Chapitre 50 - Le plan du manoir

Kentrony

C’était le grand jour, Arthur et Vikthor allait se séparer de leur bande pendant qu’une partie des Oripeaux allait accompagner les Yeghes jusqu’en terre physée. Ils avaient revu leur plan de nombreuses fois, ils étaient prêts. Dans l’après-midi les deux amis s’engouffreraient sous terres en direction du jardin du Ministre Asage.

_ Si vous partez maintenant, vous y serait à la fin de la journée. Le soleil qui décline et la pénombre seront vos amis ! Expliqua Floppin.

_ Oui, c’est donc l’heure des grands aux revoir alors, lui répondit Arthur.

_ On se dit à très vite, le corrigea le roi des vauriens.

_ A bientôt, oui ! Surenchérit Vikthor.

_ Vous êtes certains de vouloir le faire qu’à deux ?

_ Oui, regarde comment s’est passé notre vol dans la bibliothèque ministérielle. Rien n’a pu nous arrêter et ils ne s’en sont même pas rendu compte. C’est qu’un simple manoir, une maison de maitre avec un beau jardin. Garnel n’est rien d’autre qu’un humain, entouré peut-être de quelques serviteurs. Nous n’avons pas peur ! rétorqua avec orgueil le ténébreux Vikthor.

_ Ce sera un jeu d’enfant, on se retrouvera ici et on te présentera mes sœurs très bientôt ! Surenchérit Arthur.

_ Et bien qu’il en soit ainsi, je vous attendrais pendant que mes amis, eux, se faufileront en dehors de la capitale.

_ A bientôt ! Le coupa Tomàs

_ A très vite mes amis, reprirent Vikthor et Arthur en serrant tous les Yeghes dans leur bras.

Les aurevoirs furent brefs, les deux siréliens étaient certains qu’ils reverraient Flopin très vite et qu’avec lui, ils rattraperaient la troupe des Oripeaux. Confiants, ils entamèrent alors leur périple souterrain. Ils avaient déjà balisé tout le chemin jusqu’au long et interminable tunnel qui les emmènerait dans les jardins Asage.

_ On devrait ne plus tarder, cela fait deux heures que nous marchons maintenant, estima Arthur dans le telsman de Vikthor.

_ Oui, les parois se resserrent. Nous allons bientôt rentrer dans le fameux tunnel. Tant qu’il ne pleut pas, nous pourrons nous y engouffrer l’un derrière l’autre.  

Il était là tout l’enjeu, se dépêcher de rentrer dans ce sous-terrain avant la saison des pluies. Même si elle était courte, elle restait fatale pour certains souterrains, les condamnant pendant des semaines. Pour le moment, la pluie n’avait été que périodique et rattrapé par de belles journées de fin d’été. Il valait mieux, pour autant, ne pas tarder. 

_ On y est, encore une petite heure et on reverra le jour ! commenta Vikthor

_ Cette fois, on va devoir ramper !

Le trou était à peine plus large que leurs épaules volumineuses. Pour une fois leurs carrures ne les avantageaient pas, loin de là. Ils devaient se hisser à l’aide de leur bras à travers le tunnel. Les mains d’Arthur s’écorchaient au fur et à mesure tandis que celle de Vikthor restaient intactes.

_ A ce rythme-là, on y sera qu’en pleine nuit, se plaignait Arthur

Le terrain ne les aidait pas mais au moins il leur permettrait la surprise. Personne ne soupçonnerait ces deux grands gaillards d’arriver par la bouche d’évacuation des eaux. C’était vrai, Garnel Asage avait eût beau retourner toute la capitale, il n’avait pas réussi à mettre la main sur l’Elu tant recherché. Il ne s’attendait donc pas à le voir débarquer dans sa maison.

_ 19 heures mon ami, indiqua Vikthor en regardant sa montre.

_ Une heure de plus que prévu mais on y est, elle est là cette putain de grille d’égout, lui répondit Arthur dans son telsman.

Le soleil déclinait à vue d’œil, l’ombre devait couvrir presque tout le domaine à présent. Ils devaient s’y prendre silencieusement mais les éléments étaient avec eux pour sortir en toutes discrétions.

_ C’est parti !

Les lianes enchantées de Vikthor dévissèrent la plaque qui les séparait du grand air. Sans que personne ne s’en aperçoivent, elle sombra discrètement sous terre. A sa place, la tête de Vikthor apparut.

_ Nous ne sommes pas tout à fait au centre du jardin, on débouche sur les abords d’une forêt, indiqua l’Elu des rouges.

_ Tant mieux, on va pouvoir se mettre à l’abri et observer !

Vikthor laissa alors passer Arthur en premier. D’un bond rapide et efficace, le frère Agape courra droit vers la forêt. Sa super vitesse était un don redoutable dans ce genre de situation. Une fois à l’abri, il scruta les alentours. Ils voyaient bien le manoir à sa droite mais ce qui le perturbât c’est le mur en pierre, de ce qui ressemblait à une forteresse et qui se tenait à sa gauche sur le flanc de montagne.

_ Vikthor, je ne pense pas qu’il habite là où on pensait finalement ! Dépêche-toi, rejoins-moi, tu ne dois pas trainer !

Ses lianes le poussèrent alors hors de son terrier, refermant derrière lui la bouche métallique. D’un bon précis, il rejoignit Arthur caché dans les bosquets. Pour lui aussi, la vue était effroyable.

_ Evidemment, il n’habite pas dans une belle maison comme le commun des mortels mais dans une citadelle, jura Vikthor.

_ On doit s’abriter et prendre une décision.

Arthur et Vikthor rentèrent alors un peu plus dans la forêt pour se dissimuler au mieux. Ils devaient également prendre de la hauteur pour analyser ce qui les entourait. Sous l’impulsion du jeune homme, Arthur grimpa sur un arbre. Aidé des lianes de Vikthor, ils escaladèrent la cime des chênes.

_ Nous pouvons voir, sans être vu maintenant, constata Arthur.

Encore une fois, ils avaient sous-estimé leur ennemi, comme tout le monde, depuis le début. Ils visualisaient la vraie demeure du ministre, enfermé entre des remparts et une montagne.

Une grande porte en bois marquait l’entrée d’une cour qui donnait enfin sur les appartements du politicien. La bâtisse était immense, de longs couloirs se dessinaient un peu partout. On aurait dit un labyrinthe plus qu’une maison. Une grande tour trônait fièrement au milieu de l’édifice.

_ Vu la mégalomanie de l’homme, je te parie que c’est là qu’il dort ! Commenta Vikthor. 

_ Surement ! Prenons la nuit pour tout observer. Allers-venus, nombres de personnes aperçut, leurs façons de vivre, nous devons tout étudier !

_ Tu as raison, on note tout et on revient avec plus d’hommes si besoin, concéda le téméraire physé.

Ils passèrent la nuit à épier tous les chemins d’accès, à compter le nombre de gardes, à tout répertorier. Ils avaient peu de doute sur l’infaisabilité de leur plan de départ mais la pluie impitoyable qui tomba toute la nuit ne leur laissa guère le choix. Ils ne pouvaient pas faire machine arrière de sitôt, aucun d’eux n’arriverait à retracer le chemin inverse pour aller chercher de l’aide.

_ La boue nous rendra le chemin impraticable, s’énerva Vikthor.

_ Et toujours aucune nouvelle de mes sœurs ! Même ici, on n’arrive pas à atteindre leurs telsmans.

_   Note, votre espion télépathe est avec elles. Tant qu’elles ne nous auront pas vu, elles ne sauront pas qu’on est là.

_ Tu as raison, nous devons venir à leur rencontre. Manon nous viendra en aide quand elle saura, se rassura Arthur en ébouriffant ses cheveux roux qui avaient bien poussé depuis son départ de Zorrèce. Et puis tu sais, aujourd’hui c’est l’anniversaire de Solenne, elle mérite de passer ses premiers jours d’adulte en femme libre.

_ Alors, on se lance ?

_ Ce ne sont que des humains après tout ! plaisanta Arthur avant d’entamer sa descente vers le sol de la forêt.

Une fois en bas, il courra droit sur la muraille. Vikthor lui sautait d’arbre en arbre suivant le même parcours mais plus haut, vers les cieux. L’élan d’Arthur lui fit gravir le rempart en un rien de temps, tandis que son ami se balança d’un arbre pour le rejoindre. Ils y étaient, c’était le moment. Ils allaient tenter de s’en prendre à toutes les personnes qui se mettraient en travers de leur chemin. L’enjeu était beau, l’envie grande mais la citadelle était un piège redoutable pour quiconque s’y aventurait sans savoir qu’elle hébergeait en son sein des centaines des miliciens et que le maitre des lieux était un démon sirélien.