Chapitre 6 – L’écho du cinquième étage

Par David.J
Notes de l’auteur : Quelque chose s’efface. Un espace entre les lignes. Un souvenir flou que l’on tente de saisir, mais qui glisse entre les doigts.
Le monde semble intact autour de Nina. Son appartement, Paris, le quotidien qui reprend. Mais tout sonne faux.
Julien est là. Il parle comme Julien. Il bouge comme Julien. Mais parfois, il hésite. Comme une image mal ajustée. Comme un souvenir mal imprimé dans la réalité.
Les signes s’accumulent. Une horloge qui refuse de dépasser 5h05. Une radio éteinte qui grésille encore. Un reflet dans le miroir qui tarde à suivre son mouvement.
Et puis cette sensation…
Quelque chose manque.
Quelque chose a été oublié.
Et pourtant, il est toujours là. Dissimulé entre les lignes, caché dans l’ombre d’un sourire trop parfait.
Julien lève la tête. Il sait qu’elle doute.
— Quelque chose ne va pas ?
Nina ouvre la bouche pour répondre.
Mais les mots ne viennent pas.
Un battement de silence.
Puis un sourire.
— Non… tout va bien.

Le monde autour de Nina semblait intact. Paris, son appartement, son reflet dans le miroir… tout était à sa place. Pourtant, quelque chose clochait. Une dissonance infime, une perception altérée qui n’avait pas de nom mais qui s’accrochait à ses pensées comme une ombre invisible.

 

Ou peut-être que si… ?

CHAPITRE 5

Vous avez peut-être l’impression de l’avoir lu… mais vos souvenirs sont incertains.

 

Julien était là. Physiquement du moins. Il parlait comme lui, bougeait comme lui. Par moments, quelque chose hésitait en lui. Comme un souffle en trop, un battement de cil mal synchronisé. Une latence, imperceptible mais insidieuse.

Nina le voyait. Le sentait.

Un espace flou. Un trou dans la narration.

Elle avait l’impression d’avoir déjà vécu ce moment.

Elle aurait juré avoir noté quelque chose sur un carnet… mais les pages étaient blanches.

Elle aurait pu jurer que Julien n’avait jamais souri de cette manière.

Rien n’était écrit, et pourtant… une sensation persistante d’avoir déjà lu ces lignes quelque part.

 

Un silence qui n’est plus le même

La première nuit après leur retour, Nina s’éveilla en sursaut.

L’appartement était plongé dans l’obscurité. Mais le silence lui sembla… différent.

Comme si l’espace entier attendait, suspendu dans une anticipation muette.

Une pression invisible pesait sur elle, sur chaque objet, chaque meuble. Quelque chose avait changé, mais elle ne savait pas quoi.

Un fragment de texte subsistait dans son esprit. Trop léger pour être compris, comme une voix à peine audible derrière un mur épais.

Puis un grésillement.

Léger. Juste assez pour être audible.

...tés ne sont pas stab...

Un murmure indistinct, comme une fréquence mal réglée.

...effacement en cours...

Elle tourna la tête.

Julien était assis au bord du lit, le dos voûté, totalement immobile. Il fixait le mur face à lui, les yeux ouverts mais vides.

Elle ne bougea pas.

— Julien… ?

Pas de réponse.

Un frisson glissa sur sa peau.

— Julien, tu vas bien ?

Il tourna lentement la tête vers elle. Un peu trop lentement.

Puis, après une fraction de seconde qui dura une éternité, il sourit.

— Désolé. J’ai fait un cauchemar.

Sa voix était normale.

Mais Nina sentit son cœur se serrer. Elle n’avait jamais mentionné un cauchemar.

 

Des anomalies qui s’accumulent

Les jours passèrent, et Nina commença à noter d’étranges détails.

Une horloge murale s’arrêta sur 5h05. Même après avoir changé les piles, les aiguilles refusaient d’aller plus loin.

La radio grésillait, même éteinte. Une nuit, elle la ralluma.

Un message en boucle.

Une voix chuchotait une série de chiffres.

Cinq groupes de cinq nombres.

Elle coupa immédiatement l’appareil.

Le lendemain, en se regardant dans le miroir, elle cligna des yeux.

Son reflet cligna après elle.

Un infime retard.

Presque imperceptible.

Mais elle le vit.

 

Julien et le souvenir impossible

Un matin, alors qu’ils prenaient leur café, Julien évoqua un souvenir.

Un souvenir qui n’existait pas.

— Tu te souviens, ce jour-là, quand on a pris le train pour Marseille et que tu avais oublié ton téléphone ?

Nina se figea.

— Julien… on n’est jamais allés à Marseille.

Un silence. Une fraction de seconde trop longue.

Puis un sourire.

— Ah… Oui, c’est vrai. J’ai dû confondre…

Nina ne répondit pas.

Il ne confondait pas.

Il inventait.

 

Une réalité instable

À bout de nerfs, Nina retourna voir Langlois.

Quand il ouvrit la porte, son regard changea immédiatement.

Il la fit entrer sans un mot.

L’intérieur de sa maison était un chaos de papiers, de carnets griffonnés.

Des notes éparpillées partout.

Elle en prit un.

Effet d’altération des sujets exposés : perte de repères temporels, modification des schémas comportementaux.

Certains développent un décalage de perception, comme si leur existence se réajustait en permanence.

Dans les cas extrêmes, leur empreinte dans la réalité s’efface progressivement.

Elle releva les yeux vers Langlois.

— Julien…

Il hocha la tête, grave.

— Si ce n’est pas lui… alors quoi ?

Un silence.

Une ombre sembla passer derrière Langlois.

Il ne se retourna pas.

Elle n’aurait pas dû la voir.

Il n’y avait rien.

Juste un jeu d’ombres.

Un effet de la lumière.

Puis, d’un ton soudainement inquiétant, il murmura :

— Ne le touche plus.

Nina sentit une vague de froid la traverser.

— Quoi ? Pourquoi ?

Langlois resta figé.

Puis, comme s’il se réveillait, il secoua la tête.

— …Pardon. J’ai… j’ai dû perdre le fil. Nina serra les dents.

— Pourquoi vous avez dit ça ?

Un battement de silence.

Langlois regarda ailleurs.

Il hésita.

Puis il répondit, comme à contrecœur :

— Parce que vous alliez me le dire.

Le doute final

Ce soir-là, Nina observa Julien.

Tout en lui était parfait.

Trop parfait.

Chaque respiration était mesurée.

Chaque mouvement d’une fluidité irréprochable.

Il était là.

Mais au fond d’elle, elle savait.

Ce n’était pas lui.

Elle le vit se lever, traverser la pièce. Son ombre ne suivait pas la bonne direction.

Elle ouvrit la bouche… puis se ravisa.

Julien se tourna vers elle.

— Tu viens te coucher ?

Sa voix était normale.

Nina hocha la tête lentement.

Elle ouvrit la bouche. Elle voulait parler. Elle voulait dire quelque chose.

Mais quoi ?

Elle ne savait plus.

Ses lèvres restèrent entrouvertes. Rien ne sortit.

Une pensée étrange s’insinua en elle.

Tout va bien.

Elle fronça les sourcils.

Julien va bien.

Ses doigts tremblèrent.

Pourquoi étais-je inquiète, déjà ?

Sa gorge se serra.

Non. Non.

Elle savait. Elle savait.

Et pourtant, ses jambes bougèrent d’elles-mêmes.

Elles la portèrent vers lui.

Elle sentit sa main se poser sur la sienne. Une main trop froide. Trop lisse. Trop absente.

Mais elle ne la retira pas.

Julien sourit doucement.

— Bonne nuit.

Nina sourit en retour.

Elle se força à sourire.

Et dans ce sourire, le lecteur comprenait.

Elle savait.

Le lecteur savait.

Mais elle n’avait plus le droit de parler.

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Fidelis
Posté le 07/03/2025
Ah terrible la fin j'adore, elle glace le sang, et oui, on ne joue pas impunément avec des forces qui nous dépassent.

Il y a toujours un prix à payer.

Tu as bien fait de la retoucher, elle est bien plus captivante à présent bien joué l'artiste !
David.J
Posté le 07/03/2025
Merci infiniment pour ton retour, ça me fait vraiment plaisir ! J’avais à cœur de rendre cette fin encore plus marquante, et si elle t’a glacé le sang, alors mission accomplie . C’est vrai, on ne joue pas impunément avec ce qui nous échappe… et le prix à payer est parfois bien plus lourd qu’on ne l’imagine. Merci d’avoir pris le temps de lire et de partager tes impressions, ça me booste à fond pour la suite !
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