Martinelle marchait sur les herbes folles en longues foulées, aussi vite que le permettait sa robe‑manteau. Plusieurs officiers verlandais durent s’écarter tandis qu’elle filait entre bêtes, carrioles et feux de camps. Ses deux mousquetaires la suivaient d’un pas à peine plus martial. S’ils ne l’avaient pas retrouvée à temps dans le convoi, les choses auraient pu dégénérer. Néanmoins ils attendaient de la mettre à l’abri avec les autres Orgéliens avant de la sermonner sur ces questions de sécurité, car ils ne souhaitaient pas rabrouer leur princesse en public.
Shen, sans égard pour le bleu saignant sur son propre front, courait pour les rattraper.
« Mademoiselle, s’inquiétait‑il. Où partez‑vous ?
— J’informe mes compatriotes de cet incident, lâcha Martinelle sans un regard en arrière pour lui.
— Je suis profondément désolé… »
Surprise, elle changea brusquement d’avis et revint sur ses pas. Shen tenait en laisse le felnon que lui avait offert l’impératrice. L’animal, frustré, agitait ses pattes en l’air faute de pouvoir sauter au cou de sa maîtresse. On eût juré qu’il avait grossi d’un ou deux kilos en une journée. Martinelle supposait qu’Hori lui avait rapporté cette bête pour la soirée, puis s’était rendu compte que Nakht discutait avec elle dans la carriole. Heureusement le felnon n’était pas parti loin durant la rixe, et Shen avait eu la présence d’esprit de la rattraper.
Martinelle interrogea son promis d’un œil suspicieux :
« Merci… Mais pourquoi seriez‑vous désolé ? Ce n’est pas vous qui avez défoncé la porte de ma roulotte pour la saccager…
— Certes non, cependant… J’aurais dû vous avertir de la haine que se vouent Nakht et Hori, pour que vous évitiez de vous retrouver coincée entre deux feux. Je pensais que ces tensions liées à leur rivalité retomberaient, avec le temps… mais toutes ces histoires de mariage ne semblent que les avoir ravivées.
— Vous voulez dire qu’ils se sont déjà battus par le passé ?
— Ces deux‑là se sont détestés au premier regard. Même lorsqu’ils étaient adolescents, il fallait constamment calmer leurs querelles. Parce que l'un était un professeur autoritaire et acerbe, et que l'autre dédaignait les consignes d'un noble de statut inférieur. Nakht criait d'ailleurs à tout vent qu'Hori n'était à Chrysée que pour manigancer un double‑mariage politique par l’entremise d’un de nous deux, et rejoindre ainsi le clan impérial.
— Rétrospectivement, on lui donnerait raison…
— Et alors ? Hori obéissait aux injonctions de sa famille, s'emporta soudain Shen. Tout comme vous. Notre maisonnée était une case dans l'échiquier du pouvoir. Le clan de la Hache n'y plaçait pas un des siens par bonté de cœur. »
Martinelle se triturait les ongles, car Shen venait de la traiter d'hypocrite à demi‑mot. Il se râcla la gorge, conscient d'avoir défendu Hori un peu trop vivement. Peut‑être était‑il tombé sous la coupe de son précepteur à un âge impressionnable. Le combat précédent avait donné au clanarque l’opportunité de prouver ses compétences de guerrier, et on pouvait lui concéder une certaine prestance. Toutefois l’admiration de Shen pour cet huluberlu trouvait son origine dans une aveugle et irrationnelle affection. Il persistait à croire qu’Hori n’était animé d’aucune ambition personnelle.
« Ne vous préoccupez point de ces vieilles histoires, l’implora‑t‑il. Je parlerai à chacun d’eux pour qu’ils se tiennent correctement. Une fois que nous serons installés en Orgélie, ces deux‑là n’auront guère l’occasion de se côtoyer… »
Martinelle serra les dents. Elle avait promis à Hori de l’épouser pour gagner du temps. Cependant elle avait d’autres projets en tête.
« Il est injuste que vous vous chargiez d’une telle tâche, plaignit‑elle son véritable fiancé d’un ton compatissant. C’est vous qui souffrez le plus de leur hargne. Et par pitié, trouvez au plus vite un médecin ! Vous saignez, messire. »
Elle et ses gens continuèrent leur chemin jusqu’aux bâtiments mobiles de leur délégation. Son felnon, toujours aussi joueur, traînait sa truffe un peu partout et frottait régulièrement son pelage contre les courtes bottes en cuir molletonné de Martinelle. Elle avait congédié Shen un peu sèchement. Néanmoins elle devait présenter au monde un visage inflexible. Il ne fallait pas réitérer l’humiliation de l’ortolan.
Elle trouva l’ambassadeur dans un grand pavillon à l’orgélienne, du genre qu’on utilisait pour abriter les écuyers lors des joutes. À ses côtés se tenait le secrétaire personnel des princesses, auquel il dictait quelques notes. Elle ordonna au clerc :
« S’il‑vous‑plaît, courrez me chercher la princesse de Mandar… Dites‑lui que c’est urgent, monsieur. »
L’avoué s’inclina et déguerpit. Durillon, qui ramassait du papier sur son bureau pliable, se leva pour faire révérence tout en s'éloignant prudemment de l’énorme chaton, ou plus exactement du petit felne.
« Bonsoir, mademoiselle. Comment puis‑je aider Son Altesse ?
— Vous vous apprêtiez à envoyer votre compte‑rendu hebdomadaire au roi ?
— Oui‑da… Je l’aurais fait plus tôt, mais le départ de la horde pour la Baragée m’a retardé, sans parler de l’incident survenu dans la yourte de l’impératrice. Il me fallait réfléchir à la façon de présenter cette fâcheuse situation, pour ne pas alarmer inutilement la famille royale.
— Et vous avez bien fait, car j’ai besoin que vous amendiez votre missive. À aucun moment ne doit‑elle mentionner l’humiliation que j’ai subie. »
L’expression de Durillon perdit toute obséquiosité. Le courtisan timoré laissait place au haut fonctionnaire intransigeant. Mieux valait tard que jamais.
« C’est un document réservé à l’état‑major, s’indigna‑t‑il. J’ai juré au roi de l'informer de la plus transparente des manières, et…
— Je ne vous demande de mentir que par omission.
— La belle affaire ! Si la régente… pardon, si monsieur votre frère l’apprend, je pourrais être exécuté pour haute trahison !
— Alors j’écrirai ma version des faits à Sa Majesté dans une lettre séparée, jura‑t‑elle en lui montrant sa bague emblasonnée du sceau royal. En lui indiquant noir sur blanc que vous m’en avez laissé le soin.
— C’est… irrégulier, admit‑il à contrecœur.
— C’est l’ordre d’une princesse d’Orgélie. »
Résigné, il sortit d’un tiroir une feuille de papier‑carbone pour commencer un nouveau brouillon. Quant au rapport d’origine, il le brûla à la bougie tout en marmottant quelques mots sur la déforestation.
« Me voilà, ahana derrière elle la douce voix de Guillonne qui s’était empressée de rejoindre sa demi‑sœur. L'abominable Hori ne vous a point blessée ? Quel soulagement ! »
L’héritière présomptive du royaume prit ses mains dans les siennes. Cette sollicitude apaisa quelque peu l’agacement résiduel de Martinelle :
« Merci d’être venue si vite… J’ai besoin de votre conseil, la rassura‑t‑elle avant de se retourner vers le nain. Monsieur, y a‑t‑il moyen pour nous trois de discuter à l’écart ? »
Durillon hocha la tête, un peu anxieux. Il conduisit les deux princesses dans son logement de fonction, une autre tente parfaitement calfeutrée et remplie de cages à oiseaux qui fascinèrent le felnon. Avec ses motifs de palmes, ses statues aux formes cubiques et ses meubles d’ébène, c’était un petit sanctuaire de culture orgélienne. Aras, mainates et perruches s'y houspillaient dans une cacophonie terrible. Quand bien même un espion aurait écouté aux portes, il n’aurait rien saisi de ce qui se disait à l’intérieur. Les jeunes filles apprécièrent de pouvoir s’allonger sur les canapés rembourrés, le gros chaton à leurs pieds, tandis que l’ambassadeur réchauffait des tasses de cacao pimenté.
Martinelle expliqua d’abord la rixe survenue dans sa carriole. Heureusement l'ambassadeur ne la rabroua pas :
« Lorsque j'ai appris que vous aviez menacé le clanarque, je m'attendais à pire.
— Elle n'a rien promis que l'État‑Major ne préparait déjà, approuva Guillonne. Après ce qu’Hori a fait à ma pauvre cousine, vous pensez bien que ses allers et retours chez nous seront surveillés.
— C’est insuffisant, regretta Martinelle. Le voyage était censé renforcer les liens entre Verlande et Orgélie… mais ce faquin s'évertue à le saboter. Ainsi devons‑nous retirer de notre chaussure ce caillou, sans quoi nous finirons par chuter. »
Guillonne et Durillon clignèrent des yeux, sans comprendre où elle voulait en venir. Rassénérée par leur soutien, Martinelle prit une grande inspiration pour révéler ses plans :
« Nous allons demander à l’impératrice de remplacer le clanarque par un autre fiancé.
— QUOI ? »
Ses interlocuteurs s’égosillaient en même temps. Effarouchés, les volatiles alentours se joignirent au vacarme. Elle ne s’était pas attendue à une telle désapprobation. Durillon déambulait à travers la pièce, sa tête dans les mains. Les mains de Guillonne esquissaient devant elle des gestes d’exaspération, tandis que sa voix vociférait :
« Êtes‑vous devenue FOLLE ?
— La Fille des Landes me décapitera si la régente Alfrude ne m’écartèle pas d’abord…
— Détestez‑vous monsieur votre frère ? Voulez‑vous plonger son royaume dans le chaos ?
— Trois années de pourparlers réduites à néant…
— Notre devoir et notre honneur ne dépendent‑ils pas de ce mariage ?
— Nous avions pourtant fait promesse… Plus personne ne prendra la parole des Orgéliens au sérieux… »
Il fallut un bon quart d’heure avant qu’ils achevassent d’exposer leurs arguments. Pourtant Martinelle les avait anticipés, et elle calma ses interlocuteurs d’un air compréhensif :
« Je me souviens m’être engagée au prince Shen devant les Quatre Dieux… Toutefois c’est le clan impérial qui m’a liée à Hori par une cérémonie civile. Et j’ai appris de source sûre qu’il n’était pas son premier choix. C’est donc l’impératrice qui a le pouvoir de faire ou défaire cette alliance. Je gage qu’il lui plairait de substituer à cet infâme margoulin n’importe quel autre clanneret, qu’il provînt oui ou non de la Hache. On a le droit de modifier les termes d’un contrat, pour peu que les deux parties y trouvent un intérêt commun. »
Guillonne ponctuait le discours de sa compagne par des va‑et‑vient de tête consternés. Durillon fouilla dans une commode et en sortit une boîte de pastilles, ainsi qu’une carafe de lotoko à cinquante degrés. Son médicament avalé, il se laissa tomber dans un fauteuil.
« Nul ne versera des larmes pour Hori dans notre camp, insistait Martinelle. La duchesse Ludova se réjouira sûrement de voir répudié l’homme qui a agressé sa fille. Madame ma mère pourrait même faire passer ces fiançailles rompues comme un geste de respect envers les Mandar ! Tout ce qui intéresse notre gouvernement, c’est qu’une sœur de notre roi épouse un prince impérial votant. Pour cette mission, Shen fait déjà l’affaire.
— Son Altesse ne Se pose pas les bonnes questions, rétorqua le légat après un très long silence. Si Elle me permet cette outrecuidance. Certes, Hori n’est pas l’homme le plus indiqué pour la tâche que l’impératrice lui a confiée… cependant celle‑ci doit avoir ses raisons ! Le clan de la Hache est riche, influent et armé jusqu’aux dents. Son clanarque a dû obtenir votre main en exerçant certaines pressions.
— Si la Fille des Landes ne sait pas tenir ses vassaux, ce n’est pas notre problème, s’irrita Martinelle. C’est à la Serpe impériale que nous entendons nous unir, pas à la Hache !
— C’est la femme la plus dangereuse du monde ! Ce qui lui fait peur devrait effrayer d’autant plus Son Altesse.
— Vous ne faites là que suppositions ! Pour ce que nous en savons, c’est elle qui craint de nous offenser en suggérant un autre fiancé. Que nous coûterait de demander son avis sur la question ?
— Beaucoup ! Car le moment est des plus mal choisis, s’impatientait Guillonne. Et puisque sa réponse s’annonce des plus ambigües, vous ne ferez qu’aggraver le climat d’incertitude dans lequel nous évoluons. Il se passe en Orgélie des choses qui ne doivent être en aucun cas perturbées, Martinelle ! Remettez en cause une ligne de ce qui a été signé, et vous sèmerez le chaos ! »
Elle fouilla frénétiquement dans les larges manches de son manteau verlandais, et en sortit une lettre descellée :
« Voyez, c’est arrivé ce matin par long courrier. »
Perplexe, Martinelle reconnut le papier à lettres de la famille Mandar. Étonnée qu’on lui laissât lire cette correspondance, elle sentit ses sourcils s’élever en découvrant ce qui y avait été rédigé :
« Ma chère nièce,
Lisert de Figuette est venu aujourd’hui me demander ta main. L’humble duchesse que je suis ne saurais imposer un époux à une femme de sang royal… Jamais je ne m'arrogerais l’autorité de ta regrettée Maman. Ainsi n’ai‑je pu donner ma bénédiction au marquis, et m’en remets‑je à ton seul bon‑vouloir pour transmettre réponse. Cependant je ne puis que t’exhorter de toute mon âme à former un ménage avec Lisert. Ce gentilhomme possède de quoi t’assurer un bel avenir, et l’affection fraternelle que lui porte Sa Majesté te mettrait à l’abri de toute menace.
J’espère que ton voyage se déroule sans anicroche, et que les Verlandais ne t’ont pas porté outrage. Qu’en est‑il de mademoiselle Quatre ?
Toujours là pour toi,
Ludova. »
La lettre lui tomba des mains. La duchesse était‑elle devenue sénile ? Parlait‑elle du même jeune homme qu’elle avait par toutes les vilénies écarté de la Cour dès le moment où sa mère avait attiré l’attention de Béatre III, ce même Lisert qu’elle avait refoulé de la soirée au Ministère des Affaires Extérieures ?
« Ce n’est pas tout, intervint Durillon qui sortait lui aussi une missive décachetée de sa veste. Voici ce que le secrétaire de Son Altesse de Figuette s’apprêtait à Lui transmettre, avant qu’Elle n’arrive ici… Un postillon vient de me l’apporter. Je pense que la princesse Guillonne mérite d’entendre son contenu. »
Celle‑là portait les armes de la Couronne, tout comme la convocation que Martinelle avait reçue au Clos‑Rusé quelques mois plus tôt. Ses yeux incrédules parcourent la lettre tandis qu’elle ânonnait :
« Très chère fille,
Sa Majesté le roi arrive en âge de se marier, et devoir lui incombe d’assurer la pérennité de notre dynastie. Ainsi s’en est‑il remis à mon conseil pour le choix de sa future épouse… Mon choix s’est porté sur la dame Ulrine de Mandar dont la maison fait déjà partie intégrante de la famille royale. L'amitié est une plante luxuriante qu'il faut l’entretenir. Pour mon soulagement, la duchesse Ludova nous a volontiers offert sa fille et apprécie cette marque d’attention à leur égard. Les Figuette savent que la loyauté d’un allié fidèle ne se récompense pas qu’une fois, mais tout au long de la vie.
Tu me manques… Je passe mes journées à imaginer ce qui peut t’arriver, loin de nous.
Avec tous mes vœux,
Ta mère qui t’aime. »
Guillonne étouffa un cri de joie. Martinelle elle‑même aurait dû sautiller. Pourtant cette dernière ne ressentit qu’une étrange déception face à ces soudaines tractations. Comment auraient‑elles pu la surprendre, puisqu'elle les avait suggérées deux ans plus tôt ?
À la suite d’un énième esclandre entre Mandar et Figuette, elle avait osé demander à la régente Alfrude si quelque compromis matrimonial avait jamais été envisagé pour clore les hostilités. Sa mère avait soupiré :
« Tu t'imagines bien que j’y ai réfléchi maintes fois auparavant, ma pauvre chérie ! Hélas, ce genre d’accords ne se passe qu’entre gens raisonnables. Je suis pragmatique mais on ne peut en dire autant d’une certaine Mandar. »
Martinelle avait tant souffert de leurs inimitiés que ces arrangements de dernière minute l’offensaient presque. Le mur entre les deux familles ennemies venait de s’écrouler trop rapidement, trop simplement.
Par contre, quoiquoiquoi ? Les disputes Mandar-Figuette disparaissent dès que Martinelle et Guillonne s'en vont ?
Explication 1- Martinelle prenant la défense d'Ulrine a incité Ludova à faire un pas vers Alfrude
Explication 2- Les deux familles ayant chacune une fille à l'étranger, elles se sont rapprochées
Explication 3- C'était Guillonne qui entretenait la discorde entre Figuette et Mendar (LOL ce serait un énorme plot twist mais j'y crois pas trop)
Mais oui, le fait que tout s'emboîte parfaitement et que tout le monde se réconcilie d'un coup est louche... À croire que quelqu'un avait besoin d'éloigner Martinelle très très loin de l'Orgélie pour que tous ces accords diplomatiques se goupillent. Tout ce que je peux dire, c'est que même si ces deux lettres donnent l'impression que tout ça s'est décidé en deux secondes... En réalité ces combines se préparent depuis beaucoup plus longtemps.
* une semaine entre le départ de Pont-l'Ost en bateau et l'incident avec l'espion quatrare (vers la moitié du périple) ;
* les marins ont perdu deux jours avec les bancs d'algues ;
* trois jours supplémentaires de traversée ;
* jour de l'arrivée à Chrysée : réception officielle avec l'impératrice sous la tente, visite à l'église avec Sinouhé ;
* deuxième jour à Chrysée : petit-déjeûner avec Hori et Nakht, incident de l'ortolan au goûter de l'impératrice ;
* jour du départ de la horde au matin : le soir, rixe entre Hori et Nakht dans la roulotte de Shen, puis Martinelle part discuter à la nuit tombée dans la tente de l'ambassadeur Durillon avec Guillonne.
7+2+3+2+1+1 = 16 jours à peine.
L'univers où évolue Martinelle est en pleine révolution industrielle (il y a des paquebots et des voies ferrées commencent à être construites un peu partout) donc les communications et les transports vont quand même un peu plus vite que dans un univers médiéval.
Mais donc le but est bien d'atteindre le domaine du clan de la Serpe et d'y rester, pas de voyager un peu partout dans le pays pendant un an ?
Les autres clans séjournent une année dans leur fief et n'en sortent pas trop ; puis, tous les ans, il y a une rotation et les clans s'échangent leur fief. C'est un système d'alternance des pouvoirs, en gros. Lorsqu'un clan est particulièrement atroce, les roturiers d'un fief ont quand même la satisfaction qu'il se cassera dans un camp et qu'un clan plus sympa prendra le relai.
On ne va pas se mentir : pour que la machine fonctionne, l'essentiel de l'administration et du travail gouvernemental est en réalité assuré par des eunuques locaux qui eux, restent sur place. Des hauts-fonctionnaires qui, malgré leur statut d'esclave, ont quand même un certain pouvoir parce que sans leur expérience du coin et leurs conseils, les clans nobles n'auraient aucune idée de comment gérer le fief où ils viennent de débarquer. Il y a des clans qui s'impliquent beaucoup en politique et essayent réellement de développer les terres dont ils ont la charge pour l'année. D'autres qui les vident de leurs richesses puis se cassent avec sitôt l'an passé ; mais c'est rare parce qu'évidemment le clan qui vient après est très mécontent de constater que le proprio précédent est parti avec les meubles... Et les représailles se règlent dans le sang. Un clan compétent évite donc de trop chambouler les lois établies par les eunuques et communique avec le clan prévu pour l'an suivant, pour vérifier que ses politiques ne poseront pas problème.