Martial avait décidé que ce samedi matin serait celui du grand jour. Il fallait faire aboutir cette histoire insensée.
Il resta allongé de tout son long sur le lit, tenta de se relaxer tout en faisant le vide dans sa tête. Après quelques minutes de calme absolu, il décida mentalement à mettre de l’ordre dans les derniers évènements vécus.
Il y avait d’abord une jeune fille plus jeune que lui dont il était amoureux ; elle s’appelait Camille. Il avait une fois de plus recherché sur le net des femmes qui se prénommeraient Camille et qui seraient originaires de la région d’Aix. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin.
Il y avait ensuite ce document compromettant dont il était censé avoir pris connaissance et qui lui valait aujourd’hui des menaces écrites et qui pourraient être physiques à en croire les deux tentatives d’accrochages à moto dont il avait été la cible.
Sur ce second point il n’arrivait pas à se souvenir précisément des informations qu’il avait lues à un moment ou à un autre ; il lui faudrait peut être se concentrer sur un épisode précis de son passé et tenter un voyage qui lui permettrait de lire et retenir ces informations.
Il pourrait aussi, comme il venait de le faire avec les inscriptions sur l’écorce du chêne, envisager de cacher le document lors d’une tentative dans le passé et récupérer ce dernier aujourd’hui. Cela lui paraissait moins compliqué que ce qu’il avait déjà entrepris.
Mais pour le moment, une autre perspective l’obsédait de plus en plus ; celle du grand saut pour rejoindre Camille.
Une autre opportunité plus réaliste celle-ci était de retrouver Camille dans le présent, de se reconnaître, de partager leurs souvenirs communs et pourquoi pas de lui plaire. Pour cela, il avait écumé les sites de rencontres en s’identifiant sous de fausses identités avec l’espoir de trouver son âme sœur.
Après des heures passées devant son écran, il avait enfin découvert une femme qui répondait à ses critères, non pas ses propres critères mais les conditions géographiques et d’âge qui pourraient en faire sa prétendante.
Il avait donné un rendez vous à une Camille, jeune femme célibataire qu’il avait sélectionné parce que son parcours scolaire aurait pu croiser le sien.
Grâce au site « les copains d’avant », il avait pu voir une photo qui pouvait s’approcher de la fille des ses voyages dans le passé. Il s’agissait d’une photo de terminale, ce qui ne correspondait plus à la jeune adolescente qui hantait ses souvenirs mais il ne pouvait pas laisser passer cette occasion.
Après quelques échanges par mails, il décida de franchir le pas et d’échanger leurs numéros de téléphones. La jeune femme habitait et travaillait maintenant à Marseille, il lui était facile de la rencontrer et il se mit à espérer dans cet heureux hasard. Il se dit qu’elle était peut être proche de lui sans qu’il ne le sache.
Les deux inconnus se donnèrent rendez vous au golf de la Salette dans Marseille, endroit calme et approprié à cette première rencontre. Martial arriva en avance, s’installa sur la terrasse, face au green, son rythme cardiaque était anormalement élevé et il pensa que c’était une sensation prémonitoire.
Il l’a découvrit progressivement gravissant les marches qui menaient à la terrasse, comme dans un film.
Elle était telle qu’elle s’était décrite dans leurs échanges téléphoniques, de taille moyenne, cheveux mi long, peau plutôt bronzée et cheveux châtains.
Sans aucune hésitation elle se dirigea vers lui, il se dit que c’était encore de bon augure.
« Vous êtes certainement Hugo » se présenta t elle avec un large sourire. « Je suis Camille »
Martial s’était effectivement inscrit sur le site de rencontres en question sous son second prénom pour plus de discrétion mais cette décision le troublait maintenant car il n’envisageait pas de mentir sur son identité ; il était trop tard.
Il invita Camille à s’asseoir et appela le serveur pour commander. Au bout d’une demi-heure de discussion, Martial ressentait un léger malaise, rien ne l’attirait vers cette femme, certes séduisante mais son comportement ne répondait pas à ces attentes.
Peut être avait il faux depuis le début ; une femme connue trente années auparavant pouvait avoir évoluée différemment en tant que femme et ne plus correspondre à la jeune adolescente. D’une manière générale, deux êtres faits l’un pour l’autre à l’âge de quinze ou vingt ans pouvaient ne plus avoir d’attirance trente ans plus tard. Il avait bien connu cette situation avec Catherine après tout.
Peut être fallait-il se rendre à l’évidence, le rêve ne se transformerait pas en réalité. Une seule façon d’en avoir le cœur net était de repartir dans le passé et faire en sorte d’y rester.
Le cœur de Martial ne battait plus du tout pour cette femme face à lui malgré toutes les tentatives de séduction de cette dernière. Lui même essayait de recoller les éléments du passé pour déceler chez elle les points communs avec l’histoire de leur idylle amoureuse.
Martial avait imaginé un déjeuner en amoureux et avait même prévu que cette rencontre s’éterniserait. Il n’en fut rien, conscients de leur déception réciproque, bien que ce ne soit pas pour les mêmes motifs, la discussion ne dura pas. Ils décidèrent de se rappeler, sachant l’un comme l’autre qu’aucun des deux ne le ferait.