Kentrony
Livré à lui-même, Andzrev se hissa comme il le pouvait dans le tunnel sous le jardin de la citadelle. S’aidant de ses bras, il rampait non sans mal dans les souterrains. La peur lui tiraillait le ventre tandis que l’humidité venait lui saisir les muscles. Il n’était plus certain d’arriver à se repérer, bien qu’il eût retenu les souvenirs d’Arthur et de Vikthor. Il avait beau se les diffuser autour de lui, il n’était plus certain de rien.
_ Au bout, c’est à droite ou à gauche ? s’interrogea Andzrev sans que personne ne puisse lui répondre.
Pourtant, il ne baisserait pas les bras. Il avait promis à Manon de l’aider à rétablir la vérité coute que coute. À l’aide de sa capacité à diffuser les images qu’il avait en tête, il prouverait les méfaits de son père et de son oncle Loris à tous ceux qui voudraient bien l’écouter. Il espérait déjà pouvoir sortir sain et sauf de ce labyrinthe. Dans la précipitation, il n’avait pas pris les lampes torches qu’ils avaient prévu d’emmener au départ et qui étaient cachées dans les cuisines.
_ Je n’y vois absolu rien, je tente par-là… souffla le Kalokas perdu.
Avec le temps les balises que Vikthor et Arthur avaient laissées s’étaient dégradées et puis Andzrev avançait de toute façon à l’aveugle. Les mains tâtonnant devant lui, il se hissait ensuite à l’aide de ses bras pour avancer dans le noir. Sale et mort de froid, il avançait doucement sans savoir où ramper.
_ Ça va aller, je n’ai pas fait tout ce chemin pour échouer, tenta de se rassurer Andzrev à voix haute.
En réalité, il ne savait pas où il allait. Il avait l’impression de tourner en rond et de s’éloigner de son objectif. Normalement, il aurait dû mettre trois heures à retrouver le cénacle des Oripeaux, pourtant au bout de cinq heures, il n’avait toujours pas atteint son but. Le chant d’espoir qui animait ce mystérieux cratère lui paraissait inatteignable. Pourtant, Vikthor avait été formel, quand il serait proche, il le saurait.
_ Je vais me reposer un peu ici, je reprendrai plus tard, souffla Andzrev exténué.
Le télépathe s’endormit alors quelques minutes plus tard, recroquevillé dans la boue, on aurait dit un petit animal sans défense. Les bras blessés de partout, il avait besoin de reprendre des forces. Lui qu’on avait toujours vu comme faible, se montrait résolu à combattre son père. Il était toujours endormi à l’angle d’une galerie quand il entendit gratter autour de lui.
Des rats, s’inquiéta le télépathe.
Alors qu’Andzrev se hâta à partir en se hissant comme il le pouvait, il entendit chanter derrière lui. Vikthor n’avait pas menti, quand il serait proche du cénacle, il entendrait son hymne. Les larmes aux yeux, il écouta silencieusement pour se repérer. Andzrev prit donc le soin de rester silencieux et de laisser les paroles l’envelopper. Contrairement à ce que lui avaient raconté les garçons, ce n’était pas un chœur, mais la voix grave d’un seul homme qui animait les galeries.
_ Je suis le roi des Vauriens ! Mon trou est rempli de délices !
Vous me manquez mes Oripeaux, j’ai besoin de voir vos couleurs.
En attendant, je ris, je danse et bois mon calice !
Doucement, Andzrev se hissa vers la voix qui résonnait, pas loin. Un homme venait à sa rencontre, l’écho de ses pas, son timbre de basse et les flammes de sa lanterne qui léchaient les parois terreuses ne laissait aucun doute au Kalokas. Il rampa alors dans sa direction, tel un vers, il se hissa jusqu’aux bottes de l’inconnu.
_ Toi, je ne te connais pas ! Que viens-tu faire par ici, tu as mauvaise mine ! déclara l’homme face à lui.
_ Je m’appelle Andzrev Agape, Vikthor et Arthur m’ont envoyé ici ! souffla le télépathe.
_ Un autre vaurien alors ! s’enthousiasma l’inconnu.
_ Et vous êtes Flopin, comprit Andzrev alors que le roi des vauriens lui faisait une révérence.
_ Venez, vous devez être mort de faim et de froid ! Relevez-vous, je vais vous aider !
_ Je ne le peux pas, j’ai un fauteuil roulant habituellement, mais je vous suis, indiqua le télépathe.
Sans demander plus d’explications, Flopin l’amena au cénacle des Oripeaux. Bien moins rempli qu’autrefois, il avait perdu de sa superbe. Pourtant, il y avait encore quelques filles de joie et des bons vivants pour l’animer ainsi que ses fidèles acolytes de toujours, Krÿ et Zorina. Le roi des vauriens se hâta de donner de quoi boire et manger à son nouveau protégé. À la vue de la mine grisée d’Andzrev, il en avait grandement besoin. Après avoir repris un peu de force, le télépathe voulut révéler tout ce qu’il savait à Flopin et ses alliés.
_ Le ministre Asage n’est pas humain, s’exclama Andzrev.
_ Ça, tout le monde le savait déjà, il n’y a qu’un monstre pour faire tout ça ! ricana Krÿ comme si on pouvait rigoler de tout.
_ Non, je veux dire qu’il est Sirélien. C’est mon père et un physé redoutable ! expliqua le télépathe en alliant des images à sa parole.
Sous les yeux ébahis du peu d’Oripeaux présents dans le cratère, Andzrev diffusa les images du ministre Asage, de son telsman et de ses tortures faites à Manon et Solenne. Il s’employa à tout raconter dans les moindres détails, sans laisser passer une scène à la trappe. Il le devait pour Manon, pour qu’on puisse rétablir la vérité, bien que même lui ne la connaissait pas entièrement.
_ Alors il a enfreint la Namonienne depuis tout ce temps, mit les régions à feux et à sang et poussé à bout des adolescentes pour gouverner le Nouveau Monde. Je confirme, c’est un monstre ! s’énerva Zorina pour qui l’injustice était le plus grand des pêchers.
_ Je suis le seul à avoir pu m’enfuir, mais je suis certain que nos amis sont encore vivants même s’ils sont dans de sales draps ! continua Andzrev.
_ Le plan est de rejoindre Yacuiba bien qu’ils n’aient pas pu vous suivre n’est-ce pas ? compris le roi des vauriens.
_ Nous devons rejoindre sa sœur, elle dirige la résistance. À nous deux, nous ne se sommes rien, mais tous ensemble nous en viendront à bout !
_ L’union fera la force et ils ont besoin de nous pour faire l’union ! acquiesça Flopin en se levant pour préparer des affaires.
_ Il n’y a aucune chance pour que les autres nous rejoigne ? se renseigna Krÿ soucieux de leur sécruité.
_ Je ne sais pas… avoua fébrilement le télépathe.
_ Krÿ et moi nous resterons ici au cas où, le rassura Zorina.
_ Oui, et si les miliciens trouvent le chemin par lequel tu t’ai enfui, nous serons là pour les accueillir.
_ Nous, nous devons révéler les secrets de son père, donner toutes les informations dont peut avoir besoin la résistance pour le combattre ! conclut Flopin fière de ses amis.
Pendant que le télépathe finissait de se reposer, Flopin ordonna à ses troupes de lui créer une sorte de civière pour qu’il n’ait plus à ramper. Pendant ce temps-là, le roi des vauriens prépara quelques affaires pour lui et son nouvel acolyte. Il fit mettre des vivres, des armes et quelques vêtements de rechange dans un baluchon puis mit de l’ordre dans ses affaires. Il allait enfin quitter le cénacle et rejoindre les Oripeaux qui l’avaient quitté en début d’automne.
_ Très bien, puisque personne d’autre ne veut venir avec nous alors nous allons partir que tous les deux !
_ Vous n’avez pas de chevaux ou d’ânes ? Sans mon fauteuil, cela sera compliqué, constata Andzrev.
_ Je vais te trainer dans ce semblant de civière jusqu’à la première étape de notre voyage. Une fois arrivés dans le cirque, nous te trouverons une monture.
Après s’être changé, Andzrev se hissa alors dans l’ouvrage fait de bois, de tissu et de corde. Ce n’était pas ce qu’il y avait de plus confortable, mais c’était mieux que de ramper. Flopin lui confia alors son paquetage ainsi qu’un grand couteau et une gourde puis il testa l’ouvrage en le faisant trainer derrière lui. Après avoir constaté que cela tiendrait jusqu’au premier cirque, le roi des vauriens s’adonna aux adieux.
_ Mes amis, c’est votre dernière chance de changer d’avis ! Dans le cas contraire, prenez soin de vous !
_ Que les trois énergies vous protèges, lui répondit simplement Zorina.
Tout le monde fonça alors sur leur roi pour le serrer dans ses bras, Krÿ comprit. Flopin avait été un bon chef. Bien qu’il ne fût pas un modèle de vertus, il savait se montrer droit et fiable pour l’avenir de son peuple. Andzrev avait besoin de lui pour atteindre la résistance et défaire son père. Joyeusement, ils prirent donc le chemin des galeries pour sortir de Kentrony.
_ Quel âge as-tu pour que Garnel puisse être ton père ? s’enquit Flopin curieux.
_ Trente-et-un ans bientôt, c’est le pouvoir de mon père qui m’a fait ça, expliqua Andzrev.
_ Et c’est Manon qui a permis ta libération ? Elle craque pour toi ?
_ Non ! s’offusqua le télépathe choqué. Si elle devait avoir de l’intérêt pour quelqu’un, ce serait pour Vikthor.
_ Oh que je la comprends, moi aussi il me plait ! avoua Flopin.
_ Arthur m’a dit que vous étiez plutôt porté sur les belles femmes.
_ Vous les siréliens vous n’aimez qu’une seule personne, votre âme sœur, qu’elle soit femme ou homme. Et bien moi, j’ai décidé de jouir de tout avec tous ! Et toi alors, ton âme sœur ? plaisanta Flopin.
_ Je n’en ai pas et je n’en veux pas, grommela le Kalokas.
_ Alors qu’il en soit ainsi, je ne vais pas te contrarier ! plaisanta Flopin à nouveau.
Le duo était mal assorti, mais il avait le mérite d’exister. L’exubérant Flopin trainait le timide Andzrev dans la joie et la bonne humeur. Pour la première fois, le télépathe était libre, loin de la main maléfique de son père, loin des remarques de son oncle. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher de penser à ses nouveaux amis qu’il avait laissés derrière lui. Manon et Solenne lui avaient donné une chance de se racheter et il comptait bien le faire.
Les garçons eux ne lui auraient jamais donné cette confiance si cela avait tenu qu’à eux. Pourtant le teint gris d’Andzrev cachait une âme lumineuse et pleine de bonne volonté. Parfois, le salut vient de là où on ne l’attend pas, comme pour les coups de couteau. Andzrev, à qui on avait reproché de faire du mal, œuvrait maintenant pour le bien tandis que Paskhal qu’on n’avait jamais soupçonné avait causé tant de méfaits. Heureusement que le temps était là pour balayer les faux-semblants.
ah ça me fait mal au coeur rien que de me dire qu'il ne reste que l'épilogue...
Si tu veux je peux te donner le résumé du tome 2 ..