-Très bien, mademoiselle, je crois que nous avons fait le tour. L’appartement est en bon état, il ne devrait pas y avoir de souci avec votre caution.
-C’est sous deux mois, c’est ça ?
-Oui, au plus tard. Tenez, il faudrait juste signer ici et mettre la date. N’hésitez pas à relire.
-On est quel jour, déjà ?
-Le vendredi 5 juillet 2013.
-Merci. Voilà, et je vous rends les clés.
Je fis un dernier tour dans mon studio, la gorge nouée. Même s’il était noyé dans un immeuble impersonnel, et que l’agence qui me l’avait loué devait en posséder des dizaines identiques, il avait été mon premier logement d’étudiante. J’y avais passé cinq années de ma vie. J’y avais fait la connaissance de Mélanie, je l’avais personnalisé, l’investissant de ce que j’étais en y entrant, puis l’avais vidé de ce que j’étais devenue une licence et un master plus tard. Il avait vu une gamine craintive de vivre seule se métamorphoser en une jeune femme diplômée et un peu plus sûre d’elle. J’y avais déjeuné seule, sur un coin de table, ou l’assiette à la main en regardant par ma fenêtre, perdue dans mes pensées. J’y avais dîné avec des amis, ou en regardant des films et des séries. J’y avais ri, j’y avais pleuré. J’y avais fait l’amour, aussi.
-Emue ?
-Bien-sûr.
L’agent immobilier rangea les papiers de l’état des lieux dans son attaché-case, puis me laissa passer devant lui et en profita pour baisser les yeux vers le short blanc que j’avais enfilé ce matin. Il faisait un beau soleil et les températures étaient annoncées bien au-delà des vingt-cinq degrés. J’avais ajouté à la va-vite une tunique carmine vaporeuse et des ballerines, rouges également. Le choix était de toute façon limité : mes cartons de vêtements, comme tous les autres, avaient été rapatriés dans la semaine chez mes parents pour y être stockés en attendant mon départ pour Paris.
-Vous avez bien laissé votre nouvelle adresse ?
-Oui, elle est sur les documents que vous m’aviez demandés.
-Vous avez trouvé un emploi à Paris ?
-Pas exactement.
-Excusez-moi, ça ne me regarde pas.
Le quadragénaire ferma la porte une dernière fois sur mon univers et arpenta le couloir en direction des ascenseurs. Quand il s’aperçut que je ne le suivais pas, il s’arrêta et me fixa, étonné.
-Vous ne venez pas ?
-Non, je n’en ai pas encore fini avec cet immeuble.
Il revint sur ses pas et me serra la main de façon professionnelle.
-Je vous souhaite bonne continuation, alors, mademoiselle.
-Merci.
-Au revoir.
-Bonne journée.
La porte à côté de laquelle je m’étais immobilisée s’ouvrit sans que j’aie eu besoin d‘y sonner. Mélanie apparut dans l’embrasure et me fit entrer chez elle en silence.
Je tombai dans ses bras et me mis à pleurer.
On reste Dieu merci à la merci d’un abribus
Ne reste pas ici, on entend sonner l’Angélus
Le soleil est jauni, plus triste que le cirque Gruss
Quelle aventure, quelle aventure
-Putain t’es chiante, ma poulette, on avait juré de ne pas chialer !
-Désolée…
-Allez, c’est pas la fin pour autant, entre nous !
-Je sais.
Mélanie me serra fort puis me tendit un mouchoir après en avoir pris un pour elle aussi. Ses yeux étaient aussi rouges que ma blouse.
-T’as faim ?
-Vaguement.
-Ben pose ton joli p’tit cul alors, je nous ai fait de spaghetti alla siciliana.
-C’est à quoi ?
-Olives, câpres, anchois, ail, pecorino, aubergines, poivrons, tomates.
-La vache, je vais pas être emmerdée par les moustiques cet après-midi.
-T’avais prévu de rouler une pelle à quelqu’un ?
-Pas dans l’immédiat. Je ne vois Éric que demain.
-Alors fais-toi plaisir et mange !
Nous prîmes notre dernier déjeuner entre voisines. Il y en avait eu tant d’autres, derrière la première ou la deuxième de ces portes qui ne nous avaient séparées que de quelques mètres pendant toutes ces années où, d’une relation de bon voisinage, nous étions devenues des amies comme on en compte une poignée seulement dans une vie entière.
-T’as eu une réponse pour ton allocation ?
-Oui, c’est bon !
-Ah génial ! Donc tu arrêtes ?
-Voilà, les massages c’est terminé. En même temps, à Paris, je ne vois pas comment j’aurais fait pour continuer.
-Tu l’as bien mérité, avec cette seconde année exceptionnelle que tu as réalisée.
-N’exagérons rien.
-Mention très bien à un master ? Avec dix-huit au mémoire ?
-C’est un peu grâce aux massages justement, que j’ai pu avoir du temps et m’y consacrer dans les meilleures conditions.
-C’est certain, mais si t’avais été nulle, t’aurais pu y passer tout le temps que tu voulais, ça n’aurait pas donné la même chose, ma poulette.
-Oui, Mélanie… Et toi, tu restes dans ce studio, pour le moment ?
-Ecoute oui, je vais chercher un travail dans un cabinet de kiné et dans un salon de beauté, comme j’ai les deux qualifications, je verrai bien ce que je trouverai, et puis à terme je compte monter ma propre boite, en proposant les deux, comme tu le sais. En attendant que tout cela se décante, je reste là.
-Tu vas pouvoir souffler. Tu reprends les massages ?
-Les coquins, tu veux dire ?
-Oui.
-Un peu, jusqu’à ce que j’aie des revenus réguliers dans une branche ou dans une autre.
-Très bien, miss.
-C’était pas si mal, d’être étudiante. Mais le double cursus c’est clair que c’était de la folie. C’est un peu à toi que je le dois, de ne pas avoir craqué, cette dernière année.
-Mais non.
-Si, si, tu le sais très bien.
Durant cette année universitaire qui devait être sa dernière, Mélanie avait cumulé ses deux formations, comme l’année précédente. Arrivée au cœur de l’hiver, elle avait commencé à avoir du mal à suivre trois lièvres à la fois. Les massages lui prenaient deux après-midis par semaine et puisaient de plus en plus dans son temps disponible pour travailler ses cours et suivre ses stages, mais également pour se reposer. J’avais fini par lui donner quatre mille euros pour qu’elle puisse terminer son année sans faire un seul massage. Cela avait été un geste d’amitié qui l’avait touchée plus que de raison, alors que je n’y avais mis aucune autre symbolique que la solidarité évidente qui existait entre nous.
-Tu passeras me voir à Paris de temps en temps ?
-Bien sûr ! Et toi, tu n’oublieras pas ta province ?
-A ton avis … ?
-Ça va être hard, ta sixième année ?
-Tu sais, c’est un master spécialisé. C’est très sélectif, et très demandé, parce que c’est une super formation, reconnue et pré-professionnalisée. Six mois de cours intensifs puis six mois de stage.
-Donc les massages, t’aurais même pas eu le temps de continuer.
-Ça aurait été toujours mieux que d’en revenir au baby-sitting ou aux cours particuliers, mais c’est certain qu’avoir décroché cette bourse pour les six mois de cours, c’est un luxe que je n’avais pas eu en démarrant mes études.
-Ah c’est juste six mois, ta bourse ?
-Le stage est rémunéré, après.
-Ah mais oui, tu me l’avais dit. Et tu sauras quand, où tu le feras ?
-Je le saurai assez vite en démarrant les cours en septembre, je pense.
-Et ensuite ? Une fois arrivée à bac plus six ?
-L’aventure…
Je partis de chez Mélanie vers quatorze heures. Devant sa porte d’entrée, l’émotion revint, plus forte encore.
-Je t’accompagne jusqu’au tram ?
-Allez !
Mélanie enfila des sandales et nous sortîmes dans le soleil estival. Pendouillant sur mon épaule droite, mon sac à dos contenait les dernières affaires que nous n’avions pas déménagées lors des journées précédentes. Mélanie à mon bras, je refis une dernière fois ce trajet jusqu’à ce qui aura été mon arrêt de tram pendant cinq ans.
-J’attends pas qu’il arrive, hein, je vais faire un psychodrame, sinon.
-Je t’aime, Mélanie.
-Oh arrête, putain !
Je pris son visage entre mes mains et déposai un baiser sur sa bouche.
La pulpeuse brunette s’éloigna de moi, et sa robe dansa dans les volutes de chaleur de l’après-midi. Je la regardai diminuer de taille jusqu’à disparaitre au bout de la rue, comme absorbée par une ville qui n’était déjà plus la mienne. Mon cœur se serra dans ma poitrine, qui trouva refuge dans la fraicheur artificielle du tramway.
J’arrivai avec un peu d’avance à la terrasse où Chloé m’avait donné rendez-vous aux alentours de quinze heures. Je saisis mon téléphone professionnel dans mon sac. J’avais pris soin d’envoyer un sms à chacun de mes clients réguliers afin de les avertir de ma cessation d’activité. Depuis, je recevais en retour quelques messages extrêmement chaleureux des fidèles qui, en dix-sept mois, étaient devenus des connaissances, et dont certains s’étaient livrés auprès de moi, parlant de leur vie, de leurs problèmes ou de leurs joies. Mon rôle s’était peu à peu complété d’une écoute, parfois plus humaine et importante que mes seules prestations érotiques. Je n’avais pratiquement plus pris de nouveau client, lors de cette deuxième année de master. Je n’avais plus eu besoin d’accumuler de l’argent à ce point-là, et m’étais contentée de ne pas toucher au capital provenant de ma première année, tout en gagnant de quoi régler mes dépenses courantes. C’est ainsi que chaque rendez-vous s’était déroulé dans d’excellentes conditions, sans la pression de la mauvaise surprise ni celle de devoir installer une ambiance sensuelle auprès d’un parfait inconnu. La plupart du temps, sur mes deux demi-journées au salon, je n’avais reçu qu’un ou deux clients, en prenant plaisir à faire les choses dans les meilleures conditions, détendue et de bonne humeur.
Pascal était revenu régulièrement, soutenant à chaque visite que mon visage et mon corps ressemblaient de plus en plus à ceux d’une femme énigmatique pouvant s’appeler Maud. Jusqu’au bout il ignora mon vrai prénom.
Claude vint cinq ou six fois me redemander de relever le dossier de la table avant la finition, et s’en trouva à chaque fois dans le même état exsangue.
Thierry, le prof de fac, avait souvent suggéré que je crée un abonnement, ce que je n’avais pas fait. Il avait accumulé les body-body enflammés, tentant régulièrement de faire déraper la séance, non sans humour, ce qui me permit de le prendre de façon positive. Il avait l’intelligence de ceux qui savent présenter leurs désirs obsédants sans en transmettre l’aspect lancinant et dérangeant. Il avait su me flatter, mais sans réussir à me faire céder. Il ne sut jamais qu’en avril 2012, il avait loupé le coche et que, avant que la nuit chez Kevin ne soit la dernière de ma brève passade d’escort girl, il aurait sûrement pu s’immiscer dans la courte liste, à jamais réduite à trois clients, de ceux qui avait su faire leur demande au bon moment.
Thibaut, le cadre sup à l’esprit de compétition, passa une fois par trimestre environ, me montrer chaque nouveau muscle que ses efforts à la salle de gym réussissaient à faire saillir pour son plus grand bonheur.
Je vis Martin trois fois, à l’automne 2012. Puis un beau jour, à la fin de la séance, il m’annonça que ce serait sa dernière visite. La situation avait commencé à s’arranger avec Sophie et, si elle n’était pas encore idéale, leur vie sexuelle reprenait des couleurs. Je m’en étais trouvée sincèrement ravie pour eux. Il me tenait visiblement pour responsable, en partie, de cette amélioration. Même si cette opinion était évidemment discutable, il en était convaincu, et cela m’avait touchée. Après m’avoir fait ses adieux, il m’avait offert un cadeau de leur part à tous les deux. Il s’agissait d’un magnifique peignoir en soie noire, brodé de motifs asiatiques rouges et jaunes, qu’ils avaient ramené d’un voyage en Chine.
Le boute-en-train Vincent revint éjaculer plusieurs fois en me racontant ses blagues. Au détour d’une conversation, je finis par apprendre qu’il mesurait deux mètres et cinq centimètres, et avait atteint les cent-vingt-cinq kilos, avant de redescendre à cent-dix sous la pression de ses genoux et de ses médecins.
Arthur respecta méticuleusement son rendez-vous bimensuel, alternant entre Alessia et Lola, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que Lola, et je le vis donc deux fois par mois à partir de janvier 2013. J’eus droit à chaque visite à un commentaire sur le fil qui m’était consacré sur le forum, lequel grandissait, accumulant les post pour la plupart élogieux, parfois mensongers par suite d’un rendez-vous refusé et décrit par vengeance comme catastrophique, bref, la routine.
Flavien, mon sommelier, honora jusqu’au bout son rituel du cadeau en lien avec l’univers du vin. C’est ainsi que je m’étais retrouvée obligée de consacrer un carton uniquement constitué de gadgets en tous genres, tire-bouchon design, stop-goutte, entonnoir aérateur, rafraichisseur, thermomètre hygromètre de cave… A la mi-juin, je l’avais prévenu que ce serait notre dernier rendez-vous, comme je l’avais fait en cette période avec tous les clients que j’avais reçus. Il m’avait alors apporté un bon-cadeau pour un bar à vin très particulier, situé à Bordeaux, qui propose des dégustations des plus grands crus locaux tels Château Margaux, Yquem, Mouton-Rothschild ou Haut-Brion. Le bon incluait un verre de chacun de ces quatre crus de prestige. Je n’osai en imaginer la valeur.
Kevin m’avait appelée pendant l’automne. Il était pressenti pour être transféré dans un autre club lors du mercato d’hiver et avait souhaité me revoir avant de changer d’air. Nous avions fait un body-body et, évidemment, il m’avait proposé une nuit contre une somme indécente, sûrement en prévision de son nouveau salaire. J’avais refusé. Nous nous étions quittés bons amis, lui respectant ma décision inflexible, et moi heureuse de l’avoir revu ne serait-ce qu’une fois. Ce jeune-homme était plus fin que les clichés sur les footballeurs ne peuvent le laisser imaginer, et si, élevé et instruit dans les centres de formation où la priorité absolue avait été de maîtriser la frappe brossée et le centre en retrait bien avant le théorème de Thalès ou la concordance des temps, il possédait une curiosité naturelle et une personnalité originale qui en faisaient quelqu’un d’attachant.
Et bien sûr, Nicolas… Il avait été mon deuxième client, lors de ma journée de formation. Le courant était passé immédiatement entre lui et moi. A l’heure des confusions entre Lola et Léa, il avait été le premier à profiter de mon corps. Le tendre quadra à la petite bouée abdominale et au sexe légèrement courbé sur la gauche, débordant de gentillesse et d’humanité, sera finalement revenu tous les mois, parfois même deux fois, alternant les séances d’une heure et les petites visites express d’une demi-heure, casant régulièrement un body-body, et bénéficiant deux fois avant l’arrêt de ses activités d’un quatre mains avec Alessia. A lui, et à lui seul, je finis par dévoiler mon vrai prénom, Léa, lors de notre dernière séance, au terme de laquelle lui aussi m’offrit un magnifique cadeau, une montre très fine, en argent, avec un cadran noir sur lequel deux aiguilles bleutées défilaient avec élégance.
-Salut Léa.
-Ah, salut Chloé.
-Tu vas bien ?
-Ça me fait tout drôle de partir, mais ça va.
Je me levai pour lui faire la bise. Comme à son habitude, celle qui avait été ma coach sportive, subissant l’élève la plus indisciplinée qu’on pût imaginer, était fagotée n’importe comment. Elle portait un pantacourt aux coloris si improbables qu’à côté, un concept Desigual aurait pu paraître un peu fade. Malgré la chaleur, elle avait aux pieds ses inévitables baskets fluos, et arborait un débardeur blanc qui renvoyait violemment la lumière émise par le soleil et le stroboscope qui lui tenait lieu de tenue sous la ceinture.
A toute heure du jour et de la nuit, Chloé avait toujours donné l’impression d’être sur le point d’aller courir.
-Très sympa, le short.
-Arrête de mater, meuf, tu vas baver.
-Non, vraiment, j’apprécie le geste.
-Rhho la mytho, comme si j’avais mis un short pour toi.
-Mais bien sûr, pour notre dernier pot toutes les deux avant que tu ne deviennes une bobo parisienne et que tu ne jures plus que par les cappuccinos frappés à la noisette que tu boiras le long du Canal Saint Martin…
-J’aime bien quand tu te mets à dérailler toute seule, comme ça.
-Tu vas me manquer, ma belle.
-Toi aussi, Chloé.
Nous commandâmes un Perrier citron pour moi et un coca pour elle. Il faisait trop chaud pour tenter une bière. Nous parlâmes de tout et de rien. L’important était de profiter de ce dernier moment ensemble, pour une fois dans un contexte plus calme que celui d’une course officielle, d’un footing dans le parc, ou d’une de ces séances de torture qu’elle avait réussi à m’imposer sur une piste d’athlétisme lorsque, chronomètre à la main et sifflet au bec, elle m’avait fait douter de la survie de mon cœur au-delà de ma vingt-quatrième année.
-Tu vas en faire, là-bas, des courses ?
-Non, je ne crois pas.
-C’est dommage d’arrêter.
-Chloé, c’est parce qu’on faisait ça ensemble… ça me plaisait parce que c’était un truc entre nous, qu’on a appris à devenir amies avec ça. Mais repousser les limites de la douleur physique dans le seul but de gagner douze secondes sur le prochain dix kilomètres, ça ne me fait pas me relever la nuit, tu sais…
-Je sais très bien. Mais t’as fait quelques bons chronos sur les deux derniers dix bornes, et je sais que t’aurais été capable de courir un semi.
-Et toi, tu te prépares pour ton premier marathon ?
-Oui, j’ai un planning pour celui que je vise en septembre.
-Tu sais que si tu le réussis et que tu veux faire celui de Paris en avril prochain, je serai ta première supportrice sur le bord de la route !
-Tu voudrais pas le faire avec moi ?
-Direct comme ça, sans être passée par un semi ? Non… et puis tu sais, je ferai sûrement des footings parce que j’y ai pris goût, mais juste comme ça, pour le plaisir de courir un peu à mon rythme. Pas pour des courses officielles. Mais sérieusement, si tu envisages celui de Paris, dis-le-moi, je t’hébergerai et j’irai te soutenir !
-Avec plaisir.
-Tu l’as eue, la bourse d’agrégation ?
-Je n’ai pas encore la réponse. Je vis encore chez mes parents, tu sais. Si je l’ai c’est un plus, mais même sans ça, je suis dans de bonnes conditions.
-Ça te fait pas trop peur, une telle année ?
-Je vais être dans les bouquins nuit et jour. Mais le jeu en vaut la chandelle. Cela dit tu ne vas pas chômer non plus.
-Je sais, mais l’agrég, ça a quand même l’air d’être un truc monstrueux. Quand j’ai lu le programme le mois dernier, par curiosité, il m’a semblé qu’en cinq années d’études, on n’a même pas atteint la moitié de ce que tu devras savoir au printemps prochain.
-Tout ça pour se retrouver en collège, hein ?
-Ah non, c’est pas du tout mon propos. Je trouve ça formidable que tu te destines à l’enseignement, parce que ça vibre en toi, ça se sent, et que dans ces conditions je suis sûre que tu seras une super prof. Après, que tu ingurgites des connaissances d’une incroyable complexité pour ensuite avoir une classe de sixième ne me choque pas plus que ça. Ce que j’espère juste c’est que dans ta formation il y aura un peu de pratique et pas seulement de la théorie.
-Je tombe pile dans la réforme de l’accès au métier. A priori c’est prévu comme ça, mais on verra comment ça va se passer.
-Donc les courses, ce sera juste pour souffler, entre deux journées continues à la bibliothèque, c’est ça ?
-Ça devrait ressembler à ça, oui.
Je passai une petite heure à bavarder avec elle, puis il fut temps de se dire au-revoir. Comme Mélanie tout à l’heure, Chloé m’accompagna jusqu’à l’arrêt du tram.
-Quand même, pas mal, le short…
-Merci.
-Si tu m’héberges, à Paris, j’aimerais bien te l’enlever…
-Non.
-Je le savais !
-Je me demandais combien de temps tu mettrais pour me proposer de coucher avec toi, aujourd’hui. En général t’es plus rapide.
-T’as bien compris que c’est juste une blague récurrente entre nous, hein ?
-Oui.
-N’empêche, je ne m’en remettrai jamais que tu aies fini par avoir une expérience avec une nana… et que ça n’ait pas été moi !
-C’est surtout que je m’en sois arrêtée à une seule, qui te chagrine, pas vrai ?
-Comment elle s’appelait déjà, ta norvégienne ?
-Inkeri. Elle est finlandaise.
-Sérieux, elle était mieux que moi ?
-Mieux habillée en tout cas.
-Allez j’arrête de te taquiner avec ça.
-T’en fais pas Chloé, j’ai toujours eu confiance en toi. J’avais même réussi à te parler d’elle quand elle m’avait mis la tête à l’envers l’été dernier… Et j’ai toujours aimé ton humour très rentre-dedans, bien moins pudique que celle qui l’exprime, cachée derrière cette façade.
Un wagon stoppa juste devant nous. Les portes vitrées s’ouvrirent, envoyant une bouffée glacée au milieu de l’air estival, non-sens écologique sans lequel il eût été illusoire d’espérer monter dans ce cylindre transparent sans y mourir de chaud.
-On s’appelle ?
-Evidemment, Chloé.
-A très bientôt, alors.
Les portes se refermèrent et le tube vitré se mit en marche en silence, aussi sobre que s’il avait glissé sur un coussin d’air. Les couleurs bariolées de la tenue de Chloé rétrécirent jusqu’à n’être plus qu’un point lumineux dansant dans le soleil de juillet.
On reste Dieu merci à la merci d’un engrenage
D’un verre de Campari, du bon vouloir de l’équipage
Paris est si petit quand on le regagne à la nage
Quelle aventure, quelle aventure
Trois stations plus tard, je descendis et me dirigeai vers l’agence Orange du centre-ville, où je résiliai mon abonnement professionnel. J’avais déjà demandé à Silia de modifier notre site internet pour qu’il n’y soit plus fait mention que d’Alessia. En rendant ma carte sim, je disparaissais définitivement de l’offre des masseuses érotiques. J’avais également contacté les administrateurs du fameux forum où j’étais référencée, demandant la suppression de mon fil, comme les lois informatique et liberté m’y autorisaient. On m’avait répondu que ce serait fait en début de semaine prochaine. Une page se tournait.
Je me rendis ensuite au siège de ma banque, où je me décidai enfin à procéder au dépôt en liquide que j’aurais dû envisager bien plus tôt, ce qui m’aurait évité quelques crampes à l’estomac en imaginant régulièrement les billets disparaître de chez moi, et d’avoir l’air un peu bête en face du banquier rigoureux qui me reçut.
-Bonjour mademoiselle, que puis-je faire pour vous ?
-Avez-vous eu mon courrier vous informant de mon déménagement prochain à Paris ?
-Absolument, nous allons procéder au changement de domiciliation de vos chéquiers ainsi qu’au transfert de votre compte dans une agence parisienne.
-Parfait.
-Vous savez quand vous emménagerez exactement ?
-L’appartement sera disponible début août.
-Mais vous n’aviez qu’un accord sous réserve, il me semble, non ?
-J’ai obtenu ma bourse pour le master spécialisé, donc j’ai pu faire sauter la clause et le bail est maintenant officiel.
-Je vous en félicite.
-Merci. En attendant on peut m’écrire chez mes parents, mais j’ai un suivi de courrier également, donc peu importe.
-Très bien.
-D’autre part…
-Oui, mademoiselle ?
-J’aurais souhaité réaliser un dépôt en liquide sur mon compte courant.
-Bien sûr, quelle somme avez-vous à me remettre ?
-Euh… Vingt-deux mille euros.
-Vous êtes sérieuse ?
-Oui… j’ai tout là, en billets.
-C’est une somme énorme, mademoiselle, je suis dans l’obligation de vous en demander l’origine.
-Economies, baby-sitting, cours particuliers, billets par-ci par-là de la part d’une grand-mère ou d’un tonton, et ainsi de suite.
-Mais sur quelle durée ?
-Mes trois années de lycée et mes cinq années d’études. Je suis très peu dépensière.
-Je vois…
Ma chance était d’être tombée sur le directeur de la filiale, qui n’était pas un débutant zélé, prompt à dégainer les signalements auprès des services « tracfin » de Bercy afin de lutter contre le blanchiment et la fraude fiscale. D’autre part il me connaissait depuis que j’étais devenue étudiante et, même avant que les éjaculations à la chaîne ne m’apportassent une aisance financière bienvenue, il n’y avait jamais rien eu à me reprocher, ni découvert ni maladresse comptable.
-Bon écoutez, il n’y a pas à proprement parler de maximum pour un dépôt bancaire en liquide. Toutefois, avec une telle somme, vous êtes paradoxalement dans une situation moyennement légale du seul fait que vous la portez sur vous.
-Raison de plus pour que vous me débarrassiez de tout ce papier.
-Ce que je vous conseille à l’avenir, c’est de déposer chaque petit billet au fur et à mesure qu’il vous tombe dans les mains, si vous préférez épargner plutôt que les dépenser. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?
-Bah vous savez, on se dit qu’on y touchera pour les prochaines courses, et puis finalement on résiste et ça grossit dans un tiroir…
-Bien, je vais faire un reçu d’encaissement, mais compte-tenu de la somme, il faut que je garde une trace de l’origine de cet argent telle que vous la déclarez. C’est une attestation sur l’honneur de votre part, qui restera dans cette agence pour que nous ayons nous-même une preuve qu’une vérification a été demandée, dans le cas où nous serions contrôlés par l’inspection des finances. Vous me comprenez mademoiselle ?
-Cinq sur cinq.
Je rédigeai le papier demandé, devant le visage amusé du banquier, puis signai les affirmations on-ne-peut-plus fantaisistes, à grand renfort d’honneur personnel. Me décrire comme non dépensière était une invraisemblable énormité, moi qui, à cinq mille euros près, avais dépensé autant d’argent qu’il ne m’en restait !
Je n’ai jamais su si le directeur a cru un seul mot de mon histoire d’épargne au compte-goutte. Une chose est certaine : je ne l’avais jamais reçu comme client au salon de massage !
Je sortis soulagée et repris un dernier tram jusqu’à la gare, d’où partirait le TER qui devait m’emmener chez mes parents. Il fut à quai juste avant 18 heures.
Je m’y installai et vérifiai le portable de Lola. La liste des notifications ne présentait plus qu’une information définitive : « aucun réseau disponible ». Je purgeai la mémoire et réinitialisai l’appareil en mode usine. C’en était terminé de Lola.
Je l’avais intégrée à moi-même onze mois plus tôt, en préambule d’une nuit londonienne incroyable où la douce Léa avait accepté de grandir d’un seul coup, préférant le risque de la vie à ses prudents atermoiements. Moins d’un an plus tard, je venais de signer son arrêt de mort numérique. Lola avait été bien davantage qu’un pseudo. Faire-valoir, tremplin, prétexte, caution… elle avait été le monstre tapis dans mon ombre, mais également le sang qui avait parcouru mes artères, le souffle qui m’avait si souvent manqué, l’inspiration qui m’avait fourni le courage que j’avais si souvent fui. Elle m’avait trompée, influencée, manipulée, mais elle m’avait aussi appris que la joie et le plaisir ne s’obtiennent que comme récompenses d’un minimum de prise de risque, et qu’on ne peut être fier de ses actes que si on assume aussi ses penchants les plus sombres. Elle m’avait permis de me trouver belle, d’accepter mon corps, d’en supporter le sex-appeal dans le regard des autres, d’en jouer, aussi, et d’en aimer les défauts, qui devinrent des alternatives sexy dès lors que moi aussi, j’en fus convaincue.
Lola avait été l’échelle achevant le trajet d’une petite fille sage impatiente de devenir une femme.
On reste Dieu merci à la merci d’un sacrifice
D’une mort à crédit, d’un préjugé, d’un préjudice
Le soleil s’enfuit comme un savon, soudain qui glisse
Quelle aventure, quelle aventure
Une boule dans l’estomac, je me levai en direction de l’autre extrémité du wagon, où une gamine d’une douzaine d’années, visiblement mal dans sa peau de pré-adolescente et seule sur son siège, parcourait une revue débordant d’informations essentielles à propos du régime révolutionnaire qui lui permettrait de séduire Ryan Gosling en devenant anorexique, d’un quizz sur le comportement idéal à adopter au lit avec son petit-copain, d’une méthode sûre pour ne pas se faire dérober sa future sextape, sans laquelle il n’est pas de bonheur intime possible, et des raisons pour lesquelles l’héritière Hilton et la bonbonne Kardashian sont l’incarnation de la mode et du bon goût dans un monde 2.0…
-Si tu me donnes ton magazine, je te donne ton premier smartphone.
-Sérieux ?
-Regarde. C’est pas un iPhone mais …
-Je m’en fous, il est cool ! Pourquoi tu me le donnes ?
-Parce que même si rien ne vaut une discussion entre copines en tête à tête à une terrasse, tu seras bien mieux à parler avec elles grâce à cet appareil, qu’enfermée dans la vision carcérale qu’essayent de te dicter ces quelques feuilles de papier glacé.
-Ben toi alors…
-Check ?
-Check ! Mais qu’est-ce que je vais lire si je te donne ma revue ?
Je farfouillai dans mon sac et en sortis le petit livre de Laurent Gounelle, « Le philosophe qui n’était pas sage ». Je venais de le terminer. Je le tendis à la brunette dont les premiers boutons d’acné perçaient au nord de l’appareil dentaire.
-C’est de la philo ?
-Non, juste un peu d’indépendance d’esprit. Le contraire exact de ça.
Pour illustrer mon propos, j’ouvris la fenêtre du train, qui avait démarré et entrait dans la campagne, et jetai le magazine qui s’effeuilla avant de terminer sa vie commerciale en multiples photos décousues et vide de sens dans un pré quelconque, où seules quelques vaches inspirées en termineraient la lecture avec dans l’œil le vide absolu enfin en rapport avec la pertinence de la prose éditoriale.
-T’es marrante toi. Tu t’appelles comment ?
-Léa et toi ?
-Hélène.
-Il y a une chanson de Brassens qui parle de tes sabots.
-Qui c’est, Brassens ?
-Je te laisse chercher sur Wikipedia un de ces jours, ok ?
-Merci pour le smartphone. Je sais pas pourquoi t’as fait ça, mais merci.
-De rien.
Quand le TER entra en gare, j’aperçus Charlotte sur le quai. Sa longue jupe blanche bouffante lui donnait une allure d’une grande élégance mêlée de décontraction.
Ma petite sœur de dix-neuf ans et trois mois se blottit dans mes bras dès que je fus descendue.
-Je suis contente que ce soit toi qui sois venue me chercher.
-J’essaye de conduire dès que j’en ai l’occasion.
-Alors, ces oraux ?
-Ecoute, je suis rentrée avant-hier, j’ai plutôt un bon feeling, mais ça reste un concours…
-Et tant que tu ne connais pas tes notes de l’écrit, c’est impossible de faire des conjectures.
-Voilà.
-Verdict dans deux semaines ?
-Oui… même pas…
-Tu tiens le coup ?
-J’essaye de penser à autre chose. Loïck est en vacances dans quelques jours.
-Ça allait, sa première année de BTS ?
-Oui, il est content.
-Mais alors si tu intègres une école de véto, vous allez faire comment ?
-Comme pour Éric et toi : nous démerder à distance.
-Au fait tu m’as pas dit, ça se passe comment pour l’école que tu obtiendrais ?
-C’est un truc super compliqué. En fait chacune des quatre écoles de vétérinaire, à Alfort, Lyon, Nantes et Toulouse, a mis au concours cent-neuf places. Mais comme ce sont des concours communs avec d’autres écoles d’agronomie par exemple, il suffit parfois d’arriver dans les places genre deux-centième, et ça passe, tu vois !
-Donc concrètement t’as fait des choix en fonction de tes préférences d’affectation ?
-Non, si je suis reçue dans l’une ou l’autre, j’obtiens des propositions et s’il y en a ne serait-ce que deux qui me prennent sur les quatre, alors j’ai le choix.
-Et évidemment, une suffirait à ton bonheur !
-Mais carrément !
J’observai avec émotion Charlotte serpenter de la gare vers la maison familiale, sur les petits chemins campagnards, tout en évoquant son avenir proche, si prêt de la réalisation de ce rêve de devenir vétérinaire qu’elle chérissait depuis qu’elle savait parler ou presque, et que je portais en moi, par amour pour elle, depuis toutes ces années.
On reste Dieu merci à la merci d’un lampadaire
D’une douleur endormie, d’un chasse-spleen un soir d’hiver
La vieillesse ennemie reste la seule pierre angulaire
Quelle aventure, quelle aventure
-Tiens, ça y est, c’est réservé pour nos vacances, avec Loïck.
-Sans déconner, Charlotte …
-Tu sais bien que depuis la Corse l’année dernière, c’est devenu une obsession. On avait tellement aimé…
-Je sais oui, vous voulez parcourir les trésors du globe en randonnant. Mais tu te souviens de l’état dans lequel vous étiez rentrés ?
-Oui, bon, j’avais perdu six kilos, quoi, j’étais pas morte.
-Et t’as eu un mois d’anti-inflammatoires pour t’en remettre !
-Et maintenant, justement, on sait comment faire mieux, avec des sacs plus légers et du matériel parfaitement adapté.
-Oui mais… le chemin de l’Inca, enfin Charlotte, non mais allô, quoi !
-Ben quoi ?
-Vous ne voulez pas commencer par plus facile ? Y aller crescendo ?
-Tu sais, le GR20 c’est le plus dur d’Europe. Et c’est par ça qu’on a commencé.
-Bon, mais avant le plus dur du monde, y’a pas autre chose ?
-Non, mais le chemin de l’Inca, c’est pas le trek le plus dur du monde.
-Ah non, y’a quoi, au-dessus ? La face Nord de l’Everest ?
-Et puis t’avoueras, le Machu Picchu, ça a de la gueule pour les vacances.
-Mais vous en avez pour combien ?
-Trois semaines, dont cinq jours à proprement parler sur le chemin.
-Mais les conditions sont pires qu’en Corse, non ?
-Ah ben en Corse au moins on ne se méfiait pas de l’eau potable et on ne risquait pas l’embolie et le mal des montagnes à chaque nouveau mètre de dénivelé vers le haut, c’est clair…
-Et tu me dis ça comme ça.
-Léa … ?
-Oui ?
-T’es inquiète ?
-Oui !
-T’es chou.
-C’est ça, fous-toi de ma gueule.
-Mais non, je trouve ça vraiment chou, sérieux !
-Je sais pas comment tu fais. Moi si on m’enlève vingt-quatre heures ma salle de bains, j’appelle l’armée pour un rapatriement sanitaire.
-Dis-donc…
-Quoi ?
-On s’embourgeoise, quand on va faire son bac plus six à Paris ?
-Non, non, non, ça n’a rien à voir. Même à bac moins douze dans le trou du cul du monde, il me faut ma salle de bains !
Charlotte pouffa.
-Bon cela dit…
-Oui ?
-Je t’admire. Vraiment. Je te trouve courageuse, décidée. Et je suis très, très fière et heureuse pour toi.
-Je te roule pas un gros patin parce que je conduis, mais le cœur y est.
-Oui, ben épargne ton cœur pour le Chili.
-Le Pérou.
-Ouais, ça causera espagnol, chipote pas.
Nous arrivâmes devant la maison où nos parents étaient sortis nous attendre. Un sentiment étrange vibra en moi. J’avais une forte impression de retour en arrière cinq ans plus tôt, lorsque, fébrile dans la camionnette empruntée par mon père, j’avais emmené mes quelques affaires vers le studio que mes parents m’avaient loué en ville, près de mon campus. Je ressentis à nouveau ma crainte mêlée d’excitation de ce moment tant attendu et tant redouté, où l’on se demande tout à coup si cette indépendance à ce point fantasmée n’est pas simplement trop belle pour soi, trop exigeante, et si le concept n’a finalement de sens que quand on veut avant tout s’extraire du carcan familial.
Mais je ne partais pas avec des questions, comme le fit la jeune Léa d’à peine dix-neuf ans il y a cinq ans. Je revenais avec mes réponses, pour quelques jours, avant de tenter l’expérience de la vie adulte plus loin encore.
-Bonjour ma chérie ! Tu es magnifique !
-Ah ben ça c’est très gentil, comme accueil, maman ! On peut le refaire ?
-Cesse de me taquiner ! Alors laisse-moi regarder … ce qui te reste de cheveux est toujours là ? Pas de nouveau tatouage, ou de piercing en travers de ton corps ?
-Ou alors uniquement sur des parties que tu ne vois pas …
-Arrête de provoquer ta mère ! intervint mon père.
-Ça ne marche même plus, ton épouse a l’air d’enfin aimer sa fille telle qu’elle est, même encrée et trouée !
-Je me demande de qui tu tiens d’aussi belles jambes, répondit-elle en regardant mon short que, pour une fois, elle ne fit pas mine de trouver trop court.
-Je ne vois pas, maman, ça doit être juste à moi que je les dois.
-Allez vipère, viens, ton père et moi t’avons préparé ta chambre.
Je montai à l’étage déposer mon sac à dos dans ma chambre de fillette et d’adolescente. Les cartons du déménagement avaient été stockés dans la cave en attendant leur transfert à Paris d’ici un mois, mais celui marqué « quotidien » avait été déposé dans mon nouvel espace provisoire, comme pour un retour en enfance par faux-semblants, avant de mieux la quitter définitivement.
On flâne, on flaire
On flaire la flemme familière
On gagne, on perd
On perd la gagne, la superbe
La superbe