Avril 1988
Cela devenait une habitude de la retrouver ainsi, assis l’un et l’autre sur ce muret de pierre, face à cet arbre majestueux. Leurs épaules se touchaient ; il n’osa pas parler pour ne pas briser ce bonheur dans lequel il aurait voulu resté pour une éternité.
Cet endroit était donc leur lieu de rendez-vous. Martial aurait voulu observer les alentours pour ancrer dans sa mémoire des images et les ramener au présent. Il s’aperçu qu’il en était incapable.
Son corps était figé, le buste droit, son bras collé contre celui de Camille, leurs doigts enlacés. Le temps pouvait s’écouler ainsi, il était bien et il se détachait peu à peu de 2018 pour se fondre en 1988, comme à chaque voyage.
Il ne pouvait dire si cela faisait une minute ou une heure qu’ils étaient ainsi l’un contre l’autre. Il fut pris d’un sursaut et se rappela le but inavoué de son expédition.
« Camille, je voudrais garder une preuve de nous et de cet instant, juste pour ne jamais oublier »
Elle était restée impassible, la tête droite et lui avait simplement répondu :
« Tu pourrais graver quelque chose sur ce banc, comme dans les films »
« On va faire mieux, tu va voir »
Il s’était levé et s’était dirigé vers le chêne devant eux. Il avait pris machinalement son opinel dans sa poche, surpris un instant que celui-ci s’y trouva. Mais devait-il encore s’étonner de quoi que ce soit. Chaque visite dans le passé était chargée de nouvelles interrogations.
Il se dit alors qu’il devait envisager de rester dans ce monde si réel et si agréable. Qui n’a jamais rêvé de revenir 30 ans en arrière avec l’expérience acquise, pour revivre mieux sa vie.
Pris dans ses pensées il se rendit compte qu’il avait pratiquement terminé son œuvre. Il venait de graver leurs prénoms sur l’écorce de cet arbre qui allait traverser le temps et les époques.