Chapitre 3

Par Saphir

Adélaïde traînait des pieds en se dirigeant vers son bureau. Elle n’avait pas entendu son alarme donner, et s'était donc levée avec du retard. Elle allait recevoir une pénalité, comme le voulait la loi ; elle allait devoir travailler une heure de plus aujourd'hui.

 

La jeune femme se laissa tomber sur son fauteil avec un soupir las, et brancha son lecteur à l’ordinateur. L'appareil se mit en marche, se connecta, puis Adélaïde ouvrit ses fichiers, même si elle n’avait pas la volonté à ça ce matin.

Cependant, Maé, qui commençait plus tard, arriva dans la salle peu de temps après, et cela rendit légèrement le sourire à son amie. La jeune femme aux cheveux bouclés s’installa à son bureau.

– Tu as l'air fatiguée, dit-elle remarquer.

– Je le suis. Je suis épuisée, même.

Maé jeta un coup d’œil au bureau d’Adélaïde, puis ajouta.

– T’as pas pris de café aujourd'hui ?

– J'essaie d'arrêter.

– Bonne chance. Ça va être compliqué, te connaissant.

– Merci de t'inquiéter, mais je me débrouille.

Adélaïde glissa une de ses mèches pâles derrière son oreille, et retourna à ses fichiers tandis que son amie faisait de même.

Mais, à côté, la blonde ouvrit un onglet sur un navigateur web. La connexion passait très mal dans la périphérie de la mégapole, donc elle pouvait difficilement faire des recherches depuis son appartement. Elle allait ainsi profiter d'être dans le centre et d’avoir une heure de travail supplémentaire pour se renseigner un peu plus sur les rebelles.

 

Elle jeta un coup d’œil aux différentes caméras de surveillance réparties dans la salle.

“J’ai de la chance d'être dans un coin. Il ne faut pas qu'on découvre que je m’intéresse à un groupe aussi dangereux”, songea-t-elle.

La plupart de ses collègues étaient absorbés dans leur travail respectif, ou se tenaient debout près de la machine à café et discutaient entre eux. En voyant leurs tasses, Adélaïde eut un petit pincement au cœur, mais elle devait rester forte.

 

Sur la barre de recherche, la jeune femme entra les informations qu'elle avait sur la dernière attaque en date des rebelles. Elle observa les images, mais tout n'était que chaos et flammes. Elle agrandit les photographies, mais rien de net n’en ressortait. Alors une idée folle lui vint.

“Et si j’allais là-bas ?”

Aussitôt, la jeune femme se donna une claque sur la joue. Comment pouvait-elle penser à faire quelque chose d’aussi stupide et risque ?

Maé lui lança un regard mi-inquiet mi-perplexe. Son amie agita la main, comme pour chasser un moucheron, et lui sourit, augmentant la douleur lancinante de sa joue.

– T’en fais pas. J'étais en train de m’endormir, donc je me suis donné un petit coup pour me réveiller.

Maé haussa un sourcil, mais ne fit aucun commentaire et retourna à son travail.

 

Adélaïde baissa les yeux, la joue rouge de douleur.

“Mais qu'est-ce qui m'a pris…?”

Cependant, l’idée, bien que absurde, avait germé dans son esprit, et la jeune femme ne parvenait pas à la chasser. Sa curiosité ne faisait qu’augmenter.

Elle parcourut encore une fois les images des yeux, et finit par trouver une photographie montrant une personne perchée sur le toit d'un bâtiment en feu. La qualité était assez basse puisque l'image avait été agrandie, mais Adélaïde pouvait distinguer le visage de la personne. Elle avait une peau mate, et le bas de son visage était dissimulé. Elle fixait l’objectif de ses yeux sombres. Derrière elle se tenaient plusieurs autres silhouettes, aux traits trop flous pour les reconnaître.

 

Adélaïde resta longtemps à fixer cette image, espérant trouver un quelconque indice.

“C’est forcément un rebelle…”

Puis elle détourna les yeux avec un soupir découragé. Comment allait-elle parvenir à trouver plus d'indices ?

Elle ferma les nombres onglets qu’elle avait ouverts, et étira les bras en l’air. Puis elle s’enfonça dans son siège.

– Tu devrais te reposer ce soir, lui conseilla Maé.

Adélaïde se mordilla la lèvre.

– J’ai pris une heure de pénalité parce que je suis arrivée en retard ce matin.

– Mince. Tu veux que je t'attende ?

– Non, ne t’en fais pas. J'ai des courses à faire, de toute façon.

– D’accord… Préviens-moi si tu changes d’avis.

La blonde hocha la tête avec un léger sourire.

 

La journée s'étira, ponctuée par le départ progressif des salariés. Même Maé finit par quitter la salle, après avoir adressé un sourire désolé à Adélaïde. Celle-ci se retrouvait alors seule à son bureau, dans un silence oppressant. Elle gardait les yeux fixés sur l'écran de son ordinateur, car les caméras ne s’éteignaient jamais.

Puis la jeune femme se leva et se dirigea vers la machine à café pour se remplir une tasse de boisson. Avec celle-ci entre les mains, elle s’appuya contre la vitre, admirant le paysage de la mégapole. Elle sirota son café du bout des lèvres, le liquide détendant son corps après une journée à se retenir d’en boire.

Le ciel gris sombre se mélangeait aux silhouettes des immeubles, alors que la nuit tombait doucement derrière les nuages. Adélaïde jeta un coup d’œil à l’heure sur son téléphone : 18h37. Elle devait rester encore une demie-heure.

Elle observa donc l’extérieur dans l’espoir fou d’apercevoir une trace des rebelles, peu importe où, mais évidemment, elle ne trouvait rien.

 

Elle finit sa tasse de café, puis se rassit à son bureau, ses paupières lourdes. Plus qu’une vingtaine de minutes avant de pouvoir partir. Elle ouvrit ses fichiers pour travailler ne serait-ce qu’un peu. Elle fit de son mieux pour se concentrer.

Dès que l’heure passa de dix-huit à dix-neuf, la jeune femme bondit de son siège, attrapa sa sacoche, et se précipita vers la porte. Elle frappa l’interrupteur et la pièce se retrouva dans l’obscurité. La musique de l’ascenseur, bien que douce, n’aidait pas à calmer ses nerfs cette fois-ci. Adélaïde se mordillait les lèvres, son pied tapotant contre le sol.

 

En sortant, elle passa devant l’homme de l’accueil et lui lança un vague “bonne journée” avant de pousser la porte et de quitter l’immeuble.

Elle sortit son téléphone et entra l’adresse qu’elle avait obtenue dans ses recherches sur l’application GPS. Une ligne colorée se traça immédiatement jusqu’à la destination. Adélaïde se mit aussitôt en marche.

“J’arrive pas à croire que je vais faire ça. Je suis folle. Je vais le regretter, c’est sûr…”

 

Le ciel s’assombrissait alors que la jeune femme se rapprochait de son but. De hautes grilles avaient été placées tout autour du périmètre qui avait été attaqué. Des gardes équipés de lampes frontales et d’armes que Adélaïde ne savait pas nommer se tenaient un peu partout. La jeune femme se glissa discrètement dans une des ruelles sur le côté, essayant d’apercevoir le bâtiment.

L'endroit était assez éloigné du centre. On aurait dit une de ces petites entreprises de comptables qui calculaient les dépenses et revenues de la ville. Cependant, au vu de sa taille et de son emplacement, elle n'était pas très importante. 

Tout un pan de l’immeuble était détruit, et sa silhouette escarpée se détachait sur le ciel. Une odeur de fumée envahissait l’air, irritant la gorge d’Adélaïde, mais elle devait rester silencieuse.

 

La jeune femme scruta les environs, espérant trouver un passage où se faufiler sans être remarquée par les gardes. Elle dénicha un endroit où une poubelle permettait de grimper plus haut que le grillage. Elle allait ainsi pouvoir sauter par-dessus.

Adélaïde entreprit alors de monter sur la poubelle, avant de poser le pied sur la vieille ventilation pour se hisser plus haut. Ses genoux tremblaient. Elle aggripa ensuite la gouttière, puis elle se déplaça vers le rebord d’une petite fenêtre. Le grillage était là, tout près, et la jeune femme avait simplement besoin de continuer à avancer sur le rebord pour ensuite atterrir sur le sol de l’autre côté.

“En théorie, ça passe…”

Mais ses jambes tremblaient, et ses mains étaient moites. Elle parcourut le sol des yeux, cherchant un endroit sécurisé où atterir. Elle finit par trouver un petit endroit de béton, à peu près lisse, où elle ne risquait pas de se fouler une cheville.

La jeune femme prit une inspiration tremblante avant de s'élancer. Ses pieds percutèrent rapidement le béton, envoyant un frisson de douleur à travers tout son corps. Elle chancela et tomba à genoux sur le sol avec un petit cri qu'elle couvrit de sa main.

 

Ses genoux la piquaient alors qu’elle avançait en silence vers le bâtiment. Sa peau était abîmée et rougie. Le sol en béton l’avait éraflée, mais au moins, elle n'était pas trop blessée. Elle se faufila dans l’immeuble, sortit son téléphone et alluma la lampe torche.

 

Quelques pas non loin de l’entrée principale avait été entreposés des bureaux et des chaises, comme pour monter une barricade. Restait à savoir qui elle avait pour but de bloquer…

Adélaïde s'enfonça précautionneusement dans le sombre bâtiment, contournant des meubles et débris éparpillés un peu partout. Elle fouilla les alentours à l’aide de sa lumière, mais elle n'avait aucune idée du genre d’indice elle allait pouvoir dénicher par ici.

“Je n’ai rien d’une enquêtrice. Ça ne servira à rien, j'en suis sûre…”

Mais sa curiosité prenait le dessus, comme bien souvent. Hors de question de faire marche arrière maintenant. Alors la jeune femme gravit les marches, explorant chaque pièce qu’elle croisait. Certaines étaient à ciel ouvert, les murs détruits et recouvertes de suie. Adélaïde saisit des papiers administratifs à demi-brûlés venant d'une autre pièce et les plaça sous ses pas, afin de ne laisser aucune trace derrière elle qui permettrait de l’identifier. Elle ne pouvait prendre aucun risque.

 

Elle fit la même chose dans chaque pièce qui avait brûlé, mais elle ne trouva rien, absolument rien à propos des rebelles. Mis à part la barricade en bas, rien ne prouvait qu’ils avaient réellement attaqué cet immeuble. Un feu pouvait se déclencher facilement dans un lieu avec de nombreuses machines comme celui-ci, et des rumeurs pouvaient se répendre encore plus rapidement.

“Mince.”

 

Puis un éclat lumineux attira l'attention d’Adélaïde. Discrètement, elle jeta un coup d’œil dehors. Une voiture était là, dehors, à l’extérieur des grilles, ses phares braquées sur le bâtiment.

“Oh non. Merde… Je suis fichue…”

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