Dans la grotte de la résistance
Sophya ne savait pas quoi faire, les aigles de Bénédit venaient de l’alerter de la présence de dizaines de miliciens à quelques kilomètres de leur cachette. Si elle déployait un brouillard, elle risquait de confirmer sa présence, mais si elle ne le faisait pas, ils risquaient également de les trouver. Courageuse, elle prévint la grotte de sa découverte. Les miliciens étaient sur leurs traces, l’escapade de Bénédit pour Hestia risquait de leur coûter cher. Quand Sophya fît son entrée dans la grotte, elle la retrouva agitée. Chacun partait dans tous les sens, prêt à se battre.
_ Calmez-vous ! Les miliciens ne sont pas si prêts, nous avons le temps de nous organiser ! cria Sophya au centre de la caverne.
_ Ce ne sont pas les miliciens qu’ils craignent, la coupa Tomàs inquiet.
_ Mais mon mari, précisa Hestia d’une voix pleine de culpabilité.
_ Viens écouter la radio, personne ne saura te répéter ce que nous avons entendu.
Tomàs l’amena jusqu’au poste, suivi de leurs nouveaux invités et de Bénédit. Les haut-parleurs reprenaient ce qui venait de se passer quelques instants au paravent. Garnel avait remis officiellement l’épée de Zro à Endza et donnait sa première mission à l’armée Kalokas, aller en terre physée pour tuer Bénédit Karmir. Ils partiraient dans l’après-midi pour rejoindre des miliciens déjà sur place.
_ Ils disent nous avoir trouvés, précisa Tomàs anxieux.
_ Je suppose que vous n’y êtes pas pour rien, s’agaça Sophya en toisant Hestia.
_ Ils les ont attaqués en plein désert, je suis venu à leur secours et j’ai pris la décision de laisser les miliciens assommés, mais en vie, intervenus Bénédit en écartant Sophya. Je plaide coupable.
_ J’espère que ça en valait la peine, rétorqua-t-elle sèchement.
_ Ce n’est pas tout…
Une nouvelle fois Sophya toisa Hestia du regard comme si celle-ci tenait à l’affronter à chacune de ses prises de paroles. Bien qu’elle était impressionnée par la force de caractère de l’adolescente, la dame de cœur ne se démonta pas.
_ Le ministre Asage dit détenir Vikthor et Arthur. Ils ont étaient déportés dans Les Lendemains Sans Peur.
_ Vikthor serait à la merci du bon vouloir du ministre, selon nos actions et Arthur devra attendre la fin de notre révolte pour être libéré, précisa Bénédit face à la lueur d’inquiétude qui perça le regard déjà ombrageux de sa protégée.
_ Nous… Nous avons les moyens de savoir si c’est vrai. Il faut vérifier, il faut les appeler. Je dois savoir ! s’agita Sophya en triturant le poste pour contacter les Lendemains Sans Peur.
_ Sophya… Nous devons attendre le soir. Nous pouvons avancer notre rendez-vous, mais pas changer l’heure de contact. Ça pourrait mettre en danger Gaultier, la calma Bénédit.
Tomàs s’entreprit alors d’expliquer à Hestia, Marie et Zaven leurs échanges avec les Lendemains Sans Peur. Ils avaient un moyen de savoir si tout cela était vrai, ils n’avaient juste qu’à attendre la tombée de la nuit. Leur rendez-vous ne devait avoir lieu que dans quelques jours, mais ils savaient qu’en cas d’urgence, ils pouvaient se contacter à 19h précisément. Pas avant. Ils ne restaient plus donc plus qu’à attendre. Enfin, si on leur laissait assez de temps pour ça.
_ Bénédit, Sophya ! Deux hommes ont été repérés tout prêt d’ici, prévint Hiwi alors que son pelage roux se hérissait sous l’inquiétude.
_ J’envoie un aigle récolter des informations !
De nouveau la grotte s’activa sous la menace. Tous prêts à en découdre, ils réfléchissaient néanmoins à la meilleure option pour tenir jusqu’au soir. Ils regroupèrent tout le monde au plus profond de la grotte pour éloigner les familles de l’agitation et trièrent les meilleurs soldats pour qu’ils se préparent à une éventuelle attaque.
_ Kalokas… souffla Bénédit. L’armée est déjà là… Mon aigle a repéré un telsman de topaze.
_ Nous sommes foutus ! pesta Zaven conscient des pouvoirs de son peuple.
_ Un telsman ? Ce ne sont donc que des messagers ou des traqueurs. L’armée n’est pas encore là et nous avons le temps de la dérouter, le reprit Hestia avec optimisme.
_ Et c’est celle qui a fui qui va nous donner des conseils d’attaque ? piqua Sophya en empoignant son arc et son carquois plein de flèches.
L’adolescente, prête à en découdre, se dirigea vers l’entrée de la grotte suivie par ceux qui l’avaient aidé lors de sa première révolte avec Sonfà. Elle fut surprise de se trouver face à deux hommes, dont l’un, en selle sur un cheval. Elle n’eut même pas le temps de sortir son arc qu’elle se trouva figer dans son mouvement, maintenu ainsi par la force d’un esprit envahisseur.
C’est pour ça qu’ils ont pu arriver jusqu’ici sans se faire repérer une seconde fois, compris Sophya toujours lucide.
Ses camarades subirent le même traitement, ils n’avaient pas le temps de réagir qu’on les clouait sur place.
_ Bénédit, nous sommes attaqués, prévint Sophya par son telsman.
Mais il était déjà trop tard, les deux inconnus avaient déjà dépassé le couloir quand l’ancien Élu reçut le message. Sans leur laisser le temps de s’expliquer, Zaven se jeta sur l’homme qui tenait le cheval de son acolyte. D’un coup de bâton précis, ce dernier écarta le jeune homme qui venait l’attaquer. Surpris, mais pas blessé, Zaven se releva rapidement prêt à redonner l’assaut. Derrière lui, Pim s’apprêter lui aussi à foncer dans le tas. L’ours n’attendait que les ordres de Bénédit. Effrayé par un tel attroupement, le cheval des inconnus commença à hennir et à reculer avec nervosité.
_ Ça, c’était une putain de mauvaise idée ou je ne m’y connais pas, grogna l’homme qui lui tenait la bride avant de reprendre d’une voix plus audible. Nous ne vous voulons aucun mal !
_ Ah oui ? Et comment expliquez-vous votre attaque sur mes compagnons ! s’insurgea Bénédit une arme au poing, prêt à faire feu.
_ Pour ça, je plaide coupable… intervenu l’homme à cheval d’une voix caverneuse.
_ Vous voyez ! Nous sommes de bonne fois… il plaide coupable, insista son compagnon dans une courbette fantasque.
_ Je crois qu’ils se foutent de nous… chuchota Zaven énervé.
_ Non, non du tout… répondirent en cœur les deux hommes en levant les mains en l’air en signe de reddition.
Mais alors que l’anarchie avait frappé la grotte, Mirà qui avait tout entendu du fond de ceele-ci s’interposa entre eux.
_ Flopin ! C’est Flopin ! s’écria la gamine en se jetant dans les bras de son père.
_ Qui ? l’interrogea Zaven largué.
_ Vous ? Vous auriez pu vous annoncer autrement ! le sermonna légèrement Bénédit avant de lui tendre la main.
_ Oui, je suis le fameux roi des vauriens ! Je vois que vous connaissez déjà mon enfant et voici Andzrev, un nouvel ami.
_ C’est lui le Kalokas, comprit Bénédit. Qu’il relâche l’esprit de mes compagnons.
_ Avec plaisir, acquiesça Andrzev avec appréhension.
Dès qu’il desserra son emprise sur Sophya et les autres, ils accoururent auprès de Bénédit. Méfiants, ils encerclèrent les deux voyageurs. Sans en tenir compte, Flopin aida Andzrev à descendre de cheval pour l’assoir par terre.
_ Vous êtes le Kalokas qui a enlevé Solaïne et Manon, s’écria Zaven en se jetant sur lui.
Comme la première fois, Flopin le repoussa violemment pour l’en dissuader. Zaven vu rouge, il se rappelait ce que Manon avait raconté sur cet homme handicapé qui rentrait dans sa tête. Cet homme qui avait, selon les descriptions d’Hestia, empêché Manon d’utiliser ses pouvoirs face à Loris Asage. Bien que Bénédit voulut calmer le jeu en demandant au jeune homme d’attendre des explications avant de le violenter, il ne put retenir la fureur d’Hestia.
_ VOUS ? Comment osez-vous venir ici ? gronda la dame de cœur d’une voix si furieuse qu’elle effraya tout le monde. Vous avez enlevé mes filles ! Pourquoi êtes-vous là ?
_ Je plaide coupable… répondit simplement Andzrev les larmes aux yeux.
_ Pourquoi ? répéta Hestia en courant droit sur lui pour défouler sa rage.
Encore une fois, Flopin s’interposa et la repoussa avec son bâton pour protéger son ami. Hestia ne s’en formalisa pas et s’agrippa à lui comme si sa vie en dépendait.
_ POURQUOI ?
D’un signe de la tête Andzrev intima à Flopin de la laisser passer. Sans réfléchir plus longtemps, la dame de cœur se jeta sur lui avec haine. Ses mains agrippant avec forces les épaules de l’homme qu’elle voulait questionner, elle avait l’impression de perdre l’esprit. Le voir ici ravivait sa douleur, la trahison de son mari. Andzrev se laissa secouer sans rien dire, accueillant sa peine comme il le pouvait. Mais tandis qu’elle le serrait de plus en plus fort, il lui attrapa délicatement les mains. Alors qu’elle eût un mouvement de recul, il la retint pour qu’elle puisse enfin lire ce qu’il avait sur le cœur. Et dans un souffle douloureux, elle recueillit ses révélations.
_ Manon… souffla-t-elle émue en percevant les images de sa fille en train de lier une amitié avec le télépathe.
_ Il a tenté d’aider vos filles. Malgré leur échec, Manon a tout fait pour qu’il réussisse à s’enfuir et retrouve la résistance, précisa Flopin à l’égard de l’assemblée qui s’était formée autour d’eux.
En larmes, Hestia le lâcha d’un coup, comme elle s’était jetée sur lui. Sans en demander plus, elle se releva pour rejoindre Bénédit.
_ Il dit vrai… murmura-t-elle d’une voix à peine audible.
_ Auriez-vous l’amabilité de nous ramener à mon peuple et de nous donner une chaise pour que mon ami puisse s’y assoir ? reprit le roi des vauriens avec douceur cette fois. Voyez-vous, son esprit est redoutable, mais ses jambes lui font défaut.
Bénédit et Hestia laissèrent quelques minutes aux deux inconnus pour s’installer et reprendre leurs esprits. Méfiante, Sophya les surveillait de près malgré les accolades de Flopin aux Oripeaux et aux Yeghes qui avaient déjà sa confiance. On leur apporta à boire et de quoi manger rapidement puis les vauriens s’assirent en arc de cercle comme s’ils en avaient toujours eu l’habitude. À part Bénédit, Hestia et Sophia, les Physés les imitèrent silencieusement.
_ Comme vous l’ont surement déjà dit mes amis, je suis venu en aide à Vikthor et Arthur alors qu’ils cherchaient à cacher ces six yeghes en fuite, commença Flopin comme s’il racontait un conte aux enfants.
_ Ça, nous le savons déjà, oui ! l’interrompu Sophya impatiente.
_ Tu lui ressembles… Comme ton frère tu as de jolis muscles dont tu es prête à te servir, faisant croire que vous n’accordez votre confiance à personne. Mais bien que la rage dans vos yeux dise le contraire, vous avez le cœur tendre…alors je vais continuer comme si de rien n’était et tu vas te taire ! rétorqua Flopin. Petite impertinente, ajouta-t-il d’un air faussement en colère.
_ Reprenez, exigea Bénédit tout aussi impatient.
_ Où en étais-je déjà ? s’interrogea faussement le roi des vauriens. Ah oui, je les ai menés dans mon cénacle pour échanger nos idées. J’avais besoin de mettre mon peuple à l’abri et eux, voulait exfiltrer ces hors-la-loi. Ils voulaient également entrer dans le manoir de Garnel Asage, certains qu’il détenait vos filles.
_ Il les détenait, le coupa Hestia.
_ Oui. La suite, laissez-moi vous la raconter en image. Andzrev… veux-tu ?
À ses mots, le télépathe fît apparaitre autour de lui les souvenirs d’Arthur et de Vikthor tentant d’accéder à la citadelle. Marie, Zaven, Hestia et Sophya furent soufflés de voir les pensées d’Andzrev prendre vie ainsi sous leurs yeux. Chacun était ému de revoir ses proches même s’il ne s’agissait que d’une vision brumeuse. Ce moment avait existé et les traits de leurs visages apparaissaient enfin devant eux après tout ce temps.
_ Alors qu’ils touchaient au but, Manon les accueillit dans la salle principale, commenta Flopin.
Pour la première fois depuis son enlèvement, Hestia revoyait sa fille. Elle tendit sa main pour la toucher, mais l’image vaporeuse se flouta à son contact. Elle se recula alors pour mieux comprendre la scène. Elle vit Manon menacer et empêcher son frère de lui venir en aide en s’opposant silencieusement à Vikthor. Alors que tous se questionnaient sur ces agissements, Zaven vit Solaïne entrer dans le souvenir. Une fois Vikthor et Arthur mis hors état de nuire, l’ainée fût amenée mourante à l’Élu pour être soigné.
_ Elle ne voulait trahir personne, mais elle en était obligée. Sinon Solaïne n’aurait pas survécu…
_ Comment était-elle tombée malade ? le questionna Zaven tremblant face à l’image de son âme sœur souffrante.
_ Par qui… lui répondit Flopin en faisant signe à Andzrev de révéler le fardeau qu’il portait.
Le télépathe fit alors voir à tout le monde le moment où Garnel Asage contamina Solaïne. Son aura pourpre qui se déploya derrière lui ne laissa aucun doute, comme eux, c’était un Sirélien.
_ Le ministre est un Physé talentueux. Son don a été dénaturé à la naissance et il le cache donc pour arriver à ses fins. Diriger, seul, le Nouveau Monde.
_ Dénaturé… répéta Hestia.
_ Maintenant, Andrezv.
Le vieil homme acheva la dame de cœur en lui montrant ce qu’il avait fait voir à ses enfants avant elle. Il fit découvrir à tous les images d’un enfant timide et solitaire qui habitait avec son père et son frère en terre kalokas. Il s’évertua à montrer ce que son père et son oncle avaient subi en étant battus par leur père, mais personne ne comprenait où il voulait en venir. Alors, sous les explications théâtrales de Flopin, il en vint aux faits pour présenter la venue au monde d’un troisième frère.
À l’instant même où elle le vu, Hestia le reconnu. Ses jambes plièrent sous le choc des révélations, mais Andrzev continua à illustrer ses souvenirs sous l’impulsion de Flopin qui voulait aller jusqu’au bout de l’histoire.
_ Encore un fils, encore un enfant maudit. Bien qu’il fût plus chanceux, lui aussi ne connut pas l’amour de son père. Si, contrairement à ses frères, on n’avait pas honte de lui grâce à sa puissance, ce n’était pas un enfant heureux pour autant.
L’adolescent à la peau blanche, aux cheveux de jais et aux yeux verts s’animait devant eux, toujours la mine triste. Certains l’avaient reconnu, d’autres préféraient attendre avant de penser quoi que ce soit. Mais les mots qui résonnèrent alors du souvenir lui-même firent frémir toute l’assemblée.
_ Paskhal, mon frère, toi aussi notre père te décevra un jour !
Enfin, Andzrev venait de se délester de son fardeau. Tous avaient entendu ce mot qui résonnait encore dans la grotte. Frère.
_ Paskhal, Loris et Garnel sont tous les enfants d’un même Kalokas, violent et haineux. Tous maudits, parce que leur père a préféré mettre son échec à l’intronisation sur le dos de son âme sœur humaine. Il l’a tué, car elle représentait sa faiblesse. Pour lui, c’était la raison pour laquelle il n’avait pas été élu. Or l’amour est le premier héritage de Namon. L’amour a lié les Siréliens et les humains dès le départ de Namon. Qui était-il pour le bafouer aussi impunément ? s’écria Flopin pour expliquer ces dernières images. Pour avoir battu à mort celle qui aurait dû lui apporter de l’amour, Zohab Agape fut maudit. Il s’évertua à fonder une famille qui répondrait à ses exigences de pouvoirs et de force, s’accouplant aux femmes les plus douées de chaque peuple sirélien. Mais aucune ne lui donna ce qu’il voulait vraiment, l’amour de son âme sœur. Il eut trois enfants, trois fils tous maudits. Garnel Agape, l’ainé, fils d’une puissante physée qui pouvaient guérir tout et n’important quoi et q i avait la particularité de pouvoir le faire à distance et à grande échelle… Apparemment son fils hérita du don inverse. Un second fils naquit lui d’une Hylée qui pouvait se recouvrir de métal. Elle ne redoutait pas les coups et assenait des corrections redoutables. Quand elle se rendit compte que son enfant n’avait aucun pouvoir et ne pouvait porter de telsman, elle le laissa à son père sans même se retourner. Le troisième et dernier fils, vous le connaissez bien. Sa mère est morte en couche, parait-il. Ou alors elle n’a pas supporté de lire l’avenir de son fils unique, allez savoir. Lui seul, montra un don puissant et non dénaturé comme ses frères. Il aurait pu faire la fierté de son père, il l’aurait aimé. Mais lui non plus ne connut que la rancœur.
Andzrev continua en montrant toutes les fois où il avait côtoyé ces trois hommes, expliquant leur plan de gouverner le monde. Il montra les discussions téléphoniques de Paskhal qui avait organisé l’enlèvement de Manon pour rester l’Élu et devenir le plus grand des Siréliens, les demandes de Loris pour gouverner la milice et ainsi détenir une force armée et enfin les plans de Garnel pour devenir le seul dirigeant.
_ Nous avions prévu de nous enfuir pour ses dix-sept ans, tous ensemble, commenta Andzrev pour la première fois. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Garnel s’est entiché de Manon et a tenu à lui faire un grand repas dans la salle des trônes alors que nous avions prévu de nous enfuir par les cuisines.
Autour d’eux, il représenta la tablée qu’avait fait faire le ministre. Hestia découvrit sa fille plus belle que jamais dans une cape bleue qu’elle reconnut au premier coup d’œil. Elle trembla de plus belle face à cette vision. Andzrev continua en racontant l’intervention de Loris qui avait fini de briser leur espoir d’évasion. Il montra comment Vikthor l’avait mené avec Solaïne jusqu’aux sous terrain pour ensuite rebrousser chemin. Puis comment Solaïne l’avait elle aussi suivi, l’intimant de venir jusqu’à la résistance pour raconter ce qu’il savait. La suite, il ne la connaissait pas. Mais il était là pour rattraper ses erreurs, pour faire sauver Manon. Il le lui avait promis. Cette fois, il se montrerait courageux.
_ Mais qui êtes vous pour savoir tout ça ? l’interrogea Hestia fébrile.
Tremblante, elle s’approcha doucement de lui. Elle s’agenouilla pour se mettre à sa hauteur et plonger son regard dans le sien. Tous les deux pleuraient silencieusement. La douleur se lisait sur leurs visages pâles. Il prit une grande inspiration avant de sceller son destin. Il savait qu’on risquait de le voir comme un traitre. Tout le monde ne ferait pas la part des choses comme Manon et Solaïne l’avait fait. Même Vikthor et Arthur s’étaient montrés méfiants malgré son aide alors pourquoi la résistance l’accueillerait à bras ouverts. Fébrile, il s’ancra plus profondément dans sa chaise comme si les maux qu’ils avaient sur le cœur étaient devenus un fardeau bien trop lourd à porter.
_ Je suis le fils de Garnel Agape… lachâ-t-il d’un trait.
Autour de lui, la foule s’agita dans un tas de murmures inaudibles. Andzrev n’avait pas besoin de les entendre, il lisait dans leur pensée comme dans un livre ouvert. Tous étaient choqués, tous étaient outrés. Il perçut la haine de Sophya gronder d’un coup et les larmes de Bénédit monter. Il aurait voulu partir en courant, mais il ne le pouvait pas. Il reposa son attention sur la femme qui se tenait à genoux face à lui. Elle voulait en savoir plus, tant de questions se bousculaient dans sa tête. Le télépathe pouvait sentir son agitation. Il lui tendit alors les mains pour qu’elle puisse elle-même compléter le tableau. Non sans hésitation, elle posa ses mains dans les siennes et plongea dans le passé de la famille Agape. Dans les souvenirs d’Andzrev, de ses enfants, mais aussi de Garnel, de Loris et de Paskhal. Tout ce que le télépathe avait pu découvrir, elle voulait le posséder. En quelques instants qui lui paressèrent une éternité, elle sonda Andzrev au plus profond. Quand elle eut l’impression de devenir folle, comme sa grand-mère avant elle, elle le lâcha d’un coup. Blême, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Marie sentant son mal-être accouru auprès d’elle.
_ Depuis le premier jour, il m’a menti, lâcha-t-elle alors à bout de souffle avant de s’évanouir.
Andzrev savait la dernière chose qu’elle avait lue, personne ne méritait de vivre cela. Mais il lui devait la vérité. Alors que tout le monde se rapprocha Hestia pour venir à son chevet, Sophya prit à parti Bénédit.
_ Il est temps de contacter Gaultier. Nous ne pouvons pas garder tout ça pour nous. Leurs histoires coïncident avec le discours de Garnel. Nous devons savoir si Vikthor est vraiment dans les camps.