Chapitre 49 - Les terres australes

Aux Lendemains sans peur

La neige tombait en discontinu sur les camps. Froide et triste, elle rappelait sans cesse leurs conditions aux prisonniers des camps. Pourtant depuis leurs ouvertures, Les Lendemains sans peur s’était bien amélioré. Des centaines de cabanes y avait été construites, ainsi que des ateliers pour faire travailler tous les déportés.

Les chefs de camps et leurs hommes vivaient quant à eux dans des maisons plus luxueuses et plus chaudes battit en pierres et non en bois. Les quatre camps étaient regroupés. Pour le moment, seul un était occupé mais ils ne tarderaient pas à remplir les autres. Cependant, les travailleurs se retrouveraient tous au même endroit même dans l’avenir. Les plus grandes usines étaient réparties au centre des Lendemains sans peur, mélangeant ainsi tous les prisonniers qui y travaillaient. Seuls ceux désignés à des tâches spécifiques à chaque camp, ne croiseraient pas le reste des déportés.

_ RASSEMBLEMENT ! beuglèrent les hauts parleurs dissimulés un peu partout.

Chaque matin et chaque soir, les miliciens faisaient l’appel. En début de journée pour affecter tout le monde à sa mission et en fin pour noter le nombre de mort éventuel et distribuer le pain à tous. Pour le moment, le camp était encore en construction. Les chefs de camp changeaient donc souvent les affectations des prisonniers pour faire achever les chantiers au plus vite.

_ Aujourd’hui, la plupart d’entre vous allez finir de construire notre bureau de contrôle ! Nous sommes en train d’y installer la radio. Tous ceux que je ferais signe d’aller à gauche seront assigné à cette tâche. Les autres, vous continuez sur vos ateliers respectifs, entama la cheffe du camp.

Elle se tenait entourée de ses hommes sur une estrade pour dominer la place où se rassemblaient les détenues. Le micro posé devant elle, elle commença à énumérer une longue liste de noms sur un ton monocorde. Selon son signe de la main, chaque détenu allait à la droite ou à la gauche de l’estrade. 

_ Blanc Pin, Josette Muilme, Achot Anmegh, Lionel Kurt, Arsan Vildart… Entama la cheffe de camp en désignant sa gauche à chaque fois pour commencer.

Une fois que la liste interminable fût lue jusqu’à la fin, le groupe de droite reprit ses habitudes en se répartissant selon ses ateliers respectifs, ménage, cuisine, couture et blanchisserie pour les plus chanceux mais forge, métallurgie, carrière, fourneaux, menuiserie et confection d’armes pour les autres. Loris avait pensé les camps comme des usines où la main d’œuvre était gratuite et pouvait travailler sans relâche. Les Lendemains sans peur allaient fournir habits, armes et matériels en tout genre à la région centrale de Kentronakan.

_ Ils veulent encore se servir d’une autre région pour survivre ! se plaignaient les travailleurs forcés.

Si la capitale et sa région occupait une place stratégique dans le Nouveau Monde, elle était dépendante des autres. La Zorréce était son grenier, ses plaines et collines agricoles apportaient fruits, blés et légumes en tout genre à presque tous les peuples. Grâce aux pouvoirs des Physés, les terres de Yacuiba étaient-elles auto-suffisantes à ce niveau-là. Ils faisaient pousser tout et n’importe quoi dans le sable mais n’exportaient pas leur nourriture car sans intervention sirélienne, la région n’était pas prospère sous son soleil brulant. En revanche, les chasseurs et pêcheurs qu’ils étaient marchandaient bêtes et poissons en tout genre à travers le monde. Leur lac immense et unique leur servait de planche de salut et était la richesse inestimable de leur région.

_ Ce sont des bon à rien dans le centre sans nous, de toute façon ! pestait un hylé.

 En effet, sa région Narnji, si elle était pauvre en nourriture, elle était aussi la plus riche en ressource naturelle. Rien ne poussait sur ses rochers et ses gouffres couleur de sienne et les hylés vivaient parmi les anciens volcans, dans des maisons très colorées pour égayer leurs terres monochromes. Cependant, ils fournissaient à tout le monde du minerai à profusion.

Ils y avaient également construit mines et forges pour s’établir durablement. C’était eux aussi qui produisaient tous les métaux et pierres précieuse. Chaque or, chaque métal et surtout chaque telsman y était créé avant d’être exporté un peu partout dans le Nouveau Monde. Sans les autres, Kentronakan ne pouvait survivre. Exploiter des peuples dans les terres australes délaissées n’était donc pas illogique.

_ Très bien, vous le groupe radio, vous me suivez ! Gueula un jeunot qui avait l’air à peine d’être en âge de porter une barbe.

Le groupe de gauche devait terminer de construire la tour de contrôle. Il voulait y installer la radio et pour cela il devait finir de construire la cabane en hauteur dédiée à cet effet.

_ Tous ceux qui ont plus de muscle que de raison, vous allez finir d’installer porte, fenêtre et autres ! Reprit le milicien en désignant les gros bras dont faisait partie Gaultier.

Ils allaient encore travailler comme des chiens, sans relâche, sans manger et dans le plus grand des froids. Pourtant, depuis qu’il avait pris connaissance de la création de ce groupe l’Elu des Hylés s’en était réjoui et avait espérer pouvoir y participer.

_ Quant à vous, vous suivez les plans et vous monter cette radio ! C’est illisible pour nous, ricanèrent les surveillants en désignant Achot et ses grosses lunettes d’intellectuel.

Si les camps étaient sous hautes surveillances, ils ne regroupaient pas l’élite de la milice. Il fallait soit être dans les mauvaises grâce de Loris, soit un peu fou, soit complétement benêt pour venir prendre le poste. Heureusement pour Achot, la plupart était effectivement assez limité d’esprit.

_ Allons-y mes amis et n’oubliez pas notre mission ! murmura le professeur à son groupe.

Certains d’entre eux avait déjà travaillé sur le projet et s’étaient rendu compte qu’il y avait bien plus de pièces que nécessaire. Tellement qu’on aurait pu construire plusieurs postes de radio tout en mettant de côté des pièces de rechange en plus. Là était tout le défi. Gaultier avec son autorité et sa prestance naturelle avait su regrouper beaucoup de personne derrière lui en quelques jours.

_ Potentiomètres, mécanismes, condensateurs, tubes, micros, accords, haut-parleurs, contrôleurs d’ondes, boutons, batteries, transformateurs, énuméra Achot pendant que son groupe dissimulait les pièces dans leurs caisses à outils respectives. 

A la fin de la journée quand le poste de garde fût monté, ils avaient amassé assez de pièces pour construire quatre autres radios et même de quoi les réparer. Il ne restait plus qu’à ramener leur caisse à outils dans les établis et à cacher leur contenu dans leur cabane.

_ Très bien, nous allons tester cela ! Plus besoin d’attendre les trains pour avoir des nouvelles ! intervint la cheffe de camp à la fin de la journée.

Les travailleurs forcés n’étaient pas mécontents d’eux, rassuré par la présence de Gaultier ils avaient joué un beau tour à l’oppresseur. Aucun des miliciens, trop jeunes et trop inexpérimentés, n’avaient vu venir l’entourloupe. Ils allaient pouvoir regagner leur cabane maintenant que la nuit était tombée.

_ Bien reçu, vous allez recevoir des trains d’un instant à l’autre. Ils sont remplis de Yeghes et d’habitants de Mÿrre principalement, cracha la radio avant leur départ.

_ Vous avez entendu ? Dès ce soir, vous serez un peu plus serrés dans vos repaires. Allez filez, hors de ma vue ! Pesta la cheffe de camps.

Dans leurs pyjamas blancs, rouges, orange et jaunes, le groupe reprit le chemin de son dortoir. Au loin, ils voyaient arriver les trains promis qui perçait le silence de la région. Un par un, les wagons s’ouvrirent pour laisser sortir ses voyageurs apeurés. Le remue-ménage tombait à point nommé, les trois quarts des miliciens étaient chargés de s’occuper du débarquement, laissant ainsi beaucoup de prisonniers sans surveillance.

_   C’est le moment, ramenez tout cela à vos cabanes. Nous construirons ses radios la nuit et à tour de rôle, ordonna Gaultier.

Tout le monde s’évapora alors avec son butin, prenant bien soin de le répartir entre chaque cabane. Ce soir ils auraient le ventre presque vide mais la tête remplie d’espoir et de plans de radio. En attendant de pouvoir commencer, ils allaient déjà accueillir les nouveaux arrivants.

_ Noir pour vous ! Criait les portes voix à l’intention des Yeghes.

Ils n’étaient pas les seul à arborer une nouvelle couleur. Sous des yeux interrogateurs, des humains à priori banals se devaient de porter des ensembles argentés et non blanc. On les soupçonnait d’avoir un sixième sens sans être né de parent siréliens. Loris avait cette idée en horreur et avec l’accord du ministre de la protection des peuples et du territoire, ils avaient fait monter cette liste de suspicion. Elle n’était pas vérifiée, ni même vérifiable mais elle existait selon des rumeurs, des dénonciations, des plaintes, des faits plus ou moins avérés.

_ Allez, Tania Miroir, Bernad Besse, Izia Conjat et la Yeghe d’or vous rentrez dans la cabane A, les autres vous me suivez ! gronda un milicien énervé.

_ Bienvenu par ici Mesdames, Monsieur, les accueilli alors Gaultier.

_ Vous, vous ne devriez pas être en blanc, lui répondit Tania Miroir en se dressant dans son costume argenté.

_ Peut-être bien mais nous devrions nous unir plutôt que de parler chiffon ! rétorqua Gaultier tout sourire en toisant du regard la jeune femme qui se tenait face à lui.

_ L’union fait la force ! Intervint la Yeghe avec sa peau d’or.

_ Elle est méfiante et c’est normal, la coupa Achot. Laisse-lui le temps de s’acclimater.

_ Tu as raison, les apparences sont trompeuses demoiselle ! Ils le voient humains alors que peut-être qu’il n’en est rien mais sache que s’il ressemble à une bête, sous sa peau se cache un agneau, ajouta-t-il à l’intention de Tania.