Depuis quelque temps, les murmures ont pris une nouvelle cible. Une fille. Elle vient d’emménager, à un accent et surtout, elle est grande. Déjà une feuille A4 alors que nous ne sommes encore tous qu’au format A5. Sous l’arrondie du col de son t-shirt, on devine une brassière. Moi, comme les autres, nous sommes en maillot de corps (peut-être que je devrais dire encore en maillot de corps ?) Ses parents l’autorisent à porter les cheveux courts avec quelques mèches blond trop jaune pour être vraies. Sa gorge est prisonnière d’un ras-de-cou en plastique noir qui forme comme une dentelle étrange.
À cause de tout ça, ils disent que c’est une femme. Qu’elle doit vouloir le faire. Qu’elle est prête.
Je ne sais pas vraiment de quoi parlent ils parce que quand je la regarde, ce n’est pas ce que je vois.
Elle est un faon qui vient de naître, avec des jambes qui semblent bien trop longues et maigres pour supporter son corps qui est un petit haricot. Au milieu de son visage rond, sa bouche et ses yeux sont trop grands et son nez, encore en trompette. On dirait que quelqu’un lui avait volé des os. Et, quand elle sourit, ses dents se chevauchent comme si sortir était une course. Malgré tout, elle est jolie. Parce qu’elle à ce rose aux joues qui la rend vivante et vraie. Même si elles sont grêlées par endroit, je sais qu’elle est en papier de soie.
Les murmures sont du papier calque et la jalouse pour ça.