L'érudit

Kaelis Vorann, le dernier archiviste

Le silence de la Tour de Léthralis pesait comme une tombe. Kaelis Vorann aimait ce silence. Il en connaissait les creux et les résonances, la façon dont il s’étirait dans les couloirs de pierre, la manière dont il absorbait les murmures comme une bête affamée. Ce n’était pas un silence paisible. C’était un silence de fin du monde, un silence où l’on enterrait l’Histoire sous des monceaux de parchemins et d’encre séchée.

Kaelis portait le poids de ses années de recherches. Il le sentait à chaque articulation raidie lorsqu’il s’asseyait à son bureau, à la brûlure persistante dans ses yeux fatigués par les siècles de lecture compressés en une seule vie. Il avait passé plus de temps avec les mots des morts qu’avec les vivants, et peut-être cela expliquait-il son détachement. Ou bien était-ce simplement la nature des Seldren : comprendre sans s’attacher, archiver sans juger.

Mais Kaelis jugeait. Léthralis n’était plus une tour du savoir, mais un mausolée où l’on enterrait les vérités gênantes. Il le savait, et il restait pourtant, comme un gardien inutile surveillant des portes déjà ouvertes.

Ce soir-là, une missive attendait sur son bureau. Cachetée. Scellée du sigil des Khelarins.

Il haussa un sourcil. Les marchands nomades envoyaient rarement des demandes aux archivistes. Ils prenaient le savoir comme on négociait des épices ou des pierres précieuses : quelque chose que l’on échangeait, pas que l’on conservait.

Kaelis brisa le sceau.

"Je cherche un livre disparu. On dit qu’il n’a jamais existé. C’est un mensonge."

Il hésita.

Le message était bref. Aucune signature, seulement un lieu et une heure griffonnés à la fin. Une taverne du quartier des étrangers. Une heure avancée de la nuit.

Il replia la missive. Il irait. Non pas par curiosité – il en avait perdu l’illusion depuis longtemps – mais par cette fatigue qui poussait parfois les vieillards à commettre des imprudences.

Ou peut-être simplement parce que tout ce que l’on cherche à effacer mérite d’être retrouvé.

*

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Fidelis
Posté le 12/03/2025
Raaaa c'est trop court, j'adore les métaphores que tu emploies... ils absorbaient les murmures comme une bête affamée.... c'est excellent.
Tout comme le mot mystérieux qui crée tout de suite un appel d'air, et moi j'ai plus qu'à patienter pour lire la suite...
Phideliane
Posté le 12/03/2025
Merci !!! Ça arrive 😉 je rentre du taf et je poste ça dans la soirée. En attendant je vais aller te lire.
Fidelis
Posté le 12/03/2025
Je te taquinais, prends ton temps, fais ça bien et oui profite de mes lectures pour le trajet du retour alors j'imagine. courage à toi !
Plume de Poney
Posté le 12/03/2025
Voilà encore du mystère et un livre disparu... Et un vieux, c'est bien les vieux, c'est toujours mystérieux.

Je ne suis pas encore assez vieux pour avoir perdu l'illusion de la curiosité donc j'attends le prochain épisode :)

Il y aura peut être nécessité de remettre ta note d'auteur sur certains épisodes avec le nom et la qualité des Castes pour aider le lecteur à ne pas les oublier (sur cet épisode ça va mais peut être que par la suite ça peut être utile. Sachant que, contrairement à un bouquin, c'est moins facile de revenir à une page d'index ici).
Phideliane
Posté le 12/03/2025
Oh non tu m'as tuée avec la citation de Kaamelott 😂 merci. Oui je vais la remettre quand on rencontre de nouveaux personnages. Merci du commentaire !!!!!
Phideliane
Posté le 12/03/2025
Oh non tu m'as tuée avec la citation de Kaamelott 😂 merci. Oui je vais la remettre quand on rencontre de nouveaux personnages. Merci du commentaire !!!!!
Vous lisez