Chapitre 60 - L'extralucide

Aux lendemains sans peur

 

Avec l’arrivée de trains venus de Mÿrre et ceux remplis de Yeghes, le premier des quatre camps avait été vite rempli. Maintenant, le deuxième commençait lui aussi à manquer de place. Loris avait fait envoyer plus de personnes que prévues et notamment des noms non-inscrits sur la liste de départ. Ils avaient juste fait l’erreur d’habiter dans la ville de naissance de la résistance. Apparemment, c’était un motif suffisant pour être déporté de nos jours.

 

Les frères Asage avait voulu s’en prendre à tous ceux qui pouvaient les empêcher d’agrandir leur pouvoir dans un premier temps. Puis le cadet avait voulu inclure tous ceux qui étaient différents. Enfant de sang pur, mais né sans pouvoir, il ne supportait pas que des personnes nées d’un parent humain puissent être plus fortes que lui. Quant à ceux suspectés d’avoir un sixième sens sans aucun lien de parenté Sirélien, c’était inimaginable. La jalousie le rendait fou. Elle se tenait toujours derrière lui, blottie dans sa chaire à remuer les entrailles de sa haine.

 

Pourtant, contre toute attente, plus il éloignait les parias, plus ils devenaient forts. Tous mis sur le même pied d’égalité, qu’ils soient siréliens, humain, Yeghe ou je ne sais quoi, ils étaient tous logés à la même enseigne et donc solidaire. Si les premiers jours avaient été tendus, l’union n’étant pas forcément évidente au départ, un homme avait permis de les rassembler. Un homme qui n’était pas simplement vaillant et fort, mais qui avait le don de fédérer et de diriger habilement.

 

_ Très bien, nous avons construit quatre postes de radio clandestins, à nous de les disséminer dans les quatre camps à présent, encouragea Gaultier.

_ Très bien, on y va ! lui répondit Bernad Besse, un humain aux cheveux blancs et à la moustache imposante.

_ Tania Miroir, tu restes avec moi, veux-tu ?  Lui proposa l’Élu des Hylés.

_ Oh, mais pourquoi ? souffla la jeune femme en trainant des pieds pour suivre Gaultier.

_ Parce qu’il y a de nouveaux arrivants et tu vas m’aider à les jauger !

 

Tania Miroir faisait partie des déportés humains qui avaient un sixième sens apparenté à un don Sirélien. Elle n’était pas la seule, Bernard était également sur la même liste. Cependant, Tania était une sorte d’extralucide. D’un coup d’œil, elle avait des intuitions et avait tendance à vite mettre les doigts sur les secrets.

 

_ Tu te souviens, dès que tu m’as vu tu as su que je n’étais pas humain, lui expliqua Gaultier.

_ Oui et que tu n’étais pas non plus n’importe quel Sirélien et laisse-moi deviner, tu veux que je te donne des informations sur d’autres personnes pour agrandir ton petit réseau ? supposa Tania.

_ Oui, mais n’oublie pas tu dois te montrer discrète ! insista l’Hylé.

 

Tania n’avait pas sa langue dans sa poche. La moindre de ses intuitions devait sortir au plus vite sans qu’elle ne puisse le garder pour elle. Ça la rendait touchante, mais cela pouvait agacer aussi. De plus, son extra lucidité était mise à mal par sa nature distraite. Ses trous de mémoire récurrents lui donnaient un petit côté enfantin, sans compter sa maladresse. Si elle n’avait pas eu le corps d’une vraie femme, on aurait pu la prendre pour une adolescente.

 

_ Je dois m’approcher, c’est trop confus dans ma tête sinon, le pressa Tania en recoiffant ses longs cheveux bruns.

 

Accompagnée de Gaultier, elle s’avança vers le groupe des derniers débarqués. L’Élu allait à leur rencontre, pour leur dire bonjour et avoir un premier contact. Cela devait laisser du temps à son amie pour en connaitre davantage sur eux. Ils ne pouvaient pas s’allier à n’importe qui. C’était trop risqué, ils avaient trop à perdre.

 

_ C’est bon, tu as eu des intuitions ? l’interrogea discrètement l’Élu.

_ Oui, dedans il y a les pères de deux de tes amis ! s’enthousiasma Tania en frottant ses yeux bruns derrière ses lunettes cassées qui avaient du mal à tenir en place sur son nez.

_ Qui ?

_ Eux ! les pointa du doigt Tania de sa main pâle.

_ Mais les pères de qui ? s’emporta un peu Gaultier.

_ Euh, de deux physés, mais… après je sais plus, grimaça l’extra lucide.

_ Roh, mais ce n’est pas vrai, tu recommences ! S’exaspéra Gaultier. Bon allez, on y retourne et cette fois tu me glisses tes informations à l’oreille en parallèle.

_ Sonfà ! s’écria la jeune femme, en désignant un homme aux yeux bridés.

_ Très bien, la même chose, mais discrètement ! la reprit Gaultier en faisant semblant de tousser pour cacher la voix de Tania.

_ Lui, oublie-le tu ne peux avoir confiance, elle aussi par contre lui tu pourras, il s’appelle Lombard Peyrache et tu connais ses enfants, chuchota Tania.

_ Donc parmi eux il y a le père de Sonfà et celui de Vikthor et de Sophya, résuma Gaultier.

_ Oui, et je sens que tu connais leurs enfants ! s’exclama Tania.

_ Oh, mais chut !

_ Oui, pardon j’avais encore oublié, grommela l’extra lucide.

_ Très bien, quand nous connaitrons leurs affectations, j’irais leur parler… Seul, acheva Gaultier.

 

Il était temps de commencer la journée. Si l’Élu ne voulait pas s’attirer les foudres des surveillants, il devait retrouver son poste au plus vite. Gaultier avait été admis à la forge, mais celle-ci se trouvait être plus éloignée des autres usines. L’Élu devait traverser une immense parcelle pour aller de sa cabane à son poste de travail. Cela lui avait permis de bien étudier les camps et sans le savoir, les miliciens lui avaient permis d’élargir son réseau de résistance à tous les Lendemains sans peur.

 

Ils les ont pensés pour mettre à mal nos forces à tous, songeait l’Élu.

 

Ses yeux gris voyaient s’agiter les lourdes chaines qui entravaient les siréliens. Il traversa un premier champ où des physés qui pouvaient maitriser la nature s’occupaient d’exploiter les terres enneigées. Gaultier rageait de les voir ainsi utiliser leurs dons jusqu’à l’épuisement, mais il n’y pouvait rien. Surveillés de près, fouettés au besoin, personne ne pouvait se rebeller, même pas lui.

 

Ensuite, le forgeron passa par l’usine d’armement. Loris avait trouvé cela drôle de destiner ceux doués de guérisons à la conception d’armes. Une belle ironie. Là aussi, l’hylé était énervé de constater que leurs mains ne servaient plus à guérir qui que ce soit, mais à créer des armes. Il n’arriva cependant pas à regarder la scène plus longtemps. Pour les faire obéir et les épuiser, eux on les frappait sans relâche. Leur peau n’avait même pas le temps de finir de guérir leurs chaires blêmes, qu’une nouvelle blessure apparaissait. Malgré les gémissements, ils devaient continuer à assembler les armes.

 

Là aussi, ils ont retourné leurs dons contre eux, pesta Gaultier dans sa tête.

 

Il ne lui restait plus qu’à passer le terrain de construction, le chantier. Pourtant là aussi la vision était horrifique. Ils avaient attribué les tâches qui nécessitaient force et endurance aux Kalokas qui avaient des capacités physiques extraordinaires.  Encore une fois, Gaultier s’agaça de voir des Siréliens porter des charges excessives, tracter des charrues comme si c’étaient des bœufs. Cependant, ce qu’il l’attristait le plus, c’était les Kalokas qui avaient des dons liés à l’esprit. Ils étaient peu nombreux, mais redoutés par les miliciens, on leur attribuait toutes sortes de tâches. Malheureusement, les surveillants utilisaient des pistolets à impulsions électriques directement posés sur leur front pour les affaiblir et les faire obéir.

 

_ Et maintenant, c’est à mon tour ! déclara Gaultier en rejoignant enfin son poste.

 

Il en était de même pour lui et les Hylés à qui on avait confié le travail à la mine ou à la forge, sans interruption. Là aussi, le travail était dur et affligeant. Pendant ce temps, Achot avait déjà pris son poste, lui aussi avec ses camarades.

 

_ Tania, il faut que tu t’actives. On doit transformer ces cailloux en gravier, lui rappela Achot qui avait la même mission.

_ Vous m’aviez parlé d’une radio, non ? se renseigna Tania surprise en se redressant de tout son long d’un coup.

_ Baisse-toi et pioche ! lui ordonna Achot en vérifiant que personne ne les regardait.

 

Les cailloux étaient la croix des bagnards du lotissement A. À part Gaultier, la première cabane était remplie d’homme et de femmes frêles, peu habitués aux travaux physiques. On les avait regroupés ensemble pour ça, mélangeant Sirélien, humain et Yeghes de toutes origines. Seul Gaultier sortait du lot et avait été éloigné pour servir à la forge. Sans que les miliciens le sachent, ils lui avaient attribué une tache octroyée en grande partie aux Hylés dont il faisait partie.

 

_ Non, non, non, Achot ! La radio ! chuchota frénétiquement Tania en remontant ses lunettes sur son nez.

_ Tais-toi !

_ La radio, je te dis ! Tout de suite, la radio, s’emporta l’extralucide.

_ Je crois qu’il faut que tu l’amènes à l’un de nos repères, constata Bernard.

_ On ne peut pas, pas en pleine journée, s’inquiéta Achot.

_ Non, non, si si, il le faut, maintenant ! surenchérit la jeune femme.

_ Je vais faire diversion, les rassura Bernard.

 

Le gentil homme avait su se faire apprécier des gardiens en leur rendant des services. Bien sûr il jouait double jeu et en profitait lui aussi avec l’accord de Gaultier. Comme il était bien vu par les miliciens, il allait jouer sur leur corde sensible.

 

_ Aie ! S’écroula Bernard d’un coup.

_ Il s’est bloqué le dos ! mentit Tania en croisant les doigts dans son dos comme si ça lui coutait de mentir.

_ Vous deux, ramenez-le à la cabane et remettez-le sur pied ! On a besoin de lui, s’inquiéta l’un des surveillants.

 

Achot et Tania s’exécutèrent alors au plus vite pour secourir Bernard. Dès qu’ils ne furent plus dans le champ de vision de miliciens, ils bifurquèrent vers un abri à bois. Achot et Bernard étaient les seuls à connaitre cette cachette, mais il faisait confiance à Tania et puis de toute façon, elle mettrait peu de temps à l’oublier.

 

_ Allumes et tourne le bouton des fréquences trois fois ! s’énerva Tania. 

_ Tout de suite, la calma Achot.

 

À l’abri des regards et assez éloigné des usines pour ne pas être entendu, le professeur trentenaire s’activa à faire marcher la radio qui se trouvait cachée derrière un amas de buches, au pied d’un tableau électrique oublié. Il espérait que ses amis avaient raison, car ils risquaient gros s’ils se faisaient prendre. Normalement, la décision devait revenir à Gaultier, c’est lui qui dirigeait ce genre d’opérations d’habitude. À peine, Achot eu tourné le bouton une troisième fois qu’il dû baisser le volume en entendant des voix sortir du poste.

 

_ sommes en guerre. Nous devons nous battre contre les injustices, les déportations et les assassinats causés par le conseil ministériel. Nous vous appelons tous à vous rebeller. Brandissez votre poing comme nous l’avons fait avant vous et résistez.

 

Le message avait été reçu en cours d’annonce, mais il était clair. Ils n’étaient pas les seuls à résister. Tania avait eu raison de les amener ici. Aucun d’eux n’en croyait ses oreilles, c’était une chance, un miracle d’avoir pu être là à temps. Tremblant devant ce nouvel espoir, Achot n’arrivait pas à prendre le micro pour répondre.

 

_ Je crois qu’il faut le répondre, suggéra Tania.

_ Achot ? s’inquiéta Bernard.

_ Maintenant, c’était leur dernier message ! Maintenant surenchérit Tania en secouant Achot.

_ Nous vous avons entendu et nous aussi nous résistons, bredouilla finalement Achot dans le micro.

_ Nous devons être prudent, pouvez-vous me donner votre identité, grésilla le hautparleur.

 

Avant de répondre, Achot prit en compte l’avis de Tania. Elle seule pouvait lui dire s’il pouvait avoir confiance. Lui qui d’habitude était si naïf avait appris de ses erreurs. Il ne voulait pas se faire rouler par une milicienne une seconde fois.

 

_ On peut le faire confiance, dis-lui ton prénom et où nous sommes, trancha Tania.

_ Je m’appelle Achot et je suis retenu dans un des camps, indiqua le professeur.

_ Est-il possible d’avoir une preuve ? s’inquiéta la voix féminine dans le poste.

_ Dis-lui que ce soir on lui amènera deux hommes qu’elle connait et elle saura qu’elle pourra avoir confiance, intervint Tania.

_ Ce soir, deux personnes viendront à notre place sur cette fréquence. Écoutez sans parler, vous les reconnaitrez, annonça Achot.

_ Très bien. À ce soir, terminé, acheva le poste.

_ Tu pensais à qui exactement ? Avant que tu oublies, se renseigna Achot.

_ À ton petit ami et à monsieur Peyrache, Gaultier saura de qui je veux parler, lui confia Tania.

 

Le soir venu, Achot raconta tout cela à son âme sœur. Gaultier sentait l’excitation parcourir ses veines. Son groupe de résistants perdu dans les terres australes allait enfin se faire connaitre. Il touchait à son but. Pour la première fois, Gaultier s’évertua à ne pas mettre Achot de côté. Lui aussi il avait retenu la leçon.

 

Après tout, c’était grâce à son âme sœur qu’ils avaient une radio. Aux environs de minuit, Gaultier, Achot, Tania et Lombard Peyrache quittèrent leur lit pour affronter la neige. Pour le plus grand bonheur de tous, Sophya et Bénédit reconnurent la voix de L’Élu et de Lombard. Éloignés comme jamais, ils n’avaient pourtant jamais été si proches. Les Lendemains sans peur leur offriraient peut-être des avenirs plus réjouissants que prévu finalement. En tout cas, ce fut le cœur chaud qu’ils regagnèrent leur cabane à l’abri des regards. Les lendemains n’avaient-ils pas un nouveau gout d’espoir et de revanche ? 

 

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Elenna
Posté le 13/11/2020
Ah bah c'est eux qui avaient répondus !
Par contre Tania, sur les bords je la reconnais là... mettre le doigt sur les secrets hein ? lol...
Sinon je vais me répéter mais c'est cool que l'espoir renaisse (de ses cendres tel un phénix -n'est ce pas Manon ?- qui ressuscite). La Résistance s'organise (ben quoi autant rester dans les parallèles Secondes Guerres Mondiales hein...) et j'espère qu'ils vont pouvoir passer à l'action.
ludivinecrtx
Posté le 13/11/2020
On va voir ce que je le prépare mais ok arrive bientôt à la fin du tome 1 ahaha
Renarde
Posté le 15/07/2020
Coucou ludivinecrtx,

Elle m'a bien fait rire, Tania Miroir ;-)

Tant les déportations que les conditions dans le camp montrent que le côté répressif et "pragmatique" (main d'oeuvre gratuite) passe bien après la cruauté et les humiliations.
J'ignore ce qui filtrent de ces camps à l'extérieur, mais je pense (enfin, j'espère...) que ceux qui n'ont pas été déportés se rebelleraient s'ils savaient.

La résistance s'organise ! J'espère que les coups de chance vont continuer ainsi, ils le méritent.
ludivinecrtx
Posté le 15/07/2020
Ahaha oui elle est assez comique, malgré elle.

J'espère avoir bien expliqué leur condition, etc.
On verra tout ça dans le tome 2 mais la plus part ignorent les conditions dans les camps oui.

Ahaha oui espérons;)
UnePasseMiroir
Posté le 11/07/2020
Koukouuuu !

J'ai relu ce chapitre avec plaisir ^^ Et pas seulement parce que Gaultier et Achot sont enfin de retour ! Le personnage de Tania est complètement barré mdr, je l'adore <3 les autres ont de la patience pour la supporter quand même xD J'ai senti que le "_ Tais-toi !" venait du coeur...

Du coup j'ai mieux compris ce qui se passait avec le contexte des chapitres précédents... c'est pas jojo la situation des prisonniers. L'idée de retourner les dons des siréliens contre eux c'est... j'ai envie de dire bien trouvé, mais je me contenterai de glauque ^^

Tiens, des têtes plus ou moins connues font leur apparition ! les parents de Vikthor et de Sonfà se sont fait choper aussi ? Pas de bol !

"mais il faisait confiance à Tania et puis de toute façon, elle mettrait peu de temps à l’oublier." C'est pratique ça... mais un peu de respect quand même svp xD
Au passage je pense que c'est "ils faisaient confiance"

"_ Maintenant, c’était leur dernier message ! Maintenant surenchérit Tania en secouant Achot." La scène est assez épique à imaginer, j'adore xDD

"Pour la première fois, Gaultier s’évertua à ne pas mettre Achot de côté. Lui aussi il avait retenu la leçon." YAY ! ça c'est mon garçon !

"Les Lendemains sans peur leur offriraient peut-être des avenirs plus réjouissants que prévu finalement." Ah oui, qui l'eu cru ? Mais c'est vrai que quand tu regarde dans un autre sens, le nom des camps est relativement optimiste ^^ alors, castagne or not castagne maintenant ???
ludivinecrtx
Posté le 12/07/2020
Coucou toi !

Ahah oui j'ai continué dans ma pause... Un peu d'accalmie !

Oui j'ai adoré créer ce personnage ! Il est touchant et drôle ! Oui mdr Achot et Gaultier s'impatientent avec elle mais, ils l'aiment bien ! Moi aussi je l'adore...et j'adore la taquiner !

Oui c'est bien trouver pour le récit mais c'est pas le top pour les prisonniers... C'est cruel...

Ouais pas de bol! C'est pour montrer que ça touche tout le monde malgré tout !

Ouais mdr elle a une mémoire très particulière ! Et ça les arrange bien

Ahah oui je voulais un truc un peu comique pour contre balancer sur la vie des camps !

Bah ouais faut bien apprendre de ses erreurs.
Ouais une solidarité s'y installe doucement malgré tout.
Le nom est ironique. Loris les a appellé comme ça pour dire que tu n'as pas peur le lendemain car tu es mort !

Dans les camps ? Ça sera dans le tome 2 ! Je crois qu'il n'y aura pas d'autres chapitre sur eux, il me semble !
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