Chapitre 13 : Les traqueurs

Chapitre 13 : Les traqueurs

La nuit était tombée sur la forêt, étendant son manteau d’encre sur les arbres noueux. Une obscurité dense, oppressante, dans laquelle seules les étoiles, à peine visibles à travers l’épais feuillage, osaient encore jeter quelques lueurs tremblotantes. Le vent s’était tu, laissant derrière lui un silence presque surnaturel, seulement brisé par le craquement étouffé des feuilles mortes sous leurs pas.

Thalixia, Azaria et l’Ancien avançaient sans un mot, glissant entre les troncs tortueux comme des ombres pressées. L’air était chargé d’une humidité lourde qui collait leurs vêtements à leur peau, une moiteur étouffante qui faisait perler la sueur sur leurs tempes. Chaque bruissement, chaque craquement de branche semblait amplifié, résonnant dans l’immobilité nocturne comme un avertissement sourd.

Azaria jetait des regards inquiets derrière elle, ses pupilles mordorées brillant d’un éclat fébrile. Sa respiration s’accéléra.

— Ils nous suivent encore ? souffla-t-elle.

Thalixia ne répondit pas immédiatement, mais son corps se tendit imperceptiblement. Elle les sentait aussi. Une présence tapie dans les ombres, insaisissable, invisible mais persistante, qui les guettait sans relâche. Ce n’était pas la première fois qu’elle avait cette impression depuis leur départ, mais cette fois, c’était plus qu’un simple pressentiment. Un frisson remonta le long de son échine.

L’Ancien, jusqu’ici silencieux, s’arrêta brusquement. Son regard perçant scrutait les ténèbres.

— Nous devons accélérer le pas. Ils approchent.

Thalixia ouvrit la bouche pour répondre, mais un hurlement fusa derrière eux, fendant la nuit comme une lame acérée. Un son glaçant, inhumain, vibrant d’une férocité insoutenable. Un cri qui ne pouvait appartenir à aucune créature naturelle.

Azaria se figea, la terreur figeant ses traits juvéniles.

Thalixia sentit son estomac se tordre. Elle connaissait ce hurlement.

Les Traqueurs.

Des créatures nées des ténèbres et de la chair, façonnées par des rituels oubliés. Des êtres dénués de toute humanité, insensibles à la fatigue, au froid, à la douleur… et selon certaines légendes, à la mort elle-même. Leur seule raison d’être : retrouver et annihiler les anomalies.

Et ils étaient tout proches.

Le bruissement des feuilles se fit plus intense. Des silhouettes mouvantes ondulaient entre les arbres, furtives, rapides. Puis, à travers la pénombre argentée par la lueur de la lune, Thalixia les vit.

Une paire d’yeux rouges perça l’obscurité. Puis une autre. Puis une troisième.

Un frisson de glace se répandit dans ses veines.

— Cours ! cria l’Ancien.

Ils s’élancèrent à travers la forêt, bondissant par-dessus les racines tordues, esquivant les branches basses qui fouettaient leurs visages. Le sol humide se dérobait parfois sous leurs pas, mais ils ne s’arrêtaient pas. Ils n’avaient pas le droit.

Derrière eux, les Traqueurs se rapprochaient. Leurs respirations sifflantes et irrégulières sifflaient dans l’air nocturne.

Azaria poussa un cri étranglé en trébuchant sur une racine invisible.

— Azaria !

Thalixia pivota, la rattrapa par le bras et la redressa sans ralentir.

— Tiens bon !

Mais les monstres gagnaient du terrain. Un grognement guttural retentit juste derrière eux.

Thalixia se retourna juste à temps pour voir une créature bondir.

Un corps maigre, tordu, couvert d’une peau grise et parcheminée. Des crocs noirs, luisants. Des griffes bien trop longues. Et ces yeux… ces yeux d’un rouge spectral, vides de toute émotion, dévorés par une faim insatiable.

Elle n’eut pas le temps de réfléchir.

Son feu répondit avant même qu’elle ne l’appelle.

Une vague de chaleur explosa de son être, une lumière dorée déchirant les ténèbres. Les flammes jaillirent de ses paumes, illuminant un instant la forêt d’un éclat aveuglant. La créature hurla, reculant sous l’assaut incandescent, sa peau se tordant sous la brûlure.

Mais ce n’était pas suffisant.

D’autres approchaient. Trop nombreux. Trop rapides.

— Là-bas ! hurla l’Ancien en pointant du doigt un passage rocheux entre deux falaises.

Un défilé étroit, sinueux. Un endroit où ils pourraient peut-être ralentir leurs poursuivants.

Sans hésiter, ils s’y engouffrèrent. Thalixia fut la dernière à franchir l’entrée, pivotant sur ses appuis.

Elle tendit les mains.

Son feu jaillit de nouveau.

Une barrière de flammes s’éleva, enflammant l’entrée de la faille dans une lumière incandescente. L’écho des hurlements des Traqueurs résonna à travers les parois rocheuses, furieux, frustrés.

Pour l’instant, ils étaient stoppés.

Thalixia, haletante, se tourna vers Azaria. La fillette tremblait encore, son souffle court.

— Ça va ?

Azaria hocha la tête, ses yeux agrandis par la peur.

— Je… je crois…

L’Ancien posa une main sur l’épaule de Thalixia, son regard grave.

— Nous devons continuer. Ce feu ne les retiendra pas éternellement.

Thalixia le savait.

Ils n’étaient pas en sécurité.

Pas encore.

Mais une chose était certaine.

Les Anciens ne les laisseraient jamais fuir aussi facilement.

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