CHAPITRE 3

Par Aureily
Notes de l’auteur : Bonne lecture ;) J'espère que cela vous plaira !

 

Quand les résultats de élections s’affichèrent sur l’écran de la petite télé du bar où le trio se trouvait, personne n’eut le temps de réaliser. L’explosion que venait tout juste de retentir avait volé toute leur attention, et l’affolement commençait à se généraliser. D’un coup d’œil vers la fenêtre à sa gauche, Roxanne comprit que la détonation venait juste d’à côté, sur la petite place du Marché attenante. Elle n’était bien entendu pas à la seule à l’avoir compris, les clients du bar criaient, et se bousculaient, ne sachant pas s’il valait mieux sortir ou rester à l’intérieur. La jeune femme n’eut pas le temps d’y réfléchir que déjà, Sam la tirait par un bras, et Iris de l’autre. Elle les suivit sans se poser de questions, et se retrouva dehors en ni une ni deux.

Dans la rue, les gens couraient dans tous les sens. Un bruit strident se faisait entendre, et les oreilles de Roxanne se mirent à siffler. Et entre cela et les cris qui venaient de partout, elle se sentait désorientée. Elle plaqua ses mains sur ses oreilles pour reprendre ses esprits. A côté d’elle, Iris tremblait, encore sous le choc. Roxanne prit sa main dans la sienne et la serra fort pour qu’elle arrête de trembler. Sam semblait être le seul qui n’était pas affecté par ce qu’il venait de se passer. Il regardait autour de lui, les yeux écarquillés mais avant tout, curieux.     

La scène qui apparaissait devant leurs yeux était inédite. La petite place du Marché, d’ordinaire si tranquille, était envahie par une assemblée de personnes qui hurlait, tandis qu’une fumée blanche les entourait. Une odeur de brûlé très forte emplissait l’air, et Roxanne finit par mettre son nez dans son coude. Elle chercha des yeux d’où pouvait venir l’explosion, mais tout semblait intact autour d’elle. Iris se mit à tousser fortement, et elle se tourna vers ses deux amis.

« On se casse, vite !

- Attends, la coupa Sam, je veux aller voir ce qu’ils font là-bas.

- Mais ça va pas ? Tu vois bien qu’ils lancent des bombes lacrymogènes, tu sens pas tes yeux qui piquent rien que d’ici ? Lui fit remarquer la jeune femme. »

Mais quand Sam avait une idée derrière la tête, on ne pouvait pas la lui ôter. Sans attendre l’accord des deux jeunes filles, il s’avança vers la foule, bien décidé à découvrir ce qu’il en était.

« On ne va pas le laisser y aller seul… Commença Iris.

- S’il veut se jeter la tête la première dans un merdier, qu’il s’y jette tout seul. Moi, je rentre, mais fais ce que tu veux Rox. Moi, je veux pas être mêlée à ça. »

Iris joua nerveusement avec sa tresse noire en attendant la réponse de son amie.

« Je vais le chercher, j’ai pas envie qu’il se retrouve dans un bourbier, tu le connais.

- C’est toi qui vois, mais fais attention. Tu m’envoies un sms quand tu es rentrée ?

- Oui ne t’inquiètes pas. Je le récupère juste et basta. »

Iris fit un signe de tête à son amie, et s’éloigna en se frottant les yeux. Quand Roxanne la perdit de vue, elle se dirigea à son tour vers la place. Il y avait tellement de monde que retrouver Sam n’allait pas être chose aisée. Autour d’elle, beaucoup de jeunes de son âge environ. Elle en reconnu certains avec qui elle avait été en cours dans sa scolarité, mais toujours pas de trace de Sam. En jouant des coudes, elle se fraya un chemin parmi les autres. Plus elle s’avançait, plus elle avait l’impression d’entendre la voix forte et grave d’un homme. Elle tendit l’oreille, et s’approcha un peu plus avec difficulté, quand elle se heurta à quelqu’un.

« Fais attention où tu vas. » 

 Un homme d’environ vingt-cinq ans la toisait de haut. Il portait une veste en jean noire et un pantalon de travail déchiré aux genoux. Un bandana noir porté comme bandeau sur son front retenait les mèches mi-longues de ses cheveux noirs. Il lui semblait vaguement familier, mais elle n’arrivait pas à le remettre. Ses yeux verts perçants et ses sourcils froncés lui donnaient un air dur, mais les traits de son visage étaient doux, ce qui contrastait avec son attitude. Il fixa Roxanne et la détailla de la tête aux pieds avant de se tourner et de disparaitre au milieu de la cohue.

La jeune femme resta quelques secondes sans bouger, désarçonnée par la rencontre qu’elle venait de faire. Soudain, la voix de l’homme qu’elle avait suivie se fit entendre, portée par un mégaphone, et tout le public s’apaisa à son écoute.

« Ceux qui croient en Freeman ne sont que des idiots. Il n’est pas difficile de comprendre qu’il se moque de nous, de notre pays, et de nos valeurs. Sa quête de pouvoir est la seule et unique chose qui le guide, et maintenant qu’il est à la tête du Gouvernement, il pense que plus rien ne pourra se mettre en travers de sa route. Il croit pouvoir nous imposer ses règles, mais nous ne les accepterons pas ! »

Les hommes et les femmes qui entouraient Roxanne crièrent des mots d’encouragement à celui qui semblait être le leader du groupe. La jeune femme se sentait comme portée par la foule en liesse. Elle en avait presque oublié qu’elle était venue pour chercher Sam, tant elle voulait écouter la suite du discours de l’homme.

Tout d’un coup, elle fut tirée de ses pensées par quelqu’un qui lui marcha sur les pieds. Elle leva la tête, mais impossible de dire d’où cela venait. Soudainement, elle aperçut Sam, en pleine discussion animée avec deux jeunes femmes, un peu à l’écart de l’assemblée. Elle réussit à le rejoindre tant bien que mal, mais elle ne fut pas accueillie chaleureusement. Les deux jeunes femmes, toutes deux petites et blondes, lui jetèrent un regard suspicieux. Elles attendaient manifestement que Sam leur présente Roxanne.  Celle-ci leur sourit, tentant de leur inspirer confiance. Elle n’avait rien à cacher, mais leur attitude méfiante indiquait que cela n’était peut-être pas leur cas. Qu’est-ce que Sam pouvait bien faire avec elles, et d’où est-ce qu’il les connaissait ? Elle fixa son ami d’un air interrogateur. Cependant, il ne lui sourit pas, et se contenta de d’une expression maussade.

« Qu’est-ce que tu fais là Roxanne, où est Iris ?

- Elle est rentrée. Je suis venue te chercher.

- Je ne t’ai rien demandé. Tu ferais mieux de rentrer chez toi. »

L’intonation froide de Sam surprit Roxanne. Qu’est-ce qui lui prenait tout d’un coup ? Elle chercha dans les yeux du blond une quelconque explication, mais elle n’y trouva rien d’autre que de l’agressivité. Chose qu’elle n’avait jamais vu dans les yeux de son ami, et cela depuis les sept ans qu’elle le connaissait. Elle ravala sa salive, et hocha la tête d’un air déçu.

« Je vois. »

Elle tourna les talons, et laissa Sam avec les deux filles qu’il ne lui avait même pas présenté. La jeune femme sentit comme une boule se former dans sa gorge. C’était la première fois que le garçon lui parlait de cette manière, et encore plus qu’elle avait l’impression qu’il lui cachait quelque chose. Ce n’était pas une sensation agréable. Elle laissa donc derrière elle l’attroupement bruyant, et prit le chemin de sa maison, les poings serrés dans sa poche, et la gorge nouée.

***

Roxanne claqua la porte d’entrée de sa maison. Elle ressassait sa conversation avec Sam depuis tout à l’heure, et n’arrivait toujours pas à comprendre ce qui c’était passé. Elle se jeta dans son canapé, et envoya un sms à Iris pour la rassurer et lui dire qu’elle était bien rentrée. Roxanne laissa tomber sa tête sur un coussin, et ferma les yeux quelques secondes. Tous ces gens sur qui s’étaient regroupés sur la place, qui étaient-ils ? C’était comme s’ils se connaissaient déjà. Elle avait déjà vu des groupes de personnes se rassembler pour supporter Freeman ou bien Wellard, mais jamais de cette manière. Pas avec des fumigènes tout autour d’eux. Et encore moins en faisant des exploser des trucs. Enfin, elle ne savait même pas vraiment ce qui avait explosé. Elle repensa à ce que le leader avait énoncé. Comme quoi ils n’accepteraient pas les règles du Gouvernement, lui et ceux qui le suivent.  Freeman venait à peine d’être élu quelques minutes avant, de quelles règles parlaient-ils ? Ce qui étonnait encore plus Roxanne, c’était le fait que la police n’était pas intervenue. Ou du moins pas rapidement, ils étaient certainement descendus dans la place une fois qu’elle l’avait quittée. Ont-ils arrêté tout le monde ? Roxanne sentit son cœur se serrer à la pensée que Sam ait été embarqué au poste. Elle sortit à nouveau son téléphone, espérant y lire un message de sa part, mais rien. Pas encore de retour d’Iris non plus. Elle mourrait pourtant d’envie de tout lui raconter.

« Oh tu es rentrée ma chérie, tu es toute seule ? »

La mère de Roxanne descendait les escaliers, un air interrogatif sur le visage. Elle avait l’habitude de recevoir les amis de sa fille le week-end. Elle s’adossa contre le mur la porte du salon, en attendant que sa fille lui raconte son après-midi. Roxanne se considérait comme très proche de sa mère, et celle-ci s’attendait toujours à entendre les petites histoires de sa fille. C’était une sorte de rituel entre les deux. Quand l’une rentrait à la maison, l’autre descendait pour discuter.

La jeune femme se redressa contre le canapé, et se tourna vers sa mère. Celle-ci comprit tout de suite que quelque chose n’allait pas, et elle fronça les sourcils, tout en s’approchant de sa fille.

« Oui je suis rentrée plus tôt que prévu. Ça a un peu dérapé en ville.

- De quoi est-ce que tu parles ? »

Roxanne raconta ce qu’il s’était passé lors de l’annonce de la victoire de Freeman. Inquiète, sa mère la coupa avant qu’elle n’ait eu le temps de dire qu’elle s’était approchée du groupe.

« J’étais sûre que cela arriverait. Vous n’avez rien eu j’espère ? Cela fait déjà un mois que ton père me parle de ce genre de mouvement. Le Gouvernement s’intéresse particulièrement à eux, mais je ne pensais pas qu’ils se feraient remarquer dès aujourd’hui.

-Quoi ? Tu les connais ? Et papa aussi ? Pourquoi je n’apprends leur existence que maintenant ?

-C’est le genre d’info qui est confidentielle. Ton père m’en a parlé parce que ça le travaillait. Tout cela relève de sa juridiction et ses supérieurs lui mettent beaucoup la pression. Justement, le but premier était d’empêcher la population lambda d’en entendre parler.

- Je ne crois pas être une personne lambda, contesta Roxanne, vexée.

- Ecoute, tu en parleras avec ton père quand il rentrera. L’important, c’est que tu n’aies rien à voir là-dedans, et que tu ne t’en sois pas mêlée. Ça pourrait encore t’attirer des problèmes. Et je ne veux pas que cela ait un impact sur ton affectation finale. »

Roxanne frissonna. Sur ce point, sa mère avait raison. Elle leva les yeux vers elle, et vit qu’elle était profondément inquiète. Roxanne n’osa donc pas expliquer que Sam connaissait des gens du regroupement, et qu’elle était partie le chercher là-bas. Elle eut soudainement honte de ne pas avoir pensé aux conséquences.

***

Couchée sur le dos sur son lit, Roxanne regardait le plafond, la tête pleine de questions. Sans le vouloir, elle se sentait profondément vexée que ses parents lui cachent des choses si importantes. Elle comprenait bien pourquoi ils ne lui avaient pas raconté, mais un sentiment de frustration la gagnait sans qu’elle ne puisse l’en empêcher. S’il elle avait su, elle aurait mis au courant ses deux amis, et aucun d’eux ne serait allé voir ce qu’il se passait au sein du rassemblement. Elle soupira. Toujours pas de nouvelles de Sam. Elle lui avait pourtant envoyé un message pour savoir si tout allait bien, mais aucune réponse de la part du jeune homme. S’il ne répondait pas dans la soirée, elle allait devoir prévenir Iris que quelque chose n’allait pas. C’était bien la dernière chose qu’elle avait envie de faire. Iris stressait déjà assez avec son nouveau job qui commençait demain. Non elle ne l’en mêlerait que si vraiment Sam ne donnait pas de signe de vie.

Au rez-de-chaussée, la jeune femme entendit la voix forte et portante de son père. Un coup d’œil à sa montre lui apprit que le temps avait filé bien plus vite qu’elle ne l’aurait cru. La rancœur qui persistait l’empêchait de descendre le saluer. Ou peut-être la peur qu’il lui apprenne que Sam avait été embarqué par la police. C’était stupide.

Roxanne n’eut pas le temps de réfléchir plus longtemps car son père entrait dans sa chambre, les traits tirés. La fatigue qui s’était accumulée ces derniers jours se lisait sur son visage terne. Assurer la sécurité et le bon déroulement des élections n’était pas chose facile : ses dernières semaines, Ed n’avait pas compté ses heures. Il s’assit sur le bord du lit de sa fille et attendit qu’elle engage la conversation.

« Tout va bien ? Lui demanda Roxanne.

- Ta mère m’a raconté que tu étais à la Place du Marché cette après-midi. Je voulais mettre les choses au clair avec toi, maintenant que tu es au courant. »

Son père prit une pause et Roxanne détourna les yeux. Ne voyait-il pas qu’elle était vexée d’être mise à l’écart des discussions sérieuses ?

 « Ecoute Roxanne, depuis pas mal de temps, des personnes se regroupent en ville pour parler du Gouvernement. Si pendant un temps ils ne faisaient que parler gentillement, depuis quelques semaines, ils commencent à avoir des propos qui dérangent. Et tout ça s’est accéléré avec les élections. Ils ne se satisfaisaient pas du fonctionnement actuel des choses. Et tu te doute qu’on voit ça d’un mauvais œil.

- Qui ça « on » ?

- Le Gouvernement. On a mis en place une équipe pour surveiller les agissements du groupe, mais ils semblaient pacifistes. En tous cas, pour le moment. Ce qui s’est passé cette après-midi, personne ne l’avait prévu.

- Je ne sais même pas vraiment ce qu’il s’est passé papa, commença Roxanne. J’ai entendu l’explosion, mais quand je suis sortie voir, je n’ai rien vu de détruit. Seulement de la fumée un peu partout.

- Ils n’ont rien explosé de trop important. Seulement le panneau électronique de la place qui affichait la victoire de Freeman. Avec l’équipe, on pense qu’ils essaient simplement d’attirer l’attention. Rien de trop grave. Mais on les surveille, et les noms des personnes qui prennent part à ses réunions sont listés dans nos services.

- Comment vous pouvez connaitre tous les gens qui s’y rendent ?

- On a une taupe. Elle nous renseigne sur ce qui se dit là-bas, et qui y sont les personnes importantes. Si pour l’instant, leur action d’aujourd’hui ne leur a pas valu grand-chose, ça pourrait évoluer. Et pas de la bonne des façons. »

Ed se leva, et regarda Roxanne d’un air grave.

« Si je te raconte tout ça, c’est parce que je ne veux pas que tu t’en mêles. Ces gens-là ne sont pas des gens biens, tu en restes éloignée. Compris ? 

- Oui, je sais, dit-elle en hochant la tête. »

Son père sortit en fermant la porte derrière lui, et Roxanne se retrouva seule dans sa chambre, ne sachant quoi penser. Et si la fameuse taupe dont son père venait de lui apprendre l’existence l’avait vue dans la foule ? Et si elle avait vu Sam ?

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