Chapitre 27

Par Mimi

 

Bertille poussa la porte de son cagibi avec une grande lassitude. Elle venait de quitter Isabeau et Jimmy devant le portail de l’école. Après avoir raccompagné monsieur Vermoncourt et son chat Isidore chez eux, ils avaient brièvement expliqué la situation à son épouse. L’air très ennuyée de ses frasques, l’ancienne concierge l’avait poussé à l’intérieur en remerciant les enfants tout en leur conseillant de rentrer chez eux, la nuit étant complètement tombée à présent.

Bertille avait donc rejoint l’école toute proche, rangé le double des clés de Jimmy et parcouru toute la maison en appelant son père, en vain. Il n’était pas là. Elle s’était donc résignée à l’attendre dans son cagibi, de toute façon, elle n’avait rien de mieux à faire.

Elle s’installa confortablement au pied de ses étagères et choisit un livre parmi sa bibliothèque. En apercevant les recueils d’histoires anciennes du village, elle se retint de les jeter à travers le cagibi. Quelles bêtises ! Et dire qu’elle y avait cru, alors que ce n’était que le voisin sénile qui fichait le bazar !

Son regard dévia vers le coffre-fort de sa mère. Pourquoi son père n’était-il pas là ? Elle se sentait en sécurité, enfermée dans son petit cagibi bien qu’il ne puisse se verrouiller de l’intérieur, mais l’école était grande et si elle devait passer la nuit seule, elle se sentirait vulnérable. Elle aurait été capable de lui demander ce que contenait la boîte, sans avoir besoin de rassembler tout son courage et sa volonté pour ne pas pleurer. Elle aurait pu lui parler de monsieur Vermoncourt, lui avouer qu’elle avait cru au fantôme, reconnaître qu’elle avait espéré revoir sa mère de cette façon. Elle aurait pu lui demander n’importe quoi, si seulement elle savait où il était passé…

Tâchant de se concentrer sur autre chose que son inquiétude, Bertille s’emmitoufla dans sa couverture et s’enfonça dans ses coussins. Elle piocha au hasard un livre parmi les couvertures qui s’alignaient sur les rayons : c’était un livre de la bibliothèque de Valérie, qui s’intitulait Le fantôme de la rivière. Bertille leva les yeux au ciel : pourquoi les histoires manquaient-elles toutes d’originalité à ce point ? Elle déposa l’ouvrage à côté d’elle pour penser à le remettre en place en rentrant.

Alors qu’elle se penchait de nouveau vers son étagère pour se trouver une meilleure lecture, elle entendit la porte du cagibi grincer. Le cœur battant, elle tourna vivement la tête dans la direction du bruit : comme à son habitude, son père passait la tête dans l’embrasure. Bertille soupira de soulagement et se leva, allant à sa rencontre.

-        Bonsoir ma chérie. Je ne pensais pas que tu étais là, j’étais persuadé que tu dormais chez Jimmy ce soir.

Bertille fronça les sourcils en embrassant sa joue. Qu’arrivait-il à son père pour qu’il l’ait tout bonnement oubliée ? Et d’ailleurs, où était-il passé ? Qu’est-ce qui faisait qu’il avait trouvé normal que Jimmy l’invite à dormir une veille de jour d’école ? Muette, Bertille ramassa le livre de la bibliothèque, éteignit la lumière et clôt son cagibi sous les yeux de M. Fauripré qui avait décidément l’air bien ennuyé. Elle en profita pour souffler.

Alors qu’elle reposait la clé du cagibi sur son clou, son père mettait rapidement quelques restes au four à micro-ondes. Elle mit la table en se pinçant les lèvres, se demandant comment aborder le sujet.

-        J’ai croisé madame Vermoncourt en rentrant, elle avait l’air un peu chamboulée, remarqua M. Fauripré alors qu’ils entamaient leur dîner. Tu as une idée de ce qui a pu se passer ?

Bertille fit non de la tête. M. Fauripré fronça les sourcils, ses épaules se haussèrent.

-        Curieux. Je sais qu’elle s’inquiète pour son mari mais il y avait l’air d’y avoir un problème aujourd’hui…

Bertille se racla la gorge et prit son courage à deux mains :

-        Il était parti sans rien lui dire. À la recherche de son chat qu’il a perdu sur l’île.

Son père lui jeta un regard en coin, qui lui disait : « Tu n’étais pas sûre de ne rien en savoir, hein ? ». Bertille s’écrasa sur sa chaise, tout en essayant de reprendre contenance.

-        À propos, reprit-elle, la voix plus assurée, tu ne m’as pas dit où tu étais ?

M. Fauripré se raidit. Il répondit un peu trop rapidement :

-        J’étais chez Alain. On faisait le bilan de la sortie au collège.

-        Ah…d’accord, fit Bertille, l’air de rien. C’est juste que d’habitude, ça se passe plutôt ici les réunions.

L’air franchement agacé cette fois-ci, M.Fauripré posa ses couverts.

-        Eh bien cette fois, il m’a invité à venir boire un café. D’autres questions ?

Bertille se tut. Le repas se poursuivit dans le silence, jusqu’à ce que son père se lève pour débarrasser les assiettes. Bertille décida que c’était le bon moment.

-        Qu’est-ce qu’il y a, dans le coffre de Maman qui est dans le cagibi ? demanda-t-elle dans ce qui ressemblait plus à un marmonnement : elle appuyait la joue sur son poing.

M. Fauripré se rassit.

-        J’en sais rien, dit-il abruptement.

Bertille lui jeta un regard en travers.

-        Et tu sais où est la clé du cadenas ?

-        Non.

Il se leva pour de bon. Bertille, un peu déçue, ne posa pas de question supplémentaire et monta dans sa chambre.

 

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Fannie
Posté le 27/02/2020
Elle n’est pas très joyeuse, la relation de Bertille et son père. Seule dans son cagibi, elle s’imagine que s’il rentrait, elle pourrait lui raconter un tas de choses et une fois qu’il est là, rien ne se passe ; il n’y a pas véritablement de dialogue. Dans de telles conditions, on comprend qu’elle n’arrive pas vraiment à faire le deuil de sa mère. C’est dommage qu’elle n’ait pas pu raconter qu’elle a retrouvé le chaton et qu’elle l’a rendu à ses propriétaires, mais elle aurait été obligée d’avouer qu’elle était sortie de nuit. Elle ment effrontément, mais lui en fait probablement autant. On peut supposer que l’ancienne concierge ne va pas raconter ce qui s’est passé ce soir-là ; ça lui fait certainement honte et si l’affaire s’ébruitait, les gens jaseraient au sujet des soucis de son mari.
Coquilles et remarques :
— L’air très ennuyée de ses frasques, l’ancienne concierge l’avait poussé [L’air très ennuyé : c’est comme dans le chapitre précédent ; pour éviter le problème, tu peux aussi mettre « Apparemment très ennuyée ».]
— Elle s’était donc résignée à l’attendre dans son cagibi, de toute façon, elle n’avait rien de mieux à faire. [Je mettrais un point-virgule ou un point après « son cagibi ».]
— et choisit un livre parmi sa bibliothèque [dans sa bibliothèque ; dans ce contexte, « parmi » est étrange]
— Elle se sentait en sécurité, enfermée dans son petit cagibi bien qu’il ne puisse se verrouiller de l’intérieur [Il faut une virgule avant « bien qu’il » ; en revanche, celle après « en sécurité » n’est pas nécessaire.]
— Elle piocha au hasard un livre parmi les couvertures qui s’alignaient sur les rayons : c’était un livre de la bibliothèque de Valérie [Pour éviter la répétition de livre, je propose « un volume ». / Pour éviter la répétition de « couverture(s) », je propose « parmi ceux qui ».]
— éteignit la lumière et clôt son cagibi [clore est un verbe défectif et il n’a pas de passé simple ; il faut se contenter de « ferma ».]
— Je sais qu’elle s’inquiète pour son mari mais il y avait l’air d’y avoir un problème aujourd’hui… [Virgule avant « mais ».]
— demanda-t-elle dans ce qui ressemblait plus à un marmonnement : elle appuyait la joue sur son poing [« plus » doit être accompagné d’un élément de comparaison ; je propose : « demanda-t-elle dans ce qui ressemblait à un marmonnement, la joue appuyée sur son poing. »]
— Bertille lui jeta un regard en travers [de travers]
Mimi
Posté le 05/03/2020
Comme tu l'as justement souligné dans un commentaire précédent, son père est perdu, il ne sait pas entrer en contact avec elle et ne comprend pas du tout son intérêt pour le cagibi. À partir de là, la communication est rompue et malheureusement il n'y a pas de solution miracle…
Merci pour les commentaires !
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