L'Écho d’un cri
Mortifiée par sa découverte, l’institutrice , au sol, se projeta en arrière à l’aide de ses jambes tentant dans un premier réflexe de décamper de cette horrible scène en s'écartant à la force de ses jambes, il fallait qu'elle s'éloigne de cette vision cauchemardesque. Cependant, sa témérité la rattrapa plus vite qu'un cognard. Il fallait reprendre un semblant de sang-froid.
Marion se redressa lentement, tenta au mieux de ne pas fixer son regard sur ce qui se balottait dans sa vision périphérique, elle reprit en main sa caméra, qu'elle éteignit sur-le-champ, elle n'était pas du genre à céder à la curiosité malsaine.
Il était nécessaire de calmer absolument les battements désordonnés de son coeur, les palpitations d'enthousiasme était remplacée par une peur inégalable, celle d'être l'une des suspectes s'il s'avérait que ce qu'il s'était passait ici, n'était pas un simple suicide d'une personne trop meurtrie pour résitait encore aux épreuves de la vie, mais une mise en scène macabre pour cacher l'inavouable. Surement, devait-elle trop lire de romans policiers pour penser comme cela dans un moment pareil.
Mais autour de son être, c'était tout à fait une scène de crime, bien qu'il puisse s'agir d'un suicide, elle n'oubliait pas, que dans une enquête policière, le lieu d'un accident, d'une collision ou d'un assissanat, se nommait toujours " scène de crime " et qu'il valait mieux ne toucher à rien qu'il puisse être susceptible d'être un quelconque indice. Tout pouvait en être un surtout dans ce bric-à-brac jongeant le sol, il était préférable d’éviter de toucher à quelque chose pour ne laisser aucune trace ou détériorer l'une des preuves laissées par un potentiel tueur. Ne ce fut-ce qu’il en ait un.
Dans ce but, la rousse resta immobile, elle tourna juste le dos à ce corps sans vie, dégaina son téléphone afin de composer le numéro des forces de l'ordre.
Elle savait que chaque geste pouvait effacer une empreinte ou une pièce d'un puzzle qu'elle ne s'imaginait pas être en mesure de résoudre.
Tremblante non pas cette fois d'adrénaline mais d'horreur, sa conversation fut brève. Un corps pendu au plongeoire de la vieille piscine municipale, attendait de livrer ses sombres secrets aux personnes chargées des investigations.
Les gyrophares se reflétèrent alors sur le gel déposé sur les arbres aux alentours et sur la bâtisse. Ne sachant comment, un journaliste avait eu vent de l'appel et était lui aussi sur place, tentant de récolter des informations à chaques policiers et enquêteurs. C'était un scoop qu'il ne fallait pas manquer car dans ce village, rien ne se passait de palpitant depuis l'installation de l'usine nucléaire qui avait poussé la plupart des habitants à migrer vers la capitale. Alors le flash de son appareil photo était inépuisable, tentant à grande peine de couvrir l'événement qui pourrait redonner une âme à Doel, à défaut d’en avoir emporté une quelques heures plus tôt.
L'installation encerclée fut rapidement scellée par des rubans jaunes fluos, typiques de ces situations. Deux policiers se découpèrent rapidement de la masse bleue que formaient leurs collègues. Et le brouhaha prit la place du silence qui sommeillait dans la clairière. Tous deux quarantenaires, ils ouvrirent efficacement les portes décrépies de la piscine, afin de faciliter l'accès à la scène. Les policiers retrouvèrent bien vite Marion, prostrée au sol, tentant de toutes ses forces de ne pas regarder derrière elle.
Quand la jeune femme vit la police fédérale arrivée, le soulagement la prit. Enfin, elle allait sortir de cette atmosphère morbide, où dans le calme olympien du bâtiment, résonnait le grincement de la corde qui continuait de se balancer, faisant craquer le plongeoir. L'institutrice avait eu peur de devoir entendre le cadavre s'écraser sur le sol après avoir glissé de la planche de plus en plus, mais heureusement dans ce malheur, la corde tint bon, et le corps resta bien à sa place.
L'un des policiers s'approcha silencieusement d'elle par l'arrière, l'air impassible, il y avait dans ses yeux une once de suspcion à l'égard de la jeune femme.
" - Madame ? L'apostropha t'il. Marion sursauta violemment bien qu'elle se savait encerclée par une multitude d'uniformes.
- Oui ? Répondit-elle tremblante.
- Vous allez devoir répondre à quelques questions, histoire de savoir comment vous vous êtes retrouvée ici, pour l'instant, vous êtes le seul témoin. Est ce que vous tenez le coup ?
- Je crois, bégaya la rousse, enfin, je n'aurais jamais pensé tomber sur un cadavre ici ou dans l'une de mes explorations. Expliqua t'elle, tout à la fois gếnée et apeurée des répercussions qu'elle pourrait avoir. "
Marion se savait en tort dans cette histoire, bien qu'elle n'avait rien à voir avec le défunt, l'urbex était illégal à bien des égards et punissable s’il s'avérait qu'elle avait détérioré l'installation. Alors d'abord rassurée par leur arrivée, l'anxiété la prit, l’urbexeuse s'imagina expliqué aux enquêteurs que par recherche de sensations, de frissons et d'adrénaline, elle s'était lancée il y a quelques années de ça dans l'exploration urbaine. Elle voyait déjà les ennuis arrivés comme un ras de marrée.
Soudain, une autre pensée illumina son esprit, Philippe était de garde aujourd'hui, et si les enquêteurs appellaient un médecin légiste sous l'ordre du procureur chargé de l'affaire, elle en aurait pour son grade. Car Philippe qui devra prendre en charge le cadavre. Comme d'habitude, la téméraire avait décidé d'en faire qu'à sa tête, Marion avait occulté le conseil pourtant avisé de son compagnon, pour la première fois, elle était partie seule, payant désormais le prix d'avoir été trop têtue.
L'institutrice était partagée entre l’envie de tout expliquer, d’avouer que sa passion pour l’urbex n’avait rien de criminel, et la crainte que ses paroles puissent se retourner contre elle. Elle ouvrit la bouche, mais la referma aussitôt, laissant l’angoisse se resserrer autour d’elle.
Le froid s'empara de son corps qui se mit à grelotter, sa respiration devint erratique, une boule se forma dans sa gorge l'empêchant presque de respirer, une crise de panique n'était pas loin, c'est alors que le policier replaça sa main sur son épaule. Marion releva le regard pour le planter dans le sien.
" - Je sais que ce que vous venez de vivre peut être extrêmement déroutant et même traumatisant, si vous voulez qu'on appelle une personne pour vous soutenir en sortant d'ici, cela ne me posera aucun problème. Mettez vous en tête que vous êtes seulement considéré comme témoin dans cette affaire, à première vue, on est sur une personne qui s'est ôtée la vie. Alors restez le plus calme possible pendant l'interrogatoire et tout se passera bien. Le policier cherchait à la mettre en confiance et cela marcha. La voix étouffait, Marion répondit.
- Je vous remercie, mais mon compagnon ne peut être présent et je ne sais pas si ma mère ou une amie pourrait venir me rechercher. Je- , elle toussa si bien qu’en essayant d’abréger ce moment le plus vite possible, elle avait parlé tellement vite que sa salive s’en était retrouvée coincée, Ne vous en faites pas, je me tiens à votre disposition pour toutes questions que vous pourriez me poser. J'ai même la carte mémoire de ma caméra si vous voulez...
- Alors on va procéder au premier interrogatoire, il serait nécessaire en effet que vous puissiez nous fournir la vidéo que vous avez fait ici, tout au moins pour étayer vos dires. Je constate de part votre équipement que ce n'est pas la première fois que l'exploration urbaine vous conduit dans des endroits comme celui- ci.
Cela dit, je me passerais de vous rappeler que ce genre de loisir serait à éviter à l'avenir Madame. “
Le policier connaissait bien Marion, une amie de Marius, son collègue qui se tenait plus loin, avec l’équipe d’identification criminelle venue constater le décès et confirmer si l’adolescent à première vue ,encore suspendu, s’était bien ôter la vie lui-même. Bien que le doute fut minime d’après les premières constatations, une erreur de jugement pouvait toujours faire basculer les cartes de l'enquête.
Penaude, Marion acquiesça, elle se savait dans une impasse. Il valait mieux faire profil bas. Décidément, elle regrettait amèrement de ne pas être restée dans son fauteuil, devant la cheminée à regarder Poxy jouer.
L'enquêteur l'amena en dehors du bassin, à l'arrière d'une des voitures de police pour l’interroger, ainsi, les souvenirs étaient encore frais dans la tête de la jeune femme, bien qu’elle va devoir rester à leur disposition si ils ressentaient le besoin de l’entendre plus tard, son esprit ayant eu le temps de prendre du recul.
Enroulée dans une couverture de survie, Marion s'apprêtait à répondre du mieux qu’elle le pouvait, quand elle vit au loin la voiture de fonction de son époux avancer lentement sur le chemin de terre. Philippe s'arrêta à quelques mètres d'elle, sortit du véhicule et promena son regard sur ce qui était en train de se dérouler sous ses yeux. Soudain, ses iris trouvèrent celle de Marion. Elle se savait dans une mauvaise posture quand ses sourcils se froncèrent.
Cette fois, elle savait que l'ouragan Philippe serait l'un des plus extraordinaires qu'elle aurait à affronter.