Au chapitre précédent, Solène a rapporté une collection de films à l'eau de rose de chez son père, cinéaste, elle escompte de passer le weekend à les regarder avec son frère.
Guillaume est endormi sur son canapé à fleurs roses, un plaid marron de camping le recouvre jusqu'au menton. Il se réveille parce qu'un chiot blanc lui lape le nez énergiquement, en jetant plein de bave sur sa figure.
— Guy ? appelle Solène.
— Ouaf ouaf...
Le petit chien se précipite vers elle. Elle le prend dans les bras.
— Guy ?! répète Guillaume en se frottant les yeux.
— J'ai été l'adopter ce matin, il s'appelle Guy, comme Alice Guy, la première réalisatrice de fiction... une pionnière du cinéma, c'est hyper inspirant pour moi !! Alors, tu le trouves comment ?
— Baveux, fait Guillaume en s'essuyant le visage avec le plaid.
— Bon ! Assez dormi le paresseux, lève-toi, on a du pain sur la planche ce weekend !!! s'enthousiasme Solène en dévoilant une pile de cassettes vidéo de comédies musicales, films d'amour, avec leurs jaquettes d'origine.
On peut reconnaître des titres tels que : Les lumières de la ville, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, Diamants sur le canapé, Dilwale Dulhania Le Jayenge, Certains l'aiment chaud, Pretty Woman, Coup de foudre à Notthing Hill, Ninotchka, L'auberge espagnole, Quand Harry rencontre Sally, Le goût des autres, La famille indienne, Love actually, Le Comeback, Om shanti om, Titanic, West Side Story, Quatre mariages et un enterrement, Mary à tous prix...
— Grrr, Solène, on est samedi matin, je dors, moi ! grogne Guillaume.
— Mais tu ne te rends pas compte de l'occasion en or que représente ce concours de scénario, si j'arrive à me faire remarquer ça pourrait enfin lancer ma carrière de réalisatrice ! explose-elle en faisant de grands gestes dans la pièce, tandis que le petit chiot sautille à ses pieds.
— Enfin ?!... mais tu n'es qu'en deuxième année de cinéma... rétorque Guillaume, tout en se levant, sans conviction.
— Je savais que tu ne m'abandonnerais pas frérot, dit Solène en venant enlacer son frère roulé dans son plaid.
Solène et Guillaume sont assis sur le canapé à fleurs, le chiot blanc est roulé en boule entre eux. Il y a le poster de Jacques Perrin – l'acteur de Maxance dans la comédie musicale des demoiselles de Rochefort - juste à côté de la TV. Les scènes de film d'amour cultes s'enchaînent à l'écran. Coup de foudre à Nothing Hill, la rencontre où Hugh Grant, qui joue le libraire, renverse son jus d'orange sur Julia Roberts qui joue une star, se diffuse dans le salon. Le jour qui décline, puis qui se lève et qui décline à nouveau...
La télé produit de la lumière qui se reflète sur eux. À la fin du weekend, il y a une pile de sodas énergisants près du canapé où Guillaume et Solène sont recroquevillés. Ils sont éclairés par l'écran cathodique. Guillaume a mis des allumettes pour tenir ses paupières ouvertes, ils regardent le jour de la Marmotte, souvent rebaptisé un jour sans fin. Sur l'écran, on voit le personnage principal, Phil Connors, joué par Bill Murray, qui se réveille le 2 février. Une fois. Deux fois. Trois fois.
Les allumettes qui maintenaient les yeux de Guillaume ouverts sautent, et ses paupières retombent... Soudainement :
— DRRRRRRRRRING, le réveil sonne dans le film.
Sauf qu'au lieu que ça soit Phil Connors qui se réveille dans l'écran de télévision, c'est Guillaume Colza. Il est chez lui, dans son appartement encombré et il répond à sa sœur qui lui annonce sa rupture au téléphone.
— [...] J'étais persuadée que c'était la perle rare cette fois [...]
Sur l'écran, il se prépare pour rejoindre Solène à la fac, Samira entre dans son bureau, on revoit la simulation de tsunami, puis Guillaume dit à Solène qu'elle peut rester chez lui jusqu'à avoir trouvé la perle rare. Guillaume fait avance rapide sur ses souvenirs, et on arrive au moment où il sort de son cours et tombe sur l'amie de sa sœur à la terrasse d'un café. La dernière image du poste se fige sur le visage de Valentin à côté de celui du poster Maxance, avec la même expression.
— DRRRRRRRRRING, le réveil sonne à nouveau dans le film. Au lieu d'écrire l'heure, le réveil digital écrit VALENTIN en lettres rouges lumineuses. Puis Guillaume se réveille vraiment, en grommelant Mmmmmh... comment s'échapper de cette répétition maudite ?? et le réveil du film écrit l'heure normalement comme dans le film original. Il se rend compte qu'il a dormi. Solène est toujours plongée dans le film, avec des popcorns, et son petit chien dans les bras. Les deux protagonistes du film s'embrassent enfin.
— Ouf, c'était la dernière du marathon, Arrrrrrrrrrrrgh huuumpfff !! On va pouvoir dormir... articule Guillaume, en soupirant de soulagement.
— Tu sais ce que les comédies romantiques ont toutes en commun ? interroge Solène.
— C'est pas l'enfilage de clichés, la fin prévisible et l'absence de réalisme ? répond son frère, cynique, en s'étirant.
— Non !! répond Solène, sans réagir au sarcasme, c'est l'effervescence du sentiment amoureux naissant dans chaque romance... sublimée par la magie du cinéma, dit Solène, en se penchant sur l'épaule de son frère dans un sourire béat.