable nature. Son regard se posait souvent sur un pendentif en obsidienne noire gravé que son père lui avait un jour offert, un objet qu'elle serrait dans sa main les nuits où la solitude devenait trop lourde. Ce symbole draconique, froid au toucher mais chaud dans ses souvenirs, lui rappelait qu'elle était destinée à bien plus qu'à la peur et au silence.
Chaque matin, alors que les enfants du village se rassemblaient près de la place pour écouter les anciens, Thalixia restait à l’écart. Les regards méfiants et chuchotements des adultes ne lui échappaient pas. Lorsqu’elle passait, certains baissaient les yeux, d’autres murmuraient des prières protectrices ou des mots blessants. Un jour, alors un groupe de jeunes filles tressait des couronnes de fleurs. Thalixia s’approcha timidement, mais la fille du chef recula d’un pas, entrainant ses amies en murmurant :
-"Elle n’est pas comme nous !"
Thalixia détourna le regard, le cœur serré. Cette méfiance constante lui rappelait sa différence. Pourtant, elle ne comprenait pas encore ce que cela signifiait réellement. Ses cheveux noirs, marqués par des reflets rouges comme des braises, tombaient en cascade sur ses épaules. Leur texture soyeuse contrastait avec la rugosité de la cape sombre qu’elle portait, brodée de motifs discrets. Un parfum subtil de cendre et de résine de pin l’entourait, vestige des soirées passées près de la forge. Cette aura unique la distinguait sans effort des autres enfants, accentuant le mystère qui planait autour d’elle.
Ses yeux, d’un vert éclatant, semblaient toujours en quête d’un horizon qu’elle ne connaissait pas. À seize ans, elle aurait dû être "libérée" comme les autres enfants nés avec une Anomalie. Pourtant, Thalixia était différente : elle n’avait jamais été enfermée chez les anciens. Protégée par son père et ses sœurs. Cachée.
Son père, Kael, un forgeron respecté pour sa maîtrise du feu et du métal, dissimulait un lourd secret. Les villageois le croyaient ordinaire, mais il avait risqué sa vie pour garder sa fille hors des griffes des anciens. A la naissance de sa fille, la mère de Thalixia avait senti qu'elle était différente de ses sœurs. Juste avant de mourir sa femme avais dit à Kael qu'elle savait ce que Thalixia représentait : un pouvoir trop grand pour être contrôlé, une flamme capable de changer le destin du peuple.
Chaque soir, sous la lumière vacillante du feu de leur foyer, Kael leurs racontait des légendes oubliées. Il parlait des dragons endormis sous la montagne, des enfants dotés de dons extraordinaires et du Grand Ancien, une entité dont la colère pouvait réduire le monde en cendres. Thalixia écoutait, fascinée, sans savoir qu’elle serait, un jour, au cœur de ces récits.
La veille de ses seize ans malgré tout, cet équilibre changea. Ce soir-là, Kael paraissait agité. Il annonça aux sœurs de Thalixia qu'il avait accepté les demandes des prétendants qui les courtisait depuis quelque temps, ses sœurs partirent donc rejoindre leurs futurs époux respectifs. Thalixia resta seule avec son père tandis qu’il martelait le fer dans la forge, ses yeux ne cessaient de se tourner vers la fenêtre donnant sur la place du village. Sa mâchoire était serrée, ses gestes plus nerveux qu’à l’accoutumée.
"Thalixia, ferme les volets. Ce soir, ne laisse personne te voir," murmura-t-il d'une voix grave. La jeune fille fronça les sourcils, mais obéit. Un silence tendu s’installa.
Kael s’approcha d’elle, déposa un instant ses mains calleuses sur ses épaules. Ses yeux verts brûlaient d’inquiétude.
"Si quelque chose devait arriver… prends ce carnet et cours. Ne te retourne pas. Surtout, ne laisse pas les anciens t’approcher."
Thalixia ouvrit la bouche pour protester, mais il détourna le regard. Par la fenêtre entrouverte, une rumeur étrange monta depuis le village. Kael se raidit.
"Ils viennent."
Ses quelques mots résonnèrent dans l’air chargé de tension. Thalixia sentit un frisson lui parcourir l’échine. La nuit avait soudain le goût amer du présage.
Sous une lune pâle, les anciens vinrent. Leurs silhouettes drapées de noir glissèrent dans les rues, sans un bruit. Derrière les volets entrouverts, les villageois observaient en silence, terrifiés. Des mains tremblaient en serrant des amulettes protectrices. Personne n'osait sortir. La peur était palpable, suspendue dans l’air glacé de la nuit, tandis que les pas des anciens résonnaient sur les pierres comme une sentence inévitable. Leurs silhouettes drapées de noir glissèrent dans les rues, sans un bruit. Leurs pas résonnaient sur les pierres, porteurs de malheur. Lorsque l’aube se leva, Kael était mort. Exécuté publiquement pour trahison. Il avait osé défier les anciens. Pire encore : il connaissait leur terrible secret.
La place du village était silencieuse. Personne ne pleurait. La peur paralysait chacun. Thalixia se tenait là, figée, son cœur battant au rythme du feu grondant dans ses veines. Ses mains tremblaient, et à leur surface, une lueur rouge se fit voir. Une langue de flamme dansa brièvement sur ses doigts. Personne ne la remarqua. Mais Thalixia savait : ce pouvoir qu’elle avait tant contenu menaçait de se libérer.
Après la cérémonie, Thalixia retourna dans la maison vide. L’odeur du fer forgé y régnait encore, mêlée à celle plus douce de la braise éteinte. Chaque objet semblait chargé d’un souvenir : le marteau de son père posé sur l’enclume, la vieille couverture en laine usée, et, près du foyer, un pendentif de cuivre gravé d’un symbole draconique. Ce pendentif, Kael le portait toujours. Thalixia s’en saisit. Le métal était froid, mais une chaleur familière se répandit dans sa paume. Son souffle se fit tremblant.
Ses yeux se posèrent alors sur l’établi. Là, un carnet usé, attaché avec une lanière de cuir. C’était l’écriture de Kael. Ses mains brûlantes effleurèrent la couverture avant de l’ouvrir. Des mots y étaient griffonnés, entrecoupés de schémas et de symboles mystérieux. Sa gorge se serra ; chaque page semblait vibrer d’un écho du passé.
“Si tu lis ces lignes, c’est que je ne suis plus là. Pardonne-moi. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour te protéger, mais leur peur est trop grande. Le feu en toi est plus ancien que les montagnes elles-mêmes. Tu es leur crainte la plus profonde. Ne reste pas ici. Cherche la vérité. Libère-les tous.”
Thalixia referma le carnet en retenant un sanglot. Ses doigts tremblaient sur la couverture usée tandis qu'une pensée fulgurante la traversa : fuir. Maintenant. Mais son regard retomba sur le pendentif, lourd dans sa main. Son souffle se suspendit. La chaleur du métal semblait murmurer la voix de Kael. L’hésitation fit place à une résolution brûlante. Pas encore. Pas sans les libérer tous. Sa main se serra sur le pendentif. Des souvenirs défilèrent : la voix grave de Kael lui contant des légendes, ses rires étouffés pendant qu’il martelait le fer, la chaleur réconfortante de ses bras. Le vide qu’il laissait semblait trop vaste à combler.
La rage et la tristesse se mêlaient en elle, brûlantes et indomptées. Une flamme bleue vacilla sur ses doigts, chaude et dangereuse. Elle laissa sa haine se consumer petit à petit. Pas encore. Bientôt.
Au petit matin, alors que le soleil peinait à percer le brouillard, Thalixia attacha sa magnifique cape sombre sur ses épaules. Le pendentif battait contre sa poitrine à chaque pas. Elle fit un dernier tour dans la maison, effleurant les objets familiers du regard, s’attardant sur le carnet posé sur son cœur. Une larme brûlante roula sur sa joue, s’évaporant avant même de toucher le sol.
"Je partirai. Je découvrirai la vérité. Et je reviendrai pour vous libérer tous."
Ses mots résonnaient dans son esprit alors qu’elle franchissait la porte. Derrière elle, le village se réveillait lentement, ignorant que la flamme de la rébellion venait de s’allumer.
Thalixia était prête. Le feu ne brûlerait plus en silence.
Son destin ne faisait que commencer.
Je viens de terminer ton premier chapitre. J'ai beaucoup aimé. Le père qui protège sa fille de la populace est un classique qui fonctionne toujours. Ton texte est fluide, agréable à lire malgré une certaine noirceur ambiante. Tu m'as donné envie de lire la suite.
J'ai noté des petites choses que tu pourrais améliorer :
-"la mémoire d’un passé interdit. Les anciens interdisaient tout contact avec le monde extérieur." A la place du premier "interdit" je mettrai "oublié"
-"un pendentif de cuivre gravé d’un symbole draconique. Ce pendentif, Kael le portait toujours." A la place de 2e "pendentif", je mettrai "bijou" .
Je vais lire la suite avec grand plaisir. Bonne continuation !
Zao
Est ce que toi tu écris aussi ? Si oui je vais allez lire tes écrits. J'ai corrigé les petites imperfections que tu as soulignée, contente de savoir que tu as appréciés assez pour me corriger
bisouu.