Chapitre 2

Par Saphir

La journée passa lentement, semblant s'étirer de seconde en seconde, alors que les capsules de café s'empilent dans la corbeille du bureau d’Adélaïde.

L’histoire de l’attaque des rebelles n’avait cessé de lui occuper l’esprit, l’empêchant de se concentrer. Elle sentait le regard de Maé dirigé vers elle. Celle-ci remarquait sûrement l’inquiétude inhabituelle de son amie, mais ne fit aucun commentaire.

 

Adélaïde jetait un coup d’œil à l’heure affichée sur son écran toutes les cinq minutes. Elle était impatiente de rentrer et de se renseigner sur les rebelles. Sa curiosité était piquée au vif, et son cerveau n'allait pas la laisser tranquille tant qu'elle n'en savait pas plus sur ce qui s’était passé.

Elle mit un petit moment à se rendre compte que Maé lui tapotait doucement l’épaule. Elle secoue légèrement la tête, puis sourit.

– Désolée, j'étais perdue dans mes pensées…

– J’ai vu ça, oui, s’amusa son amie.

Elle jeta un coup d’œil à l'heure, puis se retourna vers Adélaïde.

– Tu veux que je te raccompagne en voiture ? C’est bientôt l’heure de partir.

– Mais ça te fait un gros détour…

Maé haussa les épaules, et commença à ranger son bureau.

– Ça me dérange pas. T’en fais pas, Adé.

Cette dernière remarqua le regard inquiet de Maé, et sourit légèrement.

– Je veux bien. Tout pour éviter le métro.

Prendre le métro ne dérangeait pas Adélaïde, mais si elle pouvait rassurer son ami en la laissant la ramener chez elle, elle n’allait évidemment pas refuser.

 

Elles éteignirent leurs ordinateurs et saluèrent le peu de personnes qui étaient encore présentes à cette heure tardive, puis elles quittèrent la salle. La musique habituelle de l’ascenseur les accompagna tout en haut du bâtiment, dans le parking de l'entreprise. Maé guida Adélaïde jusqu'à sa voiture et posa son doigt contre le capteur pour la déverrouiller.

Les deux femmes s'installèrent sur leur siège, puis Maé démarra la voiture ; le tableau de bord se mit en marche et le volet du pare-brise s'ouvrit. La voix monotone du pilote automatique s’exprima.

– Veuillez entrer la destination.

– 12 rue numéro 576, répondit Maé.

Un écran s’alluma et une ligne se traça jusqu’à l’immeuble d’Adélaïde. Le véhicule manœuvra pour se diriger vers la sortie du parking. La lumière extérieure illumina l'habitacle, et Adélaïde dut plisser les yeux pour voir le paysage éblouissant du soleil se reflétant sur le toit des immeubles.

– Ça fait longtemps que je n’avais pas vu la mégapole d’aussi haut, souffla jeune femme, émerveillée.

Maé sourit.

– En plus, on a de la chance aujourd'hui. Il fait plutôt beau pour un mois d’octobre.

Adélaïde acquiesça, observant les humains minuscules au pied des immeubles. Elle pouvait sentir une légère nausée et angoisse dans son estomac à la vue de la hauteur, mais elle savait les routes aériennes sécurisées.

 

Maé lança de la musique en appuyant sur un petit bouton, puis s’enfonça dans son siège avec un soupir. Elle resta silencieuse un petit instant avant de jeter un coup d’œil vers son amie.

– Comment penses-tu que ça va évoluer, cette histoire de rebelles ?

Adélaïde détourna le regard des immeubles et regarda Maé, pensive.

– Je sais pas…

Elle réfléchit un instant à ses prochains mots. Elle ne souhaitait pas inquiéter Maé davantage, mais elle ne pouvait s’empêcher d'être réaliste.

– Les attaques sont de plus en plus fréquentes…

– Je sais, mais je suis sûre que le gouvernement a les choses en mains, répondit Adélaïde, même si elle en doutait.

Maé parut contrarié, et ses yeux se baissèrent vers le sol. Elle se tut. Son amie se mordilla la lèvre, inquiète, mais n’ajouta rien.

“Je suis vraiment nulle à ça.”

 

Alors qu'elles se rapprochaient de plus en plus du quartier d’Adélaïde, les immeubles devenaient de plus en plus bas et les rues de plus en plus étroites. Le véhicule rejoint le sol et finit, après quelques tournants, par s'arrêter devant un bâtiment.

– Et voilà ! annonça Maé tandis que le pilote automatique lançait un petit “vous êtes arrivée à destination”.

– Merci beaucoup de m’avoir raccompagnée ! On se voit demain, sourit Adelaïde.

– De rien. À demain, Adé.

La jeune femme descendit de la voiture, et se dirigea vers l'entrée de son immeuble. Dans son dos, elle entendit le doux démarrage de la voiture. Elle entra le code pour débloquer la porte et pénétra dans le hall.

Elle glissa sa clé dans la serrure de sa boîte aux lettres. Elle était remplie de publicités, que Adélaïde lança dans la poubelle sans même y jeter un coup d’œil. Elle soupira, se notant mentalement de coller une étiquette anti-publicité sur sa boîte aux lettres la prochaine fois. Elle se dirigea ensuite vers l’escalier, puisque l'ascenseur était toujours en panne. Un papier disant “mauvais raccord de câble” était placardé dessus. Adélaïde l’avait rarement vu en état en marche. Elle avait fini par développer de sacrées jambes au fil du temps.

 

Elle monta les marches inégales de l’escalier, évitant les taches et saletés. Elle fut accueillie par la même odeur familière alors qu’elle se dirigeait vers son appartement. Elle déverrouilla la porte, mais avant de l'ouvrir, la jeune femme remarqua un papier rouge pâle glissé sur le palier.

Avec un soupir agacé, elle l’attrapa du bout des doigts.

“Encore une publicité…”

Elle y jeta malgré tout un coup d'œil. C'était inhabituel que les annonces ne soient pas déposées dans sa boîte aux lettres. Le papier ne comprenait que ces mots : “Rejoignez la rébellion. Battez-vous. Soyez-libre.”

Adélaïde, interdite, fixa des yeux le texte. Il n’y avait aucune image, aucun nom, et encore moins d'adresse ou de numéro de téléphone. C'était la première fois que la jeune femme avait affaire à ce genre d’annonce.

“Les rebelles sont désespérés à ce point ?” songea-t-elle.

Elle se tourna vers la poubelle pour jeter le papier, mais sa curiosité avait été piquée au vif. Les rebelles commençaient à répandre des annonces et à attaquer la ville plus fréquemment… Peut-être que Maé avait raison de s’inquiéter.

 

Adélaïde ne pouvait se résoudre à se débarrasser du papier. Elle regarda autour du palier. La même annonce avait été glissée sous plusieurs portes. La jeune femme en saisit une. Le message était en tout point identique.

“Aucune indication supplémentaire, alors. Comment les rebelles comptent-ils recruter de nouveaux membres avec ça ?” se demanda-t-elle.

Elle reposa le papier sous la porte voisine, puis elle ouvrit celle de son appartement et se glissa enfin à l’intérieur. Elle retira ses chaussures sans même se baisser, ne prit pas la peine de les ranger et se jeta sur son canapé, sa sacoche toujours sur son épaule. Elle claqua des doigts et la lumière s’alluma. Alors elle porta le papier au plafond, espérant apercevoir quelque chose au travers, mais rien n'apparut.

Adélaïde laissa échapper un petit rire face à tous ses efforts pour obtenir des indices sur les rebelles, alors qu’ils ne l’avaient jamais intéressée auparavant.

“Je m’improvise apprentie-détective, ce soir.”

 

Elle fit glisser sa sacoche de son épaule et se leva, s'étirant légèrement. Elle attrapa la tasse de café qu’elle avait laissée à l'abandon sur la table du salon ce matin, et se servit un peu d’eau. Elle voulait boire du café, mais elle allait finir avec des problèmes de santé si elle en prenait trop.

Alors Adélaïde s'installa près de la fenêtre avec sa tasse d’eau mélangée au fond de café. Le goût était désagréable, mais la jeune femme avait soif, et le liquide appaisait sa gorge râpeuse.

Elle regarda à travers la fenêtre. La nuit tombait doucement, avalant la lumière pâle du soleil. La fumée des usines, incessante, rendait le ciel plus sombre. Partout, les lumières des immeubles étaient encore allumées. Aussi, Adélaïde ne voyait jamais les étoiles de son appartement.

“Un jour… Si je peux partir de cette ville… Je pourrai observer les étoiles.”

Puis une pensée lui vint, une pensée absurde qui la choqua.

“Les rebelles pourraient m’aider.”

Elle secoua vivement la tête, et avala le reste de sa tasse d’une traite.

“Qu’est-ce qu’il m’arrive, enfin ? Les rebelles sont une bande dangereuse et désorganisée. Hors de question que j’envisage ce genre de chose.”

Elle se leva, posa sa tasse dans l’évier sans aucune délicatesse, et se mit à faire les cent pas. Puis ses yeux se posèrent sur le petit papier coloré. Agacée par ses propres pensées, elle l’attrapa et le déchira en deux, puis en quatre, avant de le lâcher au-dessus de la corbeille.

– Il faut que je me repose. Oui, j'ai besoin de repos, c’est tout, soupira-t-elle en se pinçant l’arrêt de nez.

 

Avec le peu d’énergie et de volonté qui lui restait, Adélaïde entreprit de faire la vaisselle. Elle lança de la musique sur son téléphone pour tenter de bloquer toute pensée indésirable, et se glissa dans son lit après s’être à moitié changée.

Elle fixa le plafond terne pendant de longues minutes, tenant d’obtenir un semblant de repos qui ne vint jamais.

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