Chapitre 4

Par Saphir

Adélaïde se précipita dans le couloir, loin des murs brisés, où on aurait pu l'apercevoir dans la lumière. Des pensées paniquées tourbillonnaient dans son esprit. Elle s’accroupit dans le couloir, tremblante. Elle devait partir, vite, mais elle était pétrifiée.

Cette voiture n'était pas celle d’un civil ; c'était le modèle utilisé par la plupart des agents du gouvernement.

“Quelqu’un du gouvernement ne viendrait pas ici si l’incendie n'était pas lié aux rebelles.”

Peut-être que la jeune femme n'était pas venue pour rien, en fin de compte.

“De toute façon, les photos montrent que des personnes étaient là, sur les toits. Ce feu ne peut pas être accidentel”, se dit-elle, tentant tant bien que mal de se rassurer.

 

Elle resta accroupie, adossée contre le mur du couloir. La lumière des phares ne partait pas. Elle n'entendait aucune voix, aucun mouvement. Alors, très lentement, la jeune femme s'éloigna de la pièce, s'enfonçant dans l’obscurité. Elle descendit les escaliers sans un bruit, retenant sa respiration, de peur de se faire remarquer ; elle avait la boule au ventre.

 

Des gouttes d’eau s'écrasaient lourdement au sol, formant une fine couche de boue en se mélangeant avec la terre s'y trouvant. Si Adélaïde passait par là, elle allait y laisser des empreintes. Cependant, l’allée bétonnée était occupée par la voiture.

Adélaïde se mordilla la lèvre, se retenant de jurer à voix haute.

 

Un homme vêtu d’un long manteau noir se tenait là, à côté de la voiture, abrité sous un parapluie sombre. Son regard perçant parcourait le bâtiment lentement, les sourcils froncés. Non loin, un homme armé d’une lampe torche et d’un pistolet, accroché à sa ceinture, fouillait les lieux.

“Ils ne lésinent pas sur les armes… Cet homme doit être un policier.”

 

Adélaïde allait être découverte si elle restait ici. Sa cachette la dissimulait à peine, et le policier allait finir par arriver de son côté.

Ses genoux tremblaient. Ses doigts étaient froids, ses lèvres glacées. Elle passa sa capuche sur sa tête, puis jeta un coup d'œil à la voiture. La grille était ouverte, juste derrière. Elle avait simplement besoin de courir, puis de contourner le véhicule et de se précipiter à travers la sortie.

“Simple, en théorie…”

En pratique, Adélaïde ne faisait jamais de sport, et elle était à peine capable de courir deux cent mètres. 

Elle agrippa sa capuche, prit une profonde inspiration, presque inaudible, puis se précipita vers la porte principale du bâtiment. Elle l'enfonça, bousculant au passage le policier, qui tomba au sol dans un bruit d’éclaboussure. Adélaïde se figea pendant un court instant, mais se reprit rapidement, et détourna le regard, tirant encore plus sur sa capuche.

Elle se remit à courir, ses pieds martelant le sol de béton, alors que le policier l'interpelait.

– Arrêtez-vous là !

Adélaïde accéléra.

– C’est une zone interdite d’accès, vous n’avez pas le droit d'être ici !

Un bras se brandit devant elle, mais la jeune femme l’ignora et se glissa agilement en dessous. L’homme ne réagit pas, mais la jeune femme entendit un cliquetis d’arme. Elle n'avait pas besoin de se retourner pour comprendre qu'un pistolet était braqué sur elle.

Son cœur s'affola. Elle allait se faire tirer dessus. Elle se figea, et se mordilla les lèvres. Un long frisson glacé lui parcourut le dos. Le temps semblait s'étirer lentement. Le souffle d’Adélaïde était tremblant. Son corps ne voulait plus bouger.

“Je dois courir. Allez ! Bouge !”

– Laisse, murmura une voix profonde.

Adélaïde ne se retourna pas, mais elle jeta un coup d’œil sur le côté. Le policier avait abaissé son arme, et le bras de l’homme au parapluie était posé sur son épaule.

– Ne tire pas sur une civile.

La jeune femme sentit sa paire d’yeux perçants qui fixait l'arrière de son crâne.

– Elle n'a pas l’air d'être armée, mais la prochaine fois qu’on la voit ici, elle ne s’en tirera pas aussi bien, fit-il fermement.

Ces mots étaient prononcés vers le policier, mais Adélaïde sentait toujours son regard pointé vers elle. Le ton de menace derrière sa voix posée était très clairement discernable.

– Pourquoi me laissez-vous m’en aller ? demanda la blonde, tentant de dissimuler le son de sa véritable voix. Être ici est hors-la-loi.

– Au moins, vous en êtes consciente. Les jeunes qui viennent faire de l’urbex par ici sont assez nombreux. Je ne vais pas m’amuser à arrêter chacun d’entre eux.

Adélaïde cligna des paupières, étonnée, mais elle n’ajouta rien. L’homme au parapluie resta silencieux également. Le policier poussa un grognement, et retira la main de son collègue de son épaule.

– Comme tu voudras. Mais tu gèreras les conséquences seul, soupira-t-elle.

– Comme d’habitude, rétorqua l'autre.

Puis ce dernier se tourna complètement vers Adélaïde et lui lança.

– Pars d’ici, maintenant. Sauf si tu tiens à te faire arrêter.

La jeune femme déglutit, puis se précipita derrière la voiture, vers la grille d’ouverture. Elle ne regarda pas en arrière, courant à en perdre haleine. Elle s’enfonça dans les sombres ruelles, loin de ce maudit bâtiment et de ces deux hommes.


 

Elle ne pouvait plus respirer. Sa poitrine lui faisait mal, si mal. Sa gorge était sèche. Ses jambes flageolaient, et sa vision se brouillait.

Avec des pas lourds, elle arriva devant la porte principale de son immeuble. Le bâtiment lui paraissait bien trop haut et oppressant alors qu’elle entrait difficilement le code d’entrée.

Elle n'avait pas la force de monter les escaliers menant à son appartement. Ses cheveux étaient trempés, les mèches pâles dégoulinant sur son pull à capuche. Ses doigts étaient glacés, et elle peinait à les bouger.

“Je vais finir malade à cause de cette idée stupide. Et cet homme a failli voir mon visage…”

Adélaïde se laissa glisser contre le mur froid et terne du hall, s’asseyant sur le sol de carrelage. Ses yeux la piquaient, et elle pouvait les sentir s’humidifier. Elle était submergée par tout ce qui venait de se passer, et elle ne pouvait arrêter les pensées qui envahissaient son esprit par dizaines.

 

Un des habitants du hall passa devant sa forme recroquevillée et lui lança un regard perplexe. Elle ne leva pas les yeux, les gardant rivés sur le sol.

La personne ne dit rien, et continua son chemin. Ses pas résonnant dans le vieil escalier rappela à Adélaïde qu'elle devait rentrer chez elle. Elle posa une main par terre et se releva lentement, ses muscles engourdis après tant d’action.

Avec la volonté d’un animal mort, elle mit un pied devant l'autre, et passa devant la boîte aux lettres à son nom. Celle-ci était vide, sans même une publicité. Seule une petite araignée s’en échappa, apeurée à la vue d’Adélaïde.

 

La jeune femme monta péniblement les escaliers aux marches inégales, grelottante. Elle se traîna jusqu'à la porte de son appartement, s’efforçant de ne pas regarder les papiers rouge pâle déposés sur chaque paillasson. Elle tourna les clés dans la serrure pour entrer, mais son pied buta contre un carton posé sur le sol.

Elle cligna des yeux, puis prit délicatement le paquet entre ses mains. Il ne pesait rien. La jeune femme l’examina sous tous les angles, mais il ne comportait aucune étiquette ni adresse de l’expéditeur. Adélaïde fronça les sourcils et se mordit l’intérieur de la joue.

 

Elle resta ainsi sur le seuil de sa porte, fixant le carton qu'elle tenait entre ses mains.

“Est-ce que je l’ouvre ?”

Elle jeta de rapides coups d’œil autour d’elle, mais personne n'était dehors à cette heure tardive. Le palier était vide.

– Qui…? souffle Adélaïde, interdite.

 

Mais sa curiosité maladive finit par l'emporter. Elle entra dans son appartement, verrouilla la porte, et posa le paquet sur son canapé. Elle alluma rapidement la lumière, puis s’installa sans même prendre la peine de retirer ses vêtements trempés.

Elle déchira le ruban adhésif qui fermait le carton, et l’ouvrit en hâte. Elle crut d’abord qu'il était vide, mais un papier blanc était posé au fond, sans rien d’autre. Puis elle le déplia précautionneusement, et une petite puce, ressemblant à une carte électronique, tomba sur les genoux d’Adélaïde.

La jeune femme lu la lettre, et ses yeux s’écarquillèrent progressivement avec horreur.

– Comment est-ce possible…?

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