Chapitre 5

Le lendemain, David resta dans sa tente. La nuit avait été courte et il n’avait pas réussi à retrouver le sommeil, trop préoccupé par ce qu’il venait d’accepter. Il avait relu sans cesse le sort qu’il s’était engagé à lancer. Pourquoi j’ai accepté ?

Les gardes devant son entrée veillaient à ce qu’il ne soit pas dérangé selon ses consignes.

Tu le sais bien : à cause de la gloire, de prouver que tu en ai capable. Oui, mais ça sert à quoi si on meurt tous ?

Il renversa le contenu de sa besace à la recherche d'une quelconque idée pour se sortir du pétrin.  Étalés au sol se mêlaient ses différents accessoires de jeu : manuel de magie, manuel du monde, quelques fioles remplis d’eau coloré et d’autres d’herbes aromatiques. Du factis. Tout. Comme toi, mage de pacotille.

Un bruit se fit entendre dans son dos. Sans retourner, David annonça :

— J’ai donné l’ordre de ne pas être dérangé sous aucun prétexte. Il me semblait avoir été clair.

—Je venais m'enquérir de votre état. Vous n’avez rien avalé depuis hier mais au vu de l’accueil vous allez l’air en parfaite santé, répondit Modwen en jetant un plat de nourriture sur la table. Elle fit mine de ressortir aussitôt.

David se précipita vers elle.

— Non, restez. Excusez-moi de ma brusquerie. La bataille à venir me met les nerfs en pelote.

Modwen le fixait de ses yeux froids, son visage n’était qu’à quelques centimètres du sien.

—Je ne peux pas croire qu’un mage elfe tel que vous puisse ressentir cela.

—Croyez-vous les elfes dénués d’émotions ?

—Je n’ai jamais dit cela. On vous dit si calme, si clairvoyant. 

—Je suis le premier elfe que vous voyez, n’est-ce pas ?

—Oui, vous n'êtes pas ce qui est de plus présent dans nos contrées. D’ailleurs, je dois vous avouer que je ne vous imaginais pas comme cela.

—Les préjugés ont la vie dure. Vous n’êtes pas déçue, j’espère

—Je ne pensais pas que vous seriez aussi …

—Ennuyeux.

—Intéressant, lui souffla Modwen. Ses lèvres touchaient presque les siens. David pouvait sentir l’odeur de fleurs et de miel que distillaient ses cheveux. Il n’avait qu’une envie  : enfouir son nez dedans.

A l’extérieur, la voix de Cirig se fit entendre. Modwen se raidit. Puis, s'approchant de son oreille, elle lui susurra d’une voix douce :

— Je sais que vous n’avez pas les mêmes dieux que nous mais tenez, il vous protégera.  

Elle glissa quelque chose dans sa main et, sans demander son reste,  quitta la tente.

 

Cirig fit son entrée sans tarder. 

— Aldaron, mon ami. Je viens de croiser ma fille sortant de chez vous. Vous ne me cachez rien, j’espère ? en fronçant les sourcils.

David sentit la sueur perler sur son front, il serrait toujours au creux de sa main le présent de Modwen.

Soudain, Cirig lui lança une bonne tape dans le dos et ajouta :

—N’ayez crainte, je vous fais marcher. Je sais bien pourquoi elle est venue, ajouta-t-il en montrant la table de la main. Et ma fille est grande, elle est libre de ses choix et de ses actes, dit Cirig en lui faisant un clin d’œil. Je sais que vous aviez demandé à ne pas être dérangé mais je tenais à vous tenir informer que Talorc travaille d'arrache pieds sur votre plan. Il a fini de mettre les glyphes de protection en place et à envoyer des hommes récupérer les composants pour votre sort.

—De mon côté, j’ai envoyé des éclaireurs surveiller Theodgar et d’autres préparer le terrain au passage de Trimpens. Nous devrions en savoir plus dans la soirée sur le délai qu’ils nous restent. Cela avance de votre côté ?

—Euh, oui, oui mais je ne dois plus être dérangé. Ce sort demande beaucoup de préparations et le temps pourrait nous manquer.

—Dans ce cas, je vous laisse.

Cirig quitta les lieux sans plus de cérémonie. 

Enfin seul, David desserra le poing pour découvrir le cadeau de Modwen. Il s’agissait d’une petite amulette finement travaillée avec différentes runes ciselées. David n’eut nul besoin de son manuel pour reconnaître les symboles d’Ogma, dieu de la magie guerrière.

Puisse Ogma m’aider, si seulement j’étais vraiment un mage.

David passa l’amulette autour de son cou et la dissimula sous ses vêtements. 

Et si j’en étais un ? Dans ce monde, ils me prennent pour un mage elfe ,et si ici cela n’était pas du toc. 

David se mit à quatre pattes à la recherche de son manuel de magie jeté au sol. Une fois, trouvé, il l’ouvrit. Tournant les pages à toute vitesse, il se mit à marmonner :

— Faut que je teste sinon je ne le saurai jamais. Un truc facile et pas dangereux. « Sort de feu », lut David. Non, trop dangereux si je ne maîtrise pas. « Transmutation ». Ah, ça ! Ça peut le faire. J’ai qu’à essayer de transformer leur boisson immonde en eau. 

Du doigt, David suivait les lignes de son livre à la recherche des composants de celui-ci : 

— Sel, poudre de madurel et herbe de Ryckboom. Gardes, appela David. 

L’un d’eux passa la tête dans l'embrasure

—Oui, pouvez-vous demander qu’on me fasse parvenir ces ingrédients rapidement ? demanda David tout en griffonnant sur un papier.

Sans attendre, le garde prit le papier et disparut.

Il faut que ça marche, se répétait David tel un mantra tout en essayant de mémoriser le sort qu’il devait lancer. 

Perdu dans ses pensées, David n’entendit pas le garde revenir avec les précieux composants. Il sursauta quand il le vit déposer sur la table les ingrédients.

Sans même lui dire merci, David se jeta dessus pour préparer le sort en vitesse. Au moins, je serai fixé. Et j’aurai le temps de prévoir un plan de retrait.

Une fois les composants broyés, David disposa devant lui une coupe de boisson. Fermant les yeux et inspirant un grand coup, il se mit à incanter avec toute la conviction dont il se sentait capable. Il répéta encore et encore les phrases tout en versant la poudre dans le liquide.

Il n’osait rouvrir les yeux de peur de voir le résultat ou plutôt son absence. Il poursuivit inlassablement son incantation quand soudain un hurlement se fit entendre dans le camp.

David se leva d’un bond pour sortir de sa tente. Il fit Cirig en tenue de combat regroupant ces troupes et hurlant des ordres.

David sentit son ventre se nouer quand il constata que Talorc se dirigeait vers lui avec empressement.

— Vous tombez bien. Tenez,dit-il en lui tendant un sac. Voilà les composants : ils sont prêts, il n’y a plus qu’à lancer le sort. Prenez ce dont vous avez besoin et suivez-moi. Les éclaireurs sont revenus en urgence. Les troupes de Théodgar avancent et se trouveront bientôt au passage de Trimpens. Nous avons fait en sorte qu’ils n'aient pas le choix et soient obligés de passer par là.

David resta bouche bée. Mille questions traversaient son esprit. Ils allaient mourir ici c’était sûr. Tous. Par sa faute. Jetant furtivement un œil autour de lui, il constata que toute fuite lui était impossible.

—Eh, vous vous bougez ? On doit y aller, reprit Talorc devant son silence.

—Oui, oui. Je vous suis.

Tout en emboîtant le pas de Talorc, David passa sa main sur l’amulette dissimulée sous sa robe. Puisse Ogma être de notre côté.

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