Samedi 14 Mars 1818 - Finnegan's Wake

Par Pouiny
Notes de l’auteur : Musique de référence :
https://www.youtube.com/watch?v=AsP1-NwxrWc

Il faut dire ce qui est ; c’était une belle veillée mortuaire, il en aurait été très fier. Maman a tout fait dans les règles de l’art ; elle a mis le corps dans son salon, près de l’endroit où il fumait sa pipe en buvant une bière. Avec mon frère, on est parti au bar dévaliser leur stock. Pendant la soirée, il y a quelqu’un qui en a renversé sur son costume, maman a sourit en disant que de toute façon, il n’avait jamais porté de vêtement immaculés et que ça n’allait pas commencer aujourd’hui.

 

Tout le monde s’est ramené avec quelque chose ; des tuyaux, du whiskey, des poèmes… Il y a même eu un concours de blague, vers trois heures du matin. Je pense que c’est papa qui a fait la plus mauvaise. Elle était si nulle que l’on a regardé vers lui. L’espace d’une seconde, je crois qu’on s’est tous attendu à ce qu’il se redresse et qu’il lui dise à quel point il le trouvait stupide, comme il le faisait tout le temps. Je pensais pas que papa pourrait avoir la larme à l’œil de ne pas entendre d’insultes en gaeilge.

 

Quand le jour s’est levé, il a simplement éclairé la brume sur la ville. Un à un, ceux qui étaient en état de marcher sont partis. On lui a donné un coup de chapeau, comme à leur habitude. J’allais remonter dans ma chambre me coucher quand maman m’a pris à part dans la cuisine. Elle m’a dit : « Pádraig, j’ai retrouvé ceci dans ses affaires. Il aurait du te le donner lui-même, mais tu sais, pudique comme il était… Il te revient, maintenant ».

 

Et nous voilà. Honnêtement, ça ressemble plus à un dictionnaire vide qu’à un carnet, vu sa taille. Mais c’est vrai qu’il écrivait beaucoup, parfois beaucoup plus que ce qu’il parlait. Il devait s’imaginer avoir besoin de beaucoup de papier pour ancrer tout ce qu’il ne disait pas. Mais j’ai lu la première page, et je n’ai pu m’empêcher de laisser tomber quelques larmes sur le papier. Heureusement que les feuilles sont épaisses ! J’aurais bien trop peur de l’abîmer.

 

La pensée de le laisser vierge m’a honnêtement traversé l’esprit. C’est un si bel objet, j’aurais l’impression de le gâcher en gribouillant… Puis, après avoir lu et relu cette première page, ce que je devais faire est devenu clair, limpide même. Dans quelques minutes je fermerai cette reliure de cuir et je descendrai dans le salon. Je regarderai papa dans les yeux, et je lui dirais : « C’est décidé, je quitte la maison. »

 

Il s’énervera sûrement, il me dira que c’est stupide et insensé, que je ne peux pas laisser tomber mes études aussi vite, et je n’aurais rien à en dire. Mais je pense qu’il comprendra vite que je ne changerai pas d’avis. Il y a tant de page à remplir dans ce carnet, et il avait tant d’espoir, et tant d’histoires pour moi… Il faut que j’aille les chercher. Il faut que je les retrouve. Et ça ne peut se faire dans notre vieille, sale et laide ville qu’est Dublin. Où est la magie et le folklore, dans notre capitale fantoche ? Au milieu du typhus, peut-être ?

 

Mais je ne partirai pas tout de suite. Je lui dirai au revoir, encore une fois, à l’enterrement. Et cette fois-ci, je chanterai avec les autres et je leur laisserai entendre ce que j’ai entendu de lui ce soir. Je l’imagine, au paradis, un verre de whiskey a la main, chanter ces vers avec un sourire aux lèvres…

 

Tim Finnegan lived in Walkin Street, a gentle Irishman

Mighty odd

He had a brogue both rich and sweet, and' to rise in the

World he carried a hod

You see he'd a sort of a tipplers way but the love for

The liquor poor Tim was born

To help him on his way each day, he'd a drop of the

Craythur every morn

 

Whack fol the dah now dance swing to yer partner around the

Flure yer trotters shake

Wasn't it the truth I told you? Lots of fun at

Finnegan's Wake

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