Chapitre 10

Par Notsil

— Et maintenant, on fait quoi ?

Axel roula des yeux face au ton sarcastique. Nicoleï avait croisé les bras, mais derrière sa bravade de façade, Axel devinait qu’il était mal à l’aise.

Axel l’était aussi, mais plutôt mourir que de l’admettre.

Néanmoins, il était le plus gradé et le plus vieux ; c’était à lui de prendre les choses en main et de rassurer Nicoleï – même s’il ne l’appréciait pas.

Pour l’instant, les passants se contentaient d’un regard curieux. Les Massiliens ne couraient pas les rues, sur Niléa, c’était le cas de le dire. Avec leur uniforme d’Envoyé, tout le monde était capable de reconnaitre leur appartenance aux Mecers.

— Trouvons un endroit tranquille, maugréa Axel.

De façon assez surprenante, Nicoleï lui emboita le pas sans rechigner. Ils arpentèrent les rues, quittant le quartier des peintres pour celui des fleuristes. Il y avait foule, ici, en comparaison, et Axel perçut les murmures fermes de négociations ardues. À croire que tous les Niléens fleurissaient leurs maisons !

Une brise légère souleva la jupe d’une Niléenne, qui s’empressa de la rabattre vivement, ses joues virant au bleu foncé. Elle avait gagné au change, décida Axel, comme le fleuriste lui rajoutait une pervenche dans son bouquet.

Ce ne fut qu’au bout de la quatrième jupette agitée par la brise, couplée au sourire innocent de Nicoleï, qu’Axel réalisa qu’il ne s’agissait pas d’une brise naturelle.

— Nicoleï ! marmonna-t-il, scandalisé. Arrête ça tout de suite !

— Arrêter quoi ?

— Tu sais très bien de quoi je parle !

— Hurle encore plus fort, tu attires l’attention sur nous.

Axel remarqua alors les sourcils froncés et les moues consternées qui les suivaient du regard. La belle affaire, voilà qu’ils allaient rabaisser l’honneur de tout le Neuvième Royaume. Si le Message Itzal ne lui passait pas un savon, ses parents s’en chargeraient.

Une Niléenne marchant d’un pas pressé, un gros pot serré contre sa poitrine, avança dans leur direction. Axel s’écarta d’un pas vif, mais Nicoleï, dupé par le sourire qu’elle affichait, fut plus lent à réagir. La peinture rouge éclaboussa l’uniforme noir, et le jeune Envoyé jura. Axel éclata de rire. Ça, c’était un juste retour des choses.

Mais Axel dut ravaler son hilarité, car la Niléenne se tournait vers lui. Elle le détailla de haut en bas, fronça les sourcils. Par habitude, il nota la poignée d’épée qui dépassait de son épaule, la tenue qui la laissait libre de ses mouvements, comme si elle avait l’habitude de se battre. Bon, une grosse fleur rose était piquée dans ses cheveux, mais qu’attendre d’autre d’une Niléenne ?

— Ça te fait rire, Envoyé ? Ou tu trouves qu’il l’a bien mérité ?

— Je…

— Ne recommencez pas vos sales petits tours, ou je me chargerai de vous rappeler les règles en vigueur sur Niléa. N’espérez pas vous en tirer avec un duel où vous gagneriez facilement. Les lois de la Fédération nous protègent, et votre statut ne vous accorde pas l’impunité.

Rouge de confusion, Axel s’inclina formellement.

— Toutes nos excuses.

D’un coup de coude, il fit sortir Nicoleï de son hébétude.

—Nous ne recommencerons pas, promit le jeune Envoyé en s’inclinant à son tour.

La Niléenne se contenta de hocher la tête, comme si elle n’en attendait pas moins de leur part.

— Sachez que vous êtes surveillés. Nous n’aimons pas les étrangers, ici. Si vous voulez vous entrainer… allez ailleurs. Les paisibles citadins n’ont pas à subir vos plaisanteries douteuses.

Ils s’inclinèrent de nouveau en marmonnant des excuses. Axel échangea un regard avec Nicoleï, et celui-ci acquiesça. Il était plus raisonnable de faire profil bas et de trouver un autre endroit pour s’entrainer.

En s’aidant de quelques pas d’élan, ils bondirent dans les airs. Certains les pointèrent du doigt ; les terrestres n’avaient pas tous l’habitude de côtoyer des Massiliens. Au-delà du quartier des fleuristes, au-delà du mur d’enceinte qui clôturait la cité, un bosquet d’arbres s’élançait vers le ciel. Les nuages étaient rares, bien trop hauts pour les gêner, et la brise était légère. Voler était un plaisir, toujours trop bref, songea Axel comme il atterrissait au pied d’un gros chêne.

L’herbe était haute, folle, s’émaillait de fleurs colorées. Elle leur arrivait aux genoux.

— Ils ne doivent pas venir souvent par ici, commenta Nicoleï. On fait quoi, maintenant ?

Axel haussa les épaules.

— Kenog nous a dit de s’entrainer.

— D’utiliser notre pouvoir au quotidien, nuança Nicoleï. Et tout ça pour quoi, au final ? On s’est fait virer de la ville.

— La faute à qui ? rétorqua Axel.

— Et mon uniforme est … plein de peinture.

Nicoleï chercha à frotter, ne réussit qu’à étaler le rouge davantage.

— Quelle galère. Comment je vais récupérer ça ?

— La rivière, dit Axel. Toutes les grandes villes sont bâties à côté d’une rivière.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez