Chapitre 4 - Plonger dans l’inconnu

Par David.J
Notes de l’auteur : L’ascenseur vibra, une onde sourde résonna dans ses parois métalliques. Une anomalie invisible, une fracture dans la réalité.
Nina appuya sur le bouton 5.
Un bouton qui n’existait pas.
Un silence oppressant. Puis un souffle d’air glacial.
Les portes s’ouvrirent lentement… et devant eux s’étira un couloir qui n’aurait jamais dû être là.
Un étage qui n’existait plus.
Ou pire encore…
Un étage qui les attendait.

Le trajet entre la maison de Langlois et l’immeuble de Nina se fit dans un silence tendu. Assise sur la banquette arrière du taxi, elle serra le carnet de Devereux contre elle, tandis que Langlois vérifia une dernière fois le générateur qu’il avait soigneusement enveloppé dans un drap épais. L’appareil, bien que vieillot, semblait intact et prêt à l’emploi.

À chaque virage, Nina sentit son cœur s’alourdir un peu plus. Elle chercha des repères à travers la vitre, mais tout semblait… légèrement décalé. Comme si Paris lui-même avait changé d’infimes détails, rendant l’environnement un peu trop étranger. Une impression fugace, mais persistante.

— Vous êtes sûre de vouloir faire ça ?

Nina ne détourna pas le regard du carnet.

— Oui. Je vais récupérer Julien.

Langlois ne répondit pas tout de suite. Ses doigts se crispèrent légèrement sur le drap qui enveloppait le générateur, et son regard se perdit un instant vers la fenêtre du taxi, comme s’il revoyait un souvenir qu’il aurait préféré oublier. Puis il ferma brièvement les yeux et inspira profondément, comme un homme marchant volontairement vers l’inconnu.

Lorsqu’ils arrivèrent devant l’immeuble, il jeta un dernier coup d’œil à la façade.

Nina sentit l’atmosphère changer dès qu’elle posa le pied sur le trottoir. Une tension inhabituelle, subtile mais tangible, glissa sur sa peau comme une onde de chaleur inversée. Avait-elle toujours ressenti ça ici ?

Dans l’ascenseur, Nina et Langlois se tinrent face à face, le générateur posé entre eux. L’air était chargé d’électricité statique, et le silence pesant rendait chaque bruit plus inquiétant. Langlois ajusta minutieusement les réglages du dispositif, ses doigts tremblant légèrement.

Le silence, plus qu’une simple absence de son, se mua en présence oppressante. Les murs métalliques semblèrent se resserrer, et même le petit grésillement du néon parut anormalement étouffé.

— Si mes calculs sont exacts, cette fréquence devrait réactiver l’anomalie, au moins temporairement.

Nina serra les poings. C’était maintenant ou jamais.

Langlois activa le générateur. Un grésillement sourd envahit l’espace, et la lumière des ampoules vacilla. Un frisson invisible parcourut la cabine, soulevant légèrement les cheveux de Nina. Un souffle d’air froid, inexistant quelques secondes plus tôt, se mit à tourner en spirale autour d’eux.

Puis, un son retentit, doux mais insidieux. Une sorte de vibration sourde, semblable à un chant lointain, à une onde qu’ils ne comprenaient pas.

Le sol sous leurs pieds frissonna, comme si quelque chose, au-delà du visible, répondait à l’appel.

Les boutons sur le panneau de commande se mirent à clignoter frénétiquement, comme pris d’un court-circuit. Puis, lentement, un nouveau bouton apparut : 5.

Nina sentit son cœur cogner contre sa cage thoracique. Ce bouton n’existait pas. Il n’avait jamais été là.

Un silence oppressant s’installa. L’air devint plus lourd, comme si l’espace lui-même hésitait.

Elle tendit la main, son doigt flottant au-dessus du chiffre interdit. Puis elle appuya.

L’ascenseur vibra brusquement. Une onde sourde résonna dans ses parois métalliques, semblable à un battement d’écho venu d’ailleurs.

Les portes de l’ascenseur se refermèrent dans un claquement sec, enfermant Nina et Langlois dans un espace devenu trop étroit.

Puis, il se mit en mouvement.

Lentement. Trop lentement.

L’impression d’être aspirés ailleurs, dans un lieu qui n’aurait pas dû exister.

Les lumières grésillèrent, projetant des ombres mouvantes sur les parois métalliques. L’air se fit plus lourd, plus épais, saturé d’une tension invisible.

Nina sentit son estomac se contracter. Quelque chose n’allait pas.

Puis l’ascenseur s’immobilisa.

Un battement de silence.

Et dans un grincement long et douloureux, les portes commencèrent à s’ouvrir…

Un souffle glacé les frappa immédiatement, charriant une odeur de poussière ancienne et de métal brûlé. Un vent lourd, chargé d’une présence indéfinissable.

Devant eux, le couloir du cinquième étage perdu s’étirait dans une lumière crépusculaire tremblotante.

Un endroit qui n’aurait jamais dû être là.

Un endroit qui les attendait.

— C’est maintenant. Restez près de moi.

Nina inspira profondément et franchit le seuil.

Dès qu’ils entrèrent, un frisson la parcourut. L’air était lourd, épais, comme s’il était resté en suspens depuis des décennies.

Les murs étaient couverts d’étranges marques, des lignes noires entrelacées qui rappelaient des circuits imprimés… ou des nervures.

Un bruit lointain, un frottement, résonna quelque part. Comme si quelque chose rampait lentement sur le sol, hors de leur champ de vision. Nina retint son souffle, tendant l’oreille. Mais le son cessa aussitôt, remplacé par un silence si dense qu’il absorba leur propre respiration.

Ils avancèrent, scrutant chaque porte délavée.

— Julien !

Un murmure lointain lui répondit.

— Je suis là…

Elle s’élança, Langlois sur ses talons, alors que l’air autour d’eux devint plus lourd.

Les murs semblèrent vibrer, comme une membrane organique, une matière qui hésitait entre le tangible et l’irréel.

Une seule porte resta visible.

Nina l’ouvrit d’un coup sec.

Julien était là, figé, comme une statue brisée au centre de la pièce délabrée. Son visage était pâle, presque translucide sous la lumière blafarde, et ses yeux fixaient un point invisible sur le mur fissuré.

— Julien ! C’est moi !

Il tourna lentement la tête.

— Nina… ?

Mais derrière lui, quelque chose bougea dans l’ombre.

Ce n’était pas une silhouette. C’était une absence de forme, une distorsion dans l’air, comme une image mal calibrée sur un écran défectueux.

L’espace autour de cette chose se plia, refusa d’exister correctement.

— On doit partir. Tout de suite !

Le sol trembla.

Julien mit une seconde de trop à réagir, comme si son corps avait oublié comment bouger.

Ils coururent, les ombres se tordant autour d’eux, cherchant à les retenir.

Un grondement résonna, comme le souffle inversé d’un monde en train de s’effondrer.

L’ascenseur était toujours là, ses portes grandes ouvertes.

Nina y poussa Julien, puis bondit à l’intérieur.

Langlois les suivit de justesse et frappa le bouton du rez-de-chaussée.

Les portes se fermèrent juste avant que l’étage entier ne disparaisse dans un fracas sourd.

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