Chapitre 10

Par Mimi

 

À la sortie des classes, ce jour-là, Bertille et Isabeau observaient M. Fauripré qui surveillait le trottoir depuis la porte d’entrée de l’école. Elles attendaient le moment où il rentrerait pour lui sauter dessus.

-       Papa ! s’écria Bertille une fois qu’il eut refermé le grand battant en bois peint en vert. Est-ce que je peux dormir chez Isabeau ce soir ?

Pris au dépourvu, M. Fauripré laissa glisser son regard de Bertille à Isabeau, et de Isabeau à Bertille. Il avait l’air un peu perdu. Il faut dire que c’était bien la première fois que quelqu’un invitait Bertille à dormir.

-       D’accord, accepta-t-il d’un ton dégagé, bien qu’il n’ait pas l’air si à l’aise que ça. Sa tante est au courant, au moins ?

-       Oui oui, elle m’a enfin fait faire un double des clés, répondit Isabeau du tac au tac. Et je lui ai demandé ce matin, elle m’a dit qu’il n’y avait aucun problème, puisqu’on n’a pas école demain.

Le père de Bertille haussa les épaules, comme s’il n’y pouvait rien. Il semblait complètement dépassé par les évènements.

-       Pourquoi est-ce que tu continues de rester le soir, si tu as les clés de chez toi ? demanda alors Bertille alors qu’elles grimpaient à l’étage pour préparer son sac.

-       Parce que c’est plus sympa d’être avec toi que de m’ennuyer toute seule dans cette grande baraque, répliqua Isabeau comme si Bertille venait de dire une bêtise.

Bertille baissa la tête pour dissimuler le sourire qui étirait ses lèvres, et se pencha pour que ses cheveux cachent son visage. Elle fourra quelques affaires dans un sac et plia son duvet.

-       Je ne sais toujours pas à quoi Jimmy ressemble, remarqua soudain Isabeau.

Bertille laissa tomber son sac de couchage à ses pieds et ramassa le sac à dos sur son lit. Elle était étonnée qu’Isabeau s’intéresse à Jimmy aussi ouvertement. Les autres filles de son âge montraient rarement de l’intérêt pour les garçons, de peur que leurs amies les disent amoureuses. Bertille ne pensait pas qu’Isabeau fût amoureuse de Jimmy - après tout, elle ne savait même pas de qui il s’agissait. En fait, ces histoires de sentiments l’agaçaient.

-       Il reste avec ses copains pendant la récré, expliqua-t-elle en bouclant la fermeture éclair du sac. On se ferait moquer sinon, et puis, ses copains ne restent pas le soir, alors que moi…je fais partie des meubles.

Isabeau avait les yeux dans le vide, rêveurs.

-       Je suppose qu’il fait partie de ce groupe de garçons turbulents au fond de la classe.

Bertille rit intérieurement. Isabeau s’exprimait d’une façon très bizarre pour quelqu’un de son âge. Mais cela ne l’étonnait pas beaucoup : elle avait un prénom qui datait au moins du Moyen-Âge. Il y avait eu bien plus de reines s’appelant Isabeau que de Berthe-au-grand-pied.

-       Oui, répondit Bertille. Jimmy est le blond avec la mèche de cheveux devant les yeux.

-       C’est le plus sage, alors.

-       C’est pour ça que Jimmy aime bien ses copains. Ils sont très différents de lui, ça lui plaît d’être avec des garçons qui osent faire des choses que lui ne sait pas faire.

Isabeau leva les yeux au ciel.

-       C’est stupide d’admirer les autres pour leurs bêtises, commenta-t-elle. Tu les aimes bien toi ?

Bertille haussa les épaules. Les fréquentations de Jimmy lui étaient bien égales. Elle l’aimait bien lui, elle s’en fichait pas mal de ce qu’il faisait le reste du temps. Elle savait juste qu’elle aimait bien l’avoir avec elle dans son cagibi, où ils se racontaient chaque soir des histoires drôles ou effrayantes.

            Isabeau, qui était apparemment satisfaite de la réponse incertaine de Bertille, se déplaça vers la fenêtre et observa la cour, appuyée sur le rebord.

-       C’est drôle de voir l’école de haut.

Elle se retourna vers Bertille qui laissait pendre son sac par ses bretelles au bout de ses bras.

-       Enfin, tu ne dois plus trouver ça extraordinaire, vu que c’est ce que tu vois tous les matins en te levant, ajouta-t-elle en traversant rapidement la chambre pour la rejoindre.

- Non, répondit Bertille. Observer la cour d’ici, ça me fait me sentir plus en sécurité que lorsque je suis en bas, alors j’aime bien.    
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Fannie
Posté le 18/02/2020
Voilà nos deux amies qui passent une étape de plus dans leur amitié. Dormir l’une chez l’autre, ce n’est pas anodin. Le père de Bertille a une drôle de réaction. Quand mon fils avait cet âge, je parlais avec les parents du copain pour m’assurer que tout était en ordre.
C’est bon signe qu’Isabeau reste avec Bertille parce qu’elle en a envie et pas parce qu’elle y est obligée. Mais elle ne s’avance pas trop dans sa manière d’exprimer les choses.
Le fait qu’elle s’intéresse à Jimmy, qui est le seul autre ami de Bertille montre aussi qu’elle veut faire partie de sa vie. Partager cette amitié peut être très positif s’ils s’entendent bien à trois, mais ça peut aussi être risqué dans le sens qu’un des trois pourrait être mis à part, et pas forcément la dernière arrivée. Mais d’après le résumé, ils vont former un trio de choc.  :-)
Coquille et remarques :
— de Bertille à Isabeau, et de Isabeau à Bertille [d’Isabeau]
— Tu as employé le subjonctif présent ici : « accepta-t-il d’un ton dégagé, bien qu’il n’ait pas l’air si à l’aise que ça » alors que là, tu emploies le subjonctif imparfait : « Bertille ne pensait pas qu’Isabeau fût amoureuse de Jimmy » ; je ne comprends pas pourquoi et je t'encourage à choisir le subjonctif imparfait  :-)]
— amoureuse de Jimmy - après tout, elle ne savait même pas [Il faut un tiret long]
Mimi
Posté le 05/03/2020
Ah, désolée, je n'ai pas vraiment conscience de tout ça parce que je n'ai pas d'enfants hihi ! Et je n'avais pas beaucoup d'amis plus jeune du coup dès que j'avais une invitation ma maman disait oui…
Merci !
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