L'atelier

Par Samjack

Les deux boules de glace pouvaient paraître saugrenues posées là, tout à côté de ces chocolats chauds fumants, alors qu’à l’extérieur les rafales de vent froid se disputaient avec la pluie. Pourtant ce goûter n’avait rien de tiède. Il ramenait simplement à la réalité du temps qui passait, de cet après-midi marqué du sceau du beau, comme un temps de respiration entre deux instants oniriques dont le point d’acmé serait la visite de l’atelier de l’artiste, qui se prolongerait autour de verres en terrasse.

Tout avait commencé par un cadeau. Un livre. Un livre qui dépeignait un Paris englouti, un Paris du siècle passé, un Paris où l’art arrivait par vagues, se réfugier ou se retrouver au milieu du foisonnement de la création. Un livre qui désormais s’incarnait en un lieu tangible. Puis ce fut la visite du cimetière, parc insolite et désert où la vie qui les animait surpassait de loin le silence qui les entourait. Ces errements entre les tombes, main dans la main, les avait tantôt fait rire, les avait ému, leur avait fait découvrir des histoires personnelles étranges, d’autres rêvées, des noms à jamais disparus, des stèles retournées à la nature ou des symboles pour toujours vénérés. Et leurs pas les avaient conduit là. A l’atelier du maître, petit espace caché, enfoui dans le béton des pavés parisiens, à l’ombre d’un colosse multicolore dégageant sa stature contemporaine parmi ses pairs flamboyants.

L’atelier était à taille humaine. A la taille d’un artiste qui avait peu à peu élargi son horizon et tenté de toucher le ciel par ses colonnes infinies, le tout depuis sa demeure dédiée au 2e art. L’atelier était une véritable ode à la matière, à la pierre blanche, à la luminosité et au toucher. Il était comme figé hors du temps. Dans cet écrin, ils évoluaient d’une démarche lente, tout absorbé par la splendeur de la simplicité qui s’en dégageait. Naturellement, il la prit par le cou, s’arrimant à la beauté qu’elle exhalait. Comme si elle en connaissait les moindres recoins, elle le conduisait de pièce en pièce. Il l’admirait pour ça. La culture qu’elle diffusait spontanément, sans même s’en rendre compte, les ressorts des procédés qu’elle lui montrait ingénument, la complexité des procédés qu’elle lui décrivait avec adresse. Il l’aimait pour la façon dont elle percevait la beauté en toute chose, et pour la manière dont elle l’y incluait. Cet atelier personnifiait leurs pérégrinations dans le temps, par petites touches successives.

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