Mardi 17 mars 2020, 19h / Nous y sommes, le mot est lâché. Guerre. C'était hier soir à la télévision. Aux dires du président de la République, nous vivons un moment pareil à celui d'un conflit armé. Il existera deux catégories de population : la première se trouvant au front avec ses stratégies, ses batailles, ses assauts, et surtout ses hôpitaux, ses soignants et ses morts ; et la seconde à l'arrière du front, celle dont je fais partie, avec ses libertés réduites, ses couvre-feu, sa peur du lendemain car il sera toujours incertain et surtout sa débrouille. Au regard de ce qui se passe à l'étranger, je ne pense pas exagérer le constat.
Il est étrange d'écrire des choses aussi graves alors que la meilleure manière de sauver des vies consiste à rester chez soi. Hormis le personnel soignant, aucun acte de bravoure ne nous est demandé ; la mobilisation générale ici ne nous impose pas d'aller sacrifier nos vies mais de demeurer le plus statique possible ; au regard du sacrifice de nos ancêtres, c'en est à la fois risible et doux. Cela en dit long sur nos sociétés et la modernité dans laquelle nous vivions, il y a de cela quelques semaines. Avant la période de mise en confinement, nous pouvions voyager de villes en villes en un jour seulement, nous traversions des étendues de territoire à bord de machines sophistiquées : automobiles, trains, avions... Tout cela aujourd'hui est interdit ou fortement restreint, et de fait, nous redécouvrons notre environnement à hauteur de femme et d'homme. Quelle distance puis-je parcourir en une journée de marche ? Jusqu'où puis-je aller sans l'assistance d'un moyen de locomotion ? Beaucoup d'entre nous se sentiront à l'étroit dans le vase clos de leur métropole, de leur ville, de leur bourg. L'ennui s'installera. D'autres se poseront la question : ces déplacements, ces aller-retours, ces trajets étaient-ils si nécessaires à leur vie ? Rares sont les personnes de notre époque et de notre pays pouvant rester chez elles plusieurs semaines d'affilée ; à l'exception des plus pauvres, faute de moyens suffisants. Il existe toujours de la famille à saluer, un ami à retrouver, une pérégrination quelconque pour s'extirper du monde. Il n'y avait rien de mal à cela, cela faisait partie de notre mode de vie. Aujourd'hui, tout le monde semble contraint à un périple intérieur. Et lorsque l'épidémie prendra fin, peut-être, poserons-nous un autre regard sur le voyage...
Ces pensées me paraissent bien singulières dans un moment aussi triste. Un conflit intense s'engage, des personnes meurent et je parle voyage, quelle légèreté ! Le fait est. Le contraste est là. Nous vivons actuellement dans une modernité immobile. Nous sommes en guerre en temps de paix.
Tu fais le point sur cette faille sur laquelle nous butons : nos préoccupations à l'heure du confinement en France semblent assez dérisoires comparées à des problèmes de mortalité, de (vraie) guerre, etc. J'ai vu un reportage sur l'exode français durant la seconde Guerre mondiale, cela m'a fait relativiser m'a colère de rester enfermée.
"au bord de machines sophistiquées" j'imagine que ça y est tu compte écrire cela jusqu'à l'effondrement ;_; ?
J'ai l'impression de lire les mémoires de ce que nous traversons avec des années de recul, (alors que nous y sommes encore). Sans doute avec l'écho de la première guerre mondiale, bien placé et très malin.
L'écriture est fluide, sans coquilles, c'est très agréable. Peut-être réaliser un retour à la ligne pour aérer ton paragraphe central ?
En tout cas, j'attend la suite avec impatience.