Lorsque le jeune homme ouvrit les yeux, il était allongé sur un petit lit, dans une pièce qui ne devait pas faire plus de neuf mètres carré. Un lit, une table, une chaise ainsi qu’une bassine en terre cuite et un linge voilà ce qui composait cette pièce sombre. Une grande vitre semblait donner sur un couloir vitré également dont les paroirs extérieures étaient recouvertes de végétations, laissant jaillirent un peu de lumière.
Thomas avait perdu toute notion de temps et les injections à répétition l’avaient épuisé. Il s’approcha de la bassine et chercha un récipient d’eau pour tremper le linge, mais il n’y avait rien. Soudain, de petits spots de lumière s’allumèrent dans le couloir à mesure que l’Hermite et ses sbires avançaient puis s’éteignaient aussitôt.
Ils transportaient quelque chose avec eux. Un bruit sourd se fit entendre et une partie du mur près de la vitre sembla prendre du relief et glissa sur le côté. C’était en réalité une porte, impossible à ouvrir de l’intérieur.
— Quelle tristesse Tanneguy, vous ne m’avez pas laissé le choix. Votre crédit est à zéro.
— Mon crédit ?
— Votre rang dans notre société. Mais, plus vous vous adapterez, plus vos conditions de vie seront améliorées. J’ai amené avec moi quelque chose. Au siècle dernier, les humains ne pensaient qu’à consommer, ils devenaient gras et voulaient ensuite perdre ce gras grâce à une machine de ce genre, précisa L’Hermite pendant que les deux hommes déroulaient une sorte de tapis métallique au sol.
— Les anciens l’ont amélioré pour le bien-être collectif et surtout, celui de la Mère Planète.
— Protection et pardon, lancèrent les trois hommes la main sur la poitrine.
— Qu’est-ce que c’est que votre Mère Planète à la fin ? demanda Thomas, on croirait une secte, finit-il.
— Retire cela tout de suite sale bête, lui ordonna l’un des gardes en le prenant par le col.
— Du calme, du calme, il ne sait plus, tempéra L’Hermite, relâchez-le.
Le garde obtempéra immédiatement et reprit sa place.
— Tanneguy, reprit L’Hermite.
— Thomas, rectifia l’intéressé avant d’être frappé au visage.
— Tanneguy, d’affreuses choses se sont produites au XXIe siècle. L’homme a presque tué notre Terre par sa cupidité et son inconscience, jusqu’à détruire des millions de vies. Les anciens nous ont sauvés, nous leur devons tout et eux sont en constante communion avec notre planète. Si nous voulons survivre, nous devons la respecter pour qu’elle nous respecte également. Nous sommes ici dans la cité des vents, une des seules cités de la planète et nous le devons aux anciens.
— Reconnaissance éternelle et dévotion, dire en cœur les trois hommes.
— Ce que je vous apporte ici y contribuera, poursuivit L’Hermite en montrant le tapis de métal. L’un des hommes appuya sur le mur et une sorte de prise en sortie. Il inséra un fil à l’intérieur et le tapis se mit à vrombir.
— C’est un tapis de course, vous vous foutez de moi, c’est pas possible autrement. C’est une blague ? s’exclama Thomas.
— Lorsque vous courrez dessus, votre force se traduira en énergie qui alimentera votre électricité, la lumière au plafond par exemple, et remplira votre bassin d’eau.
— Bon. On arrête les conneries tout de suite, relâchez-moi maintenant, ça ne me fait pas rire du tout, vous n’avez pas le droit de me retenir contre ma volonté. Au secours ! s’énerva le jeune homme.
Les deux sbires le plaquèrent au mur.
— Ceci n’est pas un jeu Tanneguy. Sachez que si vous courrez plus que nécessaire, cette énergie sera injectée dans le collectif et vous aurez de bons points. Cette bonne attitude vous permettra peut-être d’atteindre le niveau supérieur d’espace personnel. Mais ne me poussez pas à bout, ma patience à des limites et votre attitude m’irrite, lui lança L’Hermite. Abordons le sujet suivant, les ponctions.
— Les prises de sang contre ma volonté vous voulez dire, protesta Thomas, avant qu’un des hommes ne lui frappe l’estomac.
— C’est pour notre bien Tanneguy. Nous en faisons tous pour nous assurer de notre bonne santé. Les radiations sur la terre ferme nous obligent à le faire, précisa l’Hermite.
— Les radiations ? la terre ferme ? Où sommes nous, que c’est-il passé à la fin, répondez ! implora Thomas, avant d’être à nouveau molesté.
— Tous les matins, vous irez au cours de transmission de mémoire et ensuite nous verrons cela ensemble. Pour revenir à la ponction, voilà une aide, poursuivit L’Hermite en tendant un papier au jeune homme.
— Issu d’une forêt durable j’imagine, ironisa ce dernier, qui prit une gifle aussitôt.
— Le plus vite vous vous comporterez bien, le plus vite votre vie sera agréable Tanneguy.
— Je ne veux pas d’une vie agréable, je veux ma vie d’avant, avant tout cela, avant vous, s’exclama le jeune homme.
Les deux gardes le passèrent alors à tabac pendant plusieurs minutes, jusqu’à ce que le jeune homme ne semble plus opposer de résistance, suite à quoi L’Hermite ajouta :
— Cette vie n’a jamais existé, le plus vite vous le comprendrez, le plus vite vous vous sentirez mieux. Nous vous laissons découvrir la liste des ponctions et votre tapis. Plus tard, vous découvrirez l’espace d’alimentation, mais pour l’heure, vous devez purifier votre organisme par le jeûn. Je vous laisse pour cela deux carafes d’eau.
Les gardiens regardèrent ces carafes avec envie.
— Sans ponction en retour cette fois, ajouta L’Hermite.
Thomas resta au sol et ne répondit rien.
— Toujours tout pour les vermines, rétorqua l’un des gardiens avant de se reprendre.
— Oui. Les revenants sont ingrats parfois, lança L’Hermite à ses sbires avant de sortir.
Le jeune homme resta de longues minutes ainsi, allongé au sol.
— Je vais me réveiller, je vais me réveiller, murmura-t-il.
Il ramassa ensuite par terre la feuille des ponctions et entreprit de la lire malgré ses yeux gonflés :
Une ponction par semaine : un sac de copeaux pour les selles
Deux ponctions : un nécessaire de toilette (brosse à dents, brosse à cheveux)
Trois ponctions en une seule fois : du bicarbonate
Quatre ponctions en une seule fois : une étoffe neuve au choix (bas ou haut)
Comment faire votre ponction ? Prenez un des tubes fournis chaque semaine. Posez-le sur une veine et pressez. Apportez-le ensuite dans votre espace d’alimentation.
Protection et pardon.
Ces mots achevaient la note.
— C’est un cauchemar putain, je suis fou en fait et je suis en plein délire, furent les dernières paroles de Thomas avant de s’affaler sur son lit et de s’endormir.