Chapitre 20

Par Mimi

 

-        D’où vient toute cette eau ? s’interrogea Isabeau en se penchant par dessus le parapet du pont qui menait à l’île de la mairie.

-        Il y a une source pas loin, expliqua Jimmy qui caracolait plus loin, à califourchon sur son vélo. L’eau jaillit du sol et…

-        Oui, je sais, ça s’appelle une résurgence, compléta Isabeau en revenant au centre du pont.

Bertille, les mains dans les poches, observait le lac, ses yeux rêveurs barrés par ses cheveux rabattus par le vent. Elle ne savait pas pourquoi ils venaient là exactement, mais elle sentait l’excitation gagner chacun de ses muscles. Elle se retenait de ne pas courir vers le parc. Après tout, elle était censée ne pas approuver cette sortie.

Isabeau se rapprocha d’elle et la prit par le bras. Bertille attendit quelques secondes et resserra son bras autour de celui d’Isabeau.

-        On dirait deux mamies, pouffa-t-elle.

-        Tu vois que tu fréquentes trop madame Vermoncourt, plaisanta Isabeau en l’entraînant derrière elle.

Elles rejoignirent Jimmy qui s’était arrêté à l’embouchure du pont.

-        Allez les mémères ! Il va faire nuit avant qu’on ait vu quoi que ce soit, et le fantôme va se montrer…

Bertille et Isabeau se regardèrent d’un air complice, sans oser dire qu’elles mouraient d’envie et de peur de voir le fantôme d’aussi près.

Jimmy posa son vélo contre un gros arbre et s’éloigna en courant vers une pente herbeuse qui menait à la berge et longeait le grand mur de pierres de la mairie.

-        Jimmy ! hurla Isabeau. Tu vas tomber à l’eau !

Jimmy se retourna vers elle en dérapant sur la gadoue qui recouvrait la pente.

-        Mais non ! fit-il avec un grand sourire. Regarde, c’est ça que je voulais te montrer.

Il pointait le doigt vers le bas du mur de la mairie. Bertille et Isabeau se rapprochèrent et découvrirent un abri à moitié inondé, creusé de profondes rigoles envahies par la vase.

-        C’est l’embarcadère, souffla Bertille.

-        Le même que dans la légende ? demanda Isabeau. Là où ils ont enchaîné Gustave et l’ont jeté dans un canot pour le noyer ?

Bertille acquiesça lentement.

Jimmy, quant à lui, inspectait la gare à bateaux avec intérêt. Les semelles de ses baskets se recouvraient de glaise et il devait lever les pieds très haut pour les arracher à la boue collante.

-        Là ! s’écria-t-il. La barque !

Les filles s’approchèrent et purent constater qu’il disait vrai. Une barque verte oscillait sur l’eau au gré des vagues. Elle était attachée à un rondin de bois vermoulu planté dans la pierre. La boue qui recouvrait le fond semblait fraîche. Ayant remarqué ce détail, Bertille demanda d’une voix blanche :

-        Vous croyez qu’elle n’est pas loin ?

Les deux autres ne répondirent pas, mais jetèrent des regards nerveux tout autour. Bertille sentait le bras d’Isabeau trembler tout contre elle.

-        On ferait mieux de s’en aller, non ? l’entendit-elle murmurer à son oreille.

-        Non ! firent Bertille et Jimmy d’une même voix.

Bertille avait crié sans réfléchir à ce qu’elle disait. Maintenant qu’elle y pensait, elle se rendait compte qu’elle n’avait plus du tout envie de partir.

-        Finalement, vous avez raison, je reste ! déclara Isabeau en se détachant de Bertille et en réajustant son blouson, l’air déterminé.

Une moue professionnelle collée sur le visage, les sourcils excessivement froncés, elle dégaina une loupe de sa poche et la vissa sur son œil gauche, l’autre main dans son dos, en se penchant sur le fond de la barque. Jimmy l’observa faire, impressionné.

Bertille en profita pour s’éloigner du sinistre embarcadère. Elle longea la berge où s’échouaient de petites vaguelettes vertes et remonta la côte qui menait au parc. Elle plissa les yeux et regarda tout autour d’elle, mais si Jehanne se cachait quelque part en attendant la nuit, ce n’était probablement pas là.

Elle se rapprocha des rangs serrés d’arbres au tronc fin qui bordaient l’île sur un côté. C’était là qu’ils avaient vu le bateau naviguer avec Jehanne à son bord ; si elle cherchait réellement quelque chose, c’était probablement là.

Bertille écarta quelques branches et regarda à travers le bosquet. Elle ne distingua rien de particulier. Elle refit plusieurs tentatives infructueuses, et au moment où elle scrutait le dernier endroit qu’elle comptait inspecter, un mouvement rapide dans les broussailles la fit sursauter. Elle lâcha la branche qu’elle tenait, qui vint lui égratigner la joue. La douleur lui arracha un petit cri.

Alertés, Jimmy et Isabeau arrivèrent en courant à sa hauteur, et ne virent que Bertille tenant sa joue dans la paume en cherchant des yeux quelque chose qui, semble-t-il, lui avait échappé.

-        Tu as perdu quelque chose ? demanda Isabeau en se rapprochant.

-        Non, soupira Bertille. J’ai surpris un truc dans le buisson, mais je me suis fait mal et je n’ai pas pu voir ce que c’était. Il est parti.

Jimmy haussa les épaules. Il leva le nez vers le ciel.

-        On va rentrer, qu’est-ce que vous en pensez ? Il va bientôt faire nuit. Maman va nous attendre.

Les filles le suivirent jusqu’à l’arbre où il avait déposé son vélo. Il balaya quelques feuilles qui s’étaient posées sur sa selle et enjamba le cadre. Bertille marcha silencieusement à côté de lui en direction du pont. Ils ne remarquèrent pas tout de suite qu’Isabeau ne les suivait pas.

-        Bertille ! entendirent-ils soudain.

Ils se retournèrent. Bertille reçut Isabeau qui s’était jetée dans ses bras après avoir couru jusqu’à eux de toute la force de ses jambes.

-        L’arbre… d’Isabeau…, haleta-t-elle en désignant derrière elle. Le chêne…la clé… vite !

 

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Fannie
Posté le 23/02/2020
Les trois amis ont envie de savoir s’il y a des indices ou des signes d’activité en rapport avec le fantôme, mais ils ne sont pas rassurés ; du moins les deux filles. Isabeau a cette manière typique des enfants de se prendre au sérieux avec sa loupe et son air bravache. Ils sont attendrissants. La suite nous dira s’ils ont raison de se croire embarqués dans une grande aventure.
Coquilles et remarques :
— en se penchant par dessus le parapet [par-dessus]
— ses yeux rêveurs barrés par ses cheveux rabattus par le vent [Il faudrait éviter les compléments « gigognes » introduits par le même mot.]
— Jimmy posa son vélo contre un gros arbre et s’éloigna en courant vers une pente herbeuse qui menait à la berge et longeait le grand mur de pierres de la mairie. [Pour éviter d’avoir deux fois « et », je propose « en longeant ».]
— Non ! firent Bertille et Jimmy d’une même voix. [Comme il y a déjà « fit-il » un peu plus haut, je propose « rétorquèrent », « répliquèrent » ou « lancèrent ».]
— Jimmy l’observa faire, impressionné [« l’observa faire » me semble étrange ; « l’observa » suffirait ]
— en cherchant des yeux quelque chose qui, semble-t-il, lui avait échappé [semblait-il]
— haleta-t-elle en désignant derrière elle [« haleter » n’est pas un verbe de parole et le verbe « désigner » devrait être accompagné d’un COD. Je propose : « articula-t-elle, haletante, en pointant du doigt derrière elle » ou « avec une geste de la main derrière elle »]
Mimi
Posté le 05/03/2020
Véridique ! Je me revois faire ça avec une loupe…
Merci pour le temps que tu prends à relever les erreurs !!!
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