Nilem s’étira, éteignit son réveil. Une nuit sans rêves. Il s’en étonna. Ça faisait longtemps. Il en était limite triste de ne pas s’en souvenir. Ça devait être parce qu’il avait passé une bonne journée. Aujourd’hui, c’était vendredi. Il aimait le vendredi grâce au week-end qui arrivait : il allait pouvoir rester dans sa chambre. C’est bien. Sa mère travaillait le week-end. Il n’aurait pas supporté le week-end sinon. Valait mieux être à l’école que d’être une journée entière enfermé avec elle. Il en avait fait les frais deux journées par semaine cet été. Comme à son habitude, il déjeuna avec un verre de jus de fruits, prit deux sandwichs d’une marque discount, s’habilla et partit à l’école. Il n'aimait pas prendre de douche, par flemme. Au début, sa mère l’aurait sermonnée, aujourd’hui, elle s’en foutait. Il se demandait même si ça ne l’arrangeait pas, par économie. Il lança ses chaussures et s'élança. Droite, gauche, tout droit, gauche. Il arriva, comme à son habitude, 10 minutes avant tout le monde. Il n'aimait pas être en retard, il n’aimait pas se faire remarquer, il aimait observer. Caroline, comme à son habitude, arrivait peu après, puis Jean, puis Jawad, puis les autres. La maîtresse ouvrait alors la petite porte menant à la cour, laissant les enfants aller directement dans la salle de classe. Ils s'asseyaient, sortaient leur matériel, Hugo arrivait et la matinée pouvait commencer. Ce matin mathématiques suivi d’arts plastique. Ça tombait bien, Nilem aimait les deux. Ça tombait bien, Nilem était bon aux deux. Ses exercices de la veille furent corrigés, le premier fût entièrement juste. La maîtresse lui proposa, pour le deuxième, d’aller au tableau, il a refusé d’un non de la tête. Elle n’a pas insisté. Caroline s’en chargea. Il avait juste. Le troisième aussi. Bingo. Un sans fautes. Fixé sur son cahier, il laissa échapper un sourire. Hugo, retourné vers lui, le vît. D’une grimace, il se réorienta vers le tableau. Merde, il l’avait vu sourire. Fais chier. Suite à la correction et quelques exercices supplémentaires à réaliser en classe, le cours de mathématiques se clôtura. Nilem prît le plus de temps possible pour sortir. Il s’y attendait, Hugo était là dès les premiers mètres qu’il fît dans la petite cour.
- Depuis quand t’es heureux toi ?
Nilem n’osa pas répondre, il haussa des épaules.
- Ça fait longtemps que j’t’avais pas vu sourire.
Hugo planta ses yeux clairs dans ceux sombres de Nilem. S'exclama avec un sourire :
- C’est cool.
- Oui. Nilem avait répondu dans un souffle.
- C’est parce que tu as eu juste en maths c’est ça ?
- Oui.
- C’est cool.
Nilem haussa de nouveau les épaules. En soit, si il avait souri c’est parce qu’il avait réussi quelque chose plus que ça soit les maths en particulier. Ca, il s’en fichait pas mal. Il le garda pour lui, garda son silence.
- J’sais pas comment t’as fait pour la dernière question du deuxième exercice. C’était super dur, j’ai rien compris à ce qu’a dit la prof.
- Il suffisait de retirer le volume du monsieur au final.
- Oui ça j’ai compris mais c’est les pourcentages le problème, j’y comprends rien à ça.
Nilem tiqua et répondit du tac au tac.
- C’est une partie de quelque chose sur 100.
- Bah voila j’ai pas compris, ça veut rien dire de mettre quelque chose sur 100. Pourquoi sur 100 déjà. Ils sont bizarres les matheux.
- Oui, c’est vrai.
- Ouais, c’est vrai, vous êtes bizarre. Regarde toi, depuis que t’es arrivé dans cette école tu parles pas, t’es dans ton coin.Un vrai matheux. Je suis le seul qui te parle parce que j’aime quand tu me passes ton repas. Tu es le seul qui comprend que j’en ai pas et qui le dit pas à la prof.
Nilem baissa la tête. C’était vrai. Ça l'embêtait mais c’était vrai, il se devait de partager son repas. C’était pour lui dire qu’il le comprenait dans un sens.
- D’ailleurs, j’ai pas à bouffer pour ce midi, ça va si je prends ton repas ?
Nilem n’osa pas le défier. En guise de soumission, il hocha simplement la tête. Fier, Hugo le gratifia :
- C’est bien.
Nilem murmura :
- Oui, c’est bien.
Ce fût la reprise. Pour ce qui était de l’art plastique, il ne se passa pas grand chose de particulier. Même s' il aimait ça, il n'était pas très doué. Il aimait ça pour l’ambiance calme qui régnait dans la classe. Comme prévu, il donna son repas entre midi et deux à Hugo. L’école ne prévoyait pas une cantine, la mairie n’ayant pas les moyens d’en fournir une. L’après-midi, rythmée par le cours long et ennuyant d’histoire géo se termina sans encombres. Il se leva de son bureau, ramassa ses affaires, les rangea, la maîtresse lui souhaita un joyeux week-end puis il sortit de la classe. Au portail, Hugo arriva par derrière et décocha une gifle particulièrement violente derrière la tête d’Ilem.
- Bon week-end le matheux !
Il rigola puis partit à vive allure le long de la route, rejoignant sa mère sûrement garée un peu plus loin. Nilem se frotta à l'arrière du crâne. Le froid ambiant avait rendu la claque plus douloureuse que prévu. Mais il ne s'en préoccupait pas, Nilem avait faim. Son ventre se tordait. Il n'aimait pas cette sensation mais s’était habitué. C’était pour Hugo, il n'avait jamais à manger. Il reprit le chemin de la maison. Comme c’était vendredi, il avait le luxe ce soir de ne pas faire ses devoirs. Il traîna alors un peu plus le pas. Une fois chez lui, après avoir ouvert le tiroir, pioché une tranche de pain et l’avoir mangée, il se retrouva dans sa chambre. Dos à la porte, il contemplait ces murs. Il y avait des affiches ça et là, des dessins animés qu’il avait pour habitude de regarder avant que sa mère ne vende la télé. Cette télé lui manquait. Il avait depuis répercuté ses dessins animés préférés dans sa tête, jouant avec les jouets qui lui restaient. Mais depuis peu il y avait perdu goût. Fin depuis peu, oui et non, ça fait quand même déjà plusieurs mois, il avait petit à petit cessé durant l’été. C’est étonnant comment le temps peut passer vite alors qu’on ne fait rien. Comme une sorte de léthargie. Ce qui est bien avec les jours qui se ressemblent, c’est qu’on les confonds : le temps semble perdre sa relativité. Finalement, hier c’était comme avant hier donc le mois dernier c’est comme ce mois-ci. Tout semble plus proche. Nilem à vécu ça cet été, il le vivra écourté ce week-end. Il avait donc du temps, si on peut appeler ça ainsi. Il longea et se retrouva figé devant une affiche de Boowal-man. C’était une affiche que son père lui avait ramenée de voyage. Nilem n’avait strictement aucune idée de ce que cela voulait dire ni d’où elle pouvait venir. Il était représenté droit, un sourire de vainqueur aux lèvres, c’était le cliché du super-héros. Il effleura des doigts l’affiche, pensif. Son père… Il fit soudain volte-face et alla se réfugier sous sa couette. Il frissonna. C’était bizarre, à chaque fois qu’il rentrait dans son lit, même s' il faisait chaud, cela le faisait frissonner. Il se figea alors, regardant son plafond, son tableau s’ouvrir sous ses yeux. Les fissures semblaient l’aspirer. Il pouvait voir à travers elles toutes sortes de choses, toutes sortes d’histoires. Il plongea dans l’une d’entre elles. Il planait. Comme un aigle, rasant le sol. Il semblait se trouver sur des terres arides, du sable et de la terre séchée à perte de vue. Il fît attention à ce qu’il s’y trouvait. Il vît des cadavres. Une guerre avait dû se produire à cet endroit. Pleins de soldats vêtus de tuniques traditionnelles se trouvaient, ça et là, étendus, certains avaient encore des pics, des sabres, plantés dans leur corps. L’aigle continua de voler au-dessus de ce massacre. Nilem vît à travers lui une femme, agenouillée proche d’une victime, lui pensant ses blessures, entourée d’autres femmes, comme si elles la subordonaient. L’aigle allait trop vite, Nilem ne pût détailler la scène. Plus il avançait, plus il y avait de personnes valide et vivante. Il leva les yeux, aussi haut que la vision de l’aigle pouvait. Nilem en resta bouche bée, une cité se dressait là. Couleur ocre, ses hauts murs sculptés, donnaient l’impression que ce qui se cachait derrière était grand, splendide, très riche. Avant qu’il ne puisse en voir plus, la fissure de son plafond le repoussa. Il était de nouveau là, dans son lit, sous sa couette. Il souriait. Si il n’avait pas rêvé cette nuit, c’était pour avoir la chance de rêver maintenant. C’était la première fois que ça lui arrivait avec cette précision, comme si il était dans son rêve. La porte d’entrée claqua. Déjà ?! Nilem se leva d’un bond, qu’elle heure était-il ? Il n’en savait rien. Une fois arrivé dans la cuisine, hébété, il vît bel et bien sa mère. D’un coup d'œil à la pendule, il vérifia. Si. Il était déjà 19h30. En se déchaussant, sa mère lui balança :
- T’as quoi ?
- Rien, rien.
- C’est bien. T’as cuisiné ?
- Non. J’ai pas eu le temps.
Dans un ricanement, sa mère lui rétorqua :
- Bien sûr, c’est vrai que t’as pas q’ça à faire et que t’es très occupé.
Nilem baissa la tête :
- Pardon.
- Pas grave.
Nilem leva la tête, sa mère avait caressé ses cheveux en passant. Il souria. Malgré l’odeur de la cigarette, ce geste réchauffa son corps. Elle mit alors de l’eau à bouillir et sortit de son vieux blouson de la sauce tomate. Elle lui dit alors, le sourire aux lèvres :
- Tadaaa.
Nilem lui rendit son sourire et tourna les talons pour rejoindre sa chambre. Sa mère sortit de sa poche une cigarette et la porta à ses lèvres.
- J’t'appellerais pour v’nir manger.
Nilem, avant de fermer la porte, la remercia.
Il en profita pour ranger son sac dans un coin de la pièce avant de s’asseoir dans son lit et attendre le repas. Il sé déroula de la même manière qu’hier. Une cigarette pour l’entrée et une pour le dessert et aucun son sortant de sa bouche hormis les expirations de fumée. Nilem fît la vaisselle puis s’en alla dans sa chambre. Sous sa couette, habillé, il attendait. Sa mère commença alors son petit numéro. Le bruit d’un bouchon se fît entendre puis celui de ses pleurs. L’odeur de la cigarette arrivait jusqu’aux narines de Nilem. C’était de plus en plus, de pire en pire. Il souhaitait changer les choses mais n’osait pas bouger de son lit. Il repensa à sa mère avant. Les larmes lui montèrent aux yeux. Sa lèvre inférieure tremblait. Il se prît la tête dans les mains et se laissa aller. Sans faire de bruit. Le moins possible. Une fois la vague passée, Nilem se leva. L’air déterminé, il voulait en finir. Confronter sa mère, lui dire que ça lui faisait mal. Qu’elle se faisait mal. Il n’en eût pas eu le temps. Une fois la poignée baissée et la porte ouverte. Il se retrouva face à sa mère. Défigurée par l’alcool et la cigarette, elle affichait une moue rageuse. Ses traits tirés, fatigués par ses journées, par ses émotions, par ses pleurs. Ses cheveux partaient dans tous les sens, sa bouche faisait une grimace horrible, en un instant, Nilem comprît qu’il n’aurait pas dû. Avant même qu’il put faire quoi qu’il soit, elle se leva d’un bond et retint la porte.
- QUE FAIS TU LA ? TU NE VOIS PAS QUE TA MÈRE A D’AUTRES SOUCIS ? TU NE VOIS PAS QUE TU ME DÉRANGE ?
Nilem voulut parler. Voulut. Il reçut une gifle, le faisant basculer dans sa chambre. Sa mère le suivit, elle referma la porte derrière elle. Elle continuait, inarrêtable :
- C’EST DE TA FAUTE, DE TA FAUTE ! MANQUAIT PLUS QUE TU FASSES CHIER QUAND JE SUIS SEULE ET TRANQUILLE. TU ME FAIS CHIER TU M’ENTENDS ? TU ME FAIS CHIER !
Nilem sentit le second coup arriver , essaya de l’éviter en mettant ses bras devant son visage. Il ne s’attendait pas à un coup de pied. Le souffle à demi coupé, il tomba à terre. Sa mère, soudainement, se calma. Elle avait senti qu’elle était allée trop loin. Avant de repartir, elle lui cracha :
- J’veux plus te voir.
La porte claqua. Nilem, fébrile, se releva, sécha ses larmes et se mit en pyjama avant de se glisser au fond de son lit, le plus profond possible.
Cette nuit, il rêva.
je vous souhaite bon courage pour la suite !
La même hâte qu'à ma dernière lecture, à savoir la suite !
Pauvre Nilem………………………….
(150 caractères c’est beaucoup) hahahahahahahhahahahahahahahahshshshahahahahahahahahahhaha