Le cours de runologie qui avait suivi celui d’alchimie dans l’après-midi se révéla bien moins passionnant que ce que Lyra avait d’abord imaginé. Bien que leur professeur, Electra Crane, se montre d’une patience et d’une attention toute particulière, tracer des runes pendant plus de deux heures s’avéra autrement plus ennuyant que la théorie présentée par le professeur Alambic quelques heures plus tôt.
En ressortant du cours ce soir-là, beaucoup d’étudiants ne purent retenir un long bâillement qui n’avait rien à voir avec une quelconque fatigue. Jude en faisait partie.
— Je n’aurais jamais cru te voir un jour aussi peu attentif, confia Lyra alors qu’ils s’installaient au réfectoire pour le dîner.
Jude, à moitié avachie sur la table entre son bol de soupe au potiron et son manuel Runologie ou l’art des mots magique, l’écoutait à peine d’une oreille.
— Et moi je n’aurais jamais cru qu’on puisse rendre une matière aussi peu intéressante, répondit-il en étouffant un nouveau bâillement.
Lyra fronça les sourcils.
— Ce n’est pas gentil pour le professeur Crane, objecta-t-elle.
— Je suis navré pour elle, sincèrement, répondit platement Jude. Mais sa voix est si douce qu’elle me donne plus envie de dormir que de tracer des runes complexes.
Puis, après un lent haussement d’épaules, il ajouta :
— D’ailleurs, je te ferais remarquer que j’ai fait l’effort de garder les yeux ouverts, ce qui n’est pas le cas de tout le monde.
Et ce disant il glissa une œillade à une table un peu plus loin où Sierra passait un savon à Théodore et Avery – l’un tout déconfit, l’autre totalement imperméable à ses remontrances. Les garçons, comme une partie de la classe, s’était finalement endormis en plein milieu du cours.
Lyra trouvait le professeur Crane admirable de ne pas s’être aussitôt énervée contre eux pour ce flagrant manque de respect. À la place elle les avait simplement réveillés avec toute la douceur qui semblait la caractériser, mais leur avait tout de même donner des devoirs supplémentaires, comme à tous ceux qui avaient succombés à son timbre de voix envoûtant.
Lyra regarda son propre manuel de runologie étalé devant elle. Le professeur Crane leur avait donné pour devoir d’étudier les runes à sortilèges qui étaient utilisés dans certains des cercles magiques les plus avancés. Elle leur avait demandé de s’entrainer au dessin de deux d’entre elles et avait ajouté à la troupe de dormeurs la tâche de lui rédiger deux pages complètes d’étude sur la rune de sommeil – puisqu’ils semblaient incapables de lui résister – et son homologue de réveil.
Si certains s’en plaignirent, Lyra trouva la réaction du professeur Crane tout à fait inspirante. Le professeur Delafosse n’aurait certainement pas laissé passer un tel comportement. Il était d’ailleurs fascinant de les voir assises côte à côte à la table des professeurs. Elles étaient aussi différentes que le jour et la nuit, voir même plus, mais s’entendait étonnement bien. Le professeur Crane avait même arraché à sa collègue l’un de ses très rares sourires, un exploit qui avaient estomaqué certains élèves de première année qui l’avaient surpris.
— Je crois qu’il va falloir que je me grave cette rune sur le bras, lança subitement Jude, ramenant Lyra au présent. Peut-être qu’elle me permettrait de ne pas succomber au prochain cours.
— Ou peut-être devrais-tu simplement la graver sur une pierre que tu garderais dans ta poche ? suggéra innocemment Lyra en se resservant une miche de pain.
Jude fronça lentement les sourcils, fixant d’un œil un peu distrait les lignes interminables de son manuel de runologie.
— Oui… dit-il d’une voix trainante emprunte de fatigue. Tu as sans doute raison…
En retrouvant leur salle commune une heure plus tard, la quasi-totalité des élèves de première année somnolaient debout. Leurs aînés s’en amusaient beaucoup et félicitèrent ceux qui étaient parvenu à garder les yeux ouverts.
— Certains prétendent que le professeur Crane a dû être une sirène dans une autre vie, leur avoua une élève de troisième année lorsque Lyra raccompagnait une Evanore groggy de fatigue dans leur dortoir. Personnellement, je pense plutôt qu’elle est une ancienne artiste chanteuse.
— Tu dis n’importe quoi, Emma, l’interrompit l’une de ses camarades, une certaine Carlotta si les souvenirs de Lyra étaient bons. Le professeur Crane est la fille d’un Marchand de Sable, voilà tout.
— Un Marchand de Sable ? interrogea Lyra.
Elle avait déjà entendu le professeur Alambic en faire mention mais ignorait encore de quoi il s’agissait. Avec tout ce qu’il s’était passé, elle l’avait complètement oublié.
— Ce sont des magiciens du désert d’A’thann, expliqua la jeune femme à sa gauche – Carlotta. On dit qu’ils ont la capacité de se fondre dans les rêves des autres et de les emporter dans un profond sommeil avec leur musique.
— Exactement, leur musique, souligna la fille qui avait surgit sur sa droite – Emma, donc. L’as-tu déjà vu jouer de la musique en cours ?
— Une voix mélodieuse est considéré comme instrument de musique dans certaines cultures, fit valoir Carlotta.
— Mais bien sûr !
Alors qu’elles continuaient de se disputer, Lyra leur faussa compagnie pour s’enfoncer dans le couloir de son étage. Les deux étudiantes la remarquèrent à peine et la sorcière les entendit distinctement continuer leur dispute alors même qu’elle refermait la porte de leur chambre derrière elle.
Un calme reposant s’abattit aussitôt sur les deux amies. Lyra en profita pour souffler et aida Evanore à se préparer à dormir. Lyra ignorait si le professeur Crane avait des origines aussi fantaisistes ou si sa voix avait véritablement un pouvoir extraordinaire, mais il était clair qu’Evanore y était particulièrement sensible. La preuve, elle dormait déjà lorsque Lyra tira sur elle ses nombreuses couvertures et ses ronflements emplirent la pièce à peine eut-elle fait un pas en arrière.
Dans son propre lit, après s’être changé, Lyra repensa à sa journée et se demanda ce qui allait bien pouvoir l’attendre le lendemain. Et si ses condisciples envoûtés se lèveraient seulement.
*
Le parc du château était encore plus vaste que ce que Lyra avait d’abord pensé. Elle admirait la surface du lac miroitant qui s’étendant sur sa droite alors que sa classe traversait la pelouse en direction des enclos qui bordaient la forêt.
Le cours de magie-zoologie avait débuté dans une classe assez particulière au toit complètement ouvert sur le ciel. Les élèves étaient assis par petit groupe sur des troncs ensorcelé capable de résister aux intempéries. La moitié d’entre eux somnolaient encore, même après un petit-déjeuner aussi copieux que celui auquel ils avaient eu droit.
Ils attendirent ainsi une bonne dizaine de minutes à bailler largement et dodeliner de la tête avant que leur professeur, Wolfgang Blackwood, ne daigne enfin se montrer. Son apparition eut le mérite de réveiller la classe aussi efficacement qu’une bonne paire de claques.
Si ses pas lourds n’avaient pas attiré l’attention des étudiants, son apparence finit de les arracher à leurs rêveries éveillées. Grand, les épaules larges et un corps robuste, il fascina aussitôt un bon nombre de jeunes filles. Les voir se pâmer ainsi devant lui fit grimacer l’autre moitié de la classe, dont Jude et Lyra qui trouvaient la manière dont elles entortillaient rêveusement leurs cheveux autour de leurs doigts parfaitement ridicules.
Oublié le maladroit professeur Winterman, elles semblaient complètement hypnotisées par le mystérieux professeur Blackwood dont les longs cheveux noirs en bataille, la mâchoire carrée et les yeux caverneux rendaient plus séduisant encore. Il sembla même à Lyra voir Béatrice Alder s’éventer fortement après que le professeur lui eut passer devant. Pendant un instant, elle craignit même de la voir s’évanouir tant son visage avait rosie.
Il fallait dire que le professeur Blackwood, au-delà même de son apparence, dégageait une drôle d’aura, ni aussi austère que celle du professeur Delafosse, mais loin d’être aussi accessible que les professeurs Winterman et Alambic et certainement pas aussi délicat que le professeur Crane. Non, si Lyra avait dû le décrire, elle l’aurait sûrement comparé à une Ombre à visage humain. Quoiqu’avec les grognements qu’il émettait, il ressemblait sûrement plus à une bête grognon qu’à une Ombre.
— Et c’est repartie… se désola Jude en voyant les filles de la classe faire les yeux doux au professeur.
Ce dernier ne rougit pas ni ne fit mine de remarquer quoi que ce soit. S’il avait remarqué leur manège, il l’ignorait avec superbe. À la place, et ne voulant visiblement pas perdre de temps, il se contenta de leur dire re ranger leur livre et de se lever.
Il n’y eut pas de grands discours sur la matière qu’il enseignait, ni d’exposé sur leur programme comme dans leurs précédents cours. À la place, et après une présentation sommaire, il leur demanda d’enfiler leurs gants de protection ainsi que leur tablier avant de les conduire en dehors de la classe.
Ils traversèrent ainsi le parc jusqu’à la bordure de la forêt où l’on pouvait entendre par intermittence des grognements gutturaux. Sur son ordre, les élèves avaient délaissé leur sac à l’abri d’un vieux hangar aux planches de bois couvertes de mousse avant de s’approcher de la bordure de l’enclos.
Jude n’avait pas lâché la main de Lyra alors que cette dernière s’était pris d’admiration pour un nuage dont la forme lui rappelait vaguement celle du lapin en peluche de sa sœur. Elle ne revint au présent que lorsque Jude lui enfonça son coude dans les côtes.
Le professeur Blackwood s’absenta un instant, laissant les élèves pantois avant de revenir avec deux grands seaux débordant d’une masse rose et malodorante. Quelques élèves se pincèrent le nez, incommodé, tandis que d’autres, plus curieux, se penchaient pour essayer de déterminer ce que pouvait bien être cet étrange amas à l’apparence un peu visqueuse.
— Bien, lança-t-il d’une voix profonde en posant lestement les deux seaux devant lui.
Son timbre rocailleux fit fondre une fille sur la gauche de Lyra qui manqua de peu de s’évanouir. Beaucoup levèrent les yeux au ciel, exaspéré, dont Evanore et son groupe. Même Sierra fit la grimace.
Le professeur, indifférent à leurs réactions, se contenta de relever les manches de sa chemise, révélant de nombreuses cicatrices plus ou moins récentes. Une fille qui n’avait pas perdu la tête comme ses condisciples leva la main – Lyra l’identifia comme Prudence, une fille de Boidébène.
— Professeur, d’où viennent ces cicatrices ? demanda-t-elle tout de go.
Le professeur Blackwood eut un vague sourire.
— Vous allez bientôt le découvrir, affirma-t-il avant de se tourner vers l’enclos.
Il siffla entre ses doigts et des cris perçants lui répondirent. Peu après, deux immenses bêtes surgirent d’entre les arbres. Un mouvement de recule anima la classe tout entière alors que les créatures, s’avançaient dans la lumière. Elles étaient semblables à de petits dragons pourvues seulement de deux jambes et dont des membres de chair s’étendaient de leurs bras comme les ailes d’une chauve-souris.
Lyra les trouva magnifique avec leurs écailles scintillantes comme des pierres précieuses dont la couleur variait imperceptiblement à la lumière, passant d’un orange chamarré à un délicat doré pour l’une et un turquoise délicat à un bleu roi profond pour l’autre. Leurs yeux, immenses, étaient pourvus de pupille toute ronde alors que des crocs acérés débordaient de leurs gueules. Une crète partait du sommet de leur crane et descendaient le long de leur colonne. Chose surprenante, leur crâne était dépourvu de cornes.
— Pouvez-vous me dire de quoi il s’agit ? demanda le professeur en ramassant un morceau de la chose rose qui débordait des seaux pour le lancer en l’air.
Les bêtes se jetèrent dessus avec frénésie et se disputèrent le morceau de ce qui apparut enfin comme de la viande.
— Des vouivres, répondit quelqu’un mais Lyra n’aurait su dire de qui il s’agissait tant elle était fascinée par les créatures.
— C’est exact, approuva le professeur en lançant un nouveau morceau de viande.
Attiré par le bruit de chair déchirée et l’odeur du sang frais, d’autres vouivres se joignirent aux premières, réclamant elles aussi leur repas.
— Et pouvez-vous me dire quelle est la différence entre une vouivre et un dragon ? interrogea à nouveau le professeur en s’essuyant négligemment les mains sur son tablier avant de se tourner vers ses élèves.
Il paraissait complètement imperméable au carnage qui avait lieu dans son dos.
— Les dragons ont quatre pattes, apprit un élève, les vouivres n’en ont que deux.
— Encore exact, mais encore ?
Le regard de Lyra coula de leurs mâchoire imposantes dégoulinantes de sang à la pierre précieuse rouge foncée, pas plus grosse qu’une prune qui ornait leur front.
— Leur escarboucle, lâcha-t-elle de but en blanc.
Tous les regards convergèrent vers elle et un silence étrangement pesant s’abattit sur le groupe. Elle se pointa alors le front entre les yeux.
— Le grenat qui orne leur front, expliqua-t-elle, là où se trouve le siège de leur pouvoir. Celui du dragon se trouve au cœur. Contrairement à lui, on peut la retirer, mais ce serait l’asservir et c’est interdit depuis les années 20 du règne de Théséus Ier.
Le silence s’étendit, interminable. Lyra balaya la foule du regard, seulement pour croiser des regards à la fois curieux, agacé et… admiratif ?
— Exact, approuva le professeur avec un hochement de tête approbateur qui lui rapporta autant de regards mauvais de la part des filles que d’agacement de la part de Sierra et Théodore. Les vouivres sont également beaucoup plus dociles et fidèles à leur dompteur, ajouta-t-il en levant une main vers le nez de l’une d’elles.
Cette dernière vint s’y blottir, non sans lécher les résidus de sang de ses gants.
Le professeur Blackwood se tourna alors vers ses élèves.
— À présent, il est temps de les nourrir, déclara-t-il joyeusement ce qui refroidit même ses nouvelles admiratrices. Les vouivres mangent principalement de la viande, mais elles ont parfois quelques préférences pour certains mets plus particuliers comme le sang de fée ou les larmes de sirènes. Celles-ci, indiqua-t-il avec un mouvement du menton, sont habitué à grignoter de temps à autre quelques bonbons avec une nette préférence pour les loukoums. Je veux que vous alliez chercher un seau par deux et que vous entamiez leur entretien de peau.
— Pardonnez-moi professeur, intervint Théodore avec une mine particulièrement dégoûtée, mais n’y a-t-il pas déjà des gens pour s’en occuper ?
Au vu de la grimace qu’il faisait, il n’y avait aucun doute sur le fait qu’il n’avait pas la moindre envie de mettre le pied dans cet enclos.
— C’est exact, et je ne vous demande pas de vous occuper d’elles jour et nuit M. Holloway, lâcha-t-il assez froidement. En revanche, j’ai pour croyance que l’étude d’un être vivant se fait mieux au contact de ce dernier. Si ma manière d’enseigner ne vous plait guère, libre à vous d’aller vous en plaindre au directeur. Ou au Bureau des Pleurs, ajouta-t-il après réflexion, il me semble qu’il a récemment rouverts ses portes.
Théodore parut rapetisser alors que le rouge envahissait son visage. Le professeur Blackwood, loin de s’en préoccuper davantage, reporta son attention sur les autres élèves.
— La peau des vouivres a beau posséder naturellement des sortilèges de protection, elle demeure sensible à la sècheresse et aux parasites. Si dans la nature elles parviennent à s’en prémunir en se baignant tous les jours dans des sources visitées par des fées, nos vouivres n’ont pas cette chance et il nous faut donc nous y atteler. Vous trouverez dans le hangar des boîtes étiqueté « Baume de fée ». Prenez-en une pour deux et revenez me voir.
Les élèves échangèrent des regards perplexes avant de suivre ses instructions. Les plus réfractaires à se salir les mains – même gantées – arrivèrent les derniers au hangar pour récupérer leur seau de viande et leur baume. Alors qu’ils se battaient pour avoir les boîtes les moins piteuses ou les seaux les moins dégoûtants, Lyra, Jude et quelques autres élèves comme Evanore et Isla Wright étaient déjà revenus auprès du professeur Blackwood.
Ce dernier leur indiqua d’entrer dans l’enclos et les encouragea à se présenter devant l’une des vouivres. Evanore et Isla optèrent pour celle aux écailles bleu nuit tandis que Lyra et Jude s’approchèrent de celle à la peau de flamme. Sous les instructions de leur professeur, ils déposèrent le seau sous le nez de la créature et attendirent que cette dernière y plante le nez avant de badigeonner son corps d’une bonne couche de baume.
— N’hésitez pas à mettre la dose, leur intima le professeur une fois que tout le monde se trouva une vouivre, leur peau absorbe le baume rapidement et s’assèche tout aussi vite.
En même temps qu’elle travaillait, Lyra prenait grand soin de toujours avoir une main sur la créature, lui signifiant ainsi sa présence. Le professeur avait longuement insisté sur ce fait et la raison se révéla d’elle-même lorsqu’en voulant tartiner une partie des jarrets de l’animal, un élève se fit mordre par cette dernière.
Alors qu’il hurlait de douleur, son avant-bras prenait une troublante teinte violette autour de la morsure. Ses chairs gonflaient à vue d’œil et la nausée prit quelques élèves à l’estomac. Le professeur accourut à son côté.
— Voilà pourquoi il faut toujours assurer un contact avec une vouivre, apprit-il aux élèves. Leur morsure étant venimeuse mais pas mortelle, je crois que nous pouvons remercier M. Edwards pour cette démonstration.
Puis il demanda à son partenaire, un garçon assez chétif de Boidébène de l’emmener à l’infirmerie. Jude donna un petit coup à Lyra en lui montrant le garçon qui avait l’air complètement affolé en suivant le blessé.
— Le voilà, mon fameux colocataire, murmura-t-il. Il est assez maladroit dans son genre, avoua-t-il l’air pensif, je suis même étonné de voir que ça n’est pas lui qui s’est fait mordre.
Lyra leva les yeux au ciel, amusée, et revint au soin de leur vouivre.
Le cours se poursuivit plutôt calmement, même si une grande majorité des élèves avaient commencé à craindre de finir comme Edwards et n’avait plus lâché leur vouivre des mains.
Lyra et Jude s’en sortaient admirablement bien. Leur vouivre, loin de se montrer aussi agitée que certaines, n’arrêtait pas de venir solliciter Lyra pour avoir des caresses et s’amusa même à la décoiffer du bout de son museau.
— Il semble que celle-ci vous apprécie particulièrement, Mlle Oakwood, s’amusa le professeur en passant devant les jeunes gens alors que la vouivre léchait amoureusement la joue de la jeune femme.
Elle eut un sourire timide et profita que la bête s’amourache de Jude un instant pour lui passer du baume sur le poitrail. Les deux amis travaillaient de concert avec une efficacité qui fit grincer des dents certains de leurs voisins.
— On dirait que Théodore a plus de mal, s’amusa Jude en pointant à Lyra le duo qu’il formait avec Avery.
Ce dernier éclata de rire alors que Théodore ne cessait de se faire pincer par la vouivre couleur d’aurore dont ils s’occupaient. Non loin d’eux, Sierra avait également un peu de peine, mais parvint à éveiller la curiosité de la créature le temps que sa compagne de soin s’occupe du long cou de l’animal. Le professeur, qui passait près d’elles, les félicita pour leur travail avant de s’éloigner calmer une vouivre qui commençait à s’agiter un peu trop.
Surprenant son regard, Sierra lui lança un sourire goguenard tout en caressant la mâchoire dégoulinante de sang de la bête.
— Tu crois qu’un jour ils se laceront de leur petite compétition ? demanda songeusement Lyra.
Au loin, la cloche annonça la fin du cours.
— Le jour où ça arrivera, lança Jude en ramassant le seau de viande vide, on saura qu’on a glissé dans une autre dimension.
Lyra lui sourit mais le cœur n’y était pas vraiment.
Avant de retourner au château, le professeur leur donna comme devoir de lire le chapitre traitant des vouivres de leur Encyclopédie des fées et autres êtres extraordinaire. Chacun devrait lui rendre un papier d’au moins deux pages sur les particularités magiques des vouivres ainsi que les propriétés de leur sang et autre fluide utilisé en potion pour la semaine prochaine.
Leur matériel rangé et leurs affaires réunis, les étudiants se dirigèrent vers le réfectoire avec l’estomac aussi noué par la faim que par une profonde nausée à force de manipuler toute cette viande crue. Le fait de se retrouver face à des assiettes de steak et autres plats de viande eut raison de certaines âmes délicates qui coururent dans les premiers cabinets venus pour rendre leur déjeuner. Leur retour dans le réfectoire se fit sous les rires de quelques aînés qui les rassurèrent avec des accolades et quelques mots de circonstances.
*
L’après-midi étant réservé aux activités de club, les élèves n’avaient pas cours. Lyra et Jude en profitèrent pour étudier un peu mieux la théorie de l’invocation. Ils avaient trouvé un endroit relativement tranquille à l’ombre d’un cyprès à quelques mètres du lac où l’on pouvait voir la surface onduler à intervalle régulier.
— Je crois qu’il y a un kelpie, confia Jude en remarquant le manque d’attention de son amie. Enfin, c’est ce que m’ont raconté les autres de Boidébène hier soir.
La surface s’agita de plus belle et il sembla à Lyra voir quelques algues s’agiter au soleil avant de s’enfoncer tout aussi vite dans les profondeurs. Un petit sourire flotta sur ses lèvres. Oui, il devait y avoir un kelpie dans le lac. Je me demande à quoi il peut bien ressembler, songea-t-il distraitement.
Absorbée par ses pensées, Lyra ne remarqua pas tout de suite le trio plus âgé qui s’approchaient d’eux. L’un des garçons en poussait un autre devant lui, lui intimant de faire le premier pas. Jude releva la tête en les entendant se disputer à voix basse. Lorsqu’ils le remarquèrent, ils se turent aussitôt.
— Hum… entama alors le premier, ramenant Lyra au présent.
En tournant la tête dans leur direction, elle découvrit leur lavallière verte. Ils devaient faire partie de Boidébène. Elle se tourna donc vers Jude en songeant qu’il devait les connaître. Ce dernier affichait un air un peu perplexe.
— Je suis Mike Powers, se présenta-t-il avec un certain malaise. Et voici Isaac et Archer, continua-t-il bravement en indiquant ses deux compagnons.
Lyra les observa avec intérêt. Celui présenté comme Archer était grand et plutôt mince comparé au dénommé Issac qui compensait les centimètres en moins par un corps robuste. L’un avait la peau très claire, l’autre d’une teinte brune chaleureuse. Ils étaient le jour et la nuit.
— Je sais, répondit platement Jude avec l’air de quelqu’un qui commençait lentement à perdre patience.
Le dénommé Mike dut le percevoir, car il s’agita d’autant plus.
— Vous vouliez quelque chose ? demanda gentiment Lyra et le garçon sursauta.
Il se tourna vers elle comme s’il venait de la remarquer et parut quelque peut s’apaiser.
— En fait, on a assisté à votre cours de magie-zoologie avec Blackwood, entama-t-il enfin en reportant un regard sur Jude.
— On vous a vu depuis notre cours d’alchimie, précisa l’un des garçons derrière lui – Archer, donc.
— Et on voulait savoir si tu serais intéressé d’intégrer l’équipe de Boidébène, conclut vaillamment Mike.
— Non, répondit sèchement Jude et les garçons se décomposèrent.
— Mais…
— Il est hors de question que je m’embarque dans une bêtise pareille, rétorqua froidement le jeune homme.
— Pardon mais, de quelle équipe parlez-vous ? demanda doucement Lyra en ignorant le regard assassin que Jude lui jetait.
Les garçons parurent lui en être reconnaissants et se dépêchèrent de lui répondre.
— L’Académie pratique les courses de vouivre, expliqua Mike. Chaque maison possède sa propre écurie, tu peux voir le terrain juste derrière le château, indiqua-t-il en pointant une direction par-delà une colline après le lac.
En plissant les yeux, Lyra remarqua en effet des drapeaux s’agiter dans le vent et ce qui ressemblait à de lointaines tribunes.
— Je ne les avais pas vu en venant, fit-elle pour elle-même.
— C’est normal, sourit-il gentiment, le train ne va pas jusque-là lorsqu’il arrive.
— Et le terrain a été mis un peu à l’écart à cause des fuites de vouivres qu’il y a eu au fil des ans, indiqua le troisième – Isaac – jusqu’alors resté silencieux.
— Et vous pensez que Jude ferait un bon cavalier ? interrogea-t-elle encore.
Jude se décomposa alors que les garçons, ragaillardis par l’intérêt de la jeune fille, s’illuminèrent.
— Évidemment ! s’exclama Mike. Les Kingsford ont toujours fait les merveilleux cavaliers !
— Notre maison ne gagne jamais à cause de ça, se désola Archer en soupirant. Tous les Kingsford ayant intégré Aubelune sont allé à Démarrais.
— Oui, oui, la grande maison de la famille, grommela Jude en croisant les bras. Toujours est-il que je ne veux pas devenir cavalier.
— Pourquoi pas ? demanda innocemment Lyra.
— Précisément parce que tous mes frères l’ont été.
Lyra lui jeta un regard morose qu’il prit extrêmement mal.
— Quoi ? s’agaça-t-il.
Elle se détourna sans mot dire avant de reporter son attention sur le trio.
— Et vous faites partie de l’équipe ? demanda-t-elle encore en ignorant les injonctions silencieuses de Jude à côté d’elle.
— Mike est le capitaine, lui apprit le second.
— Isaac et Archer sont défenseurs, compléta Mike avec une certaine fierté en indiquant ses co-équipiers.
Lyra n’avait pas la plus petite idée de ce que cela pouvait bien signifier mais opina sagement du chef et les laissa poursuivre.
— Et il nous manque un joueur depuis que Connolly a quitté l’école, expliqua Isaac.
— En temps normal on ne serait pas venu t’embêter, avoua Mike avec un certain embarra, mais les sélections approchent et tu sembles le meilleur candidat, même parmi les deuxièmes années.
— Mais pourquoi Jude en particulier ? insista Lyra. C’est seulement à cause de son nom ?
— Bien sûr que non ! se récria Mike.
— Les Boidébène ont coutume de choisir leurs membres en fonction du comportement des vouivres, compléta calmement Isaac.
Jude qui boudait dans son coin jusque-là, parut soudain intéressé.
— Leur comportement ? répéta-t-il avec curiosité et les garçons approuvèrent un franc hochement de tête.
— Les vouivres ont un sixième sens accru, elles savent reconnaître les gens de valeur. On dit que plus une vouivre vous apprécie, plus vous avez de chance d’être un excellent cavalier.
— Parce qu’il y a déjà un lien de confiance intrinsèque, précisa Isaac.
— Très honnêtement, on aurait bien voulu te recruter toi, avoua Archer en pointant Lyra du doigt, ce qui hérissa Jude autant que cela l’étonna elle. Mais comme tu fais partie de Brillargent…
— Moi ? s’étonna-t-elle.
— Aubeclair avait l’air de beaucoup t’apprécier, approuva Mike avec un hochement de tête. Pour nous c’est la marque des grands sorciers en devenir.
Lyra sentit son cœur se réchauffer agréablement à ces mots.
Au loin, une cloche sonna. Les garçons firent la grimace de concert.
— Écoute, fit-t-il à l’adresse de Jude, on va devoir y aller mais, essaie au moins d’y réfléchir, d’accord ? Les sélections auront lieu ce samedi, tu n’auras qu’à venir si ça t’intéresse.
Et sur un dernier signe de tête, ils se dépêchèrent de rejoindre le château, laissant les deux amis aussi surpris que perplexe.
En retrouvant le réfectoire quelques heure plus tard, leur discussion avec Mike et ses coéquipiers continuaient de trotter dans leur esprit.
— Tu sais Jude, lança Lyra de but en blanc, je crois que je ne sais même pas vraiment en quoi consiste une course de vouivre.
Elle se tourna vers lui, curieuse.
— Tu pourrais m’expliquer ?
Jude soupira.
— C’est… un jeu stupide et dangereux. Les équipes sont composées de cinq membres : la tête de flèche chargée de prendre la tête, les ailiers chargées de la protéger des attaques et, les défenseurs qui eux attaquent les autres. Les équipes sont lancées dans une arène au circuit prédéfinit à l’avance où tous les coups sont permis en dehors de la pratique de la magie – les baguettes sont interdites. Sûrement pour ça qu’August aime autant ce sport, ajouta-t-il dans sa barbe. Le but est simple : gêner tes adversaires et s’assurer que la tête de flèche de ton équipe passe la première la ligne d’arrivée au bout de trois tours.
— C’est…
— Barbare ? proposa sombrement Jude en arrivant devant les portes du réfectoire.
— J’allais dire assez violent, mais je suppose que tu as aussi raison.
— Si tu savais comme August ne cesse de s’en vanter tous les jours, grommela-t-il en se laissant tomber à une table libre. Chaque nouvelle cicatrice semble aussi précieuse qu’une médaille pour lui, c’est n’importe quoi.
Lyra l’observa, songeuse, alors qu’il entamait son repas.
— Pourquoi ne veux-tu pas y jouer ? interrogea-t-elle.
— Je crois l’avoir déjà dit, grogna-t-il.
— Non, je veux dire, la vraie raison, insista-t-elle.
Jude pinça les lèvres et s’apprêtait à lui répondre quand Oliver fondit sur lui.
— Alors petit frère, on refuse de devenir une légende ? l’asticota-t-il d’emblée. Tu ne veux pas faire honneur à notre nom ?
— Rah… Fous le camp ! s’agaça Jude en repoussant son frère sans ménagement.
Oliver recula d’un pas avant de prendre place à côté d’eux.
— Tu sais, ce serait quand même marrant que tu participes, continua Oliver en piochant un petit pain dans la corbeille au centre de la table. On pourrait faire la course.
— Tu es cavalier ? interrogea Lyra.
— Tête de flèche de Démarrais, affirma-t-il avec une certaine fierté. Un post nettement plus enviable et impressionnant que celui de défenseur de notre cher grand frère.
Il grignota son morceau de pain avant d’afficha un sourire mutin.
— Alors, tu déclares déjà forfait ? susurra-t-il à Jude.
— Comment déclarer forfait quand on ne participe même pas ? répondit ce dernier avec aigreur.
— Simplement en refusant d’essayer petit frère, s’amusa Oliver en se relevant. Mais peut-être me suis-je trompé sur ton cas.
— Comment ça ? interrogea Jude, les sourcils froncés.
— Je te pensais plus courageux, lâcha-t-il en attrapant une pomme sur la table.
Il s’amusa à la lancer en l’air une fois avant de croquer dedans. Jude le fixait, soufflé.
— À plus tard, petit frère, s’amusa-t-il en se détournant pour retrouver son groupe d’amis.
À la veine qu’elle voyait palpiter sur sa tempe, Lyra comprit qu’Oliver avait gagné. Et lorsque Jude se retourna enfin vers elle, une sombre détermination animait son regard.
— C’est décidé, dit-il sinistrement en plantant rageusement sa fourchette dans son steak, je passerai les essaies samedi et je rentrerai dans cette équipe.
Intérieurement, Lyra se demanda si c’était pour le meilleur ou pour le pire.
J'aime bien le cours sur les vouivres, mais je trouve vraiment gênant que tous les profs hommes fassent se pâmer ces demoiselles...
Pourquoi Lyra ne s'est-elle pas fait approcher par les monteurs de vouivres de Brillargent ? (Peut-être parce que leur équipe est déjà au complet, maintenant que j'y pense)
Et si l'après-midi est consacrée aux clubs, pourquoi ne sont-ils pas allés voir, étant donné que c'est obligatoire ?
mais leur avait tout de même donner des devoirs supplémentaires => donné
Les élèves étaient assis par petit groupe sur des troncs ensorcelé => petits groupes, ensorcelés
après que le professeur lui eut passer devant => passé
tant son visage avait rosie => rosi
Et c’est repartie… => reparti
Un mouvement de recule => recul
dont des membres de chair s’étendaient de leurs bras comme les ailes d’une chauve-souris => euh, des membranes ?
Lyra les trouva magnifique => magnifiques
une fois que tout le monde se trouva une vouivre => je n'ai pas bien compris s'il y a une vouivre par groupe, ou bien seulement deux vouivres en tout. Dans le premier cas, où sont les autres vouivres ? Dans le deuxième cas, pourquoi se mettre par groupes de deux ? Et est-ce que ça ne fait pas beaucoup d'humains par vouivre ?
Leur vouivre, loin de se montrer aussi agitée que certaines, n’arrêtait pas de venir solliciter Lyra pour avoir des caresses et s’amusa même à la décoiffer du bout de son museau. => mooooh c'est trop mignon
avoua Mike avec un certain embarra => embarras
En même temps qu’elle travaillait, Lyra prenait grand soin de toujours avoir une main sur la créature, lui signifiant ainsi sa présence. Le professeur avait longuement insisté sur ce fait => c'est bizarre, le récit était assez continu jusque là, il n'y avait pas d'ellipses, et là tout d'un coup on apprend que le professeur a dit quelque chose de très important en hors-champ alors qu'il semble qu'il n'y a pas eu de hors-champ
Pleins de remarques intéressantes, je m'en vais y répondre :
- déjà, tu as tout à fait raison, en y réfléchissant le comportement des filles me met mal à l'aise, je songe de plus en plus à en changer, c'est lourd et un peu cliché
- pour les runes, je n'ai aucune excuse si ce n'est une flemme monumentale de décrire ce cours qui est plutôt mineur dans l'histoire (et surtout que, comme j'y vais beaucoup en mode jardinière et que c'est un projet doudou détente, je n'ai pas vraiment prit le temps de vraiment y réfléchir)
- en ce qui concerne le recrutement des équipes, c'est plus une préférence. Les élèves de Boidébène ont la croyance qu'une personne aimé des vouivres fera un bon cavalier, mais ça n'est pas nécessairement le cas des autres. De plus, Lyra n'est pas du tout intéressée par les courses, elle n'en a qu'une vague vision de "sport de riche" et elle préfère se concentrer sur ses études, donc même s'il y a eut une annonce pour recruter de nouveaux membres dans l'équipe de sa maison, elle n'y aurait même pas prêté attention
- côté club... j'ai aucune excuse si ce n'est le désir de les placer en mode "stress absolu" parce qu'ils sont tellement obnubilés par leurs nouveaux cours qu'ils ont complètement zappé en se disant bêtement qu'ils ont le temps (procrastination quand tu nous tiens...) ^^'
- côté cours avec les vouivres : c'est une vouivre pour deux, leur soin de peau nécessitant la présence de deux personnes (peut-être à mieux expliquer, en effet)
- enfin, merci pour toutes les coquilles, j'irai les corriger bientôt !
Voilà, je crois que c'est tout. Encore merci pour tes remarques ^^ et à bientôt !