A Eybure, le jour de l’anniversaire de Solenne.
A l’image de ce qu’il se passait dans la citadelle, dans le village de naissance de Manon tout partait doucement à vau l’eau. Ses parents ne se comprenaient plus, Marie s’inquiétait sans relâche pour son mari et les frères Bauthmy s’éloignaient eux aussi. Zaven passait son temps avec Marie, elle était la seule qui avait l’air de comprendre ce que c’était d’avoir son âme sœur parti au bout du monde. Tandis que Nazar passait son temps avec Endza. Même Paskhal semblait tourmenter lui aussi entre le bien de son peuple et celui de sa famille.
_ Parfois j’ai l’impression que l’avenir me sourit à nouveau et puis je me rappelle la terrible perte de vos filles, avoua Nazar à son Elu.
_ Je te comprends bien mon garçon. Tu es comme moi, partagé. Tu te rappelles ce que tu as perdu ce jour-là et ça te frappe en plein cœur puis tu apprécies des choses qui n’auraient pas été possible avant cet événement, le rassura Paskhal.
_ Je suis perdu, j’ai aimé votre fille plus que de raison mais à présent je suis attiré par sa sœur, finit par avouer le blondinet.
_ J’étais un homme heureux avant de fonder tout cela. Au départ avec Hestia, j’avais refoulé mon envie de pouvoir. Dans mon adolescence je n’avais d’yeux que pour elle puis un beau jour je suis devenu l’Elu et tout a changé, poursuivit Paskhal.
_ Je ne peux m’empêcher de me rappeler Manon mais elle a disparu, elle est morte et quand je côtoie Endza je redeviens heureux. J’ai l’impression de me dédoubler, c’est ce que vous avez ressenti entre le pouvoir et Hestia ? l’interrogea Nazar en retour.
Les deux hommes étaient assis sur le banc à l’écart du village. C’était là que tout avait commencé, après le marché quand Manon avait parlé à son père de son don qui s’éveillait peu à peu. Paskhal l’avait alors mis en garde sur sa dangerosité et sa convoitise. Devant les trois monts des Monéyiéres, ils avaient partagé leurs craintes comme il le faisait actuellement avec Nazar.
_ Oui avant de devenir Elu, je n’avais qu’Hestia pour maitresse. Ensuite je me suis vu devenir le guide des Kalokas. J’étais fier d’être reconnu et je voulais vous apporter tellement de chose. Petit à petit, je me suis alors éloigné de ma femme pour accéder à la reconnaissance et devenir conciliateur dynaste en plus d’Elu. Mais comme c’est mon âme-sœur, elle ne me l’a jamais reproché.
_ Vous voulez dire qu’entre vos filles je dois choisir ? Je ne peux aimer les deux sans en blesser une. J’aimerais rendre hommage à la défunte et ne pas convoiter une autre mais il m’est impossible de quitter des yeux Endza. J’aime deux femmes et elles m’ont aimé toutes les deux. Endza est toujours amoureuse de moi, je n’arrive pas à me résoudre à prendre une décision mais ce n’est pas à moi que cela fait le plus de mal, bégaya Nazar en prenant sa tête dans ses mains.
_ Ma femme m’a appris que j’étais maudit et je veux bien la croire. Je suis flagellé dans ma chair et par mon propre bras. Le pouvoir m’a caressé d’une main et giflé de l’autre, m’apportant autant de gloire que de déboire. A l’image de Namon, il me défie sans cesse de choisir entre lui et ma famille. En ce dix-huit septembre, alors que Solenne devrait fêter son anniversaire avec nous, je suis perdu, reprit Paskhal les yeux posés sur les champs de bruyères qui s’étendaient en face d’eux.
Le bel homme qu’il était, était en train de sombrer dans la folie. Appelé par son besoin de gouverner son peuple et son envie de protéger sa famille, il ne savait plus où donner de la tête. Il ne savait plus quoi faire. Il avait toujours voulu vivre vieux et entouré., lui qui avait tout fait pour cela, semblait pourtant si seul.
_ C’est perturbant qu’elle ne soit pas avec nous pour ses dix-sept ans. Zaven en est tombé malade sans raison, il souffre d’une fièvre inconnue. J’espère que ce n’est pas lié à la captivité de votre fille et que Solenne va bien. Personnellement, je pense sans cesse à Manon alors qu’Endza est à mes côtés. J’ai l’impression d’avoir connu un paradis à les côtoyer toutes les deux mais maintenant je vis un enfer. Suis-je un homme normal ? l’interrogea Nazar.
_ Parce que tu veux être heureux et que tu ne réussis pas à en oublier une pour céder entièrement à l’autre ? Non, Nazar. Moi je n’ai jamais pu choisir, avoua Paskhal.
_ Entre le bonheur de votre famille et le pouvoir ?
_ C’est cela, encore aujourd’hui je me bats pour maintenir mon rôle d’époux, de père, d’Elu et de conciliateur. Je me débats dans un enfer perpétuel en laissant passer l’un puis l’autre dans mes priorités, déclara le père Agape.
_ Et cela ne vous rend pas heureux, n’est-ce pas ?
_ Non, c’est vrai. Je crois même que je n’ai jamais été aussi malheureux. J’ai pourtant eu tout ce que je voulais, une femme, des enfants, un rôle important dans la société humaine et sirélienne mais j’en ai toujours voulu plus. Je ne me suis jamais contenté de ce que j’avais, jusqu’à en perdre mes enfants, sanglota silencieusement Paskhal.
_ Ce n’est pas de votre faute ce qui est arrivé à votre famille, le rassura Nazar en lui passant la main dans le dos.
_ J’aimerais encore pouvoir le croire mais ce n’est pas si simple.
_ Vous m’avez appris que rien ne l’était.
_ Tu es un bon garçon Nazar. Tes parents peuvent être fier, ils n’ont rien à craindre de toi mais tu ne peux pas faire les mêmes erreurs que moi, le reprit Paskhal.
_ Entre le souvenir de Manon et mon envie d’aller vers Endza je dois choisir, n’est-ce pas ? gémit Nazar.
_ Sinon tu ne seras jamais heureux, tu resteras déchiré comme moi. Cependant, en réalité, tu as déjà fait ce choix.
_ Je dois me tourner vers Endza ?
_ Non, tu as déjà choisi ta destinée en te liant à Manon. Tu l’as prise pour âme-sœur et même demandé en mariage. Tu vivras avec cela toute ta vie je le crains, avoua Paskhal.
_ Je ne pourrais jamais l’oublier, ni refaire ma vie ? S’inquiéta Nazar en passant sa main dans ses cheveux blonds.
_ Personne ne pourra jamais oublier ma fille ainée, Nazar. Personne. Un jour, tu referas ta vie mais pas maintenant et surement pas avec Endza. Tu ne peux pas convoiter toutes mes filles, quand bien même Endza t’idéalise. Elle n’est pas destinée à cela, déclara Paskhal sûre de lui.
_ Son cœur est encore libre, le jour où son telsman se liera je la laisserais faire, non sans douleur, acquiesça Nazar.
_ Son telsman se liera surement au miens avant de trouver son âme sœur, le coupa Paskhal.
_ Vous voulez dire qu’après Manon, c’est elle que vous pressentez comme Elue ?
_ Je peux me tromper, mais qui d’autres ? Personne n’arrivera à remplacer Ma… Ma première fille mais Endza est la seule qui pourra le faire au mieux.
_ J’espère qu’il en sera ainsi. Vous aussi, vous avez du mal à la nommer j’ai remarqué, enchaina le jeune homme en posant ses yeux bleus sur son ancien beau-père.
_ J’ai un gout amer quand j’y pense. Depuis sa naissance, son génie m’a toujours rongé. J’ai toujours su ce qu’il allait arriver, il n’en était pas possible autrement. Comme un éclair qui vient rompre une nuit claire, elle a remis en cause toute mes croyances, avoua Paskhal.
_ Que voulez-vous dire ? Vous avez toujours senti qu’il lui arriverait malheur ? s’alarma le blondinet.
Ils étaient là, à la merci de la brise du vent. Ils s’avouaient leurs pensées qui les avaient toujours rongées. Le banc de pierre accueillait leurs confidences. Les pieds dans l’herbe grasse, ils se rendaient enfin compte du temps passé, de ce qu’ils avaient perdu. Ils auraient dû compter leurs joies, se rassurer mais c’étaient bien leurs peines qui venaient les tourmenter.
_ J’ai toujours su que c’était une enfant unique. On me mettait au défi de l’élever et la protéger jusqu’à ce qu’elle prenne ma place. Je savais qu’elle avait un grand pouvoir qui un jour serait craint. Plus elle grandissait, plus je voyais ce qu’elle allait devenir. Un prophète, à n’en pas douter. Elle avait les yeux de la déesse et presque tous ses atouts physiques. Elle devait me faire expier la faute de mon paternel mais comme moi elle a échoué.
_ J’ai du mal à vous suivre Paskhal, avoua Nazar.
_ Il n’y a rien à comprendre en réalité. Mon défit était de l’aimer et de l’aider à grandir jusqu’à prendre ma place. Elle devait m’y aider mais en disparaissant ainsi, nous avons tous les deux échoués. Voilà tout, acheva l’Elu des Kalokas.
Dans cette épreuve, Paskhal venait de comprendre qu’il n’avait pas été un bon père. Il ne lui restait plus qu’à faire un meilleur Elu et conciliateur. Croyant sa fille morte, il ne se raccrochait plus qu’à ça. Entre le pouvoir, la reconnaissance et sa famille, il avait fait son choix. Il demandait la même chose à Nazar, pour être heureux, il ne devait pas jouer sur les deux tableaux.
S’il avait toujours aimé Manon, il ne devait pas l’oublier avec sa petite sœur. Ainsi avait parlé l’Elu, ainsi Nazar l’avait écouté. Il en était malheureux, mais il ne resterait qu’un ami pour Endza et rien de plus. Pakshal rassuré par son choix, laissa le jeune homme seul pour accepter la décision. Il devait reprendre du poil de la bête et commencer à faire valoir le pouvoir de sa région, il ne pouvait plus s’apitoyer sur ses erreurs passées.
L’intouchée Zorrèce, allait faire monter les prix de ses denrées pour tirer son épingle du jeu dans cette guerre civile. Les Kalokas en sortiraient prospères et libres contrairement aux autres siréliens. Paskhal avait fini par choisir sa destinée. Il n’allait pas tenter de réparer sa famille totalement délitée mais se tourner vers son autre vie. Seule sa fille cadette leur soutiendrait dans son choix mais cela avait toujours été ainsi. L’envie, le besoin de pouvoir et de reconnaissance était leur grand point commun. Ils allaient s’unir dans cette quête pour qu’Endza suive enfin l’exemple de son père, comme elle l’avait toujours voulu, comme il l’avait toujours espéré.
Il ne faut pas pas devenir fou ! C'est pas bien !
Non Paskhal tient bon le temps que Manon revienne. Même si je sens qu'elle va abandonner à cause de sa soeur qui est en sale état... Mais tient bon
Non mais oh, Nazar ! Ta moitié n'est même pas encore froide que tu en courtises une autre ? C'est quoi ces manières...
Bon, du coup, si Manon se tourne vers le bellâtre, plus besoin de culpabiliser !
Quant à Paskhal, il m’énerve, mais il m'énerve... J'ai foiré ma famille, donc je me rabats sur mes trucs d'élus ? Tu as encore une femme, hein, et y a du boulot pour récupérer tes bourdes !
Ils font bien la paire finalement, ces deux...
Oui mais ça Nazar ne le sait pas... Il la croit toujours morte lol.
Ahah oui c'est compliqué ce quatuor amoureux.
Ah toi aussi ? Paskhal réveille toi voyons
« _ Vous voulez dire qu’entre vos filles je dois choisir ? Je ne peux aimer les deux sans en blesser une. » Ben à moins de partir sur un plan à trois, il le faudra bien mon gars…
Ah oui j’avais oublié que pour eux Manon était morte, mince xD et vu le dilemme de Nazar, j’ose même pas imaginer sa réaction quand il va apprendre que Manon est vivante mdr, il va faire un AVC sur place…
Sinon eh bien, j’ai énormément apprécié lire ce dialogue entre ces deux-là, c’était assez inattendu mais très agréable ! Juste au début, les premières répliques, je trouvais que ça n’avait pas trop de sens, comme si chacun d’eux débitait son monologue dans son coin sans répondre à l’autre ; mais au final ça se rejoint et c’est très cohérent ! Tu dis plein de choses au court de ce chapitre donc c’est dur à énumérer point par point pour revenir dessus, mais bref j’ai adoré le lire et tout ce qu’il apporte. T’as bien géré avec ces deux pauvres gars tout tristoune sur leur banc… ^^ effectivement, au stade où ils en sont, faudrait qu’ils arrêtent d’hésiter !
Alors comme ça Paskalou est pas chaud pour que Nazar pécho ses filles une par une ? Tu m’étonnes ^^ hâte de voir comment ça va évoluer ce bazar de sentiments !
J’ai particulièrement aimé la dernière partie où Paskhal parle de Manon, et après bascule sur Endza qu’il voit comme son héritière.
Les deux derniers paragraphes, héhé <3 ça c'est mon Paskhalou ! je t'ai déjà dis que je l'aimais trop, malgré le fait que j'ai envie de le baffer de temps en temps ?
Bon, maintenant on lance la loterie pour savoir de quoi parlera le prochain chapitre ? Avec tes tonnes de personnages qui se baladent un peu partout à travers le Nouveau Monde c’est dur de faire des prévisions xD
Les coquilles :
tout partait doucement à volo => à vau l’eau
et tout à changer => tout a changé
Le pouvoir m’a caresser d’une main et gifler de l’autre, => caressé et giflé
il me défit sans cesse de choisir entre lui et ma famille. => défie
Elle devait m’y aider mais en disparaissant ainsi, nous avons tous les deux échouer. => échoué
Ahaha ça sera pas de suite mais il va souffrir quand il l'apprendra oui et ça sera pas le seul. Endza aussi du coup !
Alors il parle chacun de leur côté comme un dialogue de sourds au début et cets normal parce que nazar se confie et pakshal en profite pour parler de ses problèmes à haute voix, comme s'il ne l'écoutait pas vraiment. Puis le dialogues se lie etc c'est pour montrer le état d'esprit un peu auto centré aussi. Oui ce chapitre annonce beaucoup de choses et des indices y sont cachés aussi 😉.
Oui pakshal est pas chaud pour qu'on touche a ses deux filles mdr, ça va être compliqué à gérer tout ça mais ça sera développé dans le tome 2.
Oui il pense a sa fille disparue et fait un parallèle sur sa seconde fille.
Ravie que tu aimes Paskhal ! Encore malgré qu'en vrai il prenne pas le partie de sa famille du coup mais de son clan !
Bah on va retrouver Vikthor voyons !! C'est logique.
PS : je t'ai envoyé des msg sur discorde