Ni une ni deux, Bertille ramassa ses outils et les fourra dans le sac à dos. Isabeau trépignait nerveusement à côté d’elle, jetant des regards de tous côtés, comme si elle s’attendait à voir le cadavre de Jehanne surgir de la terre.
Quant à Jimmy, il restait anormalement immobile, tâchant visiblement de conserver son calme à tout prix.
- Qu’est-ce qu’on fait ? demanda-t-il d’une voix méconnaissable.
Il s’était redressé sur ses mains et semblait prêt à s’enfuir en courant.
- On ne reste pas là, déclara froidement Isabeau, qui serrait les poings et tentait de raffermir le tremblement de sa voix.
- Mais…et l’enquête ? demanda Bertille d’une toute petite voix, davantage par peur de s’attirer les foudres d’Isabeau qu’effrayée par la situation.
- Tu veux faire partie de la vengeance du fantôme ?
- Non, mais…
- Finis de ramasser tes affaires et on s’en va. Relève-toi, Jimmy, c’est pas le moment de traîner !
Jimmy se ressaisit et bondit à côté d’elle, tandis que Bertille, malgré le tremblement de ses mains, parvenait à manipuler la fermeture Eclair de son sac.
Les trois amis piquèrent un sprint jusqu’au pont, laissant derrière eux le vieux chêne dont les branches s’agitaient sous le vent. L’ambiance étrange, la bruine qui commençait à tomber, les poussèrent à accélérer leur course jusqu’à la maison de Jimmy.
Isabeau appuya frénétiquement sur la sonnette, Jimmy tambourina à la porte, et Bertille, qui restait en retrait, ne pouvait détacher son regard de la surface du lac, ondulant sous le vent. Elle retira de son visage les mèches de cheveux qui lui balayaient la figure, observant attentivement chaque recoin du lac.
- Si maman est sortie, ça veut dire que ma sœur est seule et écoute de la musique à fond. Elle ne doit pas nous entendre, déduisit Jimmy d’un air désolé.
L’obscurité se faisait un peu plus persistante, mais le fantôme de Jehanne ne renouvela pas son appel. Isabeau proposa de rentrer chez elle, en attendant le retour de la mère de Jimmy.
- Pas question ! s’écria Bertille. Je veux surveiller le lac, la chambre de Jimmy est la mieux placée pour ça.
Jimmy et Isabeau se consultèrent du regard.
- Il n’y a pas d’autre moyen de rentrer chez toi ?
- Tu veux dire autrement que par la porte d’entrée ?
- J’ai un double de la clé à la maison, intervint Bertille avec exaspération.
Les deux autres se tournèrent vers elle comme si elle venait d’inventer la machine à faire les devoirs.
- De nous trois, il n’y a que toi qui sache ouvrir le portail de l’école, Bertille, fit remarquer Jimmy, embarrassé.
- D’accord, je vais y aller, mais vous avez intérêt à ne pas bouger d’ici ! Et à surveiller correctement ce fichu lac ! céda Bertille.
Elle s’en fut en courant en direction de l’école, qui se situait à deux rues de là.
À son tour, elle assena de nombreux coups à la porte, sans succès. Bertille fronça les sourcils : son père devait pourtant être là ? Elle sortit alors son trousseau de clé de sa poche et déverrouilla la porte. Elle n’eut aucun mal à retrouver le double de clés de chez Jimmy, suspendu juste sous la clé de son cagibi dans la cuisine. Elle ressortit rapidement de l’école, prit le temps de bien refermer derrière elle, et se remit en route.
Au moment où elle passait devant la porte des Vermoncourt, elle entendit celle-ci s’ouvrir en grand. Elle s’arrêta net et fit face à l’ancienne concierge.
- Bonjour madame Vermoncourt.
- Bonjour Bertille. Je ne demandais qui faisait ce boucan à l’instant. Tu as oublié tes clés ?
- Non, s’excusa Bertille, je voulais juste gagner un peu de temps.
- Ah, fit simplement madame Vermoncourt. Tu t’en vas où maintenant ?
- Chez Jimmy, il avait oublié les clés de chez lui, alors je suis venue chercher le double.
- Ton papa n’est pas là ?
- Non, je ne sais pas où il est parti.
- Flûte, j’aurais voulu lui demander quelque chose…
- Je peux vous aider ?
Madame Vermoncourt sembla hésiter. Elle jaugea Bertille de la tête au pied, pas vraiment encline à partager son problème.
- Oh, non, rien. Tout va bien. Charles ne va pas tarder à rentrer je pense. Je me débrouillerai d’ici là. Bonne soirée, Bertille.
- Bonne soirée, madame Vermoncourt.
Bertille se remit en route, tournant et retournant dans sa tête sa drôle de conversation avec la vieille dame. Elle n’avait pas l’air dans son état normal…pourquoi voulait-elle voir son père ? Ils ne se parlaient pour ainsi dire jamais.
Le lac s’étendit soudain dans son champ de vision. Le crépuscule lui donnait une belle couleur bleue, mais rien ne glissait sur la surface. Elle arriva enfin au pied de la maison de Jimmy, où elle retrouva ses deux amis, toujours aussi effrayés qu’excités. Quant à elle, elle ne savait plus bien pourquoi elle avait insisté pour rester chez Jimmy…
- On n’a rien vu, se lamenta Isabeau. Peut-être que Jehanne ne se montre pas parce qu’on est là ?
Bertille dessina une moue d’incompréhension. Pendant ce temps, Jimmy ouvrait la porte et les faisait rentrer. Ils se débarrassèrent de leurs manteaux, tandis que Jimmy se proposait d’aller chercher du matériel de survie dans la cuisine - essentiellement constitué de biscuits et de lampes de poche pour éviter d’attirer l’attention du fantôme depuis la fenêtre.
Bertille retira ses chaussures et s’approcha précautionneusement de la vitre de la porte d’entrée. On voyait flou au travers, et il faisait trop sombre pour distinguer quoi que ce soit.
- On verra mieux depuis la chambre de Jimmy, intervint Isabeau. On y va ?
Elle gardait une petite voix par rapport à d’habitude. Elle avait toujours dit croire au fantôme, cependant, son côté rationnel prenait habituellement le dessus. Bertille sourit discrètement, satisfaite de ne plus être la seule à croire à cette histoire. Elle rejoignit son amie au pied de l’escalier.
Elles entendirent soudain un grand bruit en provenance de la cuisine. Jimmy débarqua une minute plus tard, les bras chargés de victuailles.
- J’ai fait tomber les gâteaux, j’espère qu’ils ne seront pas trop cassés, j’aimerais mieux éviter que maman apprenne qu’on mange dans ma chamb…
- C’est toi qui fais tout ce boucan, Jimmiportion ? rugit une voix en haut de l’escalier.
Jimmy fronça les sourcils et tordit le cou dans la cage d’escalier. Faustine avait passé la tête par-dessus la rampe depuis le deuxième étage.
- Ouais, on va dans ma chambre mais on fera plus de bruit, t’inquiète.
Faustine marmonna un « Mon œil ! » et l’on entendit la porte de sa chambre claquer. Jimmy haussa les épaules, contourna la rampe en s’accrochant au pommeau d’escalier et gravit les marches sur la pointes des pieds. Isabeau et Bertille l’imitèrent. Ils se retrouvèrent tous trois agenouillés devant la fenêtre, la lumière éteinte. Isabeau regardait l’extérieur à travers une vieille paire de jumelles d’opéra.
- On ne voit rien du tout là-dedans ! se plaignit-elle.
- Normal, elles doivent dater de mon arrière-grand-mère, pouffa Jimmy en piochant dans le paquet de chips.
Bertille cala son menton entre ses genoux et repoussa le rideau de la fenêtre, attentive au moindre mouvement dehors. Elle insista pour entrouvrir la vitre. Les deux autres acceptèrent de mauvaise grâce après qu’elle leur ait fait remarqué qu’ils entendraient mieux Jehanne ainsi. Cela les obligea à chuchoter.
- Vous pensez vraiment qu’elle va revenir ce soir ? s’impatienta Jimmy. Ça fait longtemps qu’on l’a entendue quand même.
- Elle est peut-être partie hanter une autre partie de la ville, suggéra Isabeau.
- Chut ! répliqua Bertille. Ce n’est pas comme ça que vous allez…
Ses yeux s’arrondirent subitement, sa main se porta à sa bouche pour contenir un cri. Elle agrippa le bras d’Isabeau :
- Là !
Impossible de se tromper. Ils la voyaient distinctement, étouffant une plainte, de la même façon que la première fois qu’elle leur était apparue, au même endroit :
- …uuuuuusssssstaaaaaaaaaaa…eeeeeeeeeee !
Bertille pouvait sentir le bras d’Isabeau trembler contre le sien. Jimmy, bouche bée, semblait incapable d’émettre le moindre son.
- Il faudrait prévenir la po…po…police, parvint-il à articuler.
- Tu crois qu’ils peuvent faire quelque chose ? s’inquiéta Isabeau.
- Moi en tout cas, j’ai aucune idée de ce qu’on peut faire pour l’instant.
- J’y vais.
Les deux se tournèrent brusquement vers Bertille. L’air déterminée, cette dernière s’était déjà levée et avait traversé la moitié de la pièce, armée d’une lampe de poche.
- Bertille ?
- Tu ne vas p…pas y aller !
- C’est dangereux, c’est pas une bonne idée !
- Tu…
Mais Bertille ne les écouta pas. Elle sortit de la chambre, traversa le couloir en courant, dévala les escaliers, attrapa son manteau au passage et se précipita vers la porte.
Au second, la tête de Faustine réapparut sur le palier.
- Vous le voyez vous aussi ?! s’écria-t-elle, alors que Jimmy et Isabeau, le visage collé à la fenêtre, hésitaient entre courir après Bertille et hurler.
Coquilles et remarques :
— qui serrait les poings et tentait de raffermir le tremblement de sa voix [Ce n’est pas le tremblement qu’elle tente de raffermir. Je propose « de raffermir sa voix tremblante » ou « de raffermir sa voix qui tremblait ».]
— Mais…et l’enquête ? demanda Bertille d’une toute petite voix [Comme il y a déjà « demanda » un peu plus haut, je propose « fit Bertille d’une toute petite voix ».]
— à manipuler la fermeture Eclair de son sac [la fermeture Éclair ; mais comme c’est une marque, je propose « la fermeture à glissière », « la fermeture à crémaillère » ou « la tirette ».]
— ne pouvait détacher son regard de la surface du lac / observant attentivement chaque recoin du lac [Pour éviter la répétition, je propose « de la surface de l’eau ».]
— Isabeau proposa de rentrer chez elle, en attendant [Pas de virgule avant « en attendant ».]
— il n’y a que toi qui sache ouvrir le portail [que toi qui saches]
— Et à surveiller correctement ce fichu lac ! céda Bertille. [Céder n’est pas un verbe de parole et il ne suggère pas la parole ; je propose « décida Bertille » ou « consentit Bertille ».]
— Bertille fronça les sourcils : son père devait pourtant être là ? [Il ne faut pas mettre de point d’interrogation : ce n’est pas une question, même si Bertille est perplexe.]
— Elle sortit alors son trousseau de clé de sa poche et déverrouilla la porte. Elle n’eut aucun mal à retrouver le double de clés de chez Jimmy, suspendu juste sous la clé de son cagibi dans la cuisine. [trousseau de clés / Il y a trois fois « clé(s) » dans ce passage. Je propose : « Elle sortit alors son trousseau de sa poche et déverrouilla la porte. Elle n’eut aucun mal à retrouver le double de clés de chez Jimmy, suspendu juste sous celle de son cagibi ».]
— Elle jaugea Bertille de la tête au pied [de la tête aux pieds]
— Elle n’avait pas l’air dans son état normal…pourquoi voulait-elle voir son père ? [Il faut mettre une majuscule à « Pourquoi » : ce n’est pas la même phrase.]
— On n’a rien vu, se lamenta Isabeau. [Je propose « déplora Isabeau », verbe qui suggère mieux la parole.]
— On voyait flou au travers, et il faisait trop sombre [Je ne mettrais pas la virgule avant « et ».]
— et gravit les marches sur la pointes des pieds [la pointe]
— On ne voit rien du tout là-dedans ! se plaignit-elle [Je propose « gémit-elle », verbe qui suggère mieux la parole.]
— après qu’elle leur ait fait remarqué [après qu’elle leur eut fait remarquer ; « après que » doit être suivi d’un indicatif et « fait » doit être suivi d’un infinitif.]
— L’air déterminée, cette dernière s’était déjà levée [L’air déterminé ; si tu dis « elle avait l’air déterminé(e) », c’est un accord d’intention, sur « elle » ou sur « air ». Dans ce cas de figure, tu dois accorder sur « air ».]