Sale amour

Ces cheveux sont les tiens, ce visage, c’est toi, 
Cet œil morne est le tien et tout ce corps, c’est toi.
Et dans cette haine, c’est toi que tu maintiens :
« Tiens-toi à genoux,
Mords le sol et ferme les yeux, le soleil ne luit pas pour toi ;
La mort t’appelle, je te crèverai les yeux, tu n’auras plus sommeil, tu ne dormiras pas. »

Tes cheveux sont les siens, ton visage, c’est elle,
Ton œil noir est le sien, tout ton corps est à elle
Et à jamais, tu la haïras pour ce rien :
« Demande pardon.
Car tu es laide et même à mieux le ciel ne voudrait pas de toi ;
Crie à l’aide, si tes mots pèsent, et pourtant pour tes yeux le soleil à jamais s’éteindra. »

Alors, tu roues de coups cette fille impuissante Dans les dents,
Et tu frappes encore cette humaine incapable Au front,
Tu griffes sans arrêt ce monstre d’égoïsme A la nuque,
Et tu poignardes enfin cet être incontrôlable Au cœur,

Et la voilà qui gît sous tes yeux durs et vides
Vides du sang qu’ils ont pleuré,
Vides du sel qu’elle a versé.
Les larmes ont détruit tes joues de leur acide,
Comme ton estomac serré, 
Comme ses intestins blessés.

Tu la vois, là, gésir, si faible, presque morte,
Tu sens presque la pitié te saisir.
Affaiblie par ces coups
Dans les dents et au front, à la nuque et au cœur,
Et à genoux, tu pleures. 

« Pleure.
J’aurais pu te tuer, oui, tu as mal, oui, pleure.
Si je te hais autant, c’est pour oublier ton malheur,
Car je t’en veux autant pour nier ta douleur,
Pleure.
À d’autres, je dirais que la vie vaut le coup,
Que malgré leurs défauts et le mal qu’ils ont fait,
Si seulement ils ont essayé malgré tout,
Même les moins parfaits ont le droit d’exister.
Mais toi, je voulais tant ta mort… »

Et tu l’attires à toi et tu la serres au fond de tes bras,
Au fond de ton cœur,
En lui murmurant que tu veux l’aimer.