- Ich bin der Vater, dit Gaëtan.
- Ich bin die Mutter, dit Hannah.
- Ich bin Hansel, dit Loïc.
- Ich bin Gretel, termina Chloé.
Bertille s’ennuyait en cours d’allemand de Madame Kamelsberg. Elle aurait bien aimé le suivre avec Jimmy ou Isabeau. Les autres ne faisaient pas plus attention à elle qu’à l’enseignante. Quant à Madame Kamelsberg, eh bien… c’était Madame Kamelsberg.
Les autres disaient que c’était une vieille folle. Elle était un peu bizarre, c’est vrai, toujours à gesticuler et à dire des bêtises. Bertille l’aimait bien. En particulier parce que c’était un des seuls cours où elle avait la paix. Et puis, étudier le conte d’Hansel et Gretel comme une pièce de théâtre, c’était plutôt intéressant.
La classe d’allemand ne comptait que sept élèves, les parents des autres pensant que l’allemand n’était pas fait pour des enfants de dix ans.
Si les parents des autres étaient là, ils ne seraient pas contents de voir ce que Madame Kamelsberg nous fait faire, pensa Bertille.
Elle avait souvent entendu les enseigants parler avec son père des plaintes de certains parents d’élèves, qui n’aimaient pas que leurs enfants aient à lire des histoires de sorcière pour l’école. Bertille pensait que ces gens-là les prenaient vraiment pour des bébés.
Elle jeta son regard par la fenêtre, vers le vieux saule pleureur dont les branches grinçaient dans le vent. De toute la cour, c’était son arbre préféré. Malheureusement, aux heures d’école, il était très souvent occupé par d’autres élèves, pas toujours amicaux.
Elle fut soudain tirée de sa rêverie par la voix suraiguë de Frau Kamelsberg.
- Bertille, nous avons besoin d’un narrateur, tu veux bien le faire s’il te plaît ?
Bertille se pencha précipitamment sur sa feuille et lut la première réplique du conteur en s’appliquant pour bien prononcer, mais Frau Kamelsberg l’interrompit, subitement surexcitée.
- En fait, ça serait encore mieux si tu pouvais traduire, comme à la télévision ! suggéra-t-elle avec enthousiasme.
Bertille leva les sourcils ; elle ne regardait jamais la télé. D’ailleurs, s’il y avait bien une chose chez elle dont son père n’avait pas le droit de se plaindre, c’était bien le fait qu’elle passe plus de temps à lire qu’à rester collée au petit écran.
Cependant, elle voyait bien ce dont parlait Frau Kamelsberg. Elle faisait référence aux voix des journalistes couvrant celle des gens qu’ils interrogeaient.
- Le père se présente, ainsi que la mère. Hansel se présente, suivi de sa sœur Gretel.
Bertille reposa la tête sur son poing en attendant que les autres aient fini d’enchaîner leurs répliques. Ce n’était très difficile pour elle de traduire ce texte, les phrases étaient simples et elle connaissait presque tous les mots de vocabulaire grâce à son abécédaire germaniste qu’elle lisait très souvent le soir, au lieu de faire ses devoirs, comme tous les livres qui n’étaient plus de son âge.
Elle poursuivit son rôle avec la plus grande concentration. Elle n’allait pas très vite pour traduire, mais elle savait que les autres étaient impressionnés et loin d’être impatients de réciter leurs tirades en espérant que Frau Kamelsberg ne reprenne pas trop souvent leur prononciation imparfaite. Leur professeure, quant à elle, la gratifiait d’un « Bravo Bertille ! » à la fin de chacune de ses phrases, tout en l’aidant de temps en temps.
Bertille aimait bien les cours d’allemand. Il y avait un côté prévisible et bien rangé qu’on ne trouvait pas dans les autres leçons. Elle s’y sentait bien, mieux que dans sa classe où tout le monde la détestait sans qu’elle en connaisse la raison.
- Bonjour Madame Vermoncourt…
- Bonsoir Bertille ! C’est gentil de passer nous voir, répondit Madame Vermoncourt en refermant la porte derrière elle.
- Merci à vous de m’avoir invitée…
Bertille longea le couloir vers la cuisine, où la table était déjà mise pour le goûter. C’était ainsi tous les mercredis. Son père disait que rendre visite aux anciens concierges était un peu comme aller voir ses grands-parents. Bertille ne les considérait pas vraiment comme tels mais elle aimait bien Madame Vermoncourt, qui en outre faisait d’excellents gâteaux.
Son mari, quant à lui, lui était un peu moins sympathique. Il se trouvait prostré sur un tabouret pliant contre la baie vitrée qui donnait sur leur petit jardin, mitoyen à la cour de récréation. Bertille l’observa du coin de l’œil, embarrassée. Madame Vermoncourt lui adressa un sourire encourageant et elle se détendit un peu.
- Il est un peu ronchon en ce moment. Le chat n’est pas revenu depuis quelques jours, alors il surveille le jardin pour voir s’il revient.
Bertille fit oui de la tête. Son père lui avait expliqué que le comportement étrange de Monsieur Vermoncourt n’était pas amusant du tout pour sa femme. Alors Bertille sourit à Madame Vermoncourt, pour lui dire qu’elle comprenait.
Le gâteau de ce mercredi fut aussi succulent que les précédents. Le ventre plein, Bertille remercia chaleureusement la maîtresse de maison et lui demanda si elle pouvait revenir avec une copine la prochaine fois.
- Bien sûr ma grande ! s’exclama Madame Vermoncourt. Tu as réussi à te faire une copine ? C’est une fille de ta classe ?
- Non, c’est une nouvelle, elle est arrivée dimanche, mais on s’entend bien.
- Reviens quand tu veux, de toute façon, on est tout le temps là, tu sais…
Madame Vermoncourt eut un regard désolé pour son mari. Le même regard qu’avait son père lorsqu’elle disait que sa mère lui manquait. Bertille se pinça fort la main pour s’empêcher de pleurer.
Madame Vermoncourt la raccompagna jusqu’à la porte. Au moment où elle s’apprêtait à la fermer, Bertille repoussa un peu le battant :
- Vous pourrez dire à votre mari que si jamais je vois son chat, je le préviendrai ?
Madame Vermoncourt parut très étonnée, mais aussi très touchée. Bertille sentit une bulle de fierté gonfler dans sa poitrine, comme si elle venait de rendre un grand service.
- D’accord, je le lui dirai. Merci beaucoup, Bertille.
Concernant les visites chez les anciens concierges, ce serait bien qu’elle puisse les faire avec Isabeau ; ce serait effectivement plus sympa. Je n’ai pas compris si le mari souffre d’une maladie, comme une démence, ou s’il a simplement un drôle de caractère.
Coquilles et remarques :
— Elle avait souvent entendu les enseigants parler [enseignants]
— tu veux bien le faire s’il te plaît ? [virgule avant « s’il te plaît »]
— s’il y avait bien une chose chez elle dont son père n’avait pas le droit de se plaindre, c’était bien le fait [S’il y avait bien/c’était bien ; il faut enlever un des deux « bien ».]
— et loin d’être impatients de réciter leurs tirades en espérant que Frau [Comme la phrase est longue, je te propose d’ajouter une virgule avant « en espérant ».]
— Le chat n’est pas revenu depuis quelques jours, alors il surveille le jardin pour voir s’il revient. [Pour éviter la répétition du verbe « revenir », je propose « le chat n’est pas rentré depuis quelques jours ».]
— Bien sûr ma grande ! s’exclama Madame Vermoncourt [Virgule avant « ma grande » / en France, on écrit « madame Vernoncourt »]
— Reviens quand tu veux, de toute façon, on est tout le temps là, tu sais… [Je mettrais un point ou un point-virgule après « quand tu veux ».]