Bonaventure avait réservé une table pour dix au Cadran pour y fêter la fête des fantômes et autres bestioles infernales à sa façon. Une fois la soirée bien entamée il avait prévu d’emmener une partie de ses intimes ( les deux amoureux en faisaient partie) dans une vieille maison au cœur de la capitale pour faire une séance de spiritisme. Etant né de parents Haïtiens, il avait été initié par sa grand mère au vaudou et voulait étonner ses amis par une simple invocation .
Celle ci tourna au cauchemar…
David et Elodie attendaient patiemment l’arrivée de leurs amis devant la porte de la boite de nuit. La jeune fille malgré son gros manteau North Face arrivait quand même à sentir la fraîcheur nocturne qui attaquait les parties de son corps qui n’étaient pas couvertes comme son cou et ses mains. En valeureux chevalier le garçon soufflait sur ses doigts pour lui procurer de la chaleur.
- ça va mieux lui souffla le jeune homme au creux de son oreille.
- J’ai toujours froid lui confia-t-elle mais continue c’est mignon sourit elle.
David lui sourit en retour mais au contraire la prit dans ses bras et la berça au rythme de la musique qui s ‘échappait de l’intérieur.
Mélangeant leurs sens dans un petit slow qui imprégnèrent toutes leur concentration ils en oublièrent le froid et tout ce qui les entouraient. Ils ne virent pas arriver Bonaventure et le reste de la bande.
Bonav arriva à leur niveau en esquissant quelques pas de danse langoureux, démontrant une longue pratique apprise au cours des nombreuses soirées qu’il passait dans ce genre d’endroit obscurs.
Il s’arrêta lorsque les deux amants sortis de leur transe éclatèrent de rire et le prirent par les épaules pour le saluer.
-Ça va, c’est bon merci maintenant laissez moi entrer dans la place, fit il en faisant semblant de rajuster sa veste de costard et en tapant à la porte d'entrée. Ce type adorait se la péter et se distinguer par son style ‘top classe’. Une fois l’entrée et le payement passé il cria sans s’occuper des autres :
- les meufs attention !Levez bien vos ficelles ,assurez vos coiffure me v’la pour vous péter la rondelle !
Tout ses amis rirent de sa stupidité et le suivirent jusqu’à une table réservée à son nom où ils prirent place. David et ses amis passèrent la soirée entre la piste de danse où ils faisaient pâlir de jalousie tout les autres gars par leurs prestance et leur tchatche et la banquette qui devint un endroit de débauche où régnaient en maître l’alcool.
Une bouteille avait déjà été sifflée en a peine dix minutes et le cocktail whisky/coca avait pris une sacrée claque dans la foulée. Après le troisième mélange, David commença à avoir étrangement chaud, il déboutonna à moitié sa chemisette Lacoste sous le regard approbateur d’Élodie qui elle aussi n’était pas insensible à l’alcool.
Le jeune homme se leva, prit la main de sa copine au passage et alla danser sur la piste sous la voix de Jamel hurlant son tube Rn’b.
Deux heures avant l’aube ils décidèrent de lever l’ancre dans une démarche vacillante. La plupart d’entre eux avaient si bu qu’ils décidèrent d’abréger la soirée et rentrèrent chez eux. Ils ne furent que trois à suivre Bonav, le couple Élodie -David plus une fille que Bonav avait rencontré ce soir. Même si cela le gênait intérieurement de ne pas avoir eu plus de monde pour la seconde partie de la fête il ne le montra pas à ses amis. Qu'il y ai une ou quatre personnes en plus ou moins cela ne bousillait guère ses plans, du moment que des gens le suivent pour assister au clou du spectacle.
Une heure plus tard ce fut une troupe un peu plus fraîche qui marchèrent sur les quais.
-Tu l’a déjà fait ? demanda tout à coups Lully, une fille levée en boite de nuit par cet incroyable personnage.
La soudaineté de la question surprit Bonaventure mais ce dernier retrouva rapidement son aplomb naturel .
-Bien sur qu’est ce que tu crois plusieurs fois même ,tu veux voir ?
La jeune fille gloussa à l’évocation de ce qui la faisait rire et se reprit:
-pas pour l’instant mais là je parlais du vaudou
-Non mais j’ai tellement vu ma grand mère le faire que le spiritisme n’a plus de secret pour moi mentit le jeune black. En vérité, il n’avait vu sa grand mère le faire qu’une seule fois mais il croyait que tout était si bien ancré dans son esprit qu’il pensait pouvoir le faire facilement. Il n’oublierai jamais la sensation qu’il avait éprouvé quand les poils de sa nuque s’étaient dressés au son de la voix spectrale venue de nulle part , le vent soufflant de nul part alors que la pièce était close. La seule chose qu’il avait oublié était la seule et unique recommandation de sa grand’mère, à savoir :
‘Si tu appelle un jour un esprit, assure toi que ce dernier soit un bon esprit car les autres sont difficiles à maîtriser sinon tu t’en mordras les doigts.’
De toute façon , Bonav ne s’attendait pas réellement à joindre l’au delà .Deux de ses meilleurs amis l’attendait à la vieille baraque pourrie avec des cannettes de bière pour passer le temps. Une fois que Bonav serait venu avec ses gosses de riches (il aimait bien David et Élodie mais au fond de lui il les jalousait pour l'endroit où il vivait, pour leur vie facile. Ils n’étaient pas obligé de vivre à six dans un trois pièces. Dormir sur un lit superposé avec son petit frère. Et puis cette blague serait marrante il n’y aura pas de mort d'homme) et tenterait de leur foutre une frousse du diable…
Ils y arrivèrent mais pas de la façon escompté et le diable envoya un de ses lascar pour le représenter.
Bonav avait tout préparé : dès qu’il aurait prononcé des formules mystiques, ses amis devaient répondre. Pour que la mise en scène tienne la route, il avait même piqué un livre de sa mère-grand pompeusement intitulé ‘12 leçon pour appeler un démon’. Et oui car tout petit fils de devineresse qu’il était, il mélangeait esprits et démons. Cette erreur fut fatale à tous.
La maison du mort avait une si mauvaise réputation que même les clochards du quartier changeaient de trottoir en se signant et aucuns ne s’y risquaient à y entrer, même pour une nuit. Faut dire que l’histoire de cette bâtisse n’était pas faite pour les aider. Depuis sa construction sous Bonaparte par un architecte un peu fou, pas mal d’ hommes étaient mort à l’intérieur et tous dans des conditions étranges.
Le denier propriétaire n’échappait pas à la règle. On l’avait retrouvé un jour pendu au grenier. C’était une odeur pestilentielle qui avait alerté les voisins. Lorsque les gendarmes vinrent le dépendre, certains se vidèrent devant le spectacle. Il était si bien avancé que sa peau bougeait toute seule, tellement les vers grouillaient et commençaient même à changer de place. On ignorait la raison de son geste mais les gens du voisinage murmuraient qu’il fricotait avec le diable et que lorsque ce dernier vint récupérer l’âme du moribond ce dernier se donna la mort pour lui échapper.
Nombre de personnes se rappelaient avoir entendus des cris , des langues sacrilèges, impies sortir de la maison infernale.
Connaissant vaguement son histoire, Bonav l’avait trouvé idéale pour passer la soirée d’Halloween.
David colla son front sur la grille et sentit ses entrailles se tortiller à la vue de cette baraque malfaisante. Une petite voix dans son esprit lui hurlait « fout le camps sans te retourner, file d’ici et ne reviens jamais sinon tu t’en mordras les doigts »
mais son orgueil de mâle lui interdisait ce geste et personne n’osait le faire de peur d’être pris pour un trouillard.
-Elle fout vraiment la chaire de poule murmura la freluche de Bonav. Personne ne prit la peine de lui répondre. Comme dans les films d’épouvante, la grille gémit en tournant sur elle même lorsqu’ils l’ouvrirent, dévoilant ainsi un chemin couvert de feuilles mortes.
Bonav et ses potes avaient tout préparé pour mettre une ambiance macabre à souhait. Des fausses toiles d’araignées avaient été ajoutées aux vraies à chaque encadrement de porte, de fenêtres mais le plus fantastique était l’agencement du grand salon.
Des milliers de pétales de roses rouges avaient été dispersés sur le sol autour d’un gigantesque pentacle tracé à la craie blanche créant ainsi un havre de paix autour d’une mer de sang éclairée par une dizaine de bougies placées un peu partout dans la pièce.
Bizarrement, la maison était indemne de tout vol et de tout saccage comme si même les voleurs évitaient de l’approcher.
Bonaventure jeta un coups d’œil furtif en direction de deux vieilles commodes laissées par les voleurs où deux enceintes avaient été cachées pour mettre de l’ambiance.
Lary et Geo, ses deux comparses se trouvaient dans une des pièces à coté avec un micro et une table de mixage pour diffuser des sons effrayants et mettre leur trouillometre au maximum.
En voyant le pentacle où à l’intérieur se trouvait un tabouret couvert de fioles, d’ustensiles, David ne put retenir un sifflement de surprise.
-Super la mise en scène fit le garçon réellement impressionné.
Bonaventure répondit d’une voie grave.
-Et vous n’avez pas encore tout vu, il se tut un instant pour que ces paroles énigmatiques entrent dans leurs têtes puis reprit de la même façon :
-Ce soir, cette nuit vous allez voir des événements surnaturelles et entendre des vérités effroyables.
Pour vous protéger vous entrerez tous à l’intérieur du pentacle et tant que je ne vous le dirais pas vous resterez tous ici pour ne pas subir le courroux des forces infernales.
Il se tut et conclut par:
Ce soir vous serez en présence de l’Enfer.
(Malheureusement il ne se doutait pas à quel point il était dans le vrai.)
Il s’aperçut ravi que sa phrase faisait de l’effet sur la petite assemblée.
Déjà une des filles jetait des regards nerveux à droite et à gauche comme pour essayer de détecter des mauvaises présences.
Mais il ne put s‘empêcher d ‘en rajouter :
- si vous quittez le cercle ,c’est à vos risques et périls.
Une fois que tous ses invités furent entrés dans le cercle, il s’approcha du tabouret, puis aidé par David le sortit à l’extérieur du cercle. Il extirpa de ses poches un paquet d’allumettes, en prit une qu’il alluma avant de la jeter dans une soucoupe emplit de feuilles et d’herbes sèches.
Cette dernière s’enflamma aussitôt, dégageant immédiatement une odeur épicée. Bonav prit une fiole pleine de soufre, retira son bouchon et versa rapidement son contenu sur les flammes dansantes qui jaillirent brusquement et se teintèrent de vert .Il commença alors l’incantation d’une voie grave :
-Par ce feu impie j’invoque les Puissances Obscures,
( il empoigna un verre plein de sang de poule et le versa doucement, faisant vaciller les flammes.)
- Oh prince des ténèbres car pour toi je répands le sang du sacrifice , Car par ce sacrifice je demande une sinistre faveur pour une sinistre cause.
Il se piqua l’annulaire de la main droite faisant goutter son sang, liant ainsi son destin aux forces infernales. Cette communion se termina par des paroles impies sorties tout droit des profondeurs des âges.
- Rexa ,Crysta Anglio Erta ( j’appelle à moi une créature de l’enfer).
Les chandelles vacillèrent et un souffle venu de nul part parcourut l’assemblée, charriant dans son passage une odeur de charnier qui fit hoqueter tout le monde de dégoût.
Puis il y eu tout à coups un éclair éblouissant semblable aux anciens appareils photo à magnésium.
Bonav terrifié par la sensation d’avoir fait quelque chose d’horrible, d’avoir fait la plus grosse connerie de sa vie, car c’était vraiment
une grosse connerie !
recula dans l’enceinte protectrice du pentacle. Aussitôt une voix gémit dans la semi pénombre , à la fois caverneuse et aiguë.
Une voix qui ne provenait pas des six personnes présentes dans la maison.
-David, il t’attend, il te cherche, il te veux, viens à nous.
Abandonne cette vie et viens réclamer ton héritage.
Cet héritage que ton imbécile de père a refusé.
Accepte la noirceur de ton cœur.
La voix se tut un instant, laissant entendre les sanglots des filles qui sentaient au plus profond d’elles-mêmes que ce n’était pas prévu au programme et qu’une puissance ténébreuse s’était invitée.
Elle en voulait en plus qu’à une seule personne, David.
Lui aussi était terrorisé mais pas pour la même raison. Il lui semblait reconnaître cette voix si inhumaine, si dénué de passion ,de pitié, de vie. Cette voix était celle qu’il entendait dans ses pires cauchemars. Et surtout qui semblait entrer en résonance avec une partie de son être, comme s’il rencontrait une vieille connaissance perdue de vue depuis longtemps. Cette même voix qui le suppliait de venir ouvrir cette porte. Prenant le silence du jeune homme pour du défi, la voix hurla d’un ton si aiguë que les pauvres gens durent boucher leurs oreilles de leurs mains.
-Obéis gronda-t-elle sinon ton père subira le même sort que ta mère lorsqu’elle à voulut s’interposer entre nous et toi.
Cette dernière déclaration sortit David de sa torpeur qui hurla presque aussi fort que le démon, ses amis resserrant leur étreinte sur leurs oreilles meurtries.
Mais David ne se rendit pas compte de son pouvoir, tout ce qui comptait pour lui c‘était de connaître la vérité, de faire la lumière sur son passé, sur cette mère qu‘il n‘avait pas connu.
-C’est toi qui as tu tué ma mère pourquoi ?
-TOUT CEUX QUI OSENT ME DEFIER DOIVENT RECLAMER MA CLEMANCE OU SUBIR MON COURROUX. CETTE PUTAIN N’A VOULUT COURBER L’ECHINE ET A COMPLOTEE DERRIERE MON DOS. IL A ETE FACILE POUR MOI DE LUI FAIRE EXPLOSER LE CŒUR ¨APRES QU’ELLE M’EUT DONNER UN VERITABLE HERITIER !!!
VIENS A MOI SINON JE SEMERAIS LA MORT PARMIS TOUS CEUX QUE TU AIMES .
Devant le regard écarquillé de son amie, David fou de désespoir sentit sa raison s’envoler et joignit ses cris à ceux de l’Enfer. Il regarda Élodie et il voulut oublier ce regard incompréhensif qui lui blessait son âme et ne voulait plus jamais réapparaître devant lui ou quelqu’un d’autre, ce qu’il voulait c’était des réponses pour comprendre ce cauchemar.
Et ses réponses, seul son père pouvait les donner. Mais ce dernier était loin, trop loin pour les lui donner .Et il avait aussi le terrible sentiment qu’il vivait ici ses derniers moments.
Nouveau flash, nouvelle éclair.
Un rire terrifiant et lancinant portant toute la douleur de l’humanité se répercuta dans la pièce. Une créature sortie tout droit de leurs pires cauchemars paraissait devant eux la tête rejetée en arrière, laissant échapper ce rire maudit.
Les jambes écartées et les mains posées sur ses hanches il semblait rire de la situation et surtout de ces stupides humains qui deviendraient sous peu son casse dalle. Ses ailes noires et immenses battaient en cadence dans son dos.
Sa gueule? Son bec ? semblait si immense qu’on aurait dit une péniche cannibale bordée de dents longues et acérées.
David réalisa que le point droit de la créature n’était pas vraiment posé à plat sur la hanche mais qu’elle maintenait par les cheveux deux têtes.
Pas des têtes de mannequins, non des vraies et fraîchement coupés pourrait-on dire.
On entendait le sang s’échapper par la gorge tranchée et s’égoutter sur le parquet en un rythme presque enivrant.
Le démon cessa brusquement de rire et plongea son regard de flamme dans celui de ses brebis égarées dans les saintes écritures démoniaques.
Puis d’un mouvement sec du bras il jeta ses deux sinistres trophées à l’intérieur du cercle qui roulèrent jusqu’aux pieds de Lully comme deux boules d‘un jeu de quilles, marquant le sol de leur passage avec leur sang.
Les regards ahuris des deux faux amis de Bonav semblaient exprimer leur étonnement.
Genre : ‘Ouah on à rien sentit , avec un pro comme lui.’
La jeune fille les regarda un long moment sans comprendre puis se mit à hurler lorsque la lumière se fit dans son esprit devenu un vaste puit de terreur. David préssentant qu’elle allait faire une grosse bêtise tenta de lui prendre le bras mais cette dernière le repoussa brusquement contre Bonav qui avait maintenant autant de réflexes qu’un légume avant de courir pour s’enfuir de ce piège macabre.
-Non hurla David en voyant la créature déplier ses ailes et s’envoler en direction de la malheureuse. Pour éviter qu’elle ne suive le geste désespéré de la jeune fille David enserra, instinctivement Élodie par la taille.
Le choc de l’impact fit tomber la fille à terre et avant même que cette dernière n’ait le temps de réagir, son bourreau démoniaque fut sur elle.
Les longues ailes dépliées cachaient en partie la scène mais les bruits de succion et de mastication couvrant sporadiquement les cris de souffrance de la victime empêchaient la confusion.
Les yeux fixés sur la scène sans vraiment la voir, David enfouit le visage d’Élodie contre sa poitrine, ses bras autour de sa tête pour la soustraire à ce massacre. Entre deux sanglots, Élodie supplia David de la sortir de là.
Mais le jeune homme était loin de cette pièce maudite où il vivait l’enfer.
Son regard traversa la créature et aperçut celui qui tirait les ficelles dans l’ombre.
Tout dans cet être sentait le mal, était le mal.
Dans son esprit David vit le mal sous toute ses formes. Dans la rue un homme tuait une veille femme pour cinquante cents, un père rendu fou par les cris de son bébé l’étouffait sous son oreiller, un vendeur de drogue vendant de la dope non coupée.
Bousculé, violé par ses visions funestes David se réfugia au plus profond de lui-même .
-Viens à moi et tes amis seront libre jura la créature démoniaque avant de poser son regard de braise sur le pauvre Bonaventure qui ne sentait même pas qu’un liquide chaud coulait le long de ses cuisses.
-On n’appelle pas impunément un démon avec un rituel pour les esprit ricana le monstre.
La bête reporta son attention sur David .
- Votre protection est peut être valable mais la nuit est mon royaume.
David plongea son regard dans celui de la bête et se rendit compte qu’il n’était pas fait que d’un rouge unique mais était en fait composé de couleur tourbillonnantes, attirantes.
VIENS , VIENS MON AMOUR.VIENS VOIR GRAND PA
lui murmurait ses couleurs et NOUS SERONS ENSEMBLE POUR TOUJOURS.
David ,les yeux vides se détacha de Élodie qui essaya de le retenir tout en pleurnichant.
-non n'y va pas la supplia la pauvresse sous le regard gourmand du démon.
Ce dernier continua à plonger son regard dans celui de David et se mit à rire en pensant aux portes que ce gamin allait lui permettre d’ouvrir.
Car Grand Pa le voulait depuis des lustres sans jamais se l’avouer.
Mais une note lancinante se mit à vibrer dans l’air et la créature se retourna d’un bloc faisant ainsi face à l’intrus qui se profilait dans l’encadrement de la porte.
-Le fils et le père dans la même soirée s’extasia le démon. Aiegir me couvrira d’or.
En effet la silhouette d’Aimé se fit plus précise quand ce dernier avança.
Aimé était vêtu d’un long manteau de laine noir au col relevé surmonté d’une chaîne en or ayant pour médaillon un bout d’ivoire blanchâtre. Descendant jusqu’aux tibias, le manteau dissimulait le haut d’une paire de bottes noires.
David, se libéra de l’emprise du démon qui était occupé ailleurs et fut aussi stupéfait que le démon de voir son père ici, tel le sauveur vengeur qu’il était.
Sans un mot et sans un regard pour son fils Aimé se dirigea lentement vers la bête infernale, repoussa négligemment un pan de son imperméable et empoigna la poignée d’un sabre passée à sa ceinture. David reconnut avec stupeur le sabre qu’Aljimia lui avait donné et ce demanda ce que son père allait réellement en faire. Il dégaina avec une lenteur étudiée son arme et continua son chemin, la pointe de son katana traçant un sillon dans la poussière du parquet.
La manœuvre surprit la bête;
-Tu oses m’affronter de front? Moi, l’un des premiers nés!
Aimé ne répondit pas et réduisit inlassablement la distance qui le séparait du démon de sa démarche nonchalante.
-Tans pis pour toi murmura la créature entre ses crocs.
Aussitôt les pétales de roses s’arrachèrent à l’attraction terrestre ,tourbillonnèrent puis se précipitèrent à la rencontre du padre.
Ce dernier se contenta de lever son sabre, créant ainsi une brèche surnaturelle dans ce tourbillon. Les pétales l’évitèrent et finirent leur course pour aller se planter dans le mur derrière lui. Albar le démon poussa un cri de rage et changea de méthode. Il ouvrit sa gueule comme pour avaler l’air à grande goulée et une boule de feu se matérialisa entre ses crocs avant de filer tout droit sur Aimé. Celui ci leva sa main gauche et la boule incandescente devint un feu d’artifice illuminant la pièce pendant quelques secondes. Les yeux de braises s’enflammèrent de fureur et le démon se précipita sur Aimé.
Aimé ne leva son épée que lorsque les griffes ne furent qu’à une coudée de lui et les trancha d’un mouvement quasi chirurgicale avant de remonter à la gorge d’où s’échappa un flot bouillonnant de sang.
Aimé laissa le démon s’étouffer dans son propre sang et s’avança encore en direction du pentacle. Il nettoya la lame de son sabre avec un mouchoir sortit une de ses poches et le rengaina à quelques mètres des enfants terrifiés qui tremblaient de peur et choqués n’avaient pas eu la présence d’esprit de fuir. Ce qui d’ailleurs leur avait tout de même sauvé la vie.
Il piétina l’enceinte du pentagramme puis jeta un coups d’œil rapide au jeune imbécile noir aux yeux aussi gros que des soucoupes.
- Irrécupérable pensa -t- il amèrement avant de plonger son regard dans celui de son enfant et de sa petite amie. Cette dernière avait quittée les bras protecteurs de son ami pour se recroqueviller au sol, se balançant de droite à gauche comme un pendule fou.
Son fils quand à lui semblait émergé d’un rêvé éveillé, l’air un peu groggy.
-Papa murmura t-il d’une voix pâteuse ressentant encore l’enchantement du démon.
Ce qu’ils avaient vus les marqueraient pour toute leurs vies s’ils s’en remettaient un jour. S’il ne s’en mêlait pas bien sûr. Car on ne ressortait pas indemne d’une confrontation avec un démon du deuxième cercle. Mais pour le moment il décida d’abord de les hypnotiser pour gagner du temps et en faire des bons toutous privé de toute volonté.
Il fouilla dans les poches de son long manteau et en sortit un petit sachet transparent rempli de poudre blanche. Il en récupéra une pincée dans le creux de sa main droite et se mit à genou pour être à la hauteur de la petite amie de son fils en posant le sachet à terre et de sa main libre lui fit arrêter son mouvement de pendule fou.
Il secoua la tête de droite à gauche en soupirant.
-Ma pauvre tu n’aurais jamais du affronter cela, j’en suis désolé.
Puis il souffla sur la poudre blanche qui s’echappa en un nuage étincelant en direction du visage de la belle et engloba par la même occasion son fils ainsi que son ami perdu.
Les yeux de la jeune femme et de son fils s’écarquillèrent lorsque les effets de la drogue entrèrent en connexion avec leurs neurones puis leurs regards redevinrent fixe.
Aimé toucha aussitôt de son index un point situé entre les deux sourcils de sourcils et imposa sa volonté par son regard.
-tu obéiras au son de ma voix et exécutera mes volontés pour notre bien à tous.
La jeune fille ne bougea toujours pas mais sachant l’efficacité du charme décida Aimé de s’occuper de son fils qui semblait lui aussi catatonique mais une lueur dans son regard lui apprit qu’il avait de l’espoir contrairement à son imbécile d’ami.
Il lui ébouriffa les cheveux une de ses rares marques d’affection qu’il s’était interdit depuis longtemps et en perçu malgré lui l’ironie de la situation.
-je suis désolé de t’avoir laissé tomber, de ne pas t’avoir montré à quel point je t’aime et de mettre laissé enfermer dans ma chape de chagrin tel un linceul.
J’ai été trop confiant ou trop négligeant avec le temps et à cause de mon erreur vous en payez maintenant le prix.
Sur ses mots il renouvela l’opération qu’il avait effectué sur l’adolescente pour lui imposer sa volonté.
Enfin il refit une dernière fois la même chose sur le jeune homme noir qui semblait avoir perdu la raison.
Une fois qu’ils furent tous pliés à sa volonté il les regarda avec une pitié à peine voilée.
-Il est trop risqué pour vous de rester dans ce monde car dans peu de temps Aiegir sera au courant de votre existence et ne cessera de vous pourchasser jusqu’à ce qu’il vous retrouve.
Il se tut un instant puis se corrigea.
-Pour surtout te retrouver toi, David. Tes amis ne seront que des amuses bouche à ses yeux.
Il finit d’un ton résolu :
-Nous devons aller dans un endroit où il nous n’imaginera pas assez fou pour nous y cacher.
Car oui, il avait longuement pesé le pour et le contre savait que c’était la seule solution envisageable.
En plus du compagon qu’aucun médecin ne saurait ramener indemne de son monde intérieur il devait emmener aussi la petite copine de son fils avec eux.
Son fils devait l’avoir déjà prise et il n’était pas question qu’elle tombe entre les mains d’Aiegir même s’il n’y avait peu de risque.
En fait il l’espérait de tout cœur.
-Suivez moi dit le tueur de démon et il s’en alla sans regarder si les adolescents le suivaient.
****
Aimé roulait à tombeau ouvert sans se soucier du code de la route, faisant fi des feux rouges et autres panneaux d’interdiction.
Heureusement le soleil n’était pas encore levé et la circulation était à peine nulle.
Arrivé en un temps record devant sa maison, Aimé éteignit le contact de sa voiture avant d’en sortir suivi par les 3 enfants.
Il ouvrit la porte de la maison et fit rentrer les enfants à leur tour. Puis ils descendirent tous à la cave où tout avait commencé.
La lumière jaunâtre de l’ampoule accrochée au plafond semblait rendre encore plus lugubre la pièce bien que Aimé se demanda fugitivement si ce n’était pas l’instant dramatique qu’ils étaient en train de vivre qui déteignait sur son environnement.
Le mur de carton était toujours là , couvrant de leur mieux ce qui n’aurait pas du exister.
Aime se jeta frénétiquement sur eux et les jeta pèle mêle de l’autre côté de la pièce comme si leur vie en dépendait.
Ce qui dans un certain sens était vrai.
Finalement ils purent tous voir la fameuse porte qui était le tragique élément déclencheur de toute cette histoire.
De taille commune en bois de chêne elle était finement ciselée en un gigantesque bosquet de rose qui s’entrelassaient pèle mêle au milieu de runes inconnues. La poignée de porte jaune était taillée pour ressembler à un bouton de rose or.
Sous la chambranle une sourde lumière bleu semblait pulsé tel un cœur vivant au rythme de sa respiration invisible.
David comme les autres ne prononça aucuns mots lorsqu’il arriva devant la porte où tout avait commencé. La porte maudite de la cave…
….à quelques centimètres de la charnière, si prêt d’elle qu’il pouvait la toucher…
Aimé lança une série de mots dans une langue étrange.
Qui oses me sortir de mon réveil demanda une voie caverneuse surgie de nulle part.
-Moi ,Calaar, fils d’Aiegir, ton constructeur.
-Que désire-tu fit la voix d’un ton quelque peu radouci.
Le libre passage pour moi et mes amis.
Ainsi soit il alors répondit le démon de la porte
Alors la porte tourna d’elle même sur ses gonds ,dévoilant un rideau de lumière éclatant.