Bojin grogna quand Ayana s’arrêta à nouveau. Elle chercha son souffle, encore aveuglée par la douleur de la perte de son oreille, là où on n’avait juste posé une étoffe sale pour arrêter le saignement et dont une odeur repoussante se dégageait. Munefusa en profita pour faire une nouvelle pause, cherchant l’endroit le moins boueux pour s’asseoir.
« Si tu t’arrêtes encore, gronda Bojin, je te coupe une oreille. »
Munefusa se figea tandis que Bojin se rapprocha du corps flasque d’Ayana. D’un mouvement sans douceur, il la mit sur son épaule et reprit son chemin. Munefusa le suivit sans rien ajouter.
Ils avaient à peine marché quelques minutes, traversant la forêt de pins qui ne cessait de s’épaissir et suivant un sentier qui continuait de s’amoindrir. Ayana commençait à sentir à nouveau cette impression désagréable d’être observée de partout, comme si chaque ombre s’était dotée d’yeux inquisiteurs. Munefusa commençait également à le ressentir. Malgré toute la peur que lui inspirait Bojin, il se mit à marcher de plus en plus proche de lui comme un enfant apeuré se cachant dans l’ombre d’un adulte. Bojin commenta d’une voix moqueuse :
« Je croyais que tu étais connu pour ton amour des bois et de la nature. Pourquoi ne pas nous faire un petit poème, ici et maintenant ?
— Peut-être plus tard…
— Nous avons encore du chemin à faire, pourquoi ne pas le mettre à profit ? Parle-moi donc, ô grand Munefusa.
— …de quoi ?
— De ton ami le crapaud par exemple. Où est passé cet ogama ? Il a crevé quelque part ? »
Bojin se lécha les babines quand il constata la soudaine crispation d’Ayana et le regard fuyant de Munefusa.
« Mes condoléances, poursuivit-il d’une voix légère. C’est arrivé comment ? » Un silence douloureux lui répondit. Bojin se retint d'éclater de rire. « Oh d’accord, c’est à moi de deviner. J’adore ce jeu. Alors… Il s’est sacrifié pour vous, c’est ça ? Je parie que vous n’avez rien pu faire, et qu’il est mort de votre faute. Il a été éventré ? Mangé ? Déchiqueté ? Décapité ?
— Ça suffit, le coupa Ayana d’une voix métallique.
— Et toi, ô grand Munefusa, je vois très bien comment tu as réagi à sa mort. Tremblant à distance, ne faisant absolument rien, regardant ton ami périr sans l’aider.
— Bojin !
— J’insulte ton ami mort, et pourtant tu n’oses rien faire, sale pathétique couard. »
Bojin s’arrêta quand il sentit une légère douleur à l’épaule. Il mit quelque temps avant de comprendre qu’Ayana plantait ses griffes meurtrières dans sa chair. Le mimichiri-boji hésita à arracher l’autre oreille du kasha, mais préfera une autre option plus savoureuse. Ignorant alors le vieillard tremblant à ses côtés, il susurra au creux de l'oreille d’Ayana :
« Et toi, tu veux me faire la discussion ? Qui sait, on pourra peut-être s'entendre.
— Je n’ai rien à vous dire.
— Je suis sûr que tu peux trouver quelque chose. Par exemple... pourquoi fais-tu tout cela ?
— Je ne veux pas vous…
— Réponds ou j’arrache les yeux du poète. Et tant pis pour le contrat. »
Quelque chose résonna entre les branches fouettées par le vent. Un son étrange, diffus dans la nuit qui ressemblait à un ricannement distordu, comme provenant de mille voix différentes. Ayana hésita, pesant chacun de ses mots. Elle avait l’impression que ce qu’elle s’apprêtait à dire serait plus douloureux que toutes les blessures qu’elle avait accumulées cette nuit.
« Je fais ça pour mes parents, finit-elle par répondre.
— Pourquoi ? répliqua aussitôt Bojin. Qu’ont-ils fait pour toi ?
— Un enfant a-t-il besoin d’une raison pour honorer la mémoire de ses parents ?
— Donc ils sont morts… Était-ce valeureux ?
— Que veux-tu dire ?
— Leur mort. Avait-elle une quelconque valeur ? Voyons, soupira Bojin en voyant le visage surpris d’Ayana, tu m’as reproché d’avoir une vie sans mérite, et que ma mort sera sans valeur. Comment sont morts tes parents ? En héros ? Ont-ils sauvé plusieurs vies ? Va-t-on honorer leur mémoire pour les générations à venir ? »
Ayana ne répondit pas. Elle en était incacapable. Ce qui ne dura que quelques secondes pour Bojin et Munefusa était pour Ayana une éternité de souvenirs douloureux et des images de ses parents agonisant de la pire façon possible. Ayana déglutit :
« Non. Leur mort n’avait rien d’honorable. Et dans quelques années, seuls quelques personnes se rappeleront d’eux.
— Comme tant d’autres ! ponctua Bojin avec un sourire. Tu vois que j’ai raison, tout cela n’a aucun sens.
— Leur vie a eu un sens, mimichiri-boji. Ils m’ont élevé pendant huit ans. Ils se sont affamés pour me nourrir. Ils ont travaillé nuit et jour pour m’offrir un toit. Ils m’ont transmis des valeurs importantes durant ma si courte vie d’humaine. Je leur dois tout. Ils m’ont sauvé la vie, là où tu ne fais qu’en détruire.
— Pathétique : ils t’ont sauvé toi, et pourquoi ?
— Pour que je puisse transmettre ces mêmes valeurs à d’autres. C’est là le but de toute vie. Si tu ne comprends pas ce que je veux dire, alors tu es l’être le plus triste qui existe. Même les autres yokais ont cherché à accomplir quelque chose de leur vivant.
— Oh, oh ! Explique-moi donc, je suis tout ouïe.
— La yamamba des montagnes voulait construire un empire éternel, et c’était là sa plus grande erreur. Elle a ignoré la grande loi de ce monde : tout doit périr. Tout est un cycle de vie et de mort. Ça, le yogama-taki du village l’avait compris. L’un ne peut exister sans l’autre. Chérit la mort qui approche comme la vie que tu as. Mes parents l’avaient compris et accepté. Là réside la valeur de ce qu’ils m’ont transmis. De ce que je dois transmettre à d’autres. C’est-ce que j’ai mis si longtemps à apprendre…
— Cela devait être de bien piètres parents, commenta Bojin.
— Pourquoi donc ? » répliqua Ayana, piquée au vif.
Bojin parut savouer le moment, jouissant de l’attente inquiète d’Ayana, puis expliqua tranquillement :
« Tu es un monstre. Pire que moi, car tu te penses meilleure et tu es très douée pour te justifier. Tu commets pourtant les mêmes crimes que moi.
— Tu es fou.
— Voyons Ayana, tu risques la vie d’enfants innocents pour survivre. »
Ayana ouvrit la bouche, mais ne put trouver une réponse. Mille ricanements résonnèrent à nouveau dans la nuit. Un amas de nuages grisâtres commencait à recouvrir le ciel et, surprenant Bojin comme Ayana, Munefusa gémit d’une voix éraillée :
« Q-quelque chose me tire les oreilles… »
Munefusa cessa d’échapper des petits cris de terreur quand Bojin le gifla violemment à la tempe. Les tourments de la Famille s'était multiplié à l’égard du poète. Il ne passait pas une minute sans que quelque chose lui ricana au creux des oreilles, lui souffla sur la nuque ou lui caressant les cheveux. À chaque fois, Munefusa piaillait de surprise et faisait volte-face, pour ne rencontrer que le silence de la forêt. Après l'avoir frappé, Bojin se mit derrière le poète, l'air particulièrement déterné, plus aucun rictus sur son visage scarifié.
Ils marchaient depuis bientôt une heure. Les pins s’étaient succédés aux bambous jaunâtres, et le sentier avait complètement disparu pour laisser place à un sol boueux et traitre où chaque pas était plus difficile que le précédent. S’habituant à la douleur, Ayana marchait en tête de file, guidant Munefusa et Bojin. Elle avait retrouvé avec aisance l’odeur si étrange qu’elle avait senti la première fois qu’elle était venue ici. Ce relent horrible de plusieurs bêtes malades. Le kasha ne doutait pas que la Famille les avait déjà repérés : il ne restait plus qu’à espérer que leurs intentions hostiles ne soient pas trop évidentes.
Un bruit sourd et un hurlement se fit entendre derrière Ayana et Munefusa. Les deux firent volte-face. Bojin essuyait sur ses vêtements le sang de son poignard dans un sang-froid qui témoignait toute son expérience. À ses pieds se tenait quelques doigts longs et squelettiques, sectionnés au niveau des phalanges.
« Dommage, il s’est enfuit, commenta Bojin d'une voix glaciale. J’avais bien envie de lui donner une bonne leçon. »
Ayana ne dit rien. Elle tourna vite sa tête et continua son chemin, voulant éviter que Bojin remarque son air pensif. Quelques gouttes commencèrent à tomber.
Ces doigts par terre… le yokai était un buru-buru. C’est un farçeur inoffensif qui ne fait que souffler dans le cou des voyageurs ou leurs tirer les oreilles pour faire peur. Bojin n’avait pas besoin de le tuer… Est-il tendu ? Ou est-ce autre chose ?
Les bambous se firent de plus en plus envahissants, les forçant à zigzaguer en file indienne. Munefusa essayait de rester le plus proche possible d’Ayana, menaçant de trébucher sur elle à chaque instant. Il n’avait pas dit un mot depuis sa discussion avec Bojin. Ayana voulait le consoler, mais craignait que Bojin en profite pour les tourmenter encore plus.
Une ombre gigantesque appararut en face du groupe. C'était une construction verticale qui n’aurait jamais dû exister en ce lieu, l’épicentre d’une atmosphère si pesante qu’Ayana se croyait au fond de l’océan. Le tonnerre roula dans le ciel pluvieux.
« Au cas où je ne m’en sortirai pas… je suis désolé. »
Munefusa avait murmuré ces mots d’une voix à la fois fébrile et lasse. Bojin l’ignora tandis qu’Ayana essaya de se montrer la plus conciliante possible :
« Vous n’avez pas à l’être. Tout cela est de ma faute.
— Je suis désolé, continua Munefusa, ne paraissant pas l’entendre. Je suis désolé de n’avoir rien fait quand la reine te torturait. Je suis désolé d’avoir essayé de m’enfuir en te laissant seule face à la Roue de Feu. Je suis désolé d’avoir laissé Bojin te mutiler. Je suis désolé. »
Ils étaient sur le point d’atteindre la clairière. Bientôt, l’enfer se déchainera sur eux. Ayana sut qu’elle n’aurait pas d’autre chance de parler à Munefusa. Elle prit une longue inspiration :
« Ne laissez pas les mots de Bojin vous atteindre. Vous êtes de loin l’un des humains les plus braves et valeureux que je n’ai jamais rencontré. Sans vous, le wanyudo m’aurait rattrapé. Sans vous, Bojin m’aurait éventrée. Nous nous approchons de la fin de la nuit. Nous allons nous en sortir, je vous le promets.
— Tu… tu as un plan ?
— Bien sûr qu’elle en a un ! railla Bojin derrière eux. Il est simple, et c’est le même que la dernière fois : espérer que la Famille et moi nous nous entretuerons. Ou alors elle profitera de notre affrontement pour sauver les enfants. J’ai raison ?
— Si vous le saviez depuis le début, affirma-t-elle avec un air de défi, pourquoi ne faites-vous rien ?
— Parce que ton plan va échouer. Je vais survivre, crois-moi. Et après… » Il s’approcha de Munefusa et lui donna une tape amicale dans le dos. « …tu m’emmeneras voir tes élèves adorés ? »
Ayana nota une dernière fois le bras cassé du mimichiri-boji, puis une lueur étrange dans les yeux du yokai qu’elle n’avait pas remarqué jusqu’alors. Une excitation quasi-orgasmique. Ayana comprenait alors la raideur dans ses mouvements, ou alors pourquoi il avait inutilement attaqué le buru-buru. Bojin peinait à contrôler sa soif de sang.
Ils pénétrèrent dans la clairière.
Tout était comme la dernière fois. Un disque d’herbes courtes encerclé par les bambous avec en son centre la pagode noire de quatre étages. Ayana se figea quand elle vit la même dame au visage caché par son ombrelle, attendant toujours patiemment en face de l’entrée du bâtiment. Elle semblait les attendre, et la pluie devenait plus pesante, dans un grondement qui couvrait le monde.
« Je peux voir que la nuit a été difficile pour toi, mon enfant. »
La voix de la dame était toujours aussi mélodieuse et accueillante, comme si elle s’adressait à une vieille amie. Ayana déglutit :
« Nous sommes là pour parler à la Famille.
— Tu as peur, répliqua la dame.
— Vous ne me faites pas…
— Je ne parle pas de moi. Quelque chose te terrifie. La peur d’échouer ? Du mimichiri-boji ? De toi-même ?
— Je ne désire que voir la Famille, répéta Ayana d’une voix blanche.
— Pourquoi tant de méfiance dans ta voix ? La Famille peut t’offrir ce que tu as perdu.
— Ah oui ? Et qu’est-ce donc ?
— Voyons… »
Il ne fallut qu’une fraction de seconde et un mouvement sec. Un coup si parfait qu’il en fut presque beau. Munefusa ne put que distinguer un éclat métallique trancher la pluie, puis la tête de la dame rouler par terre, sectionnée à la base du cou. Il était trop horrifé pour remarquer que le visage de la tête ne présentait qu'une peau aussi blanche que la lune et un rictus noir comme la nuit.
Bojin se tenait à côté du corps décapité. Le cadavre resta un court instant en équilibre, comme animé d’un dernier regret, et s’ecroula par terre, immobile, d’un sang s’échappant de la plaie béante.
« Assez parlé maintenant. »
Bojin se retourna vers Ayana et Munefusa. Son visage couvert de cicatrices était barré d’un sourire si large qu’il paraissait entailler sa peau, les yeux plissés comme s’il s’apprêtait à rire. Il prit une dernière inspiration, puis clama :
« Je vous attends en haut ! Essaye-donc de m’arrêter, Ayana ! »
Il pénétra dans la pagode à la vitesse de l’éclair. Il disparut à l’intérieur du bâtiment au même moment qu’un tonnerre retentit dans le ciel. Le vent souffla si fort qu’il sembla hurler de colère. La pluie devint torrentielle. Ayana mit quelques secondes avant de reprendre ses esprits.
Bojin va massacrer tout le monde, yokais comme humains. Cette révélation, si simple qu’elle en paraissait presque comique, frappa Ayana avec assez force pour tirer de sa torpeur. Elle se tourna vers Munefusa :
« Vite, entrons ! »
Le poète demeura immobile. Il tremblait de froid sous la pluie, contemplant la pagode comme un animal craintif. Ayana était déjà au seuil de la porte d’entrée.
« Bojin va massacrer les enfants, il faut faire vite ! Je l’ai sous-estimé : même blessé, il reste plus fort que les yokais de la Famille !
— Je ne peux pas avancer, répondit le poète.
— Comment ?
— Mes jambes ne répondent pas. »
Les deux étaient trempés de la tête au pieds. Ayana remarqua enfin les larmes qui coulaient sur le visage du poète.
« Et à quoi bon ? continua celui-ci avec un léger sourire. Je ne vais que faire tout empirer.
— Munefusa...
— Je ne suis qu’un piètre poète égoïste qui provoque la mort autour de lui. C’est Amago qui aurait dû survivre, pas moi.
— Munefusa ! »
Le poète sursauta, et se rendit compte qu’Ayana était juste en face de lui, ses yeux ambrés aussi déterminés que chaleureux. Elle le regardait sans pitié ni colère. Tout d’un coup des flammes bleues embrasèrent les bouts de sa queue, éclairant tous les environs, écartant les ombres.
« Munefusa, je vais entrer dans ce bâtiment et affronter Bojin, la Famille, et tous ceux qui m’empêcheront de sauver ces enfants. Je ne vais pas vous forcer à me suivre. Je ne vous en voudrais pas si vous vous enfuyez.
— Je pense aussi... que c’est la meilleure chose que je puisse faire… murmura le poète.
— Non. J’ai besoin de vous, Munefusa. Ne le voyez-vous pas ? Sans vous, les enfants sont condamnés. »
Ayana s’apprêta à s’expliquer davantage quand un hurlement déchirant retentit depuis l’intérieur de la pagode. Le combat avait commencé, il n’y avait plus de temps à perdre. Le kasha se retourna et franchit la massive porte en bois, laissant Munefusa seule derrière elle, luttant contre la pluie, le vent et la terreur.
Ayana croisa les premiers cadavres dès le premier étage.
Les corps sans vie des yokais étaient lacérés de toutes parts, certains mutilés de plusieurs membres, la plupart tordus dans des poses grotesques. Toutes les portes coulissantes étaient découpées, en lambeaux. Ayana avança sur le sol poisseux de sang, évitant de regarder les corps, traversant le couloir le plus vite possible.
Ils ont cherché à attaquer le mimichiri-boji en même temps, pensant avoir une chance, comprit le chat noir. Les fous. Bojin est non seulement plus puissant, mais dans un espace aussi étroit il est à son avantage.
Ayana comprenait qu’elle avait sous-estimé Bojin. Même épuisé, même avec un bras en moins, il demeurait un être né pour massacrer.
Ne pouvant plus retenir sa curiosité morbide, Ayana baissa son regard sur tous les cadavres qui l’entourait, reconnaissant alors la grande variété de yokais de ce groupe disparate qui n'aurait jamais dû exister. À ses pieds gisait le cadavre d’une futakuchi-onna, avec une large bouche à l’arrière de son crâne ; en bas des escaliers reposait le corps maigre et pâle d’un hitori-ma ; au deuxième étage s’étendaient plusieurs cadavres fripés aux grosses têtes de sumi-no-babasama ; en passant devant une chambre détruite Ayana reconnu le corps immobile de la shitanaga-baba, la vieillarde à la longue langue qui l’avait invité à prendre un bol de riz.
Je comprends un peu mieux, pensa Ayana en atteignant le troisième étage, tous ces yokais sont avant tout des farceurs cherchant uniquement à faire peur. Ils ne font pas le poids contre Bojin. Les seuls pouvant se défendre sont les deux qui gardent les enfants…
Un hissement retentit, et une ombre se jeta sur elle.
Elle bondit par réflexe sur le côté, évitant de justesse les griffes acérées qui visaient sa gorge. Ayana recula à nouveau pour éviter un autre coup sifflant dans l’air vicié. Le kasha hissa de colère, ses poils mouillés se hérissant et son dos se courbant.
Son adversaire hésita un peu.
C’était un étrange mélange entre un lézard et un humain. Sa peau grisâtre luisait d’un étrange mucus dégoulinant. Il se déplaçait à quatre pattes, longeant le sol comme un insecte grotesque, et chacun de ses membres se finissaient par quatres doigts sales et griffus. Il fixait Ayana de ses yeux sans pupilles, et sa tête était si oblongue qu’on eut dit un bec. Au bout d’elle se tortillait une longue langue baveuse qui émettait un dégoulinant bruit de succion.
Ayana avait complètement sortit ses griffes, montrant ses cros aiguisés. Elle se rapprocha légèrement du tenjô-name quand elle remarqua une entaille assez longue à son ventre. Ce yokai avait aussi essayé d’attaquer Bojin. Ayana feula aussi fort qu’elle put, et son ennemi recula, plus surpris qu’intimidé.
Ce n’est pas un yokai habitué à se battre, pensa Ayana, encore plus s’il est blessé. Il espérait probablement se débarasser de moi dès sa première attaque.
Le tenjô-name hésita une dernière fois, puis se retourna et s’enfuit en grimpant sur les murs, disparaissant dans une des nombreuses pièces. Ayana se détendit une fois qu’elle ne pouvait plus entendre les bruits de pas de la bête.
J’aurais probablement perdu le combat s’il m’avait attaqué à nouveau… Je me demande comment il a pu survivre face à Bojin.
Ayana se retourna et continua son chemin, rejoingnant rapidement l’escalier menant au quatrième étage. Elle grimpa les marches quatre-à-quatre, réfléchissant à toute vitesse. Et si Bojin l’avait laissé vivre ? Pour que le tenjô-namem’attaque ensuite… Ayana courut parmi les nombreux corps gisant à terre, et remarqua que certains respiraient encore, agonisant, au supplice. Pour la plupart, Bojin avait visé les points vitaux avec la précision d’un chirurgien.
Un hurlement terrible se fit entendre à l’étage supérieur. Ce n’était pas un cri spectral, étrange, inhumain d’un yokai. Ou le rugissement sanguinaire de Bojin.
C’était le son strident d’enfants terrifiés. Ayana accéléra.
"l'air particulièrement déterné" => Déterminé non ?
Go Ayana !
C'est étonnant, je la trouve très... adulte dans ce passage ? D'un coup, on dirait qu'elle a vraiment pris plusieurs années, surtout qu'elle en impose là où l'adulte présent, Munefusa, recule et devient un peu l'enfant du groupe
Je dois dire qu'à chaque chapitre je suis impressionnée par le niveau de documentation en mythologie japonaise qui est fournie, non seulement ce conte embarque, mais en plus il apprend plein de choses au passage : paf, une pierre deux coups et ce de manière impeccable
C'est impressionnant aussi comment tu arrives à gérer la tension narrative : Bojin est vraiment un perso très fort et je me demande comment Ayana va pouvoir réussir à l'arrêter, tout va de mal en pis et pourtant on continue à espérer que ça va s'arranger (parce que oui, on l'aime beaucoup Ayana héhé)
Bref, je crois avoir vu qu'on approchait peu à peu de la fin et je dois dire que le suspens est bien ficelé, car je n'ai aucune idée de comment tout cela va bien pouvoir se terminer ! (Bien pour Ayana j'espère svp : ') )