Chloé

Chapitre 3 : Chloé - 1942 **  

 

Le soleil se faufilait entre les rideaux épais du salon, projetant sur le parquet l’ombre dentelée des arabesques de velours. Chloé ajusta sa robe bleu ciel devant le miroir et passa une main dans ses boucles dorées, souriant à son reflet. Tout devait être parfait aujourd’hui : son père recevait des invités importants, et elle voulait être à la hauteur.  

 

Dans la grande maison où elle vivait avec ses parents, la guerre semblait lointaine. Bien sûr, elle voyait les uniformes allemands dans les rues, mais n’était-ce pas une preuve d’ordre et de discipline ? Son père disait que l’Allemagne offrait à la Belgique une stabilité nouvelle, que les années de chaos étaient derrière eux. Chloé l’écoutait avec admiration. Papa savait toujours tout.  

 

Elle descendit les marches d’un pas léger et trouva sa mère, élégante dans sa robe ivoire, donnant des instructions aux domestiques. Un bouquet de roses rouges trônait sur la table du salon, et un parfum de chocolat chaud flottait dans l’air.  

 

— Chloé, viens m’aider à vérifier la table, s’il te plaît, dit sa mère en ajustant un napperon de dentelle.  

 

Chloé s’exécuta avec entrain, ravie de se sentir utile. Elle aimait ces instants de préparation, où tout était organisé, où rien ne dépassait. C’était une belle journée, comme tant d’autres avant elle.  

 

Dans le couloir, elle croisa son père qui ajustait son brassard orné d’un insigne noir. Il était grand, imposant, et ses cheveux grisonnants lui donnaient un air sérieux. Lorsqu’il aperçut Chloé, son regard s’adoucit.  

 

— Tu es ravissante, ma chérie, déclara-t-il en lui déposant un baiser sur le front. Ce soir, tu feras honneur à notre famille.  

 

Elle se sentit gonflée de fierté. Son père était un homme important, respecté. S’il lui disait que tout allait bien, alors tout allait bien.  

 

L’après-midi passa dans une douce effervescence. Chloé monta dans sa chambre et s’installa près de la fenêtre, un roman sur les genoux. C’était une histoire d’amour entre une jeune femme et un officier, pleine de promesses et de bals élégants. Elle soupira en tournant les pages, imaginant une vie aussi belle que celle des héroïnes qu’elle admirait.  

 

Mais en baissant les yeux sur la rue, elle aperçut un groupe de soldats allemands arrêtant un homme. Il devait avoir une quarantaine d’années, ses vêtements étaient sales, son visage marqué par la fatigue. Il tenait la main d’un enfant, un petit garçon d’environ six ans, qui pleurait.  

 

Chloé fronça les sourcils. Pourquoi criait-il ainsi ? Son père disait toujours que ceux qui étaient arrêtés l’avaient mérité, que la ville devait être purgée des indésirables. Pourtant, le regard du petit garçon la troubla. Il n'avait pas l'air dangereux.

Elle détourna les yeux. Ce n’était pas ses affaires.  

 

 

Quand les invités arrivèrent, son père la présenta avec fierté. Parmi eux, un officier allemand, le Hauptsturmführer Weiss, lui adressa un sourire courtois. Il était jeune, bien habillé, et ses yeux bleus lui rappelèrent ceux des héros des romans qu’elle lisait. Il lui baisa la main avec une politesse exquise.  

 

— Mademoiselle, votre père nous parle souvent de vous. C’est un honneur de faire votre connaissance.  

 

Chloé rougit légèrement et jeta un regard à son père, qui lui fit un clin d’œil complice.  

 

La soirée se déroula dans une ambiance chaleureuse, ponctuée de rires et de conversations animées sur l’avenir radieux de la Belgique sous la protection du Reich. Chloé écoutait sans vraiment comprendre tous les sujets, mais elle hochait la tête aux bons moments. Elle aimait ces instants où tout semblait sous contrôle, où les adultes parlaient avec assurance d’un futur plein de promesses.  

 

Après le dîner, Weiss lui proposa une danse dans le salon. Une valse légère, presque irréelle. Chloé se laissa porter, grisée par l’instant. Elle se sentait privilégiée, protégée.  

 

Pourtant, quelque part, dans un coin de son esprit, une voix hésitante chuchotait. Où était Anna ces derniers temps ? Pourquoi Nim ne venait-elle plus lui rendre visite ?  

 

Chloé chassa ces pensées. Il n’y avait rien à craindre. Tout allait bien.  

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Mon cher Bouton d’or,

 

"La maison est pleine de lumière aujourd’hui. Père dit que nous vivons une époque exceptionnelle et que bientôt, tout ira encore mieux. J’aimerais que tu sois ici pour le voir. Nous avons reçu un invité important ce soir, et j’ai eu l’honneur d’être présentée à lui. Il était charmant, très distingué. Je suis sûre que nous serons tous heureux bientôt.

 

Je pense à toi souvent. Écris-moi vite."

 

*Chloé* 

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Reglisse000
Posté le 02/03/2025
Franchement, je ne pensais pas que Chloé serait aussi peu « au courant » de ce qui se passe, mais ce n'en est pas si mal. J'avoue avoir cru qu'elle serait un peu plus « comme Nim et Anna », mais c'est très bien comme ça !
Plume_jasmin
Posté le 02/03/2025
Je voulais créer un personnage un peu naïve. Et il faut dire que Chloé correspond parfaitement à ce rôle. Ses parents l'enferment dans un monde parfait de bisounours. Elle est également la plus jeune des 3 filles ce qui pourrait expliquer sa naïveté.
Mais bon, on verra comment elle évoluera.
A bientot !
Reglisse000
Posté le 04/03/2025
J'ai hâte ! Ça a l'air très intéressant
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