CHAPITRE 5

Par Smi

5 janvier 2018 , 19h30

C’est avec beaucoup de prudence que Martial réalisa le reste du parcours jusqu’à son domicile. Il avait décidé instinctivement de redoubler d’attention sur la route bien que son esprit se prit à divaguer sur les évènements récents.

Il se demanda subitement pourquoi Catherine manifestait un tel empressement pour régulariser leur divorce. Avait-elle rencontré quelqu’un ? S’agirait- il d’un ami proche ou  d’une relation professionnelle ?

Il était convaincu que sa femme n’agissait pas  ainsi pour des motifs pécuniaires. Même si le droit lui accordait la moitié de leur patrimoine commun, il savait qu’elle n’exigerait rien de plus et que cette affaire serait bouclée en quelques semaines.

Lui revint en mémoire leurs premières années de vie commune. Le studio mansardé, puis des appartements plus spacieux, leur première villa, la naissance de leurs enfants. Il n’avait de cesse de croire que tout se déroulait normalement, avec les hauts et les bas qui font la vie de tous les couples. A la quarantaine révolue, il ne lui semblait pas encore que la routine aie pris le dessus.

Avec Catherine et leurs enfants, ils agrémentaient leur quotidien par quelques voyages à l’étranger durant les vacances scolaires. Leurs séjours aux Etats Unis, au Cap nord ou à la Réunion avaient créé du souvenir indélébile, ses moments heureux qui resteraient quand les enfants quitteraient le cocon familial.

Pire que leur couple, aujourd’hui c’était leur famille qui allait imploser. Du moins espérait il que ce ne serait pas un déchirement douloureux et durable pour leurs enfants.

Catherine était la femme douce qu’il attendait ; elle l’avait aidé plusieurs années durant après son accident à gommer les séquelles physiques et psychiques qu’il ressentait. Il avait perdu goût à la vie sans en comprendre la raison. Les médecins avaient mis cet état quasi dépressif sur le compte de la convalescence post comateuse.

Pour s’occuper de leur petite famille, Catherine n’avait exercé sa profession d’infirmière libérale d’abord qu’à mi temps. Puis, profitant peu à peu de l’autonomie des deux enfants qui grandissaient trop vite, elle avait décidé de passer sur une activité à temps complet.

Alors qu’il quittait la voie rapide pour s’engager sur une départementale moins roulante, Martial se rendit à l’évidence qu’une fois de plus il n’était pas assez attentif à la conduite de son deux roues.

 L’idée que ce plein temps professionnel aurait été le déclencheur dans la décision de sa femme à demander le divorce le rassurait inconsciemment ; elle ne le quitterait peut être pas pour un autre.

Apaisé, il actionna la télécommande du portail extérieur de leur propriété et s’avança lentement dans un crissement de gravier jusqu’à aller stationner son véhicule sous le auvent prévu à cet effet.

Cette demeure dont il avait lui-même imaginée les volumes et les aménagements, lui plaisait toujours autant, surtout lorsque la nuit envahissante faisait ressortir un jeu d’ombre et de lumière, tantôt sur la terrasse, tantôt dans la véranda, la pergola ou sur les pourtours de la piscine couverte.

Martial n’était pas particulièrement attaché aux choses matérielles et encore moins immobilières. Une maison n’avait de valeur pour lui que si l’on s’y sentait bien. C’était d’ailleurs son leitmotiv dans son métier au quotidien. Sa satisfaction lorsqu’il clôturait une affaire était moins les honoraires qu’il en retirait que le bonheur affiché par ses clients à se sentir bien chez eux.

Au-delà de cela, la valeur ou la beauté qu’il attribuait aux choses  pouvait être immatérielle et totalement dénuée de toute idée de possession. C’est pourquoi il pouvait encore s’émerveiller quand le feuillage du  liquidambar qui ornait le devant de sa terrasse prenait ses multiples couleurs mordorées à l’automne. Il avait conçut et fait construire une véritable maison d’architecte, et pour cause puisque  c’était son métier.

Martial avait mis une folle énergie dans son projet immobilier, ne laissant rien au hasard, sélectionnant avec minutie ses prestataires, choisissant lui même les matériaux ; le résultat ne pouvait être qu’une réussite architecturale.

La maison était de style contemporain et se voulait respectueuse de l’écosystème. Volumes francs jouant avec la lumière du jour, lignes soignées mises en avant par de puissants murs de pierres, cette maison faisait la  fierté du couple.

Il gravit d’un pas sportif les quatre marches de la terrasse et s’engouffra directement dans le salon par la large baie vitrée.

Robin et Justine étaient tous deux accoudés sur la table du séjour,  cahiers, livres et ordinateurs portables devant eux occupant la totalité de l’espace.

Plutôt que de s’isoler dans leurs chambres, les enfants avaient toujours préféré faire leurs devoirs dans la pièce à vivre, sur cette  table, véritable œuvre d’art contemporaine, mélange de chêne massif et de métal industriel. C’était une satisfaction supplémentaire pour Martial.

« Tu est passé voir Maître Delviac ? »

Sans même lui laisser le temps d’embrasser ses enfants, Catherine était entré dans le vif du sujet. Par ce préambule, la soirée s’annonçait déjà tendue, allait s’en suivre la discussion habituelle sur les modalités du divorce.

 « Catherine, tu veux reprendre ta liberté, je ne peux pas m’y opposer même si je ne le souhaite pas, et tu le sais parfaitement » reprit Martial avec son calme habituel.

« Je suis passé chez notre notaire comme tu le souhaitais et sa secrétaire prendra contact avec toi ou ton avocat pour fixer un rendez vous » continua t il sans la moindre animosité.

« Je veux que cela soit réglé avant la fin du mois » lui asséna-t- elle avec une pointe de supériorité dans la voix.

Catherine s’était exprimée avec une vraie autorité, presque un dédain qu’il ne lui connaissait pas. Par une simple phrase prononcée sur un ton des plus acerbes, elle donnait le ton et annonçait peut être ses intentions.

Un fois de plus, Martial se demanda si sa femme avait une relation avec un autre homme ou si son attitude était seulement le fruit d’une lassitude. Peut être agissait elle sur les conseils avisés d’un ou d’une amie. 

Connaissait- il encore Catherine ?

De toutes les manières, le point de non retour semblait avoir été atteint pour elle et il n’était plus temps de faire quoi que ce soit pour éviter la rupture.

Cela semblait presque comme une évidence et les choses se passeraient, sans heurts et sans disputes, inéluctablement, tout autant que la routine s’était installée elle aussi, insidieusement. 

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_HP_
Posté le 20/05/2020
Hello !

Haha, elle a l'air très jolie cette maison !!
J'ai hâte de voir comment va se passer le divorce !

• "ses moments heureux qui resteraient quand les enfants quitteraient le cocon familial" → ces moments
• "Cette demeure dont il avait lui-même imaginée les volumes" → imaginé
• "Il avait conçut et fait construire une véritable maison d’architecte" → conçu
Smi
Posté le 25/05/2020
Coucou HP. Comment va se passer le divorce ? Ah Ah ! le ton est donné.
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