Chapitre 67 - Threesome

Éric se leva du fauteuil où il avait assisté à ma première expérience avec une femme.

Il y avait une gravité dans l’atmosphère qui siérait moins à mon petit-ami qu’elle n’avait été inévitable, quoique nimbée de sensualité, entre Inkeri et moi. Je ressentis le besoin de détendre tout le monde, moi la première, et mon second degré défensif prit spontanément le relai.

Nue sur le lit, je m’assis et tendis les bras en direction de la ceinture du jean d’Éric, que je saisis par un des passants, puis tirai le jeune homme fébrile vers moi.

 

-Emmène pas ton gobelet de popcorn avec toi, hein…

 

Mon champion de la répartie bredouilla un semblant de réponse qui s’étrangla quelque part dans sa glotte, comme si la petite barbe courte avait traversé la peau et s’était réfugiée à l’intérieur de sa gorge. Il se mit à tousser bruyamment. J’insistai dans la dérision.

 

-Hé, ce serait con de faire une embolie pulmonaire maintenant, tu trouves pas ?

-Mais tu vas me tuer avec tes vannes !

-Oui, ben j’ai deux-trois trucs à faire avant…

-J’avais pas fini mon popcorn.

-T’es pas en état d’attendre plus longtemps, je crois.

 

J’avais prononcé cette dernière phrase en massant la bosse qui avait poussé à son entrejambe et qui déformait le fin jean estival. Éric s’assit enfin sur le bord du lit et posa une main sur mes côtes, dans un geste à la fois tendre et hésitant. Elle était fraiche et me fit frissonner. Visiblement, mon infatigable amant était intimidé et ému. Moi qui venais de franchir la barrière juste avant lui, je regardai son émotion depuis l’autre côté, et trouvai son léger trac autant compréhensible qu’attendrissant.

 

-Excuse-moi, je crois que j’ai les mains froides.

-J’ai des tas d’idées pour te les réchauffer.

-Genre ?

-Inkeri doit bien avoir une bouillotte. C’est équipé contre le froid, les scandinaves.

 

J’entendis une voix dans mon dos.

 

-What is … bouyoate ?

-Hot water bottle, répondis-je juste avant que ma langue n’entre voluptueusement dans la bouche d’Éric et que mes bras ne l’enlacent.

-Oh… funny, commenta Inkeri.

 

Éric ôta son polo. Son torse fin et sec, à la musculature délicate, se para d’une légère chair de poule. Inkeri dut le remarquer car elle se leva et ferma le velux. Éric en profita pour enlever le reste de ses vêtements et s’installa à côté de moi avec uniquement son boxer, qu’un pieu menaçait de percer en sa face avant.

 

-Tu sais, tu peux tout enlever. Je crois que les deux autres personnes ici présentes ont déjà tout vu…

 

Éric me lança un regard mi noir, mi amusé. Il devait être en train de se demander jusqu’où j’étais prête à aller dans la causticité.

Mais il connaissait déjà la réponse.

Il me connaissait.

 

Mon amant me plaqua contre le lit et mon dos épousa l’épais matelas. Il me surplomba et ses deux coudes s’enfoncèrent dans les oreillers de part et d’autre de ma tête. Je sentis son corps d’homme peser sur le mien, et il me fallut une fraction de seconde pour repasser en mode hétéro quand le pénis bandé appuya contre mon bas-ventre, bien que toujours comprimé dans le boxer désormais inutile. Ses yeux verts sondèrent mon âme pour essayer d’y comprendre qui était vraiment la fille nue qu’il tenait entre ses bras. Je soutins son regard tout en m’adressant à la finlandaise.

 

-Inkeri ?

-Oui Léa ?

-Je crois qu’on peut débarrasser ce jeune homme du superflu…

-Je compris.

 

Les deux beaux seins lourds se mirent en action et Inkeri attrapa le dernier morceau de tissus qui habillait le corps d’Éric. Elle le fit glisser, dévoilant ses fesses que nous connaissions toutes les deux. Une vague incroyable d’excitation purement animale déferla en moi quand je sentis, plus que je ne le vis vraiment, le petit geste qu’elle exécuta pour libérer le pénis érigé, avant d’enlever définitivement le boxer. Lorsque ses doigts fins furent en contact avec cette queue promise à bien des festivités, un voile opalescent passa devant les masculines pupilles dont la jolie teinte avocat s’assombrit et tira vers la noisette. Des fourmillements agacèrent en moi la savoureuse ambivalence située quelque part entre la jalousie et le fantasme. Je m’adressai à nouveau à l’homme de ma vie que je m’apprêtais à partager.

 

-Alors… toujours envie de popcorn ?

-Pas vraiment, et toi ?

-Moi oui, mais du salé.

 

Je fis doucement pivoter mon corps, me servant de ma taille presque identique à celle d’Éric pour le faire tomber à côté de moi. Il se retrouva allongé sur le dos, verge pointée vers les cieux, entre deux jolies blondes, chacune en appui sur un coude.

Je posai une main sur son ventre, très près de la zone en émoi. Hésitante, Inkeri me lança un regard. Je compris que les choses n’allaient pas d’elles-mêmes. Compte-tenu du contexte, et de ce qui s’était passé entre Éric et elle à mon insu, elle ne voulait pas surinterpréter mes intentions. Mais je n’avais aucune intention, si ce n’est celle de rester dans cette déferlante de lâcher-prise qui m’avait déjà amenée à une première folie. J’étais simplement prête à passer à la seconde.

Je lui fis un clin d’œil, et elle me sourit. Je la sentis se détendre. Ses jolis doigts se refermèrent autour du pénis dont elle tira la peau si délicate vers le bas, laissant quelques rigoles moirées perler sur son vernis rose. Je me penchai pour embrasser Éric qui referma ses bras sur moi, laissant les tensions dans ses muscles m’indiquer, sans que je ne les visse, par quels gestes diaboliques la belle blondinette en dorlotait le membre. Quand Éric fit pénétrer deux doigts en moi, comme une réminiscence des caresses saphiques de tout à l’heure, le plaisir m’envahit et c’est à peine si je me rendis compte que, sur le gland qu’elle avait décalotté, la bouche d’Inkeri avait remplacé ses mains, et que la langue qui m’avait fait jouir léchait désormais les ruissellements masculins de mon petit ami.

 

Quand le bouillonnement en moi fut à son comble, je me redressai et pivotai vers Inkeri qui interrompit sa fellation. Mes mains parcoururent nonchalamment son corps en une caresse désinvolte, et elle s’écarta pour me laisser la place. Je me retournai pour faire face à Éric, toujours allongé, tel un pacha se laissant faire avec délectation, et enjambai le sexe dont Inkeri venait de s’occuper. Elle comprit ce que je voulais faire et, dans une initiative à la portée érotique d’autant plus extraordinaire qu’elle fut spontanée, elle prit la verge dans sa main et la dirigea vers l’entrée de mon vagin. Je pus alors baisser mon bassin pour envelopper ce pieu revigorant, qui passa entre mes deux lèvres puis me remplit en envoyant une nappe suave dans tout mon ventre, qui piqua jusqu’à la naissance de mes seins.

 

Je fis l’amour à Éric en Andromaque, avec lenteur, langueur, accompagnée d’Inkeri qui, au début, resta à genoux à côté de moi pour m’embrasser, déposant sur ma langue les ruisseaux du plaisir montant qu’elle avait prélevés à la source de la verge désormais enfouie dans ma chair. Puis elle changea de partenaire et se recroquevilla tout contre Éric, dont les mains gâtées quittèrent mes seins pour les siens, puis pour son sexe.

J’intensifiai mes mouvements de bassin, et les premiers spasmes montèrent délicieusement dans mon corps engourdi. Je sentis Éric bouger sous mes cuisses et je compris qu’il souhaitait varier les positions. Je m’enlevai et m’allongeai à côté de lui. Il se redressa et vint entre mes jambes. J’aperçus Inkeri, dont le sexe lisse s’était ouvert sous les caresses, comme il avait dû s’ouvrir grâce aux miennes. Mais tout à l’heure, il n’y avait rien eu de visuel. Inkeri avait joui blottie dans mes bras, échangeant avec moi d’interminables baisers. La vue de son sexe luisant et imberbe, dont le clitoris gonflé dépassait des lèvres, avait quelque chose d’à la fois très cru et très érotique. Je visualisais son plaisir, à l’endroit exact où il se manifestait et où il venait d’être provoqué comme si, pour le coup, toutes les subtilités de la sexualité et du désir féminins s’étaient volontairement réduites à leur ambassadeur le plus essentiel.

Éric se plaça entre mes jambes écartées, son corps faisant un angle droit avec le mien, et me pénétra. Les coups de reins furent d’abord doux, pour que le pénis retrouve sa place dans le cocon liquoreux, puis accélérèrent, redoublèrent, jusqu’à ce que les saccades expriment toute la puissance teintée de tendresse du désir de jouir et de faire jouir. Mon corps crispé convulsa et je ne remarquai que de façon lointaine qu’Inkeri s’était lovée contre moi, caressant mon ventre et mes seins pour accompagner le plaisir qui m’avait envahie. Il me sembla m’entendre crier puis je pris un mamelon dans ma main et le portai à ma bouche. Le téton pointait avec vigueur, et j’en sentis la texture contre mes dents. Inkeri caressa les miens, accroissant mon excitation de façon exponentielle, multipliant les sensations qui semblaient se déverser en moi depuis de multiples sources. Quand l’orgasme expulsa tout l’air de mes poumons, j’eus l’impression qu’un milliard d’inconnus étaient en train de me faire l’amour, sous le regard d’un autre milliard de mateurs se repaissant de mon corps déformé, des eaux coupables qui coulaient de mon sexe, et de la couleur évanouie au fond de mes pupilles dilatées.

 

Serrée dans les bras d’Inkeri dont le corps tonique pressait le mien, je vis Éric ressortir de moi, le sexe moins raide mais toujours bandé. Je compris qu’il avait éjaculé, ce que j’avais cru percevoir au milieu de ma propre jouissance, mais que l’intensité de la situation maintenait sa verge dans une semi-érection.

Il se faufila contre moi, et ce furent quatre mains qui donnèrent à mon corps hypersensible le tendre apaisement dont il avait besoin.

Les caresses se mélangèrent et mes mains passèrent du ventre d’Éric aux fesses bombées d’Inkeri, et du torse plat de mon homme aux proéminentes dunes de la poitrine si féminine. Quand mon cerveau sortit de sa transe, je sus ce que j’avais envie de faire.

 

Je me redressai à mon tour, encore étourdie, et m’allongeai à l’envers sur le lit, à plat ventre, présentant à Inkeri et Éric mes fesses, mes jambes, et la rose noire qui ornait ma cheville droite. Éric enjamba le corps fantasmagorique formé de quatre seins et s’allongea de côté dans le dos d’Inkeri qu’il enveloppa de ses bras. Ma tête chercha la bonne position et se plaça juste au-dessus de son clitoris que le sang avait irrigué jusqu’à en faire une réduction charnelle de ces ballons de baudruche que l’on craint parfois de les avoir exagérément gonflés. D’un rouge brique terreux, il semblait implorer qu’on le délivre de toute l’intensité sexuelle accumulée.

Ses cuisses blanches étaient douces et fermes. En m’approchant au plus près, j’en sentis le contact affriolant contre le haut de ma poitrine, alors que ma langue descendit pour la première fois de son existence goûter un sexe de femme. Deux mains délicates se refermèrent aussitôt sur mes cheveux, et dix doigts s’y emmêlèrent.

La saveur d’Inkeri était douce, peu saline, différente de ce qu’il m’était arrivé de percevoir de la mienne, lors d’une fellation exécutée sur un amant venant de me pénétrer, ou lors d’un baiser reconnaissant échangé dans la foulée d’un cunnilingus victorieux. Il me sembla toutefois la sentir évoluer au fur et à mesure que je cherchai à l’exciter et lui donner du plaisir. Je jouai avec la sphère fragile, que j’embrassai et fis coulisser entre mes lèvres, puis ma langue gouta le sexe tout entier, ondulant sur les nymphes épaissies de désir, et pénétrant par à-coups les premiers centimètres des profondeurs secrètes de la blonde bisexuelle dont les doigts pressaient mon cuir chevelu, intimant à la fois une confirmation du chemin parcouru et un appel à le poursuivre. Je rendis ma bouche voluptueuse et ma langue se contorsionna pour épouser les étendues fluides qui se répandirent sur mes lèvres en perles opalines.

 

Plus rapidement que je ne l’aurais cru, le beau corps scandinave s’agita de contractions, qui trouvèrent leur épicentre là, tout contre ma langue ankylosée mais ravie de toucher au but. Inkeri poussa quelques gémissements et je sentis ses lèvres intimes gonfler encore, puis couler littéralement contre mes muqueuses qui se mélangeaient aux siennes. Je me souvins avoir eu quelques observations analogues le jour où Lola avait fait jouir Agnès sur un coup de tête, mais le partage des sensations n’avait rien de commun avec ce que ma langue perçut du moindre soubresaut, de la moindre augmentation de volume ou de quantité, voire du changement de nature des sécrétions de cette jeune femme dont je devenais pour l’éternité une ancienne partenaire érotique.

Quand l’agitation de toute la zone de son petit bassin se calma, Inkeri desserra l’étau de ses mains qui avaient emprisonné mon crâne pendant toute la durée de son orgasme, et je me dégageai de son entrecuisse, la bouche trempée et le nez rempli de ses odeurs les plus insondables, puis remontai le long de son corps déposer baiser après baiser une trace de mon passage en elle, sur sa peau aussi tendue que celle d’un tambour. Après avoir passé en revue toute la beauté de son corps de femme, ma bouche s’écrasa contre la sienne et nous échangeâmes un nouveau baiser sous la surveillance d’Éric dont l’érection était redevenue virile, et que ce nouveau spectacle lesbien avait remis en grande forme.

 

Il passa au pied du lit et se mit à genoux derrière Inkeri, dont il caressa les jambes et les fesses. Son pénis était dressé entre ses cuisses fermées comme un cintre coincé dans la porte d’une armoire refermée à la va-vite.

 

-Lea, tu peux donner moi condom please… dans table à nuitée.

 

L’expression « table à nuitée » m’arracha un petit rire. Je me penchai pour ouvrir le tiroir en question, et en sortit une boite de préservatifs dont je tirai un exemplaire et le plaçai dans la main d’Inkeri.

 

-Ils sont au xylitol ?

 

Inkeri pouffa. La situation était bizarre. Mon petit ami allait pour la deuxième fois remettre son sexe dans celui d’une autre fille que moi, mais cette fois-ci, sous mes yeux, et avec ma bénédiction. Mon second degré avait inéluctablement refait surface.

 

-J’adore toi et humour toi.

-Ouais, je sais…

-Pourquoi tu as riais, avant ?

-Table à nuitée. J’ai trouvé ça mignon.

-On dit comment ?

-Table de nuit.

-Vos … satanées … prépositions.

-Et oui… la table de nuit, le petit-ami de Léa… tout ça…

-Tu… ?

-Plaisantes, oui.

 

Je déposai un baiser sur sa jolie bouche et Inkeri tendit la capote à Éric dont la verge s’impatientait. Je me glissai contre la tête du lit, après y avoir calé un oreiller, buste légèrement redressé et jambes allongées, puis la jolie blonde se redressa et vint poser son visage, joue contre mon ventre, comme pour entamer une conversation avec le diablotin bien à l’abris dans mon nombril. Machinalement, je balayai son front d’une main et caressai son visage.

Éric déroula le préservatif sur sa verge, et se cala à genoux à la hauteur des fesses si rondes et si fermes de la jeune fille dont la tête reposait contre moi. Elle se cambra légèrement et il posa ses deux mains sur ses hanches étroites. Juste avant que le gland enveloppé de latex ne disparaisse dans les replis tabous, il leva les yeux et croisa mon regard. A aucun moment il n’y avait pensé. A aucun moment il n’avait cherché à demander une autorisation à sa petite amie. Et c’était très bien ainsi. Qu’aurait été un tel moment pluriel, s’il avait fallu se retenir de toute spontanéité en sollicitant des accessits ou des permis destinés à chaque initiative ? Le seul fait qu’on ait réussi lui et moi à partager un tel moment était paradoxalement la preuve la plus explicite de la confiance qui existait entre nous.

 

Je lui fis un sourire qu’il me rendit, et il pénétra Inkeri.

 

Pour la spectatrice passive dans laquelle je m’étais coulée, la levrette fut de toute beauté. Nous en avions réalisées, lui et moi, depuis six mois… et c’est un peu comme si tout à coup j’avais assisté à l’une d’entre elles. Les sensations me revinrent, ni vraiment réelles, ni totalement virtuelles. Nous n’étions pas sur skype en train de se raconter ce que nous pourrions éventuellement nous faire l’un à l’autre, non, et c’était encore plus étrange.

Sur la lancée de sa première éjaculation, Éric fit durer le plaisir, et Inkeri jouit tout contre moi, le nez planté dans mon nombril, la main serrée dans la mienne, mes doigts égarés en caresses nonchalantes le long de ses cheveux en bataille. Essoufflé, et le torse strié de transpiration, il se retira d’elle quand il s’aperçut de l’orgasme qu’il venait de lui donner. Il vint me rejoindre, partager l’oreiller sur lequel j’étais adossée, après avoir partagé ma partenaire de jeux.

 

-J’aurais bien piqué ton popcorn, tu l’avais planqué où, demandais-je en essuyant de l’index une des rigoles qui coulait entre ses modestes pectoraux, qui se gonflaient et se vidaient au rythme de sa respiration haletante ?

-Tu t’arrêtes jamais…, répondit-il avec le ton consentant de celui qui aime autant ça qu’il aime s’en plaindre ?

-Tu devrais apprendre la respiration ventrale, mon chéri.

-Tu m’y feras penser la prochaine fois que tu me verras essoufflé dans une blonde.

-Ça risque d’être moi, non … ?

-Ah oui, tiens, en effet !

 

Pour toute réponse, je collai mes lèvres aux siennes, ce qui fit bouger la tête d’Inkeri. Elle se redressa. Pendant qu’Éric et moi nous embrassions, elle délivra le sexe toujours en érection de son latex protecteur, et en caressa la hampe avec douceur. Avec l’œil autoritaire de la tutrice qui surveille sa stagiaire, j’observai les mouvements masturbatoires, pas mécontente de la tournure subitement prise par notre nuit de triolisme. Pour le plus grand bonheur d’Éric, je retournai me mêler aux joutes finales.

 

-T’as des huiles de massage dans ta table à nuitée ?

-Euh… pour massage de corps ?

-Ben oui.

-Je crois avoir dans trousse de maquillage.

-Regarde voir, ok ?

 

Inkeri chercha dans un tiroir d’une commode et sortit un petit flacon sur lequel tout était écrit en finnois. Elle l’ouvrit et me le tendit. La texture était la bonne et l’odeur herbacée assez douce. Je crus percevoir du thym et fut soulagée d’avoir évité l’aneth, qui aurait un peu trop évoqué le saumon fumé pour ce que j’avais prévu d’en faire.

 

-C’est sans huiles essentielles ?

-Je pas savoir.

-Et moi je pas savoir lire le finnois.

 

Inkeri éclata de rire et parcourus l’étiquette.

 

-Non, ça écrit sans huiles essentielles. Pourquoi ?

-Parce que le but, c’est pas de la lui cramer, le pauvre… répondis-je en faisant couler quelques gouttes dans le creux de ma main.

-Tu as vouloir mettre sur … euh…

-Oui, sur le vrai, le faux, le laid, le beau…

-What ?

-Non mais là je ne traduis plus, fis-je distraitement, moi-même stupéfaite d’avoir réussi à caser Pierre Perret dans un tel contexte.

 

Éric me regardait avec un air de dire « c’est pour ça que je t’aime » sans que je ne comprisse si cela faisait référence à la blague « ô gué, ô gué » ou à ce que je m’apprêtais à lui faire et dont il savait d’expérience à quel point j’en maitrisais les raffinements.

 

-Oui, c’est pour un massage du pénis, repris-je à l’attention d’Inkeri, toujours en train de se débattre avec mes quatre adjectifs énigmatiques, dont je me demandais en moi-même quels étaient les deux suivants dans la liste de la gentille chanson paillarde.

 

Quand mes mains furent huilées, j’y refis couler une petite flaque depuis le flacon et les tendis vers celles d’Inkeri, paumes vers le haut. Elle me fit une sorte de check assez cocasse en posant ses propres paumes sur les miennes, et, dans un mouvement très sensuel, mes doigts s’entrecroisèrent autour des siens afin que l’huile s’étale sur toute la surface de sa peau. Puis je me plaçai, assise en tailleur sur le lit d’un côté d’Éric, et elle symétrique face à moi, de l’autre côté du malade au chevet duquel deux infirmières aussi nues que bien intentionnées venaient de s’agenouiller.

 

« Y’en a un qui a un grand cou, y’a une histoire de Mont-Pelé… mais c’est après, ça… zut je ne retrouve pas le texte… »

 

Inkeri me regarda, et le show commença.

Une de mes mains s’enroula autour de la hampe, comme l’avait fait Miss Finlande, mais sans masturber. L’autre main exécuta ce qu’à Top-Chef on appellerait mon « plat signature », et dessina un bec d’oiseau au-dessus du gland dont la coloration rouge était déjà bien avancée. Le bec des cinq doigts s’ouvrit et les phalanges, bombées en petits coussinets, comme ceux des chats quand ils retombent sur leurs pattes, enveloppèrent le chapeau turgescent, qu’ils pressèrent, tournant autour de l’extrémité innervée. Éric hurla de surprise et se contorsionna, raide contre la tête du lit.

 

-Woaow !! commenta Inkeri dans un langage enfin universel.

-It’s up to you, darling.

-Really ?

-Apprendre sur le tas, y’a rien de tel.

-Le tas ?

-Oui c’est une expression, hein, c’est pas Éric, le tas, corrigeai-je en regardant mon amoureux assez peu en état de goûter une subtilité idiomatique ni un énième trait d’humour.

 

Inkeri fit le même geste que moi. Je me revis en février dernier, tremblotante au-dessus du corps de Pascal, qui avait été mon premier client, sous les observations professorales de Mélanie. Celle qui était désormais à ma place fit la même chose que moi en face de la haute autorité sicilienne : elle suivit son instinct de jeune femme sexuée et se guida aux réactions, nécessairement exacerbées, du huilé bienheureux.

Une fois qu’elle fut en confiance, je la rejoignis afin d’offrir un final en quatre mains à Éric. Inkeri décrypta chaque nouveau geste, essayant d’en reproduire certains. C’est ainsi que nous tournâmes d’un doigt aguicheur autour de l’ourlet tout en bas du champignon qui changeait de couleur à vue d’œil, que nous dessinâmes de petits cercles centrés sur le méat, que nous agaçâmes le frein du pouce tout en refermant les autres doigts sur la surface à laquelle aucun répit ne fut accordé, ou que, tout en comprimant les bourses d’une main, l’autre prenait son élan sur la hampe et glissait jusqu’à atteindre le gland, lancée comme un gamin arrivé en bas d’un toboggan, et s’y agrippait pour mieux tournoyer autour et redescendre harceler la hampe, dans un mouvement infernal presque perpétuel. 

Habituée aux signaux lancés bien malgré-eux par les mâles à deux doigts de rendre les armes, je guettai le point de non-retour. Heureusement pour lui, c’était son deuxième coït d’affilée, et cela permit à Éric de profiter de ce moment exceptionnel quelques minutes de plus. Mais à l’impossible nul n’est tenu…

Ne sachant plus où poser ses mains face aux deux paires de fesses et aux quatre seins nus qui s’offraient à lui, il enroula ses bras autour de moi et se serra contre mon corps. Sa tête trouva un refuge contre mon épaule et ses bras protecteurs entourèrent ma poitrine. Inkeri nous regarda tout en poursuivant les gestes incendiaires.

 

-Vous étez très mignons.

-Attends encore dix secondes ma chérie, ça va être très mignon aussi, tu vas voir…

 

Je plaçai alors tous mes doigts en-dessous du gland, recouvrant le frein et toute la circonférence de l’extrémité haute de la hampe, pressant avec douceur la fin du parcours des spermatozoïdes marathoniens. Inkeri prit position sur le bouton terminal, à la ligne d’arrivée, et fit une dernière fois glisser ses doigts sur la piste de danse boursouflée.

Éric cessa de bouger, sa tête appuya contre mon omoplate, des saccades d’air sortirent de sa bouche sans logique ni volonté d’en faire des mots, et son corps tout entier fut pris de soubresauts, lui donnant l’impression d’être devenu un pantin désarticulé.

 

« Ah mais oui ! Le vrai, le faux, le laid, le beau, le dur, le mou, qui a un grand cou… »

 

Une salve laiteuse fut catapultée entre deux phalanges d’Inkeri, qui poussa un petit cri de surprise. La semence retomba sur ses mains et elle arrêta ses caresses, laissant l’éjaculation se faire naturellement. Les deux émissions suivantes furent comme des coulées de lave qui ruisselèrent entre ses doigts avant de s’épancher le long des miens. Éric hoqueta, puis la raideur de son corps se mua en l’indolence d’une accalmie méritée.

 

Inkeri prit quelques mouchoirs en papier dans sa table à nuitée décidément bien remplie, et nous nous essuyâmes les mains. Les cristaux liquides bleutés du réveil posé sur la commode indiquaient que nous approchions des quatre heures du matin. La fatigue s’imposa à nous d’un seul coup et je me blottis contre Éric. Inkeri se glissa dans ses draps qu’elle tira par-dessus nous pour nous recouvrir. Entourée de deux corps nus, je m’endormis presque instantanément.

 

Tout tout tout

Vous saurez tout sur le zizi

Le vrai le faux

Le laid le beau

Le dur le mou

Qui a un grand cou

Le gros touffu

Le p’tit joufflu

Le grand ridé

Le mont pelé

Tout tout tout tout

J’vous dirai tout sur le zizi

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