Nathalie dit timidement bonsoir et manifesta le désir de sortir du local l’aspirateur à la main.
« Avez-vous entendu notre conversation, mademoiselle ?
La femme en tailleur gris avait une quarantaine d’années et regardait avec mépris Nathalie qui était un peu plus petite qu’elle. La queue de cheval et la tenue sport que portait celle-ci ne la mettaient pas à son avantage.
-Non, je n’entendais pas ce que vous disiez.
-A la bonne heure, je n’aurais pas aimé vous couper en rondelles et vous donner à manger aux poissons, ricana-t-elle avec un air ambigu.
Nathalie se sentait de plus en plus mal à l’aise. Elle se faufila hors du local.
-Attendez, cria la femme. Depuis combien de temps travaillez-vous ici ?
-Deux mois.
-Nous n’avons pas eu l’occasion de nous présenter. Hélène Pardy, chef du service d’astrophysique.
-Nathalie Kernec, je fais quelques heures de ménage ici en intérim.
Steve fit son apparition dans le couloir, ce qui réconforta Nathalie. A défaut d’être drôle, elle le trouvait sympathique.
-Nous avons un problème Steve, dit Hélène Pardy en montrant Nathalie.
Steve eut alors une expression sur son visage que Nathalie ne lui avait jamais vue. Son regard s’obscurcit, ses traits se contractèrent.
-Procédure C-18, annonça Hélène Pardy.
Steve empoigna violemment Nathalie qui blêmit. Elle laissa tomber l’aspirateur et eut le temps de voir Hélène Pardy retourner dans la salle de conférence. Steve et Nathalie se dirigèrent vers l’ascenseur. Une fois à l’intérieur, il appuya sur le bouton indiquant le niveau -1. Ils se rendaient au parking.
« Que se passe-t-il Steve, eut-elle le courage de demander ?
-Pourquoi ? Pourquoi ?, eut-elle comme seule réponse dans un premier temps. Je t’aimais bien. Pourquoi c’est arrivé ce soir, à cette heure-ci ?, dit-il contrarié.
Tout en parlant, ils se dirigeaient vers une grande Audi noire. Il l’installa à l’arrière après l’avoir assommée.
Nathalie se réveilla avec un sérieux mal de tête. Sa vision n’était pas nette mais elle distingua petit à petit des pieds à quelques mètres d’elle. Elle était allongée sur un canapé dans une petite pièce sombre, éclairée par un spot à la lumière douce. Elle voyait de mieux en mieux et découvrit Steve au téléphone. Il laissait un message. Il dut entendre qu’elle se réveillait et se redressait car il se retourna brusquement, l’air soupçonneux mais l’état de Nathalie ne semblait pas l’affoler, il ne se précipita pas vers elle. Il raccrocha.
-Ah, tu reprends des couleurs. Désolé pour le coup sur la tête mais c’est mon job. Je suis payé pour protéger certains… intérêts.
-Où suis-je ? Qu’est-ce que tu vas faire de moi ?, demanda Nathalie, affolée.
-Moi, rien. Je n’ai reçu encore aucun ordre te concernant.
Nathalie avait la nausée. Elle était encore un peu sonnée et avait très peur.
-Je regrette vraiment ce qui t’arrive. Je pense que je t’aurais volontiers demandé de prendre un verre avec toi, tu es très jolie et sympa.
Nathalie ne répondit rien. Elle observait la pièce, essayant de réfléchir à une échappatoire possible. Steve sourit.
« N’y pense même pas ! On est enfermés de l’extérieur à clé, tous les deux dans cette pièce. On attend les ordres mais je ne pense pas que tu t’en sortes très bien.
-C’est par rapport à l’alarme ? on croit que j’ai voulu voler des données ?
-Oui c’est par rapport à l’alarme mais on sait que tu n’as pas volé de données. On sait juste que tu as entendu des choses que tu ne devais pas entendre !
-Mais je n’ai rien comrpis, qu’est-ce que je peux pouvoir bien raconter ?
-Le peu que tu as entendu peut être dangereux.
A ce moment-là, la porte s’ouvrit en grinçant horriblement, ce qui ne rassura pas Nathalie qui était au bord de la crise d’angoisse. Hélène Pardy apparut, escortée par un garde qui referma à clé la porte. Son air méprisant ne l’avait pas quittée. Elle prit la parole après avoir toussé pour s’éclaricir la voix :
« Melle Kernec, vous vous êtes mise, bien malgré vous, dans une position fort inconfortable. Le fait que vous ayez été témoin de l’alarme et de ma discussion en salle de conférence me conduit à prendre des mesures de sécurité à votre encontre. Il s’agit de protéger le secret le mieux gardé de notre monde. C’est la première fois qu’une personne extérieure interfère dans le bon déroulement de nos affaires. »
Nathalie la regardait d’un air inquiet mais curieux à la fois. Elle ne comprenait rien et voulait savoir ce qu’elle avait failli découvrir. Elle dit d’une voix à peine audible :
« Puisque je vous dis que je n’ai rien compris.
-Hélas, mademoiselle, ce n’est pas satisfaisant. Nous allons devoir vous réinitialiser.
-Me quoi ? »
Hélène Pardy éclata de rire.
-Eh oui, vous avez déjà vu cette procédure dans des films de science-fiction certainement! On vous endort, on trifouille dans votre cerveau et on supprime les souvenirs de cette soirée. Vous vous réveillerez avec de très violentes céphalées à vous arracher les yeux mais vous ne vous souviendrez pas de ces dernières heures.
Nathalie était devenue livide. Elle regardait la porte mais comprenait bien qu’elle ne pourrait rien faire.
-Est-ce que je peux savoir au moins quel est ce secret, comme de tout façon, je vais oublier ces quelques heures, à moins d’être mise hors d’état de nuire de façon plus radicale ?
Hélène Pardy regarda Steve qui dissimulait mal son inquiétude pour le sort de Nathalie. Il était très agité. Hélène Pardy reprit la parole avec son calme olympien :
« Pourquoi pas ! Je sais que vous faites des études d’astrophysique et que vous êtes plutôt brillante. Je ne vais pas aller dans les détails mais sachez que l’on vous ment sur le calendrier adopté. Le 29 février est un jour qui existe chaque année mais qu’on ne vous fait vivre qu’une fois tous les quatre ans. Appelez cela théorie du complot, machination interplanétaire, comme il vous plaira ! Un champ électromagnétique perturbe à date fixe la Terre, en raison d’un trou noir tenu secret, qui s’aligne correctement avec la Terre tous les quatre ans. Pour les autres années, le mauvais alignement avec la Terre crée une distorsion temporelle qui fait que la journée du 29 dure en temps humain 2 minutes 36 exactement. Nous sommes obligés de corriger ce dérèglement temporel sur toute la planète au moyen d’un programme informatique tenu lui aussi secret. C’est très compliqué mais je pense que vous cernez le principe. Ce soir, le champ magnétique a été très violent et a perturbé le programme. Nous sommes en train de corriger ce dernier afin que tout fonctionne correctement. »
Nathalie ne saisissait pas tout mais était très intriguée par ce phénomène. Elle avait très peur pour sa survie car si Mme Pardy lui racontait tout cela, elle sentait bien que sa fin était proche. D’ailleurs, elle s’approcha de Steve et lui murmura quelque chose à l’oreille. Steve regarda Nathalie avec une expression indéfinissable, à la fois déterminé et anxieux.
« Au revoir, mademoiselle. Vous n’aurez bientôt plus aucun souvenir de moi. J’espère que nos routes ne se recroiseront pas. », dit Hélène Pardy sans lui adresser un seul regard. Elle quitta la pièce avec le garde qui l’escortait. La porte fut à nouveau fermée à clé.
Nathalie se mit à trembler et à pleurer.
« Allez, Nat ! Je peux t’appeler Nat ? C’est bientôt fini. T’as la trouille mais ça va bien se passer. Tu sais, c’est une situation inédite pour moi aussi. », lui dit-il en lui caressant l’épaule. Nathalie le repoussa.
Le téléphone de Steve se mit à sonner. Il répondit, ne fit qu’acquiescer et raccrocha.
« Ils arrivent ».
Le cœur de Nathalie ne fit qu’un bond, elle se mit à paniquer. Elle se jeta sur la porte, essaya de l’ouvrir mais ne put rien faire. Steve l’attrapa par les bras et la maîtrisa pour qu’elle se calme. Mais elle se débattait. Steve la poussa vers le canapé. Nathalie perdit l’équilibre, sa tête heurta l’accoudoir en acier et ce fut le trou noir.
A bientôt !
Eh bien c'était bien agréable à lire. Le sujet du complot est intéressant, même si je trouve la raison un peu étrange. J'aime particulièrement l'idée de laisser au lecteur le choix du destin de Nathalie. Coup fatal or not ? Pour moi, elle est morte, et ça les met dans une mouise colossale.
Si la procédure d'effacement de mémoire est si commune, pourquoi Steve lui dit-il " ah dommage j't'aimais bien" alors qu'il la reverra potentiellement le lendemain ? Quelques petites questions comme ça.
Bonne continuation à toi !
A bientôt !
Je suis passée au deuxième chapitre en moins d'une seconde et j'attends la suite avec impatience, tu maîtrise vraiment bien le rythme et le suspens dans cette nouvelle!! :)
A bientôt !
Deux chapitres pour une nouvelle, c'est surprenant. Pourquoi ne pas avoir tout posté à la suite ?
Ce que j'aime avec les concours de nouvelles c'est que chacun y va dans son genre <3 Le complot international avec trou noir (joli la fin, du coup !) je n'y pensait pas du tout du tout. C'était fun (sauf pour Nathalie, la pauvre. Mais au final elle s'en tire bien, elle pourra même aller boire un verre avec Steve, uhu)
A bientôt !
Voilà une idée originale qui donne une explication intéressante à la question 29 février.
Dans le meilleur des cas, Nathalie ne saura jamais ce qu’on lui aura fait, dans le pire des cas, le deuxième coup à la tête, sur le canapé, aura été fatal. En fait, on peut se demander ce qui est vrai dans toute cette histoire.
La détestable Hélène Pardy pourrait très bien l’avoir mystifiée en disant qu’on va lui ouvrir le crâne pour retirer les souvenirs qu’elle ne doit pas garder. Si c’est vrai, ça demande une sacrée organisation, avec une salle d’opération, du personnel médical il y a des risques d’infections ou de complications et la personne opérée de force pourrait vouloir déposer une plainte. Finalement, cette option semble au moins aussi compliquée et dangereuse que simplement la laisser partir. J’ai vraiment cru qu’on voulait la tuer, et c’est vraisemblablement ce qu’elle a cru aussi.
Donc j’espère qu’on lui a menti, que l’intervention est moins invasive, que Nathalie s’en remettra et oubliera ce cauchemar.
Coquilles et remarques :
— Je vais dans la salle de conférence parler aux leaders [Le mot « leader(s) » a le double désavantage d’être un anglicisme et d’être très vague : un leader, c’est un peu tout ce qu’on veut. Un terme plus précis en français le remplacerait avantageusement : les dirigeants, l’équipe de direction, les chefs ?]
— Nathalie écoutait attentivement la conversation sans rien n’y comprendre [sans rien y comprendre ; il n’y a pas de « n’ »]
— et manifesta le désir de sortir du local l’aspirateur à la main [virgule après « local »]
— La queue de cheval et la tenue sport [La queue-de-cheval]
— A la bonne heure, je n’aurais pas aimé [À]
— ricana-t-elle avec un air ambigu [Bien que courant, le verbe « ricaner » dans une incise me laisse dubitative : ce n’est pas un verbe de parole ni un verbe auquel se superpose naturellement l’idée de parole.]
— A défaut d’être drôle, elle le trouvait sympathique [La syntaxe est bancale ; je propose : « À défaut d’être drôle, il lui paraissait sympathique ».]
— Nous avons un problème Steve, dit Hélène Pardy [Virgule avant « Steve ».]
— « Que se passe-t-il Steve, eut-elle le courage de demander ? [Il faudrait écrire : – Que se passe-t-il, Steve ? eut-elle le courage de demander. ]
— Pourquoi ? Pourquoi ?, eut-elle comme seule réponse dans un premier temps. Je t’aimais bien. Pourquoi c’est arrivé ce soir, à cette heure-ci ?, dit-il contrarié. [Normalement, on ne met pas de virgule après le point d’interrogation, même avant une incise. Dans une réplique comme celle-ci, il vaudrait mieux se contenter d’une seule incise.]
— Tout en parlant, ils se dirigeaient vers une grande Audi noire [S’ils dialoguent chemin faisant, c’est correct ; s’il est le seul à parler tandis qu’ils se déplacent, il faudrait dire : Tout en parlant, il la conduisait (ou l’emmenait) vers une grande Audi noire.]
— Il dut entendre qu’elle se réveillait et se redressait car il se retourna brusquement, l’air soupçonneux mais l’état de Nathalie ne semblait pas l’affoler, il ne se précipita pas vers elle. [Il faudrait un signe de ponctuation avant « mais » (virgule ou point).]
— C’est par rapport à l’alarme ? on croit que j’ai voulu voler des données ? [On croit]
— Mais je n’ai rien comrpis, qu’est-ce que je peux pouvoir bien raconter ? [compris / « Qu’est-ce que je pourrais bien (vouloir) raconter ? »]
— Elle prit la parole après avoir toussé pour s’éclaricir la voix [s’éclaircir]
— Melle Kernec, vous vous êtes mise [L’abréviation est « Mlle » ou « Mlle », mais « Mademoiselle » serait préférable.]
Dans les dialogues, tu emploies les guillemets et les tirets de manière irrégulière ; si tu ne maîtrises pas la combinaison des deux, c’est plus simple de mettre uniquement des tirets. Ça doit être des cadratins ou demi-cadratins suivis d’une espace. Il est préférable d’éviter les tirets automatiques, qui sont des sortes de puces.
Bravo pour ta participation^^
A bientôt !
C'est ce qui s’appelle se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment ! Tu as réussi à peindre un personnage hautement détestable en la personne d'Hélène Pardy, je ne supporte pas ce genre de comportement...
J'espère que Nathalie n'aura effectivement droit qu'à quelques heures en moins dans sa vie...
A bientôt !
J'ai eu J et K des Men In Black dans la tête, toute la dernière partie...
La pauvre demoiselle n'a définitivement pas de chance...
Espérons que les prochains 29 févriers se passeront mieux pour elle !
"Nathalie écoutait attentivement la conversation sans rien n’y comprendre et se tourna légèrement mais son mouvement entraîna la chute d’un balai." → sans rien y comprendre ^^
Original cette participation en deux chapitres !
Pauvre Nathalie au mauvais endroit au mauvais moment !
Et j'aime beaucoup l'explication que tu donnes sur l'explication de ce 29 février !
Jolie nouvelle