C’était une règle admise que l’homme avait toujours raison. Il s’en était rendu compte assez jeune, et s'il leur avait fallu du temps, ses semblables avaient fini par l'admettre.
Il avait par exemple dit, en des termes des plus explicites, que cette expédition non seulement serait futile mais leur ferait regretter de ne pas être banni en enfer. Si le caractère inutile était encore matière à débat, le temps lui donnait raison sur le second point.
Il n’avait pas froid, ce n’était pas froid ça. L’homme en avait connu, des soirées sans feu, malmené par la pluie, la neige, et le ventre vide faute de ravitaillement. D’ordinaire, ce n’était jamais plaisant, mais cela n’en demeurait pas moins supportable. Présentement, cela ne l’était pas.
Pourtant il était couvert de la tête au pied. Son uniforme bleu encre était rembourré de duvet et amplifié grâce à des runes, il chaussait des triples bottes, et portait trois couches de vêtements. Si en temps normal, il avait transpiré, dans le cas présent, le froid était si mordant qu’il rendait chaque geste pénible.
En apparence, rien ne lui donnait la moindre raison de se plaindre. Le Meriel trônait haut dans le ciel et donnait à la neige un aspect doré et étincelant. Pas une seule once de vent ne venait lui voler sa chaleur.
Le problème, et il le savait, c’était la terre.
Quand les vents s’accordaient pour devenir un Maelström, il n’y avait rien à faire d’autre que se terrer en profondeur et prier que cela soit suffisant. Ça ne l’était d’ailleurs que très rarement, et ce dernier en fut un sinistre exemple. Même terré au huitième sous-sol de la Citadelle, les doigts de l’homme avaient été mordus d’engelures. Le chaman de la légion lui avait plus ou moins explicitement conseillé de faire le deuil de son nez.
Pourtant, il était assez chanceux.
Les gars de la troisième section de l’armée régulière s’étaient réfugiés quelques instants trop tard dans la Citadelle, et s’étaient retrouvés coincés entre le cinquième et le sixième sous-sol. Le froid avait fait éclater les cristaux d’ésiops, le monte charge s’était stoppé net et ils s’étaient retrouvés pris au piège dans une boîte métallique. Ils y demeuraient toujours d’ailleurs, à moins bien entendu que les copains restés sur place ne furent parvenus à les détacher du sol mais l’homme en doutait. Il ne s’était pas écoulé vingt-quatre heures depuis la dernière bourrasque, il faudrait attendre encore quelques jours.
« Bordel de merde de putain de brousse! » Une voix rugit à sa gauche. Un grand gamin qui jurait avoir dix-huit ans depuis deux ans, mais dont la rondeur juvénile et l’acné ne trompaient personne. Il s’était brièvement appuyé contre le tronc d’un arbre, dix secondes tout au plus, mais cela avait suffi pour lier son gant au bois.
« Qu’est-ce que j’avais dit? » L’homme grommela.
« J’ai oublié. »
« Je vois bien, et maintenant, tu as une main en moins. » Il siffla, et les yeux du jeune garçon s’écarquillèrent d’effrois.
« Mais Peps, ma main, elle est encore bien sous mon gant! » Il gémit.
« Pas pour longtemps. Ni toi ni moi ne sommes élémentalistes. Je ne compterais pas sur tes ombres ni sur mes runes numérologiques pour libérer ton gant, et sans se dernier, autant te couper la main tout de suite.» Il répliqua.
Le garçon devint aussi blanc qu’un linge.
L’homme le laissa paniquer une bonne dizaine de secondes avant de prendre pitié et de retirer une seconde paire de sa poche. Merci Cassini, il se préparait toujours au pire, en partie parce que, d’expérience, le pire se produisait toujours.
Le jeune garçon poussa un soupir de soulagement et rien que dans le temps qu’il lui fallut pour extirper sa main et enfiler le nouveau, sa peau tourna au rouge vif.
« Merci M’sieur. J’suis désolé. » Le garçon dit alors, assez paf, et l’homme lui tapota maladroitement sur l’épaule.
Il jouait aux durs, mais ça n’en restait pas moins un gamin. En temps normal, il devrait se trouver à des lieues d’ici et sa principale préoccupation devrait être un devoir à rendre, ou un examen, ou une fille de sa classe, pas de ne pas perdre une main ou la vie. Mais l’heure était malheureusement ce qu’elle était: le froid était le cadet de leurs soucis. Ça n’empêchait parfois l’homme d’essayer de l’envoyer loin du front. À Rocam même, qu’il cesse de jouer à la guerre, qu’il retourne étudier à la Magiversité. Quand l’homme avait peur, il aimait imaginer le gamin à l’Acropole, la plus haute colline de la capitale, l’endroit le plus sur au monde -après Elesium bien entendu. Personne ne pourrait jamais toucher à un seul cheveu du gamin derrière les murailles adrianiques. Même le plus enragé des dixmite teknokrate se ferait tailler en pièce par les golems.
C’était une pensée réconfortante.
En particulier quand il devinait les silhouettes des Berthas, tapis dans les ombres des cols de la vallée. Ces gigantesques canons sortaient à la chaîne des usines de Swynghedauw, la ville principale de la région de Dixm et bastion principal de ces saletés de sécessionnistes. À en juger par les échos grinçants, ils étaient pour le moment en maintenance. L’homme se souvenait de son premier face à face avec ces monstres, quand il faisait encore parti de la Régulière, et qu’il n’était pas encore question de guerre. À l’automne 1914, on parlait encore de simples troubles. Quelques petits illuminés tekniciens de la région du sud avaient excité la foule en leur promettant un futur dépourvu de mage et d’ésotérisme, mais cela n’était pas bien grave. La magie avait toujours triomphé face à la teknik, et rien, pas même ce ‘moteur à explosion’ ne changerait cela. On avait envoyé sans trop réfléchir les sections Héca afin de rétablir l’ordre. Ils étaient alors considérés comme inégalables et personne ne doutait que la région rebelle rentrerait dans le rang dans le mois.
Cet excès de confiance, les canons Berthas le leur avaient fait payer dans le sang.
Quatre ans plus tard, non seulement Dixm tenait bon, mais ils avaient été péniblement repoussés de la région côtière de Pictanie, mais plus grave encore, les sécessionnistes étaient parvenus à rallier une partie de la Danoisie sud à leur cause.
Entre-temps, l’homme avait quitté la Régulière, trop tiède, trop faible. Par la Sainte Grâce, il n’avait pas encore perdu sa foi mais-
Mais ce n’était pas l’heure de se prêter à de telles divagations.
« Le Capitaine t’a laissé venir avec moi, à condition que tu obéisses. » Il grommela « Tu me refais un coup dans le genre, je te renvois au camp. »
Le gamin hocha gravement la tête, et prétendit qu’il ne s’agissait pas d’une menace en l’air. En vérité, si l’homme n’avait pas été persuadé que le gamin se tuerait sur le chemin du retour, il lui aurait déjà mis un coup de pied aux fesses. Une part de lui pesta contre son capitaine et cette sortie stupide. Il ne pouvait en revanche pas le détester entièrement, pas quand il en connaissait les raisons.
« Ça ne se reproduira pas. » Le gosse dit d’un air assez assuré pour être convaincant.
Il ne manquait pas de courage, l’homme devait lui reconnaître ça. Peu d’adultes se seraient portés volontaires pour une telle mission mais après tout il fallait un certain courage pour mentir sur son âge en de pareilles circonstances.
L’homme avait tenu rancune au Capitaine, d’avoir accepté le gamin quand même la Régulière n’en avait pas voulu. Cependant il devait reconnaitre que le gamin était vraiment doué. D’ordinaire, l’homme s’arrangeait pour éviter les Conjurateurs -davantage par sécurité que superstition- mais le môme avait une maîtrise effrayante de ses esprits. L’homme avait vu des adultes perdre le contrôle face à une toute petite âme damnée quand le gosse en abjurait une bonne douzaine sans une seule goutte de sueur. S’il survivait à ça, il irait loin, très loin.
Survivre impliquait de ne pas jouer aux crétins cependant. Le silence à lui seul donnait la mesure du danger dans lequel ils se trouvaient. Ils n’étaient qu’à quelques lieues de la tristement célèbre Wazemmerg. C’était la place forte des séparatistes du secteur, et bien des rumeurs circulaient à son sujet, en partie parce que personne n’en était jamais revenu, mort ou vif.
Le secteur aurait dû grouiller de dixmites embusquées, de danoisiens traîtres à leur sang, de mines anti-personnelles. Quitte à choisir, l’homme préférait les charges, elles le tueraient sur le coup, elles. Les séparatistes, eux, ne faisaient jamais cette grâce aux mages, en particulier ceux de la Cohorte.
Ce silence, il était à imputer au Maelström. Le cataclysme avait tout terrassé sur son passage, tuant, gelant, détruisant tout, même le plus petit circuit teknik. Il s’était à peine écoulé vingt-quatre heures depuis la fin de cette tempête et ils devaient être tous fous à lier pour être sortis. Les recommandations préconisaient d’ordinaires de laisser au sol entre cinq et sept jours pour se réchauffer, avant d’éteindre les runes de contre-champs. Ils avaient de la chance que celui-là ait été relativement petit, sans quoi, vingt-quatre heures plus tard, ils ne peineraient pas à avancer, ils se seraient retrouvés pétrifiés à la première bourrasque.
Le Capitaine, il s’en était fichu magicalement des recommandations. À la seconde où le thermomètre s’était dégelé, il s’était couvert pour sortir, seul, sans même demander le moindre volontaire. Cela avait eu le don d’échauffer tout le monde d’ailleurs. Il n’y avait pas une seule personne dans cette pièce qui ne lui devait pas la vie. Qu’il ne s’attende pas la pareille, cela avait exaspéré la légion. Ceux qui tenaient encore à peu près debout s’étaient alors équipés, dont ce gamin crétin. Les autres étaient restés en arrière et ils entreprenaient de rétablir les flux ésotériques de la Citadelle.
C’était une question de loyauté, mais également de principe.
Personne n’ignorait pourquoi le capitaine risquait sa vie de la sorte. L’homme quant à lui, essayait de ne pas trop y penser.
Ce fut un échec. Le silence lui rappelait des temps révolus, sans canons, ni meurtres, ni boue. Il se souvenait même petit s'être rendu en Dixm avec sa mère où il avait encore de la famille, en théorie. S'il devait être franc, les temps où il espérait que les combats cessent, que la région sécessionniste rentre dans le rang, que la Medelvie redevienne un seul pays, ces temps étaient bien révolus. Désormais Dixm, c'était la vapeur et le mal, c'était l'ennemi, c’était les chasseurs de sorciers, le tout cristallisé dans toute sa sinistre splendeur en la place forte de Wazemmerg. Il n'en voulait qu'une chose, du sang et du silence. Éternel de préférence.
Son regard balaya les environs. Une forêt de sapin, encore verte il y a trois jours, était désormais emprisonnée dans un cristal blanc. Ce n’était d’ailleurs plus une forêt, mais une illusion. Le Maelstrom avait emprisonné ces arbres avant de les tuer, fait éclater les mousses par le gel, pris au piège les animaux dans leurs terriers. Dans une semaine, quand le dégel aurait fait son œuvre, il ne resterait plus rien. Cela deviendrait alors une terre noire et l’air se chargerait d’une odeur de mort. Avec un peu de chance, une nouvelle forêt finirait par reconquérir ce cimetière. Parfois, l'homme se demandait si les arbres pleuraient leurs morts à la manière des hommes. Cela pouvait paraître fou, mais il s’était déjà promené dans de telles forêts et si elles étaient en apparence assez semblables aux précédentes, il y avait dans leur bruissement comme une complainte mélancolique.
Ce n’était ni le lieu ni l’heure pour divaguer.
Ils se remirent en route, bon grés mal grés. Le Meriel poursuivait sa course au-dessus de leurs têtes, éclairant un horizon pur et net. L’homme aurait aimé y trouver du brouillard afin de dissimuler ce spectacle navrant. Ce n’était pas son premier. Le gamin en revanche en découvrait la réalité et son visage se décomposait petit à petit. Quand il passèrent enfin dans un petit village blanc, il s’arrêta net.
« Personne ne peut survivre à ça. » Il conclut, d’un air aussi terrassé que tranquille, et l’homme hocha mollement la tête.
« Personne ne peut gagner contre un Maelstrom, pas plus que tu n’irais frapper l’océan à la hache et espérer en sortir vainqueur. »
« C’est ce que vous lui avez dit, n’est-ce pas? » Il murmura, les lèvres désormais gercées par le froid « Pour qu’il s’énerve comme ça. »
L’homme hocha la tête. Ce n’était pas dans le caractère du Capitaine de perdre son sang froid, mais lorsque cela se produisait, il avait tendance à perdre toute commune mesure.
« La mort d’un être cher est toujours difficile à accepter. »
« Si vous pensez qu’il est trop tard, pourquoi êtes-vous sorti? »
« Parce que c’est le capitaine, et… qui sait, peut-être ai-je tort? » L’homme répondit mais le gamin hocha la tête à son tour. Il ne se trompait jamais, il prédisait toujours les événements avec une exactitude effrayante. Certains revenaient même sur leurs croyances et juraient qu’il était devin, sinon Oracle. L’homme, lui, n’en croyait rien. Ce n’était pas un sixième sens, c’était du bon sens.
En cet instant, il aurait aimé s’être trompé.
Par acquis de conscience, ils firent un tour des petites maisons. C’était un village typique des danois du nord. Des chalets de pierre et de bois, conçus pour résister aux avalanches, si courantes dans ces montagnes, surtout depuis que les séparatistes s’amusaient avec leurs canons. Rien, cependant, ne pouvait résister face à un Maelström, comme en attestait les poutres éclatées par le gel et les fenêtres explosées. Même l’Auratoire du village avait succombé.
L’homme détailla longuement la silhouette de pierres blanches et les restes de sculptures. Il nota entre les symboles de Sainte Cassini quelques ajouts éclectiques. Des silhouettes d’arbres et de petits visages dépourvus de nez, reste d’un culte local, très certainement endémique et dont les habitants emportaient les secrets dans leur tombe glacée.
Les deux hommes passèrent prudemment la lourde porte de cuivre du lieu saint, sans la moindre rune active. Un curieux sifflement retentissait dans leurs oreilles. La faute à des appels d’air probablement. La tempête avait décapité la Coupole. Il s’aventurèrent dans les couloirs froids du cloître, passant en revue les pièces. L’une d’elles fit de la résistance, aussi l’homme la défonça à coup de pieds. Elle était petite et sans fenêtre, en son centre se trouvait le reste gelé d’un feu. Des ombres se trouvaient agglutinés autour de ce foyer, silhouettes blanches, lèvres bleues, yeux horrifiés. On aurait dit qu'ils avaient été pétrifiés sur place. L'homme nota, non sans amertume, que pas une seule des silhouettes n'avait tenté de prier. Pas même l'Aurateur, le chef de la délégation. En fin de compte, cela n'aurait probablement pas changé grand-chose. Sainte Cassini avait choisi de ne pas intercéder envers son troupeau, pas même pour son berger au col doré. Toute la miséricorde astrale ne changeait rien au fait que ces malheureux étaient morts.
Peut-être n'en était-elle pas capable. Peu importe.
Il referma la porte et le gamin lui jeta un regard interrogateur, voir curieux.
« Les acolytes de l’Auratoire, tu n’as pas besoin de voir ça. » Il dit d’un ton sans appel.
« Ils sont tous morts? »
« Oui. »
Ils poursuivirent alors leur entreprise, le gamin malade, l’homme résigné. Il avait raison, et cela le dépitait profondément. Il allait même jusqu’à en ressentir de la rage. Voilà pourquoi, alors qu’ils remontaient le cloître, il fixa la statue de la Sainte au bout du couloir. Elle avait le visage paisible, pour ne pas dire béas, la ceinture sculptée de houx -probablement là une miette de tradition locale. Ce visage si tranquille, alors qu’ils se trouvaient cernés dans un enfer froid et atroce libéra cette rage animale.
Prouve moi que tu as existé, que ton esprit a survécu, que tu veilles bien sur nous comme tu nous l’aurais juré, l’homme murmura dans sa barbe, Montre moi à quel point je suis idiot de douter de Toi. Donne-moi un geste, un seul, pour me donner tort. Un seul.
Il attendit un instant, un long moment, une éternité même, face à l’idole, jusqu’à en obtenir un regard interrogateur de son cadet. Il espéra avec une ferveur fanatique, jusqu’à ce que l’impatience se transforme en déception.
Il avait donc raison sur ce point, encore.
L’homme refusait d’espérer désormais, il ne pouvait plus croire en un équilibre cosmique bienveillant, il ne pouvait plus croire en rien. C’était probablement trop demander, mais l’homme avait passé sa vie sans rien attendre, il était fatigué, résigné.
Toute sa vie, il avait été un serviteur dévoué. Il n’avait jamais rien demandé, pas même ce jour-là, quand les canons avaient réduit toute sa section en cendre. Il aurait tant aimé qu’elle lui rende grâce.
Elle l’aurait probablement fait, si elle avait jamais existé.
« Fichons le camp d’ici. » Il grommela sans se retourner.
L’air lui sembla plus froid encore. Froid, vide, quelconque. Il avait raison, et pour son plus grand malheur, plus rien n’avait de sens désormais. L’aura même de ce bâtiment lui brûlait l’âme et-
Un bruit retentit le long du couloir jusqu’au cloître, de manière si brutale qu’ils sursautèrent.
« Un objet a dû tomber. » L’homme dit, un point d’appréhension dans la voix. L’héca-soldat en lui se révéla, et il commença à invoquer les runes à ses paumes. Comme pour se moquer de lui, il y eut un autre bruit, plus terrible encore, et encore. Cela ne pouvait pas être causé par le vent, ça, c’était régulier, c’était…
C’était délibéré.
Et également incompréhensible, car ils étaient déjà passés par ces portes. Il n’y avait rien de vivant. Il fallait être vivant pour être délibéré.
Les paumes du garçon éclairèrent le couloir, et son ombre se détacha lentement de lui.
« Il y a quelqu’un. » Il murmura.
« C’est impossible. » L’héca-soldat murmura, plus à lui-même qu’à son cadet. S’il y avait quelque chose, ou quelqu’un, c’était soit le mage le plus puissant au monde, soit le pire teknicien ayant jamais existé. Dans un cas il se réjouirait, dans l’autre…
Ils s’aventurèrent prudemment, silencieusement le long du couloir. Le bruit de plus en plus marqué, allait de concert avec les pulsations de ses tempes. Le gamin ajouta une seconde silhouette à ses ténèbres, puis une troisième. L’homme faisait briller ses runes numicroniques dans les airs.
Ils se positionnèrent de part et d’autre de la porte.
Il y eut un bruissement.
Le son se tut.
Le gamin l’observa un moment, et après un bref petit hochement de tête, l’homme envoya voler la porte d’un coup de pieds. Ils s’engouffrèrent dans la pièce, toute rune dehors, près à frapper-
Contre le mur, en dessous d’une fenêtre, ouverte, se trouvait la plus minuscule des silhouettes que l’homme ait jamais vu. Une gamine, adolescente, les vêtements ensanglantés, le visage tuméfié, des inhibiteurs magiques sur chacun de ses doigts, certains bleutés, très clairement cassés. Elle devait être morte, ce n’était pas possible, personne ne pouvait survivre à un Maelstrom, pas même une mage, et très certainement pas dans cet état. Cela devait être un piège, une embuscade-
Elle prit une inspiration tout bonnement déchirante, comme un sac en papier percé. Un de ses poumons devait être percé ou brûlé, voir les deux. Wazemmerg, maudite Wazemmerg, mais ils- comment-
Le gamin sortit alors de sa torpeur, se jetant aux côtés de l’inconnue, envoyant ses ombres soutenir la jeune fille, appelant son camarade afin qu’il invoque un portail, pour qu’ils se transposent à la Citadelle de toute urgence. Cette jeune fille avait urgemment besoin de soin, qu’elle vacillait, que le temps était compté. L’homme s’exécuta bien entendu, et sous ses mains l’air s’illumina pour devenir trouble. Le vide se déchira alors pour révéler un tout autre paysage. Le gamin hissa sans hésiter la gamine, la trainant vers cette image fantomatique de la Citadelle, et l’homme le suivit.
Il se retourna cependant une dernière fois, croisant le regard de pierre d’une statue de Sainte Cassini.
Il souriait.
Elle aussi.