CHAPITRE 2 : BAGDAD CAFE

Notes de l’auteur : Attention New Romance... pour lecteurs avertis et adultes.

Charlie

Mon cœur retrouve enfin un semblant de rythme normal après ma rencontre houleuse avec ce foutu Motard de l’espace1. Je me contente de poser les rênes sur la barre d’attache et me dirige vers l’issue de secours d’où émanent des odeurs de friture. Je passe souvent par cette porte, qui donne aussi sur l’arrière-cuisine, car ça m’évite de traverser le bar. Au moment où je vais y toquer, celle-ci s’ouvre à la volée vers moi, manquant de m’assommer au passage. Jasmin s’exclame en me voyant :

– Charlie ! Te voilà enfin ! Ça faisait trop longtemps, ma puce !

Je n’ai même pas le temps de dire ouf qu’elle me serre chaleureusement dans ses bras, me plaquant contre sa généreuse poitrine. Son accent allemand me rappelle encore un peu plus la grosse allemande du film Bagdad Cafe, et je réalise seulement à cet instant qu’elle porte le même prénom. Je réponds à son accolade et me détache d’elle pour reprendre mon souffle avant de lui répondre :

– Oui, je sais bien, ça remonte à plusieurs mois, mais tu sais avec le ranch, on est bien occupés et papa ne me laisse pas de jour de congés.

– Il va falloir que je parle à ton père ! On n’a pas le droit d’exploiter sa fille comme ça. Je suis sure que c’est le plus dur des patrons, dit-elle en rigolant. Allez rentre boire quelque chose de frais. Ce sera bien agréable par cette chaleur.

– Avant ça, je vais aller préparer le parc à bétail, j’ai pris les devants pour ça. Où est-ce qu’on les installe ?

– Ah toujours les bêtes en priorité ! C’est ce que j’aime chez vous, le respect que vous leur témoignez.

– C’est la moindre des choses, ce sont elles qui nous font vivre.

Elle se retourne vers l’intérieur du bar et se met à crier :

– Sam, pour le bétail de Charlie ? Quel parc ?

Parce que la porte est ouverte, je ne peux m’empêcher de jeter un coup d’œil à l’intérieur. Un groupe d’hommes à la mine patibulaire et aux tatouages qui dépassent des manches ou du col de leur blouson de cuir noir sont accoudés au bar. Un peu en retrait, un gars à la mâchoire carrée et soulignée de larges favoris me fixe intensément. Ou plus exactement, son regard me donne l’impression d’être un papillon de nuit face à une flamme et je me sens irrémédiablement attirée vers lui. J’en ai un coup au cœur tellement il est envoûtant. Ça va paraître un peu cliché mais ce bleu métallique est tellement froid qu’on dirait le sommet de Teton Glacier. Ses yeux semblent d’autant plus cristallins que ses cheveux sont noirs, épais et sa peau bronzée. Il respire le trop plein d’assurance et de testostérone. Mais son air revêche est si masculin, si sexy et viril que wouahou !

– Charlie ! Oh oh Charlie ! Allô ! Allô ! m’interpelle Jasmin en claquant ses mains devant mon nez.

J’ai l’impression d’être arrachée à un songe quand, l’œil hagard, je parviens enfin à m’extraire de ce serpent qui m’hypnotise. Je recule pour disparaître de la vue des motards.

– Pardon, Jasmin, tu disais ?

– Mais qu’est-ce qui t’a captivée comme ça ? Le regard ténébreux d’un beau biker ? J’ai bien une idée de celui qui peut en être à l’origine.

– Quoi ? Euh non, mais pas du tout, bafouillé-je maladroitement. J’ai juste été surprise de voir autant de motards ici. Ce n’est pas habituel. Que se passe-t-il ?

Je vois à son demi-sourire qu’elle ne croit qu’à moitié ma réponse mais n’insiste pas.

– Hé bien, je ne sais pas exactement. A priori, ils doivent rejoindre un ranch mais ils se sont montrés peu diserts sur la question et ce n’est pas le genre de clients qu’on va titiller pour leur tirer les vers du nez. Même moi ! Ajoute-t-elle en riant.

– Oui, en effet, je les imagine mal en cowboy. Surtout que ce n’est pas l’époque où les ranchers embauchent du monde pour ramener les bêtes des pâtures avant l’arrivée de l’hiver. C’est encore trop tôt dans la saison. Ils dorment tous au motel cette nuit ?

– Je ne devais pas avoir assez de place avec la foire de Jackson qui arrive à grands pas, mais finalement, j’ai eu un désistement et ils ont décidé de prendre une chambre pour deux.

– Ah ? Qui y aura-t-il d’autre ?

– Dès ce soir, il y aura… hum ! attends que je réfléchisse, dit-elle en levant les yeux et en se tapotant la bouche de l’index comme pour y trouver la réponse. Ça tourne pas mal en ce moment et j’ai dû gérer beaucoup de réservations d’un coup. Alors, je crois qu’en plus de vous, il y a le Ranch du père Schwabacher…

– Beurk, ne puis-je m’empêcher de répondre.

– Ça va, cache ta joie, se moque-t-elle en voyant ma mine dégoûtée.

– Je n’y peux rien ! Je n’ai jamais aimé ce vieux bonhomme et ses fils. Je les trouve abrutis. Ils n’ont aucun respect pour leur vaches qui sont souvent marquées aux flancs des coups qu’elles reçoivent. Elles ont du mal à marcher à cause de leurs sabots incarnés, faute de parage et de soins. Et comble du comble, ils sont particulièrement misogynes. Voir une fille comme moi conduire un troupeau les dérange, et le mot est fable, puisque je devrais rester à la maison en bonne petite femme soumise pour préparer la bouffe de l’homme qui rentre et pose les pieds sous la table. Comme si on était encore au siècle dernier !

A cette pensée, je fais une montée des yeux au ciel. Ce mouvement n’échappe pas au regard affûté de Jasmin qui, connaissant mon aversion pour le père Schwabeurk, comme je le surnomme, n’en est pas moins d’accord avec moi.

– Je ne pourrais guère te contredire ! Il y aura aussi les cowboys du Common Ranch de Idaho Falls, et ceux de Jenny, qui nous rejoindra après avec son cousin, ajoute-t-elle en me jetant un clin d’œil.

Devant mon regard vide à l’évocation de ce nom, elle précise :

– Jenny ? Jenny Bloody, tu te souviens ?

J’acquiesce vaguement de la tête, tentant de remettre un visage sur ce nom.

– Le cousin de Jenny est le fils de Roy Montgomerry. Enfin, c’est un peu plus compliqué que ça puisque c’est un remariage et que c’est le fils de sa femme, son beau-fils donc.

Au nom de Montgomerry, mon regard s’illumine. Luka ! Lui et moi avons fréquenté la même école, à Moran, pendant notre petite enfance, mais il avait quelques années de plus que moi. Le ranch de son beau-père est situé sur la U.S. Highway 26, au pied de Davis Hill, en direction de Buffalo Fork. Donc, si on prend Moran comme référence, c’est diamétralement opposé à nous : eux à l’est et nous à l’ouest. Nous n’étions pas vraiment amis, car la différence d’âge faisait que nous ne fréquentions pas les mêmes groupes. De toute façon, il est parti rejoindre son père qui vivait à Seattle à son entrée au collège et nous nous sommes perdus de vue. Je me souviens vaguement de lui comme d’un garçon jovial, un peu rond, châtain aux yeux très noirs. Je serais bien incapable de le reconnaître.

Jasmin me sort à nouveau de mes pensées pour finir :

– Il y aura aussi les habitués du bar ce soir, ceux-là ils finissent toujours tellement imbibés que s’il y avait un tremblement de Terre, ils arriveraient à rester droit avec leur tangage naturel. Bon et sinon pour répondre à ta question, prends le parc au bout à gauche pour tes bêtes. Tout est prêt, l’eau et les clôtures. Tes vaches seront un peu plus isolées mais tranquilles. Ton père nous rejoint-il ce soir ?

– Oui, il va apporter les rations des chevaux avec le pick-up et nos affaires de rechange.

– A-t-il prévu de rester ? Je lui avais réservé une chambre.

– Il me semble bien, tu sais combien il aime profiter de ces soirées de transhumance. Et tu me dis que je n’ai même pas une clôture à faire ! Ce sont des vacances pour moi finalement, dis-je en rigolant. Bon, merci Jasmin, je vais aller m’occuper de Chitane et attendre l’arrivée des garçons. Ils ne devraient plus tarder maintenant, j’ai l’impression de voir la poussière soulevée par le troupeau, à moins que ce soit encore ces foutus bikers !

– Ne les cherche pas trop ce soir, ce ne sont pas des enfants de chœur. Méfie-toi Charlie.

Le sérieux avec lequel elle me dit ça me surprend. Il n’est pas dans ses habitudes d’éprouver une quelconque crainte envers quelqu’un. Avec le Bagdad Café, elle en a vu de toutes les couleurs ! Et pourtant, la présence du gang semble vraiment l’inquiéter. Il faudra que je la questionne plus tard dans la soirée si l’occasion se présente car j’ai l’impression qu’elle pourrait m’en apprendre davantage. J’avoue, j’aime les ragots. Et comme je n’en ai pas beaucoup au ranch, je suis contente quand je peux en apporter de nouveaux. On se fait ensuite un concours de potins avec Lakota. La virée à Jackson est l’occasion de remplir notre panier de nouvelles anecdotes. D’ailleurs, elle sera folle d’avoir raté l’épisode « bikers ».

 

Les garçons sont arrivés avec le troupeau peu après. Le temps d’installer les bêtes et de s’occuper des chevaux, la lumière s’est mise à décliner. Alors que le jour touchait à sa fin, mes cousins sont allés rejoindre leurs chambres respectives. J’ai eu besoin de me retrouver un peu seule avant d’affronter un bain de foule auquel je ne suis pas habituée et dont le public n’est pas toujours des plus finauds. J’escalade la barrière du paddock le plus proche et m’assieds sur la plus haute planche, face au coucher de soleil qui se profile. Seul le bruit des bêtes pâturant au loin et le chant de quelques oiseaux font écho aux éclats de voix qui sortent du Bagdad Cafe. Un petit souffle d’air frais me fait frissonner, me rappelant que nous ne sommes encore qu’au début de l’été et que si les journées sont déjà très chaudes, les nuits sont encore fraîches. Le soleil déclinant a commencé à présenter toute la palette des couleurs chaudes, allant du jaune clair au rouge carmin. Dès que je peux à la maison, je me pose pour admirer ce festival de nuances mais, là, avec les montagnes en ombre chinoise, c’est encore plus magique. La perception d’une présence envoûtante dans mon dos me tire de mes pensées. Je tourne la tête pour voir qui vient troubler mon moment de quiétude et je tombe nez à nez avec le biker qui me dévorait des yeux dans le bar (enfin plus exactement mes fesses se trouvent au niveau de son nez).

De surprise, j’achève mon demi-tour tellement rapidement que je perds l’équilibre vers l’arrière, me sens tomber et… me retrouve prise dans l’étau de ses mains. Confuse, je me débats pour qu’il me lâche mais ses bras puissants tiennent bon.

 

Duende

Je l’ai identifiée dès que son Stetson est tombé et que sa masse de cheveux roux a été libérée. J’ai bien sûr mené ma petite enquête pour savoir comment aborder la mission au mieux. Mon lieutenant m’a un peu dépeint notre cible mais sans pouvoir être précis. À sa décharge, les gens changent tellement en quinze ans qu’il est impossible de se faire une opinion juste. Par contre la description physique ne laisse aucun doute : cette nana est la fille de notre cible. Et putain, c’est un sacré canon ! Pas une de ces beautés stéréotypées ou clonées qu’on retrouve partout, comme les poupées de bikers qui nous collent au cul dès qu’on s’arrête dans un bar. Non, une nana magnétique au charme envoûtant, avec un tempérament de feu. Alors quand son petit minois se pointe à la porte et que nos regards s’aimantent, je jette le plan A à l’eau. Il faut que je vérifie que la personnalité est conforme à ma première impression. Toucher son père pourrait après tout être « faire du mal à sa fille ». Pas physiquement, j’ai promis. Non, plus classiquement : la séduire, la laisser s’accrocher, la quitter, la voir s’effondrer de tristesse. Facile et largement dans mes cordes, sans forcer.

Accoudé au bar, j’observe les deux femmes discuter et parviens à capter des bribes de leur conversation. D’ailleurs, les recommandations de la patronne pour ne pas nous agacer ce soir me tire un sourire. Si seulement elle savait… Quand ma belle poulette s’éloigne, je me retiens de la suivre. Je hèle alors la patronne, et en désignant l’emplacement où se trouvait la demoiselle, je lui demande :

– Hey, Jasmine. La rouquine travaille pour toi ?

– Je… Qui ? Charlie ? Non, pas du tout. Elle bosse avec son père dans leur ranch.

– Ils seront parmi les convives ce soir ?

– Oui, mais pourquoi demandez-vous cela ?

– Juste par intérêt pour une belle plante.

Mon sourire carnassier et le regard que je lui lance semble la déstabiliser mais elle aussi est une femme de caractère et elle se ressort les griffes :

– Pas touche à Charlie ! C’est une super fille qui mérite le meilleur.

– Ça tombe bien ! J’ai l’habitude que les femmes en redemande. C’est pas parce que je suis bon, c’est parce que je suis le meilleur !

À ses yeux qui me fusillent, je me doute qu’elle n’apprécie pas mon humour. Si j’avais un tant soit peu de cœur, je pourrais la trouver touchante de défendre la gamine avec autant de loyauté, d’autant qu’elle insiste :

– Foutez-lui la paix sinon…

– Sinon quoi ? La coupé-je.

Visiblement, la menace sous-entendue est bien comprise. Elle ravale son courage et rebrousse chemin vers la cuisine. Je prends mon mal en patience, sachant que quand l’occasion d’approcher Charlie se présentera, je saurais la saisir. Je suis parfois comme un félin, patient et opportuniste. Alors quand, par la porte entrouverte, je la vois grimper sur la barrière du corral, je me faufile à l’extérieur et m’approche d’elle à pas de loup. Quand elle sent ma présence, elle se retourne si rapidement qu’elle chute. Mon premier réflexe est évidemment de la réceptionner dans mes bras. L’action est tellement drôle et inattendue que je ne peux m’empêcher de me marrer.

De ma voix grave et profonde, je lui dis :

– Hé bien voilà, je savais bien que je finirais par t’avoir dans mes bras. Et je confirme que je préfère ton joli cul à celui de ton cheval.

Si elle pouvait m’assassiner de ses yeux, je n’ai aucun doute qu’elle le ferait à l’instant. Et sans être devin, je pige qu’elle sait que je suis l’abruti qui a manqué de la faire tomber de cheval. Elle ne trouve alors pas mieux à faire que de m’engueuler à nouveau :

– Non, mais ça va ! Ne vous gênez pas pour me peloter pendant que vous y êtes ! Laissez-moi descendre !

De rage face à son impuissance, elle commence à me frapper à la poitrine en grognant. Plus elle s’agace, plus je la serre fort contre moi et plus sa réaction me fait rire. Pour sûr, la demoiselle n’est pas une jouvencelle sans ressource. En revanche, je dois admettre que la chaleur de son corps contre le mien ne me laisse pas indifférent mon cerveau situé sous la ceinture.

– Putain, mais lâchez moi !!!!

Puisqu’elle insiste, je décide d’exécuter son souhait ! Elle s’affale comme un gros sac à mes pieds, la surprise et son égo s’associant pour lancer un cri ridicule. Avant qu’elle ait le temps de se relever en se massant les fesses, cet « abruti de goujat » que je suis tourne le dos et se dirige vers le bar. De mauvaiseté, elle tend le doigt le plus long qu’elle a vers le ciel. Est-ce ma présence qui la rend si vulgaire ?

– Je te vois ! Ce n’est pas très correct de ta part. C’est comme ça que tu me remercies de t’avoir empêchée de tomber ? Lui dis-je avant de pénétrer pour de bon dans le bar par la porte de service.

Rumine ta colère Charlie, tu as frôlé ma toile et tu finiras dans mon étau, pensé-je alors.

 

Charlie

Mais, c’est quoi ce type ? Il a des yeux dans le dos ma parole. J’étais persuadée qu’il ne pouvait pas me voir sinon je me serais abstenue de faire ce geste obscène. Quoique… Dommage, il semble faire partie des convives du motel ce soir. Bonjour l’ambiance avec un type comme ça. Toujours en grognant, je me dirige vers la chambre que Jasmine m’attribue habituellement pour profiter d’une petite douche chaude avant de rejoindre mes cousins et mon père pour la soirée.

 

Lorsque je rentre dans la salle du bar, une musique country fait vibrer les murs. À ma grande surprise, il n’y a aucun biker, uniquement les ranchers et les habitués. Finalement, ils ont peut-être préféré aller dans un endroit de débauche qui leur ressemble. La soirée sera meilleure sans eux. L’homme que je cherche des yeux, celui à la barbe rousse, est assis avec mes cousins à côté du bar. J’enlace ses épaules et lui colle un bisou bruyant dans l’oreille. Je sais qu’il a horreur de ça.

– Aïe ! Non mais quelle bourrique cette fille ! Dit-il en m’attrapant par la taille. Ça va ma fille ? Ça s’est bien passé ?

Mon père n’a de brute que l’apparence. En vérité, c’est un homme doux et chaleureux, toujours prêt à aider son prochain. Enfin tant qu’on ne trahit pas sa confiance. L’honnêteté et la loyauté sont des qualités primordiales pour lui. J’attrape une chaise et me joins à eux, non sans commander au passage une grande bière. Quand Sam dépose ma boisson sur la table, je vois poindre dans les yeux de mon paternel un reproche contre lequel je préfère l’attaque :

– Hé oui mon Papounet, il va falloir te faire une raison. Je suis largement majeure, et en plus, j’ai une sacrée pépie ! Il est loin le temps où je ne buvais que de la limonade.

Je m’empresse d’avaler une longue gorgée en zieutant mon père de défi. Je n’ai pas menti, j’ai vraiment soif. La soirée avance, je fais le tour des personnes connues et j’en oublie mon altercation avec le motard. Je continue à arroser cette soirée à la Guinness jusqu’à ce qu’une envie pressante me rappelle que la bière a deux conséquences perverses : ses effets enivrants et diurétiques. Je me lève en titubant, et me dirige vers les toilettes, la démarche mal assurée. Quand je m’assieds sur les WC, les effets de l’alcool cumulés à la fatigue m’assènent une grande claque et la tête me tourne. Encore hagarde, les yeux rougis, j’ouvre la porte et sors sans regarder. Je percute alors une masse de muscles qui me fait reculer de deux pas. Je perds l’équilibre, tente de me rattraper au tonneau en bois servant de table, et m’écroule par terre, entraînant dans ma chute un plateau avec ses verres. Je vais non seulement puer l’alcool, mais en plus, j’ai pris un deuxième coup dans mon égo et sur mon postérieur. Décidément, ça devient une habitude chez moi ! Je sens maintenant tous les regards converger dans ma direction. Finalement, cette honte me semble plus grande que celle de s’endormir bourrée dans les WC d’un bar. Une main se tend vers moi pour m’aider à me relever. Sans réfléchir, je la saisis en fixant les tatouages sous forme de lettres calligraphiées qui sinuent sur l’avant-bras et se cachent sous les replis de la chemise. Quand je lève les yeux, curieusement, je m’attends à croiser ceux du biker. Pourquoi ai-je pensé à lui ? Quelle idée ! Au contraire, je rencontre deux billes sombres, magnifiques, à demi masquées par une épaisse tignasse noire. Les traits du visage sont fins et si parfaits que j’en reste sans voix. D’une seule traction, je me retrouve debout. L’élan qu’il me donne a été tel que j’atterris dans les bras du bel inconnu. Enfin, inconnu, pas tout à fait. Ce regard me rappelle quelqu’un mais comme je suis épuisée et pas vraiment sobre, on ne peut pas dire que mon cerveau fonctionne à plein régime. Je me dégage en balbutiant un remerciement.

– Hé bien bonsoir, Charlie. Me dit-il d’une voix chaude et sensuelle. Ravi de te revoir.

Je reconnais à ses côtés Jenny qui se rapproche et lui pose une main sur l’épaule en me saluant. Et là, ça me fait tilt. Luka, le petit rondouillard de mon enfance !

– Luka ? Bon sang, j’aurais eu du mal à te reconnaître.

– Hé bien, grâce à ta couleur de cheveux, pas moi, dit-il en éclatant de rire. Tu n’as pas changé.

– Je ne sais pas comment je dois le prendre, me contenté-je de répondre avec une moue boudeuse.

– Non, je rigole, Jenny m’a dit que c’était toi, dit-il en désignant sa cousine du pouce. Je ne t’aurais sûrement pas reconnue non plus. Ça fait quoi ? Presque quinze ans ?

– Oui, ça doit faire quelque chose comme ça. Hé bien, c’était une rencontre percutante après tout ce temps.

– C’est le cas de le dire. Tu prends un dernier verre ? On peut tenter de rattraper un peu de notre retard.

Cette petite chute ayant fait baisser drastiquement ma sensation de cuite, j’acquiesce et le suis vers le comptoir pour passer commande. Comme il faut soigner le mal par le mal, je continue ma soirée à la Guinness. J’assume parfaitement mes origines irlandaises.

Nous nous asseyons à une petite table tranquille et résumons les dernières années de nos vies. Luka a fait des études de journalisme à Seattle. Alors que je ne suis d’ailleurs jamais sortie du Wyoming, lui a parcouru le monde entier pour faire des reportages photographiques. Je trouve ce contraste intimidant et pourrais me sentir minable mais il met en confiance et se montre très ouvert, me posant beaucoup de questions sur la vie que j’ai mené ces dernières années :

– A ton tour de te confier à moi Charlie. Après la Moran Elementary School, où as-tu été ?

– Tu sais, il n’y a pas cinquante possibilités par ici. On va tous à Jackson ! J’ai fait toute ma scolarité, du sixième au douzième grade2 à la Henry M. Jackson High School.

– Tu rentrais tous les soirs ?

– J’ai eu cette chance là oui. Mon père trouvait que j’étais trop petite pour partir en internat et on a gardé ce rythme jusqu’au bout. Il y avait le bus scolaire, ça prenait un peu plus de trente minutes.

– Ça fait un sacré changement entre nos montagnes et la ville. Surtout quand on est si jeune. Tu l’as bien vécu ?

– Je ne peux pas dire que ça ait été les pires années de ma vie, mais pas non plus les meilleures. Les bruits de la grande ville alors que j’étais habituée à vadrouiller dans les bois m’ont angoissée au début. Mais au final, j’y étais juste le temps de l’école. C’est plutôt quand je suis entrée à l’Université que le choc a été plus grand.

– Comment ça ? Je voyais plutôt la fac comme une grande récréation.

– J’ai tenté un Second Degree en comptabilité à Jackson. Sauf que je me suis retrouvée toute seule pour la première fois, séparée de ma famille, ma tribu et ma meilleure amie Lakota… je ne sais pas si tu te souviens d’elle ?

– Oui bien sûr, vous étiez déjà inséparables à l’époque.

– J’ai très mal vécu cette première année. En plus, j’avais pris « comptabilité » mais c’était le choix de la raison plutôt que celui du cœur. Pour faire plaisir à mon père et mon grand-père qui pensaient que ce diplôme serait utile dans la gestion du ranch. Sauf que ça ne me plaisait pas du tout, j’étais malheureuse comme les pierres, je m’ennuyais et je n’arrivais pas à trouver la motivation pour bosser un truc encore plus barbare que la barbarie elle-même.

– Tu as fait quoi ?

– Je me suis réorientée ! Je suis partie à l’Université du Wyoming à Laramie, encore plus loin, à plus de six heures de route du ranch, mais j’y retrouvais Lakota. Ces années d’étudiante, en revanche, ont été les plus belles de ma jeune vie. Je suivais un cursus qui me passionnait en agriculture, j’étais en colocation avec ma meilleure amie, j’avais réussi à couper le cordon qui me reliait encore à ma famille, mais surtout, j’avais découvert une autre vie. Une vie de jeunesse universitaire remplie de week-ends de fêtes, de sororités, de soirées entre amis, de beuveries et de débauches en tous genres.

– C’est donc ça !

– Que veux-tu dire ? Demandé-je suspicieuse.

– C’est là-bas que tu es devenue alcoolique ! Déclare-t-il avec un grand sourire moqueur.

– Mais non ! Je ne suis pas alcoolique, sinon je tiendrais mieux que ça après deux bières.

– C’est un argument qui tient la route en effet, surtout quand on sait que tu as été élevée avec de la Guinness dans le biberon. Ne me tape pas, je rigolais ! Tu n’es pas devenue alcoolique à l’université mais tu es devenue une chaudasse. Hey ! Mais c’est toi qui l’as dit juste avant. Tu as bien parlé de débauches en tous genres ?

– Oui, enfin, dans mes rêves parce que, même si le passage à l’université m’a quand même un peu dévergondée, ce n’est rien en comparaison de Lakota. Affranchie du joug parental et de ses traditions, elle s’en est donnée à cœur joie et n’a pas ménagé ses efforts pour profiter à fond de son statut d’étudiante. Mais, en ce qui me concerne, le rêve estudiantin s’est arrêté au bout de deux ans. Mon grand-père est tombé gravement malade et les médecins n’ont pas pu le sauver.

– J’avais appris ça. J’en suis désolé. Qu’a-t-il eu ?

– Malgré tous les imminents professeurs qui l’ont ausculté, aucun n’a été capable de l’expliquer. Alors, je suis rentrée pour soutenir ma famille et aider mon père au ranch, avec pour énorme regret de ne pas avoir pu parler à mon aïeul une dernière fois. Ça ne devait être que provisoire, mais je ne suis plus jamais repartie. Lakota est rentrée, elle-aussi, six mois après moi. Elle n’a jamais voulu me dire vraiment pourquoi. Je pensais qu’elle s’y plaisait pourtant. Je l’ai questionnée des centaines de fois, j’ai essayé de lui tirer les vers du nez par tous les moyens mais elle éludait mes questions et bottait en touche, comme elle sait si bien le faire. J’ai fini par laisser tomber. Après tout, elle a vite retrouvé sa joie de vivre et son rire cristallin a de nouveau résonné dans le ranch. Et la vie a repris son cours ou plutôt elle a poursuivi son chemin avec un nouvel équilibre.

Nos conversation vont bon train. Luka est passionnant et, ce qui ne gâche rien, je le trouve beau comme un dieu. Je suis sous le charme et je passe une excellente soirée. La bière agit comme un désinhibiteur sur moi et aide à lever mes barrières. Je lève ma pinte et tente de voir à travers. La robe sombre est tellement opaque que je ne peux distinguer le visage de Luka dans la pénombre du bar. Puis je plonge avec délectation mes lèvres dans la fine mousse blanche avant d’atteindre le nectar sirupeux aux notes de café et de malt grillé. La quintessence du plaisir !

 

Luka

Cette rencontre percutante avec Charlie va au-delà de ses promesses et me fait oublier pour un temps la raison de ma présence ici. C’est avec un grand naturel que nous parlons de tout et de rien, jusqu’à ce que nous abordions nos goûts musicaux. Il s’avère que nous sommes tous les deux de grands fans des vieux rocks des seventies tels que les Pink Floyd, David Bowie ou encore Queen. Mais nous aimons aussi des artistes plus intimistes voire inconnus du grand public comme Sixto Rodriguez, que j’avais découvert à travers le biopic « Sugar Man » dans un petit cinéma d’art et d’essai que je fréquentais lorsque j’étais étudiant. J’ai été très surpris qu’elle connaisse également cet artiste si méconnu. Puis nous avons dérivé sur la Country et avons conclu que l’album de Neil Young « Harvest » était l’un des meilleurs albums Country de ces années là. Quand la musique de Kiefer Sutherland résonne, un seul regard suffit pour qu’on se comprenne. Nous bondissons pour rejoindre la piste et les quelques danseurs déjà présents. Après quelques balbutiements, nos pas s’accordent, nos mains se lient, nos corps collés se trouvent. La température de la pièce grimpe de quelques degrés. Plusieurs chansons s’enchaînent sans que nous puissions nous détacher, nos regards aimantés l’un à l’autre. Je sais que je ne le devrais pas mais je suis un homme et je réagis à son contact. J’aime la sentir maintenue dans mes bras vigoureux, mes mains caressant sensuellement son dos. Faisant fi des convenances, oubliant les regards posés sur nous, nos lèvres se joignent. Lentement, timidement, sa langue perce la barrière de mes lèvres. La douceur et la sensualité laissent place à de brûlants baisers. Nos dents se heurtent, faisant exploser en moi toute bonne résolution. Je l’attire violemment contre moi, et je l’accroche avec plus de force. Tellement emportés par cette soudaine passion, nous n’entendons pas la salle se remplir. Mon bassin plaqué contre le sien, je sais qu’elle sent mon membre tendu de désir. Une sensation de chaleur monte dans mon bas ventre et annonce que ma raison va bientôt laisser place à ma perversion. Mon petit Moi lubrique vient de coller une mandale à mon petit Moi raisonnable, le laissant définitivement sur le carreau pour le reste de la soirée. Au paroxysme du désir, je sens un froid glaçant qui me transperce et me fait redescendre immédiatement sur terre. Charlie semble le percevoir aussi car elle interrompt notre baiser sans se retourner. La fournaise entre nous reflue d’un coup en même temps que nos corps se séparent. Je sens une nouvelle tension poindre mais ce n’est pas celle du pantalon. Je lève les yeux vers Duende et je suis frappé par l’hostilité qui se reflète sur son visage. Je sais, je n’aurais pas dû. La salle s’est tue. Seule la musique résonne encore mais elle semble écrasée par le charisme de celui qui vient d’entrer. J’entends Charlie murmurer pour elle-même :

- Seul le biker aux yeux de glace a le pouvoir de faire taire les plus poivrots du bar, les plus bavardes des serveuses ou les plus téméraires des cowboys. ».

Si elle savait combien elle a raison.

 

Charlie

Je pivote sur moi-même et constate que je ne me suis pas trompée. Quand nos regards se croisent, les mains de Luka me lâchent brutalement. Il est là, devant nous, magnifique et terrifiant. Un rictus de mépris marque son visage. Il nous détaille. Mon dos est collé contre le torse de Luka mais ses mains ont abandonné leur geste protecteur. J’ai comme l’impression qu’ils se connaissent déjà. Que l’antipathie palpable entre eux ne vient pas de naître. Lorsqu’il rompt le contact pour s’avancer vers le comptoir, je respire à nouveau. Cet homme est tout simplement fascinant mais mon instinct me dit de me méfier de lui. Qu’il est ô combien dangereux ! Si seulement je m’écoutais parfois...

Petit à petit, chacun reprend le fil de sa conversation. C’est seulement maintenant que je m’aperçois qu’une dizaine de bikers est attablée au bar, rejoints par le nouveau venu. Ces derniers s’écartent pour le laisser accéder au comptoir dans un mouvement unanime et plein de respect.

Luka m’entraîne alors vers notre table et je ne peux m’empêcher de lui poser la question :

– Tu le connais, n’est-ce pas ?

Il met un temps avant de me répondre. Ses yeux plissés continuent de scruter le groupe de bikers accoudés au comptoir, et plus particulièrement celui que je devine être leur chef.

– Luka ?

J’ai à nouveau son attention.

– En quelque sorte, oui, répond-il avec un sourire contrit. Il y a cinq ans, quand j’ai fait mon premier stage de journalisme, j’ai accompagné une célèbre photographe Alexa Di Angelo. Peut-être as-tu eu l’occasion de déjà voir son travail ?

– Euh non, désolée.

– Alexa était une fan de moto, et son rêve était de rejoindre un gang de bikers. Elle est parvenue à convaincre un chef de clan, celui des Riders to Hell qui sont des concurrents directs des Hells Angels, d’effectuer un reportage photo sur eux. Je l’ai accompagnée pendant un an.

– Et lui ? Dis-je en désignant du menton. Qu’est-ce qu’il a à voir la-dedans ?

– Duende, soupire-t-il. Duende Carmickaël était novice quand je faisais le reportage avec Alexa.

– Novice ? C’est-à-dire ?

– Oh la ! On n’est pas couché s’il faut que je t’explique tout le fonctionnement des clubs de bikers.


 

Luka

– Vas-y ! J’ai toute la nuit, me dit-elle en s’installant plus confortablement.

C’est-à dire qu’elle s’appuie contre le dossier du banc et qu’elle passe ses jambes sur les miennes. Je me retiens de poser délicatement ma main sur sa cuisse. Charlie ne dois pas me fuir parce que je me montre distant mais elle ne doit pas non plus imaginer une quelconque promesse d’avenir que je ne pourrais pas tenir. C’est une chouette fille qui mérite qu’on la respecte. Je regrette déjà tellement d’avoir laissé mon corps réagir bestialement à notre étreinte rythmée. J’en ressens bien assez de culpabilité comme ça. Pour couper court à mes tergiversations, j’adopte un ton professoral et enchaîne :

– Prête pour un petit cours d’histoire ?

– Je suis toute ouïe, Docteur Luka !

– Le club des Riders To Hell a été fondé en 1966 par un vétéran du Vietnam, comme beaucoup de clubs à cette époque. C’était le moment de la rébellion de la population, et notamment des jeunes, contre le gouvernement. On a vu naître les hippies pacifistes et, à l’opposé, les bikers rebelles et belliqueux. Aujourd’hui, les Riders sont considérés comme ayant l’organisation criminelle la mieux structurée et est probablement une des plus puissantes. Elle compte plus de neuf-cents membres et quatre-vingt-dix chapitres dans le pays. Un chapitre, c’est un club, précisé-je. Le but de la plupart des clubs est d’étendre leur territoire pour gagner des parts de marchés dans la drogue, quelle qu’elle soit : méthamphétamine, coke, marijuana… Ce ne sont pas des enfants de chœur, vraiment pas. Chaque gang a plus ou moins ses spécialités : braquage, vol, trafic en tout genre (armes, humains, organes), proxénétisme, extorsion d’argent… Tout un panel d’activités lucratives et surtout illégales, évidemment.

– Mais qui peut rejoindre les clubs ?

– N’importe quel passionné de Harley Davidson, du moment qu’il ne soit ni noir, ni une femme, ni qu’il ait un quelconque lien avec les forces de l’ordre, de près ou de loin.

– Pas de femme ? On en voit bien sur les motos pourtant.

– Les femmes de bikers sont cantonnées au rang d’objet, le prénom du propriétaire est écussonné dans le dos ou tatoué sur les fesses.

– Génial, ça fait rêver dis-moi ! La femme objet dans toute sa splendeur, bonjour le progrès !

– Ce n’est pas moi qui ai choisi leur mode de fonctionnement mais j’admets que ce soit choquant de nos jours. Ça n’a malheureusement pas vraiment évolué de ce côté-là.

– Et cette histoire de « Novice » alors ? Ajoute-t-elle en mimant les guillemets.

– J’y viens, belle demoiselle, dis-je en levant les deux mains, paumes vers elle, comme pour apaiser un animal enragé.

En réponse à cette provocation, elle m’assène un coup de poing dans l’épaule. Je lui lance un regard douloureux, en me frottant l’épaule, pour lui faire croire qu’elle m’a fait mal. Je réclamerais bien un bisou-qui-soigne mais l’instant de grâce dans lequel je me suis laissé partir est passé alors je me contente de lui pincer la cuisse.

– Bas les pattes ! Je veux la fin de l’histoire. Je compte bien me coucher moins bête que je me suis levée, alors, vas-y ! Finis donc mon instruction !

– OK, OK, tu as gagné. Je reprends et, promis, je ne me laisse plus distraire. L’appartenance a un gang est visible sur le blouson, reprends-je avec sérieux. En cuir bien évidemment le blouson. Dans le dos, en plus des couleurs reflétant les emblèmes, c’est-à-dire le logo et tous les patchs associés, est inscrite la zone géographique à laquelle il appartient. Au sein du club, chaque biker obéit à des règles strictes. Pour rejoindre le groupe, il faut passer par plusieurs étapes spécifiques. Pour être admis comme membre à part entière, il faut avoir occupé tous les statuts et surtout avoir convaincu l’ensemble des membres, sans exception. Le Novice est une des premières étapes. Être membre d’un club, c’est appartenir à une famille unique et lui devoir un engagement total et une fidélité sans faille.

– Comme le mariage quoi ! Rétorque-t-elle avec une moue provocatrice.

– Un mariage où tu te maries avec neuf mecs d’un coup. Même la plus nymphomane ne serait pas capable d’assurer le rythme.

– Oh t’as raison, l’horreur ! Déjà qu’un seul c’est épuisant…

– Je préfère ne même pas relever cette atteinte à ma dignité d’homme.

– D’ailleurs, en parlant d’épuisement, maintenant que mon taux d’alcoolémie et d’excitation est redescendu, je sens venir l’appel de ma couette.

– Ton taux d’excitation est redescendu ? Dommage…

Elle me regarde d’un œil coquin et demande :

– Tu aurais des idées pour le faire remonter ?

– Des tas d’idées ! Mais comme il paraît que ton père n’est pas commode, je préfère ne pas les mettre en application. Je ne voudrais pas qu’on me reproche d’avoir profité d’une jeune femme saoule. Mais, viens, je te raccompagne à ta chambre si tu veux. En tout bien, tout honneur, évidemment.

Nous quittons notre petite alcôve. Je la guide à travers la foule, ma main posée dans le creux de ses reins. Mais au moment de quitter la salle où l’ambiance est encore à la fête, je sens, au bout de mes doigts, le frisson qui lui parcours le dos. Je sais aussi qui en est à l’origine. Quand je me retourne pour fermer la porte, je croise à nouveau les yeux de Duende. La menace est sans équivoque.

Je ne voudrais pas te donner de faux espoirs. Tu lui ressembles mais tu n’es pas elle. Et visiblement, il y en a un qui a décidé de te faire sienne. Personne ne peut lutter, pensé-je. Devrais-je te mettre en garde et me compromettre ?

1Référence à Biker Mice from Mars, une série télévisée d’animation de science fiction créée par Rick Ungar et diffusée entre 1993 et 1996.

2Aux USA, la middle school est l’équivalent du collège et va du sixième au huitième grade, tandis que la high school est l’équivalent du lycée et va du neuvième au douzième grade.

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