Duende
Teton County Detention Center – Jackson – Comté de Teton
Quartier d’isolement
Son sang glissait lentement en une tâche sombre qui suivait les joints du carrelage de la cuisine. Quand je l’ai vue s’écrouler sous les balles, mon cœur s’est déchiré en même temps que le sien. J’ai voulu m’élancer vers elle, la prendre dans mes bras, lui abandonner ma force pour qu’elle la prenne, la sauver. J’aurais voulu à cet instant lui avouer ce que je ressens pour elle. Lui dire que je l’aime de la Terre à la Lune et même sur trois révolutions. Le temps pour moi s’est arrêté dans un battement de cœur. Le sien. Mon rayon de soleil s’est éteint et mon âme, mon avenir, le nôtre l’a suivi. Puis, je n’ai plus rien compris. Tout est devenu noir. Je n’ai pas entendu les sirènes, je ne l’ai pas vu se tirer, je n’ai pas non plus percuté que les flics me hurlaient de lâcher mon arme. Puis, ils me sont tombés dessus, m’ont roué de coups alors que je n’avais même plus la force de résister. Quand ils m’ont plaqué au sol, j’ai senti ma pommette s’ouvrir au contact du carrelage et une fine coulée d’hémoglobine s’en écouler. J’ai même pensé à cet instant que si elle s’étendait assez, elle pourrait rejoindre son sang en sillonnant à travers les joints et, qu’en quelque sorte, nous serions alors unis . Ils m’ont presque pété les épaules à les tirer en arrière pour me passer les menottes. Ils m’accusaient de lui avoir tiré dessus. Moi ! Éteindre la flamme qui a éclairé ma vie ? Comment ont-ils pu croire ça, ces cons ?
J’ai l’impression que ça fait des semaines que je croupis dans cette cage obscure. Ils ont bien tenté de me laisser dans une bête cellule avec d’autres gars mais la frustration a fait ressortir en moi tellement de violence que j’ai eu envie de massacrer le premier qui osait me regarder. Si les deux autres gars puis un bataillon de flics n’étaient pas intervenus, c’est d’ailleurs ce qui se serait passé. Le pauvre, au final, voulait juste savoir comment rallier un gang de bikers. Visiblement, même à pied et en tenue de prisonnier, je porte sur moi qui je suis, quand moi-même je ne parviens plus à m’en convaincre. Alors j’ai été mis à l’isolement dans une cellule capitonnée...
Mais j’ai au moins un lot de consolation ! Je sais qui est son véritable assassin ! Je sais aussi que même s’il respire encore, pour moi, il n’est déjà plus de ce monde. Ce n’est qu’une question de temps...