Une ombre tapissait les murs le temps d’une seconde à peine, faisant vaciller les flammes des torches qui illuminaient le long corridor. Il n’y avait pas de gardes ce soir-là et l’inconnu en profitait bien. Il se déplaçait dans un silence quasiment total, laissant tous les hôtes de la bâtisse dans un sommeil profond. D’un geste précis et silencieux, il ouvrit une porte et se glissa au bord d’un lit. Un homme y dormait profondément. Une fin de bougie éclairait la scène, vacillante, prête à s’éteindre. L’homme était allongé sur le dos, les mains jointes sur son ventre, l’air tranquille. Sa respiration profonde coupait le silence qui régnait dans la pièce. Il avait la position des morts. L’intru sortit soudainement une lame aiguisée à la perfection, elle reflétait parfaitement le halo de la flamme qui dansait. D’un geste parfait, l’inconnu sectionna profondément la gorge de l’homme endormi, qui eut comme dernier souffle de vie, un léger soubresaut, le laissant dans sa position initiale, la position des morts. A cet instant précis, la légère bougie s’éteignit, laissant place au calme plat et à la fraîcheur de la pièce. L’assassin avait disparu.
…
Il se réveilla. La chaleur tapait l’arrière de son crâne. Il se massa les tempes le temps de reprendre ses esprits. Il était chez lui. C’était son jour de pause et avait demandé à sa femme de ne pas le réveiller. En se frottant la tête, il se mit debout et marcha jusqu’à la cuisine. Sa femme l’attendait, attellée à table. Elle semblait couper des légumes afin de faire une soupe.
- Bonjour, femme.
- Bonjour, tu as bien dormi ?
- Oui.
En poussant un soupir, il s'assit en face d’elle, plongea son regard dans celui, bleu, de sa bien aimée. Il lui parla alors.
- Les temps se gâtent.
Sa femme, relevant la tête en levant les sourcils lui demanda :
- Ah oui ? Shaka avait la même impression hier, il m’a fait part de ses inquiétudes.
- J’imagine bien, Shaka fait partie de la garde royale lui aussi. Il doit sentir la tension qui règne.
- Tu l’expliques comment ?
- J’en sais trop rien, ça fait des années qu’on voit une hausse du pouvoir religieux, à croire que…
Il parla d’une voix basse.
- A croire que le Roi à oublié petit à petit nos efforts ces dernières années, comme il cherchait à revenir en arrière, comme si…
Il baissa encore plus la voix.
- Comme si la vieillesse lui avait fait perdre la mémoire…
Sa femme se retourna, regarda par le couloir, comme si elle vérifiait que personne n’avait entendu son mari. Elle rétorqua.
- Tu devrais faire attention.
- Oui tu as raison.
Sur ces paroles, il se leva.
- Je dînerai plus tard, je n’ai pas faim. Je dois faire un tour dehors faire réviser mon armure.
Sa femme hocha la tête. Il quitta les lieux, traversa le couloir et se retrouva dans la cour centrale. Il se trouvait dans la caserne royale, lieu de dortoir fourni gratuitement par la royauté en échange de jurer allégeance au royaume. Nombre d’entre eux vivaient donc ici, accompagné parfois de leur femme et enfants. La caserne se trouvait à une heure à pied du centre et donc du Palais du Roi. Ce qui était, à l'échelle de la cité, relativement proche. En effet, il se trouvait à Fort-Dragor, la plus grande cité-nation du monde. Elle comptait près d’un million d’habitants. Tant grande que la cité était elle-même découpée en bourgs nommés Dragorites et étaient gérées par des Tsev. Elle en comptait 10. La cité s’étendait sur des kilomètres et des kilomètres. Elle devait sa taille au fleuve Dvou et au désert qui s’étendait au loin de chaque côté. La mer les ouvrait au monde et les terres les fermait. Ce qui en faisait une cité imprenable car, sur l’eau, Fort-Dragor était injouable. Une armée navale de plusieurs centaines et centaines de bateaux, elle avait prouvé au monde sa supériorité pendant des décennies avant de se calmer et prospérer tranquillement. On la dit aujourd’hui plus faible qu’avant mais personne dans le monde n’ose se frotter à elle. Il sortit de ses pensées, le brouhaha ambiant de la rue l’avait reconnecté à la réalité. Il souria. Cette cité, c’était lui qui la défendait, même si, durant sa carrière, il a dû user de son fer qu’une seule fois, il en restait quand même fier. En passant, il salua le poissonnier, rendit son sourire et continua sa route. Le cordonnier,un peu plus loin, le salua :
- Tu as bonne mine aujourd’hui ! Toujours avec ton bandeau au bras à ce que je vois, j’espère que ta femme va bien.
- Toujours là, encore merci pour sa solidité et sa…
Il regarda son bras. Ce bandeau lui avait été offert par sa femme il y a de ça des mois, peut-être une année déjà. Il l’aimait beaucoup.
- Et sa beauté.
Acheva t-il.
- Au plaisir mon frère.
Il le salua d’un clin d'œil et poursuivit son chemin. Même s' il revenait rarement dans le coin dû à son travail prenant, ça lui faisait toujours chaud au cœur de recroiser ces têtes, ces sourires. Chaque quartier de la cité avait son ambiance, son histoire propre. C’était ça la beauté et la force de Fort-Drogor. Il vivait dans le Premier Tsev. Il était collé au quartier du Palais, tout comme le troisième, le quatrième, le sixième et le septième. Le reste était organisé autour. Malgré le pouvoir du Roi, chaque Tsev à son dirigeant et peut dicter ses propres règles auxquelles le Roi peut avoir accès et avoir un contrôle dessus mais, historiquement et surtout, pour éviter les révoltes où les conflits, cela arrivait rarement et le Roi laissait relativement tranquille les Tsev. Sans faire exprès, avant d’arriver chez le forgeron, il bouscula de l’épaule un piéton. Il fallait dire que l’homme de la garde royale était épais, avait de larges épaules et mesurait près d’un mètre quatre-vingts cinq ce qui lui permettait de surplomber d’une demi-tête la majorité de la population. Parfois, il oubliait lui-même ses dimensions, se cognant souvent aux meubles, ouvertures de portes ou gens. Cela lui arrivait donc souvent. En levant la main, il s’excusa platement au vieil homme avant de voir son pendentif. Un cercle de fer avec au centre une forme géométrique complexe, signe de fidèle de cette religion qui, pour lui, gangrenait petit à petit la ville. Dans un soupir, il lui tourna le dos, s’excusa encore d’un geste de la main et arriva chez Froyden, l’armurier le plus côté du premier Tsev et chez qui la garde royale avait misé sa confiance et collaboré, permettant des réductions pour les différentes gardes de la cité. Une fois devant sa boutique, il attendit calmement que Froyden finisse de tapper une barre rougie par les flammes avant de l’interrompre.
- Bonjour Froyden, je suis Bodes de la garde royale.
Le forgeron leva les yeux.
- Oui, ta tête me dit quelque chose.
En relevant la barre pour la plonger dans un seau d’eau,
- Que puis-je faire pour vous ?
- Je suis venu faire réviser mon armure. Cela fait déjà 5 ans que je l’ai et notre capitaine nous a ordonné de la faire voir, pour être sûr que nos divers entraînements n’aient pas réduit son efficacité.
- Bien, bien. Laissez moi là, je m’en occuperai d’ici demain.
- Je dois être de retour demain à la garde royale.
Froyden leva la tête et tendit le bras afin de récupérer le plastron de la garde royale.
- Je vais regarder ça de suite, si cela vous convient.
Bodes retire alors sa protection et l’a tendit. D’une main ferme, le batteur de fer la récupéra et commença à l’analyser à l’aide d’une loupe. Au bout de quelques minutes à peine, Froyden lui annonca que tout était en bon état. Que ça et là il y avait des marques d’entailles mais rien de bien méchant qui pouvait compromettre la robustesse de l’armure.
- Si vous êtes tatillon, vous pouvez refaire la ceinture qui lie les deux plastrons, et encore, c’est vraiment si vous y tenez.
- D’accord, merci beaucoup, combien je te dois ?
- Rien.
- Merci bien Froyden, passe une bonne journée.
L’armurier ne manqua pas de retourner la politesse et se remit au travail. Bodes s’en doutait, leur maître était trop prévoyant et c’était quasiment sûr que 5 ans d’ancienneté n’était pas suffisant pour mettre à mal une armure de la garde royale, encore plus sans avoir vécu de bataille, mais les ordres sont les ordres et il n’en violait aucun. Son estomac commença à se faire entendre et il prit le chemin du retour. Il n’avait pas mangé depuis le soupé d’hier et comptait bien se remplir le ventre avec ce que lui avait préparé sans doute sa femme pendant son abscence. Il rentrait rarement la voir et avait exécuté l’ordre le plus rapidement possible afin de pouvoir profiter de sa présence plus longtemps. Et ce n’était pas avec les rations qu’on lui servait à la garde qu’il avait de quoi faire extasier ses papilles. De penser à un bon repas fumant lui suffisait pour accélérer le pas. Le soleil était au zénith et tapait fort. Les rues étroites dans lesquelles circulait Bodes n’étaient pas aussi aérées et spacieuses que celles du quartier royal. Bien qu’habitué à porter son armure à tous temps, c’était cette fois-ci une autre paire de manches, la densité humaine, le bruit, et cette masse mouvante empirait la chose. Dans le premier Tsev, ils n'avaient pas la chance du 8ème d’être collé au Dvou et sa fraîcheur. Il pensa alors au neuvième, le plus proche du Désert qui, quant à lui, devait régner une chaleur terrible. Il s’épongea le front et décida de s’arrêter rapidement chez Durnoret, le cordonnier, afin de lui quémander un peu d’eau. Il rentra alors dans sa boutique et fît sa requête. Il en profita pour laisser Durnoret revoir rapidement la bande de cuir de l’armure. L’eau lui fit du bien. Après une durée presque aussi courte que l’armurier, il lui remit son armure en lui informant que tout était parfait, rien n’avait bougé. Avant de partir, Durnoret lui mit la main sur l’épaule et lui glissa à l’oreille :
- Bon courage pour ces prochains jours.
D’un air méfiant, Bodes rétorqua :
- Qu’est ce que cela veut dire ?
Dans l’étonnement, le cordonnier laissa échapper une apostrophe en reculant. Rapidement, il se rattrapa et revint à l’oreille de Bodes :
- Le conseiller du second Tsev à été retrouvé assassiné chez lui.
Je suis surprise de la tournure que prends l'histoire. Je m'attendais à ce qu'on parte dans l'esprit de Nilem et qu'on découvre ses rêveries pleines d'aventure, mais pas de cette manière. Pour commencer, le début du chapitre peut-être un rêve, mais le rêve de qui ? Nilem ou Bodes ? Je ne sais plus.
Bodes est trop ancré pour être un rêve, il a sa propre histoire, son propre passé. Je suppose qu'on vera le lien entre lui et Nilem plus tard.
Ce nouveau cadre médiéval et guerrier m'entraine moins que le précédent, en tout cas, pas tant que je ne vois pas le rapport.
J'ai noté : "dînerai" plus tard. Au réveil ? Petit déjeuner ? Ou manger tout simplement.
J'ai beaucoup aimé les premiers chapitres sur Nilem et l'intrigue que tu posais, on s'identifiait facilement au personnage et ses émotions étaient bien décrites, malgré une plume parfois un peu maladroite, par endroits.
Par contre, je n'ai pas vraiment saisi ce chapitre, pourquoi tu nous parlais d'un garde et d'un royaume, alors que l'univers de Nilem me semblait plus moderne. Mais peut-être que j'ai loupé une info. En tout cas, je comprendrai probablement au prochain chapitre.
à bientôt ~
Bonjour !
Tout d'abord, merci pour ce commentaire :)
Exactement, tout sera expliqué petit à petit dans l'histoire, je suis content que cela suscite des interrogations,
A bientôt !